1687

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10].

2017
Source : Mercure galant, juillet 1687 [tome 10].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10]. §

[Prelude] §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 5-6

 

Quoy qu’apparemment vous sçachiez déja les noms de ces dignes Magistrats, je suis obligé de les mettre icy, afin que rien ne manque à mes Lettres, que je sçay que vous gardez comme une suite d’Histoire.

Remontrance de la Déesse Pallas à Loüis le Grand, pour l’établissement des Cadets du Parnasse. Vers libres §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 8-21

 

Les Vers qui suivent meritent vostre curiosité, & par le titre qu’ils portent, & par le nom de Mr Magnin qui en est l’Autheur. Vous sçavez qu’il est de l’Academie Royale d’Arles, & que sa Muse, qui a toujours le Roy pour objet, en a fait souvent l’Eloge.

REMONTRANCE
de la Déesse Pallas
À LOUIS LE GRAND,
Pour l’établissement des Cadets du Parnasse.
VERS LIBRES.

Grand Roy, dont la sagesse égale la vaillance,
Je suis entre les Dieux, sage, & guerriere aussi ;
Nous avons donc ensemble assez d’intelligence,
Pour me persuader que sur la remontrance,
Qu’en faveur des beaux Arts je viens te faire icy,
 Tu pourvoiras par ta prudence.
***
 Je sçay tous tes Exploits guerriers ;
 Comme leur gloire m’a charmée,
 Pour en consacrer les Lauriers,
 Je seconde la Renommée.
 J’admire avec tout l’Univers
 Et ta puissance redoutable,
 Et ces ménagamens divers,
 Qui sur la Terre, & sur les Mers
Font craindre & reverer ta force incomparable.
***
Ta vaillance n’est pas un vain emportement,
Qui de tes premiers ans ait signalé l’histoire ;
Une conduite égale a ménagé ta gloire,
De l’Aurore au Midy tout brille également.
Tout est si merveilleux, qu’à peine on le peut croire.
Est-il quelque établissement
Que n’ait imaginé ta sage prévoyance
Pour faire subsister ce terrible armement,
Qui montre à l’Univers jusqu’où va la puissance
D’un Roy qui sçait user de celle de la France ?
***
Ces Cadets qu’on éleve à l’honneur des Combats,
 Cette jeunesse guerriere
 Qui brille sur ta Frontiere,
 D’Officiers & de Soldats
 Ne ressemble-t-elle pas
 L’immortelle pepiniere ?
***
 Tout est contraint desormais
 De te demander la Paix.
He ! le moyen, grand Roy, qu’on te fasse la guerre ?
Quels Ennemis si fiers ne sont pas alarmez,
De voir les Combatans te naistre tout armez,
Comme ceux de Cadmus sortirent de la terre ?
***
Le Champ de Mars pour eux n’est point un air nouveau,
 Non, c’est le premier que respire,
Au sortir de l’enfance, & mesme du berceau,
 La Noblesse de ton Empire.
***
 Enfin, sous ton regne, Grand Roy,
Tout répond dignement à mon humeur guerriere,
 Ta conduite est d’une maniere
Qui ne me laisse rien à desirer de toy.
***
Mais encor qua je sois fortement attachée
 À tous les interests de Mars,
  De la gloire des beaux Arts
 Je suis également touchée.
Ils servent à la tienne, & tes Lauriers si verds,
  Sans la fidelle culture
  De l’Eloquence & des Vers,
Ne s’éleveroient pas en mille endroits divers,
 À cette hauteur sans mesure
 Qui les montre à tout l’Univers.
***
Je sçay que ta grandeur suprême
N’a pas besoin de ces secours,
Que tu ne la dois qu’à toy-même,
Et qu’elle durera toûjours ;
Mais à quelque degré de gloire
Que le Heros puisse monter,
Bien loin de negliger les Filles de Memoire,
 Elles ont droit de le chanter ;
 Mesme elles se peuvent vanter
 Qu’on leur doit tout ce que l’Histoire
 À de plus noble à raconter,
 Et c’est aussi ce qui t’anime
 À les rétablir dans leurs droits,
 Et leur marquer en mille endroits
 Ton agrément & ton estime.
***
 Tu les loges dans ton Palais,
Tu les fais honorer dans des Academies ;
En nul endroit du monde on ne les vit jamais
 Si riches, si bien affermies.
***
De toutes parts les beaux Esprits
Qui de ton Regne heureux meditent les merveilles,
Chaque jour, chaque instant, par leurs doctes écrits
Font voir que tes travaux font l’objet de leurs veilles.
Tu soutiens dignement leurs applications
 Par des graces, des pensions,
Quel Monarque jamais leur en fit de pareilles ?
***
Porter & l’entretien, & les frais des beaux Arts
 Aussi haut que ceux de la Guerre,
Il ne seroit pas juste, & l’on sçait bien que Mars
 Fait un grand fracas sur la terre ;
 Que dans un modeste repos
Une Plume sçavante, & toûjours occupée,
 Doit bien moins couter au Heros
 Dont elle décrit les travaux,
 Qu’un Guerrier qui tire l’Epée.
***
Mais ne pourrois-tu point, & mesme à peu de frais,
Prendre soin de ces voix heureuses & divines,
Qu’il semble que le Ciel veut former tout exprés
Pour chanter les vertus, pour chanter les hauts faits
 Des Heros & des Heroïnes,
Et qu’on voit au milieu d’une abondante Paix,
Languir comme une plante à faute de racines ?
 Quelquefois pour les soûtenir
 Il ne faudroit que l’influence
 D’une mediocre dépense,
Et c’est dont je voudrois te faire souvenir,
Pour consommer ta gloire, & celle de la France.
***
Enfin pour m’expliquer un peu plus clairement,
Les Muses par ma voix te demandent la grace
 De faire un établissement
Où l’on puisse élever des Cadets du Parnasse,
Où mille beaux Esprits qui malheureusement
 Naissent & vivent pauvrement,
Au lieu de s’abrutir, puissent prendre la place
De tant d’autres qu’on voit s’éteindre à tout moment.
***
Si ton Predecesseur, le fameux Charlemagne,
Pour avoir étably cette Vniversité,
Qu’un merite si pur, si solide accompagne,
 Dans tout le monde est plus vanté
Que par tous ses travaux & de Saxe, & d’Espagne,
Quelle gloire pour toy dans la posterité,
Quand tous les beaux Esprits que le Ciel fera naistre,
Chanteront, C’est LOUIS, le plus grand des Mortels,
 Qui nous fait briller & paroistre,
Nous ne brûlons d’encens qu’à ses sacrez Autels.
Ouy, sans luy le talent d’une heureuse naissance
Seroit ensevely sous la triste indigence
 Où nous tombâmes en naissant.
 Graces au Monarque puissant,
 Dont la royale prévoyance
 Alla si loin dans l’avenir,
 Une favorable influence
 Vint à propos nous soustenir.
***
Ce sont ces beaux Esprits dont les voix immortelles
Long-temps aprés la mort raniment les Heros ;
 Leurs Conquestes & leurs travaux,
 Leur nom, tout periroit sans elles.
***
Quand Auguste élevoit de superbes Palais,
Contemplant sa grandeur dans une heureuse Paix,
Auroit-il présumé du faiste de la gloire,
 Que pour consacrer sa memoire
Tous ses projets estoient inutiles & vains,
 Et qu’un jour sa superbe Ville
En apprendroit moins aux humains
 Que l’Eneide de Virgile !
***
Tu fais voir à ton tour, dans mille bastimens,
 Et ta grandeur & ta puissance,
 Mais tu dois craindre que le temps,
 De ces superbes monumens
 N’efface la magnificence.
 Sur la face de l’Univers,
Par tant de changemens, de ravages divers,
Ah ! qu’il voit élever & tomber de murailles ?
Sans ton heureux destin, peut-estre que les Vers
Qui pour chanter ton nom forment tant de Concerts,
 Dureroient plus que ton fameux Versailles.
***
Voilà ce que l’amour de ta gloire aujourd’huy.
M’inspire de te dire à l’honneur du Parnasse ;
 Au Champ de Mars, quoy que l’on fasse,
 Sans son secours, sans son appuy
 Tout s’évanoüit, tout s’efface.
 Prens soin de faire cultiver
Tant de jeunes esprits que forme la Nature,
 Et qui ne sçauroient s’élever
 Sans cette Royale culture.
***
Les Muses chanteront ta liberalité,
Elles en rendront compte à la posterité,
Mille cris soutiendront leurs graces immortelles ;
Et tout Heros qui tend à l’immortalité,
Apprendra de LOUIS, qu’on n’y va que par elles.

[Lettres Patentes du Roy pour l’etablissement de l’Academie d’Angers] §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 22-35

 

Je vous ay parlé de l’établissement de l’Academie d’Angers, & vous ay donné une description de la Feste qui se fit à son ouverture, que l’on peut dire qui fut solemnelle, puis que toute la Ville s’y trouva, & se montra toute en joye. Vous y avez vû l’Eloge du Roy, dans lequel vous m’avez dit que vous aviez remarqué quantité de pensées nouvelles, & c’est beaucoup, lors qu’il s’agit de parler d’un Prince, dont les loüanges sont dans la bouche de toute l’Europe. Ma Lettre du dernier mois vous apprit tout ce qui s’estoit passé dans la distribution des Prix de la mesme Academie. Comme il se fait beaucoup de Societez de Gens d’esprit qui s’assemblent en de certains jours reglez, pour se faire part les uns aux autres de leurs connoissances sur les belles Lettres, vous me mandez que l’on a douté dans vostre Province, que malgré tout ce que je vous ay écrit de l’établissement de l’Academie d’Angers, elle fust autre chose qu’une Societé de cette nature, c’est à dire, une Assemblée volontaire de Personnes sçavantes, dont les conferences estoient seulement autorisées par les Magistrats. Ceux qui ont ces sentimens luy font injustice, & la lecture des Lettres Patentes que Sa Majesté luy a accordées, les détrompera. En voicy les termes.

LOUIS par la grace de Dieu, Roy de France & de Navarre, à tous presens & avenir, Salut. Les Sciences & les Arts estant les principaux Instrumens de la vertu, & les marques les plus illustres de la felicité d’un Etat, Nous ne nous sommes pas moins appliquez à les faire fleurir au dedans de nostre Royaume, qu’à faire craindre nos Armes au dehors. Nous voyons avec plaisir le succés de nos soins dans un nombre presque infiny de Personnes sçavantes, qui se sont élevées sous nostre Regne, & qui mesme ont surpassé ce qu’il y a eu de plus excellent dans les autres Siecles. Les Academies qui sont établies dans nostre bonne Ville de Paris, & dans quelques autres Villes de nostre Royaume, n’ont pas peu contribué à en augmenter le nombre, & à les perfectionner, parce que ceux qui les composent conferant ensemble dans des Assemblées reglées, s’excitent reciproquement au travail par le desir de s’égaler & de se surmonter, s’instruisent par la communication de leurs lumieres, & font naistre dans le cœur des autres une noble émulation de se rendre dignes de remplir quelque jour ces places d’honneur. C’est pourquoy desirant continuer des établissemens si avantageux aux Lettres, & d’ailleurs estant bien informez que nostre Province d’Anjou est une des plus abondantes de nostre Royaume en bons Esprits ; qu’elle a produit dans tous les temps des Personnages d’un sçavoir éminent, dont les Ouvrages font encore aujourd’huy l’ornement des plus riches Bibliotheques, & que dans la Ville d’Angers, la Capitale de la Province, il y une Université fameuse & une Ecole publique de Mathematiques, d’où il sort tous les ans divers Sujets capables des plus hautes connoissances, Nous avons loüé le dessein de plusieurs Personnes studieuses de ladite Ville d’Angers, qui desirant se perfectionner dans les Sciences, nous ont demandé la permission de conferer ensemble de leurs Etudes dans des Assemblées reglées, sous le titre & la Discipline d’une Academie ; & pour leur donner moyen d’accomplir une si loüable entreprise, Nous avons bien voulu autoriser leurs Assemblées, permettant qu’il soit fait des Statuts & Reglemens pour la police qui doit y estre gardée, & gratifiant ceux dont cette Academie sera composée, de quelques témoignages honorables de nostre bienveillance. A CES CAUSES, & autres à ce nous mouuant, de nostre grace speciale, pleine puissance & autorité royale, Avons permis, approuvé & autorisé, permettons, approuvons & autorisons par ces Presentes signées de nostre main, lesdites Assemblées & Conferences ; Voulons qu’elles soient faites & continuées à l’avenir dans nostredite Ville, sous le nom de l’Academie Royale d’Angers, que le nombre des Personnes qui composent ladite Academie, soit fixé & limité à trente, outre ceux qui pour raison de leur dignité pourront y avoir entrée & place honorable, suivant les Statuts & Reglemens cy-attachez sous le contre-scel de nostre Chancellerie, que Nous avons approuvez & autorisez, & tous autres qu’il sera necessaire faire, sans qu’il soit besoin d’autres Lettres de Nous que lesdites Presentes, par lesquelles Nous confirmons dés maintenant, comme pour lors, tout ce qui sera fait pour ce regard ; Permettons en outre à ladite Academie d’avoir un Sceau avec telle marque, figure & inscription qu’il luy plaira, pour sceller tous les actes qui émaneront d’elle, & Voulons qu’elle soit pour le present composée des personnes dont la Liste est cy-attachée sous le contre-scel, que Nous avons nommées pour cette premiere fois, laissant ausdits Academiciens la liberté de remplir les places qui vaqueront à l’avenir, par la voye de l’élection conformément ausdits Statuts, & que lesdits Academiciens joüissent des mesmes honneurs, privileges, franchises & libertez dont joüissent ceux de l’Academie Françoise, établie dans nostre bonne Ville de Paris, à l’exception du droit de Committimus. Si donnons en mandement à nos amez & feaux Conseillers, les Gens tenans nostre Cour de Parlement audit lieu, & à tous autres nos Officiers qu’il appartiendra, que ces Presentes ils ayent à faire registrer, & icelles garder & observer selon leur forme & teneur ; Car tel est nostre plaisir. Et afin que ce soit chose ferme & stable à toûjours, Nous avons fait mettre nostre Scel à ces Presentes. Donné à Versailles au mois de Juin l’an de grace 1685. & de nostre Regne le quarante-troisiéme. Signé. LOUIS. Et sur le reply, Par le Roy, Phelypeaux. Et à costé Visa, le Tellier, pour établissement d’Academie. Signé, Phelypeaux ensuite.

Registrées, oüy le Procureur General du Roy, pour joüir par les Impetrans, & ceux qui leur sucederont, de leur effet, & estre executées selon leur forme & teneur, suivant l’Arrest de ce jour, à Paris en Parlement le septiéme Septembre 1685. Signé, Dongois.

Je me souviens que dans l’une de mes Lettres, je vous ay nommé les trente Academiciens dont Sa Majesté a fait le choix pour composer cette Compagnie. Si vous avez envie d’en voir les Statuts, je vous les envoyeray le mois prochain. Ce que vous venez de lire fait assez connoistre que si l’établissement des Academies est une affaire tres-serieuse par l’utilité qu’en peut retirer l’Estat, elle est en mesme temps fort glorieuse à ceux qui y sont receus puis que le Roy veut bien s’en mêler, & qu’il a daigné agréer le titre de Protecteur de l’Academie Françoise, lors qu’il luy a fait l’honneur de luy permettre de s’assembler dans le Louvre. Les découvertes qui se font de jour en jour dans celle qui prend le nom d’Academie Royale des Sciences, font voir combien l’établissement en est utile.

[Ce qui s’est passé cette année aux Jeux Floraux qu’on celebre tous les ans à Toulouse, avec les Pieces qui ont remporté les Prix, & les noms de ceux qui les ont faites] §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 63-74

 

Il y a quelques années que je vous parlay amplement de l’Institution des Jeux Floraux, qu’on celebre tous les ans à Toulouse avec beaucoup de solemnité. Je vous apris qu’une Dame appellée Clemence, avoit laissé une partie de son bien pour fonder des Prix, qui sont les recompenses des victorieux. Le premier est une Eglantine d’argent. & il se donne à celuy qui réussit le mieux dans la composition d’un Chant Royal. On donne un Vers qui doit finir un Sonnet qu’on est obligé de faire, & ce Sonnet se fait pour l’essay. Mr de Cironis, âgé de quinze ans, a eu le premier Prix cette année. Il est Fils de Mr de Cironis, Sieur de la Bastide & Beaufort, d’une des premieres Familles de la Ville, & Petit-fils de Mr le President de Cironis, qui a fait voir la grandeur de son genie, non seulement dans l’Art militaire, ayant servy en qualité de Mestre de Camp, mais dans la Charge de Capitoul, dans celle de Tresorier de France, & enfin de President au Parlement de Toulouse, qu’il a exercée avec beaucoup de capacité & de gloire. Ce Vers,

À toy, non pas à nous, Seigneur, la gloire est deuë.

ayant esté donné à Mr de Cironis, voicy le Sonnet qu’il fit pour l’essay.

L’invincible LOUIS, dont l’intrepidité
Fait reverer par tout son auguste Puissance,
Goûtoit paisiblement les fruits de sa vaillance,
Quand la Fiévre attaqua sa noble Majesté.
***
Des maux qui l’accabloient nostre esprit agité
En attendoit la fin avec impatience :
Mais le Ciel qui prend soin du destin de la France,
Sensible à nos desirs luy rendit la santé.
***
Tout son Peuple affligé dans ces rudes alarmes,
Formoit pour luy des vœux, & se fondoit en larmes :
Mais ce foible secours eust esté sans effet,
***
Et sans celuy du Ciel la France estoit perduë,
Il n’en faut pas douter, de ce bonheur parfait
À toy, non pas à nous, Seigneur, la gloire est deuë.

L’Heresie détruite fut le sujet qu’il choisit pour faire ce Chant Royal.

Non, ce n’est pas assez que ta main triomphante,
Grand Monarque, ait réduit tes Rivaux aux abois ;
Il faut qu’une Conqueste encor plus éclatante
Ajoûte un nouveau lustre à tes fameux Exploits ;
Il faut qu’un soin plus grand où le Ciel s’interesse
Combatte des Demons l’artifice & l’adresse,
Et leur fasse tomber, pour rendre leurs coups vains,
Et la rage du cœur, & les armes des mains,
Et que malgré les traits de la plus noire envie,
Il fasse voir quel est dans ses pieux desseins,
Le Monarque des Lys qui détruit l’Heresie.
***
Vous que l’illusion d’une erreur apparente
Jette confusément dans de fâcheux détroits,
De gens empoisonnez petite Troupe errante,
Pouvez-vous resister aux charmes de sa voix ?
Pouvez-vous resister aux traits de sa tendresse ?
C’est moins un puissant Roy, qu’un Amy qui vous presse,
Il combat les Luthers, il abat les Calvins,
Et renverse, touché de vos mauvais destins,
De mille faussetez leur doctrine noircie.
Peut-on n’écouter pas sur des conseils si sains,
Le Monarque des Lys qui détruit l’Heresie.
***
Vostre conversion paroist déja trop lente,
Rentrez dans vos devoirs, reprenez vos emplois,
Et ne méprisez pas une source abondante,
Qui verse dans vos cœurs mille biens à la fois.
Il est de la prudence, il est de la sagesse,
D’obeir aux conseils d’un Roy qui vous caresse,
D’un Roy dont aujourd’huy les ordres souverains
Sont de tout l’Univers & respectez & crains.
Revenez des erreurs où vostre cœur s’oublie,
Et craignez d’irriter par vos piquans dedains
Le Monarque des Lys qui détruit l’Heresie.
***
N’a-t-on pas vû plier sous sa force étonnante,
Hollandois, Allemans, Espagnols & Genois,
Qui malgré les efforts d’une ligue insolente,
N’osent rien entreprendre au mépris de ses Loix ?
Tout cede à son pouvoir, devant luy tout s’abaisse,
Souvent la resistance & le pique & le blesse.
Ennemis du vray culte, esprits fiers & hautains,
Prevenez les effets de vos malheurs certains,
Comment fuir le couroux dont son ame est saisie ?
Rien ne peut arrester dans ses exploits divins,
Le Monarque des Lys qui détruit l’Heresie.
***
Dans ces pieux desseins que ta main est puissante,
LOUIS, qu’on doit nommer le modele des Rois !
O Ciel, conserve encor une Vie importante,
Qui s’applique sans cesse à soutenir tes droits.
La Foy regne par tout, cette digne Maistresse
Porte dans tous les cœurs la paix & l’allegresse.
Que de Temples détruits, que de monstres éteints !
Du bruit de ses progrés tous les temps seront pleins ;
Par là du Grand LOUIS la gloire est affermie.
Et l’on doit reconnoistre à ces coups plus qu’humains,
Le Monarque des Lys qui détruit l’Heresie.

ALLEGORIE.

 Le Sauveur est icy le Heros que je chante,
Ce Dieu dont les bontez meritent nostre choix,
Et qui brûlant pour nous d’une amour obligeante,
Des miseres de l’Homme a porté tout le poids.
Le rebelle Pecheur que sa bonté redresse,
Rentre dans son devoir, reconnoist sa foiblesse,
Et des traits de l’erreur les cœurs les plus atteints,
La quittent pour entrer dans la route des Saints,
Son amour leur prépare une éternelle vie.
C’est sur ce beau sujet qu’heureusement je peins
Le Monarque des Lys qui détruit l’Heresie.

Air nouveau §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 74-75.

Je vous envoye encore un Printemps d'un excellent Maistre.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Tout est charmant dans ce Bocage, doit regarder la page 74.
Tout est charmant dans ce bocage,
Les Oiseaux amoureux par leur tendre ramage
De la saison nouvelle annoncent le retour.
Mais helas ! accablé de rigueurs inhumaines,
Je ne sens point comme eux les plaisirs de l'amour,
Et je n'en ressens que les peines.
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[Description des ceremonies qui s'observent à Avignon à la reception des Recteurs des Penitens Blancs dont plusieurs de nos Rois ont esté, & celle qui s'est faite cette année à la reception de M. de Brancas, Marquis de Villeneuve] §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 75-113

 

De toutes les Ceremonies publiques de la Ville d'Avignon, il n'y en a aucune qui se fasse avec plus d'éclat que celle de la reception des Recteurs des Penitens, & de leurs Processions pendant l'Octave du Saint Sacrement. Messire Henry de Brancas, descendu des Comtes de Forcalquier, Marquis de Ville-neuve, ayant esté éleu Recteur des Pénitens Blancs le 3. May dernier. Cette Compagnie qui a pour luy une estime singuliere, n'oublia rien de ce qui pouvoit marquer la joye qu'elle avoit de l'avoir pour Chef. Le Dimanche 25. du mesme mois, fut le jour où ce Marquis fit ses premieres fonctions en qualité de Recteur, & pour cela, la Chapelle fut parée des ornemens les plus precieux, pour tenir la place de ce qui manque à un ouvrage d'Architecture, de Peinture, de Sculpture, & de Dorure que l'on y fait, & qui montera à une somme fort considerable. [...] La Ceremonie estant extremement longue, on dit d'abord une Messe basse pour tous les Confreres, tandis que tout ce qu'il y avoit de Gentilshommes & de Femmes de qualité dans la Ville, se rendirent en cette Chapelle, avec une affluence de Peuple inconcevable. La Messe estant dite, M. le Marquis de Brancas, vestu de son habit blanc, & accompagné de ses deux Lieutenans de Recteur, & de tous ses Officiers & Confreres vestus de même, & rangez aux costez de la Chapelle, fit l'Office, à la fin duquel, la grand'Messe fut chantée par Mr l'Abbé de Tache, Chanoine de l'Eglise Metropolitaine, & Frere du premier Lieutenant de Recteur, avec les Violons & la Musique meslée de Hautbois, & d'autres Violons. Cent cinquante gateaux au sucre, tenant lieu de pain benit, furent distribuez par des Gentilshommes, Maistres des Ceremonies, vestus de leurs habits blancs.

Le Dimanche suivant, premier jour de Juin, qui estoit dans l'Octave du Saint Sacrement, la Compagnie des Penitens Blancs fit sa Procession particuliere, suivant l'usage étably. [Suit l'ordre des communautés et des personnalités présentes à cette procession.] Après cela venoit la Musique, composée de cent Musiciens, & meslée de Hautbois & de Violons, de la Composition de M. Durand, Maistre de Chapelle de Saint Agricol. Le sujet du Motet estoit la Paix & l'abondance, fiat pax in cordibus vestris, & abundantia in turribus nostris, qui sont les pieces des armes de Mr de Brancas Recteur. Ensuite on voyoit paroistre les flambeaux des vieux Recteurs, [...]. Trente-six flambeaux de M. le Marquis de Brancas Recteur, avec ses Armes & des rubans isabelle & bleu, suivoient tous ceux dont je viens de vous parler. Ils estoient de vingt livres, à la difference des precedens qui estoient seulement de dix, & vingt-quatre Violons qui marchoient derriere, faisoient entendre une agreable harmonie. [...]

Vous aurez esté surprise d'apprendre que Mr le Comte de la Suze, pendant qu'il estoit Recteur, ait dédié sa Procession à la memoire de Henry III. Il faut vous dire quel motif l'y obligea. Ce Roy passant par Avignon, & trouvant l'institution de l'illustre Compagnie des Penitens Blancs selon les regles de l'Evangile, voulut profiter des Prieres qu'on y fait, & pour cela il s'y fit recevoir comme on y reçoit les autres Confreres, dans les formes prescrites par leurs Statuts. Depuis ce temps-là on y a chanté l'Exaudiat avec l'Oraison pour le Roy dans la Messe après l'Elevation, toutes les Festes & tous les Dimanches. La reception de ce Monarque se fit en 1574, le 25. de Novembre, dans la mesme Chapelle, qui est aujourd'huy magnifiquement parée. Ce jour, où l'on celebre la Feste de Sainte Catherine, avoit esté choisi par la Reyne Catherine de Medicis, Mere de Sa Majesté. [...]

Il y eut un tres-grand Choeur de Musique de la Compagnie des Penitens, & l'Inquisiteur de la Foy y prononça l'Oraison funebre.

[Ceremonies faites en la Ville d'Argentan] §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 149-159

 

La solemnité qui s'est faite à Argentan, Ville de Normandie, pour la Translation des Reliques de seize Saints differens, a esté trop remarquable pour ne vous en pas donner le détail. Le Pere Jerôme, Capucin de la mesme Ville, les ayant obtenuës de Sa Sainteté pendant le sejour qu'il a fait à Rome, elles ont esté distribuées à plusieurs Eglises, & ceux qui ont eu le bonheur d'y avoir part, se sont reünis pour en faire la ceremonie. Le 16. du mois passé ayant esté choisy pour cela, Mr du Pré, Grand-Vicaire & Official de Sez le Siege vacant, vint officier à Argentan. Il ordonna d'abord que les Chasses, qui étoient au nombre de huit, fussent mises en depost dans l'Eglise des Capucins. Elle estoit d'une propreté & d'une décoration admirable, quoy que conforme à l'estat prescrit par leur Regle. [...] Le Clergé seculier & regulier se rendit dans cette Eglise, & après plusieurs Motets chantez en l'honneur des Saints, on leva les Reliques & la Procession commença. Les Musiciens marcherent d'abord, & quantité d'Instrumens se firent entendre. M le Comte de Grancé, Gouverneur de la Ville, parut immediatement après les Chasses. Il estoit accompagné de tous les Officiers, & de tout ce qu'il y avoit de Gardes du Corps dans la Ville, qui estoient venus joindre leur pieté à celle d'un peuple nombreux, que le bruit de cette Feste avoit attiré des lieux voisins. [...] Le Sermon fut suivy de quelques Motets que l'on chanta, & la Procession continua dans le mesme ordre. Plusieurs jeunes Gentilshommes vestus en Anges marchoient autour des Chasses, & portoient de gros flambeaux de cire blanche. On alla aux Eglises où ces Chasses devoient estre laissées, & l'on commença par celle de Madame d'Almesches, Fille de feu Mr le Maréchal de Grancé. Cette digne Abbesse qui gouverne sa Maison avec la plus exacte regularité, fit paroistre sa magnificence dans la decoration de son Eglise. Les ornemens en parurent singuliers, & les charmes de sa voix furent un nouveau sujet d'admiration. Sa communauté est une de celles de France où il y a des Filles qui chantent le mieux. Elles s'animerent d'un nouveau zele dans cette Ceremonie, qui fut continuée par l'Eglise de S. Martin, par celle des Religieuses de Sainte Claire, par celle des Jacobins, par celle de S. Thomas, & finit comme elle avoit commencé par celle des Capucins. Le soir, les Habitans firent preparer un grand Bucher devant la porte de la mesme Eglise. Mr le Grand-Vicaire, revestu de ses ornemens, & précedé de quatre Acolites, chacun un gros flambeau de cire blanche à la main, alla y mettre le feu, & il entonna le Te Deum, qui fut chanté par tout le Clergé. Les Trompettes & les autres Instrumens qui s'y trouverent, finirent la Ceremonie par l'Exaudiat & par les Prieres ordinaires pour le Roy.

[Vers en faveur des Infidelles] §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 159-164

 

Le Comte de Tekeli a joüé depuis dix ans un si grand Personnage sur le theatre du monde, que vous ne serez pas fâchée de voir le Portrait d’un homme dont vous entendez tous les jours parler. On en a frapé une Medaille. Je l’ay fait graver, & je vous l’envoye.

Vous allez estre surprise, Madame de… que vous connoissez, & qui a pris si souvent le party de la Constance, ne peut plus blâmer les Inconstans. Elle est charmée des Vers que vous allez lire. Le tour l’en a ébloüye, & elle se rend aux raisons qui favorisent l’infidelité, parce que l’Autheur les a exprimées d’une maniere agreable. Voilà ce que c’est que d’avoir beaucoup d’esprit ; on vient à bout de persuader tout ce qu’on veut. Lisez ces Vers, & m’en mandez vostre sentiment.

SUR L’INCONSTANCE.

La Constance & la Foy ne sont que de vains noms,
 Dont les Laides & les Barbons
Tâchent d’embarrasser la jeunesse credule,
Pour retenir toûjours dans leurs liens affreux,
 Par les charmes d’un faux scrupule
Ceux qu’un juste dégoust a chassez de chez-eux.
***
Cupidon sous les loix de la simple nature
Regit tout ce qu’il fait soupirer icy bas,
Il ne punit jamais rebelle ny parjure,
 C’est un Empire qui ne dure
Qu’autant que les Sujets y trouvent des appas.
***
 Dés qu’un Objet cesse de plaire,
Le commerce amoureux aussi-tost doit finir,
Le respect des sermens n’est plus qu’une chimere,
La perte du plaisir qui nous les a fait faire
 Nous dispense de les tenir.
***
L’amour de son destin est toûjours seul le Maistre,
Et sans que nous sçachions ny pourquoy ny comment,
Comme dans nostre cœur à toute heure il peut naistre
Il en peut malgré nous sortir à tout moment.
***
 Ulisse qui par sa sagesse
 Fut si celebre dans la Grece,
 Quoy qu’amoureux & bien traité,
 Refusa malgré sa tendresse
  D’accepter l’immortalité
À la charge d’aimer toûjours une Déesse.
***
Aimez tant que l’amour unira vos esprits,
Mais ne vous piquez point d’une folle constance,
 Et n’attendez pas que l’absence
 Où les dégousts, où les mépris
 Vous fassent faire penitence
 Des plaisirs que vous avez pris.
 Quand on sent mourir sa tendresse
 Qu’on bataille auprés d’une Maîtresse,
 Et que le cœur n’est plus content,
Que servent les efforts qu’il fait pour le paroistre ?
 L’honneur de passer pour constant
 Ne vaut pas la peine de l’estre.

[Réponse aux mesmes Vers] §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 164-167

 

Je vous envoye la réponse que l’on a faite à ces Vers. Ils sont sur les mesmes rimes & de la mesme mesure.

Mettez-vous à l’abry de ces infames noms
 Que les Ieunes & les Barbons
Condamnent avec droit dans une ame credule,
Le renom de volage est un renom affreux,
 Les cœurs sensibles au scrupule
N’ont jamais pû souffrir un inconstant chez-eux.
***
 Est-il rien plus constant que le cours de nature ;
Qui ne l’imite point a le courage bas,
Il fait mille leçons sur l’horreur du parjure.
 Voyez depuis quel temps il dure,
Luy seul de l’Univers fait briller les appas.
***
 Quel crime de chercher à plaire
Pour voir sa passion en peu de temps finir ?
A-t-on droit de traiter les sermens de chimere ?
Respectez les, Tircis ; l’amour qui les fit faire
 Vous doit forcer à les tenir.
***
 Lors que d’un tendre cœur il s’est rendu le maistre,
Doit-on compter le temps, ny pourquoy ny comment ?
Ah ! Tircis, il vaut mieux ny l’y pas faire naistre
Que ne l’y pas souffrir jusqu’au dernier moment.
***
 Ulisse montra sa sagesse
 En cherchant Penelope en Grece,
 Quoy qu’ailleurs il fust bien traité.
 Pour luy conserver sa tendresse,
 Dédaignant l’immortalité
Il quitta pour sa Femme une aimable Déesse.
***
 On distingue aisément les fidelles esprits.
Ils font des cœurs glacez triompher leur constance,
 Ils bravent la plus longue absence,
 Et lors qu’à force de mépris
 Ils ont assez fait penitence,
 Ils emportent enfin le prix.
 Aprés une longue tendresse
 La plus insensible Maistresse
 Rend celuy qui l’aime content.
Mille secrets appas qu’on ne voit point paroistre
 Sont faits pour un Amant constant ;
 Malheur à qui ne le peut estre.

[Madrigal]* §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 167-168

 

Tout le monde n’est pas du sentiment de l’Auteur de cette réponse ; vous le verrez par le Madrigal qui suit.

 La trop constante tendresse
 Inspire un air languissant ;
 Aimer & changer sans cesse
 Rien n’est plus divertissant,
Et si l’on est heureux avec une Maîtresse.
Quel plaisir tour à tour d’en pouvoir avoir cent !

[Histoire] §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 168-210

 

Les surprises de l’amour sont toûjours à craindre, & si l’on ne fuit dés les premieres attaques, on s’expose à succomber ; & bien souvent mesme, quelque necessité qu’il y ait de se guerir, on n’en vient pas à bout comme on veut. Un Cavalier fort estimé par son esprit & par son merite, en a fait l’épreuve depuis quelque temps d’une maniere qui vous paroistra fort surprenante. Un jour qu’il estoit dans un quartier éloigné du sien, il entra dans une Eglise, où il apperceut une assez jeune personne, dont deux ou trois inconnus qu’il écoutoit, parloient avec beaucoup d’avantage. Le bien qu’ils en dirent luy donna envie d’examiner tous ses traits. Il changea de place pour la mieux considerer, & trouva que quelques loüanges qu’on luy eust données sur sa beauté, on avoit moins dit qu’il ne voyoit. C’estoit une Brune qui avoit de grands yeux noirs tout pleins de feu, la bouche petite & tres-bien bordée, un teint des plus brillans & des plus unis, & enfin je ne sçay quoy dans tout son visage de si vif & de si piquant, qu’il estoit presque impossible de n’en estre pas frapé. Sa modestie fut encore un charme qui toucha le Cavalier. Elle avoit ses coëffes baissées, & quoy qu’elle attirast beaucoup de regards, elle ne jettoit les yeux sur personne. Au contraire, elle paroissoit toute recueillie en elle-mesme, & l’attention qu’elle causoit, ne laissoit rien voir en elle qui donnast des marques qu’elle eust l’esprit dissipé. Aprés qu’elle eut entendu la Messe, elle se leva, & ce fut alors, que la beauté de sa taille, qui estoit grande & tres-dégagée, fit une nouvelle impression sur le Cavalier. Elle traversa l’Eglise d’un air tout modeste, suivie seulement d’un petit Laquais qui n’avoit point de livrée. Le Cavalier s’en alla si-tost qu’il la vit partie, & dans tous les lieux où il se trouva le reste du jour, il fit le portrait de cette aimable personne. L’idée qui luy en resta fut si engageante, que deux jours aprés il retourna dans la mesme Eglise à la même heure. À peine fut-il entré qu’il vit arriver la belle Brune. Il en fut encore beaucoup plus touché qu’il ne l’avoit esté la premiere fois, & plein d’impatience de sçavoir qui elle estoit, la voyant sortir, il la fit suivre par un de ses gens, qui apprit son nom, & luy vint dire qu’elle estoit entrée dans une maison à porte quarrée, où il avoit sceu que depuis deux ans elle occupoit le second appartement avec sa Mere. Le Cavalier fut fort satisfait d’apprendre qu’elles logeoient assez à l’étroit. Il jugea de là que c’estoient des personnes peu accommodées, qui auroient besoin de quelque secours ; & comme il avoit l’ame liberale, il espera qu’aprés le premier accés trouvé, les presens qu’il leur feroit, les engageroient à le souffrir. Le lendemain il revint au mesme lieu, & y vit encore cette charmante personne, mais avec sa Mere. C’estoit une femme assez bien faite, âgée environ de cinquante ans. La modestie de la Belle, qui estoit toûjours la mesme, & un air noble répandu dans sa personne, luy répondant d’un merite peu commun, il se mit en teste de s’en faire aimer, & crut l’entreprise digne de ses soins. Aprés qu’elles eurent entendu la Messe, elles voulurent sortir, mais la pluye qui estoit survenuë pendant ce temps-là, les força de s’arrester au bas de l’Eglise. Il s’y arresta aussi, & comme elles envoyerent trois ou quatre fois leur petit Laquais pour voir si elle ne cessoit point, il prit le pretexte de l’inquietude où il les voyoit, pour s’offrir à les remener dans son Carosse. La Mere le remercia fort civilement, & la Fille estant ensuite obligée de répondre à quelque chose d’assez flateur qu’il luy dit, elle le fit d’une maniere honneste & spirituelle, mais assez fiere pour luy faire entendre que les douceurs ne luy plaisoient pas. La pluye augmentant au lieu de diminuer, il les pria de nouveau de s’en retourner dans son Carosse ; & afin qu’elles eussent moins de peine à l’accepter, il consentit à les laisser aller seules, si elles ne souhaitoient pas qu’il eust le plaisir de les conduire. Il leur fit cette priere de si bonne grace, & avec un tel empressement, qu’enfin elles se servirent de l’occasion, sans vouloir souffrir qu’il vinst avec elles. Il demeura dans l’Eglise, & attendit son Carosse, fort satisfait de cette démarche, qui luy donnoit lieu de leur rendre une visite. C’est ce qu’il fit peu de jours aprés. Son empressement parut les embarasser. Cependant comme il leur marqua de grandes honnestetez, elles ne purent se dispenser d’y répondre, & la conversation roula sur differentes matieres, qui firent briller l’esprit de la Fille. Il y remarqua beaucoup de vivacité, & fut charmé de la delicatesse de ses sentimens. La Mere ne manquoit pas de merite, & tout ce qu’il put apprendre, ce fut qu’elles estoient de Province, & que des affaires assez importantes les retenoient à Paris, où elles seroient encore quelque temps. Il leur offrit son credit, & leur fit connoistre qu’il estoit d’une Famille dont l’appuy n’estoit pas à negliger. Cette offre, dont on témoigna luy estre obligé, ne luy fit point accorder la permission qu’il demanda d’estre receu lors qu’il viendroit les revoir. La Mere qui connut à la maniere dont il commençoit à s’expliquer, que sa Fille luy plaisoit assez pour l’engager à de frequentes visites, luy dit qu’elle ne recevoit personne chez elle, & que neanmoins par reconnoissance du secours qu’il vouloit bien leur prêter dans leurs affaires, on consentiroit à le voir de temps en temps. Il ne put passer quatre jours sans revenir. On le receut un peu froidement, mais ses manieres aussi engageantes que respectueuses, eurent bien-tost dissipé cette froideur. On luy avoüa que l’on s’estoit informé de luy, & que les choses qu’on en avoit sceuës luy estoient assez avantageuses, pour leur donner lieu de n’avoir aucune peine à recevoir ses visites, si les assiduitez n’estoient pas toûjours prejudiciables à la reputation des Filles. Il promit de se regler, pour n’abuser pas de la bonté qu’on avoit de le souffrir. Un mois se passa de cette sorte, & il ne voyoit jamais l’aimable personne qui l’attiroit toûjours malgré luy, qu’il ne sentist redoubler l’attachement qu’il avoit pour elle. Il estoit galant, elle estoit touchante, & il prenoit toutes les occasions qui se presentoient de luy dire des douceurs. Elle s’en acommodoit pourveu qu’elles fussent generales, mais si-tost qu’il s’échapoit à parler de passion, il luy voyoit un air serieux qui l’obligeoit de se taire. L’estat où il se trouvoit luy faisoit beaucoup de peine. Quoy que la Belle eust mille agrémens, & qu’une noble fierté fist connoître sa naissance, comme il ne pouvoit esperer en l’épousant ny alliances considerables, ny du bien qui le flatast, c’estoit un dessein qu’il n’estoit pas resolu de prendre. Il vouloit pourtant se faire aimer, & il la voyoit d’un caractere qui ne luy permettoit pas de parler de son amour sans parler de mariage. Malgré l’exacte regularité de sa conduite, le peu d’opulence où il sembloit qu’elle fust, luy persuada qu’elle se relâcheroit à luy laisser dire tout ce que l’amour luy faisoit sentir, si quelques presens la disposoient à l’écouter favorablement. Il prit pour cela toutes le précautions qui la pouvoient engager à les recevoir, & luy en voulut d’abord faire de ceux que peu de Femmes refusent, quand on les connoist assez pour leur donner lieu de croire qu’ils ne tirent point à consequence ; mais elle les refusa d’un air fier, qui luy fit voir qu’elle se tenoit offensée de la liberté qu’il avoit prise. Comme l’amour ne perd jamais l’esperance, il s’imagina que ces sortes de presens n’estoient pas assez considerables pour estre acceptez, & cherchant l’occasion de luy en faire un plus important, il luy entendit parler un jour d’un Collier de Perles qu’elle avoit envie de se donner. Quelque temps aprés il alla trouver une de ces Femmes qui font le métier de Revendeuses, & qu’il avoit veuë quelquefois chez elle. Il luy mit entre les mains un Collier de mille écus, & luy ayant donné des leçons conformes à son dessein, il la chargea de le porter chez la Belle avec d’autres nipes. La Revendeuse y alla le lendemain d’assez bon matin, & aprés luy avoir montré quelques habits, elle luy dit que si elle avoit de l’argent à mettre à un Collier, on luy en avoit donné un à vendre, qu’elle auroit à grand marché. La Belle le prit, le regarda attentivement, & le rendant peu de temps aprés, elle témoigna estre fâchée qu’il fust d’un prix qui l’en devoit dégoûter. La Revendeuse qui estoit instruite, luy répondit qu’elle ne sçavoit si la personne qui le faisoit vendre, se connoissoit bien en Perles ; qu’elle avoit eu deux cens Loüis d’or de quelques Colliers qui n’approchoient pas de celuy-là, & que cependant on n’en demandoit que mille francs. La Belle l’examina de nouveau, & pretendit que s’il n’estoit pas d’un plus haut prix, il falloit qu’il eust quelque defaut qu’elle ne découvroit pas. Le resultat fut qu’on luy laissa le Collier jusqu’au lendemain pour le faire voir. Elle alla sur l’heure chez deux Connoisseurs qui l’assurerent qu’il estoit au moins de mille écus, & le Cavalier estant venu luy rendre visite, elle le pria d’en dire son sentiment. Il répondit que si elle pouvoit l’avoir à deux mille francs, il luy conseilloit de les donner promptement, & que quand elle voudroit s’en défaire, elle y trouveroit cent pistoles à gagner. La Belle ne balança plus sur cet achat. Elle tint son argent prest pour payer la Revendeuse ; mais elle fut fort surprise de passer huit jours sans en avoir de nouvelles. Enfin, lassée de l’attendre, elle envoya l’avertir de venir prendre les mille francs du Collier. La Revendeuse qui l’avoit laissé chez elle, luy fit dire qu’elle ne demandoit rien, & qu’une Dame estoit venuë de sa part luy apporter son argent. Cette réponse chagrina la Belle, qui connut d’abord que le bon marché luy échapoit. Elle ne voyoit que le Cavalier, & luy seul estoit capable de luy vouloir faire un pareil present. L’éclaircissement estant inutile, elle n’en eut aucun avec luy, & elle le pria seulement de se charger du Collier pour l’aller remettre luy-même entre les mains de la Revendeuse, parce qu’elle avoit changé de goust. Il s’opposa fortement à ce dessein. Il luy remontra qu’elle auroit peine à trouver une occasion aussi favorable d’avoir un Collier à bon marché, & luy offrit, si elle manquoit d’argent, d’avancer pour elle les mille francs qu’on en demandoit, en attendant qu’elle se vist en estat de les luy rendre. La Belle le regarda un peu fierement, & luy dit d’un ton si absolu, que sans chercher les raisons qui la portoient à renvoyer le Collier, il falloit qu’il fist ce qu’elle vouloit, qu’il n’osa pousser la galanterie plus loin. Une conduite si sage augmentant sa passion, il redoubla ses soins auprés d’elle. Il luy proposa plusieurs parties de plaisir, & il luy fut impossible de luy en faire agréer aucune. C’estoit assez pour les refuser, qu’elles pussent l’engager à quelque dépense. Sa gloire en estoit blessée, & jamais reserve ne fut plus entiere que celle qu’elle eut toûjours.

Voilà l’estat où estoient les choses, lors qu’un Marquis, fort Amy du Cavalier, vint luy faire une priere, dont il se trouva embarassé. Il estoit fils d’un pere tres-riche, mais imperieux au dernier point, & qui aimant le bien plus que toutes choses, vouloit l’obliger d’épouser une Heritiere, qui n’estoit ny belle, ny d’une naissance considerable. Ce Party, quoy que fort à rechercher du costé de la fortune, n’accommodoit point le jeune Marquis, & pour s’affranchir de la violence qu’on luy vouloit faire, il n’avoit pû imaginer un moyen plus seur, que de se donner le Cavalier pour Rival. Le Cavalier, maistre de son bien depuis peu d’années, en avoit assez pour pouvoir pretendre à l’Heritiere, & la proposition de son mariage avoit dequoy faire naistre des difficultez pour empescher, ou du moins pour retarder celuy que le pere du Marquis avoit dessein de conclure. Comme il avoit autre chose dans le cœur, il conjura le Marquis de le dispenser de l’engagement qu’il vouloit luy faire prendre, & luy avoüa qu’un autre amour dont il étoit prevenu, le laissoit peu en estat de faire l’Amant d’une Personne qu’il n’avoit point envie de connoistre. Il falut venir au détail de l’avanture. Le Cavalier ayant fort exageré l’austere vertu de la belle Solitaire, qui luy faisoit refuser jusqu’au plus foible present, le Marquis se mit à rire, & dit qu’il falloit qu’il s’y prist mal, n’y ayant aucune Femme dont avec un peu d’adresse il ne fust aisé de gagner l’esprit. Le Cavalier soutint qu’il perdroit son temps avec la personne dont il luy parloit ; & le Marquis assura que non seulement il luy feroit agréer qu’il allast souvent chez elle, mais qu’il trouveroit moyen de luy faire recevoir toutes sortes de presens. Il ajoûta, que s’il en vouloit avoir le plaisir, il n’avoit qu’à choisir chez un Marchand telle étoffe qu’il voudroit pour luy en faire un habit, & qu’avant qu’il fust dix jours il la luy verroit porter. Tout cela s’entreprenoit à condition que s’il en venoit à bout, le Cavalier seroit oblige de faire quelques démarches du costé de l’Heritiere. Le party fut accepté. Le Cavalier apprit au Marquis le nom de la Belle, & le quartier où elle logeoit, & luy envoya dés le lendemain une des étofes qui avoient le plus de cours, avec l’assortissement necessaire pour faire un habit de Femme. Deux jours aprés, le Marquis luy dit qu’il avoit rendu visite, & la peinture qu’il luy fit des lieux se trouva si juste, qu’il ne put douter qu’il ne luy dist vray. Le Cavalier fort surpris qu’il eust trouvé l’accés si facile, le fut beaucoup davantage quand il vit la Belle avec un habit de l’étofe même qu’il avoit choisie. Il fut contraint de tenir parole. Il envoya un de ses Amis aux Parens de l’Heritiere, & les propositions qu’on fit de sa part, empescherent que le Pere du Marquis n’avançast les choses autant qu’il eust fait sans cet obstacle. Le Cavalier avoit de tres-belles Terres, & son bien estoit present, C’estoit dequoy tenir l’affaire en suspens, & pour servir le Marquis, on la pouvoit faire traîner en longueur. Cependant le Cavalier ne put estre détrompé par l’épreuve de l’habit. Il dit au Marquis qu’il pouvoit avoir envoyé l’étofe par quelque personne interposée, qui la donnant à un prix fort bas, avoit déterminé la Belle à la prendre. Le Marquis offrant de luy prouver d’une autre maniere, que les gens adroits ne manquent jamais de réüssir dans tous leurs desseins, le Cavalier qui n’avoit pû obtenir de la Belle brune qu’elle agréast une partie de plaisir, soutint avec beaucoup de chaleur que son Amy ne seroit pas plus heureux que luy s’il en proposoit quelqu’une. Ce fut au Marquis un sujet de le railler sur le refus dont il l’assuroit. Il entreprit de mener la Belle dans une maison qu’il luy marqua à une lieuë de Paris, & de le mettre dans un Cabinet, d’où il pourroit voir qu’il ne s’engageoit à rien qu’il ne sceust executer. Le jour fut pris, & le Cavalier s’estant caché dans un lieu commode, vit son Amy qui se promenoit dans le Jardin avec la Mere & la Fille. On apporta la Collation qu’on servit sous un Berceau, & un mouvement de jalousie se meslant à son chagrin, il eut beaucoup de peine à tenir la parole qu’il avoit donnée de ne point paroistre. Le triomphe du Marquis estant pour luy un mortel outrage, il resolut de quitter une personne qui luy refusoit si obstinément aprés d’assez longs services, ce qu’elle accordoit aux premiers soins d’un nouveau venu ; mais il prit en vain cette resolution. L’amour qu’il avoit pour elle n’y put consentir. Il fut chagrin, jaloux, inquiet, & continua de la voir toûjours. Comme il cherchoit des raisons pour l’excuser, il s’imagina que sa complaisance pour le Marquis venoit de ce que le connoissant sujet aux ordres d’un pere qui luy destinoit un party avantageux, elle regardoit ses soins comme ne devant avoir aucune suite pour elle, puis qu’il ne pouvoit disposer de luy. Ces reflexions le soulagerent, & sa passion prenant de nouvelles forces, il voulut la satisfaire en se mariant avec la Belle. Si-tost qu’il eut formé ce dessein dont il ne dit rien à son Amy, l’asseurance du succés luy fit prendre un air content qu’il fit éclater dans sa premiere visite. La Belle frapée de l’enjoüement qu’il faisoit paroître, le pria de luy vouloir dire ce qui luy estoit arrivé d’heureux afin qu’elle pust y prendre part. Il luy répondit que le bonheur dont il se flattoit ne pouvoit estre plus grand, & qu’un seul mot de sa bouche devant le rendre certain, il estoit assez persuadé de son estime pour croire qu’elle voudroit bien le prononcer. Il acheva de s’expliquer plus ouvertement, & la Belle l’ayant écouté sans l’interrompre, parut resveuse & embarrassée. Elle revint de son trouble pour luy témoigner combien elle estoit sensible à l’honneur qu’il luy faisoit, aprés quoy elle ajoûta qu’il y avoit déja quelque temps que son amour luy étoit connu, qu’elle l’avoit veu s’accroistre insensiblement, quoy qu’elle eust tasché de le combattre par sa retenuë, & qu’observant toutes ses démarches, elle avoit remarqué avec chagrin qu’il eust voulu l’ébloüir par des presens sans luy parler comme il commençoit à faire ; qu’elle voyoit bien qu’il ne proposoit de l’épouser qu’entraîné par la violence d’une passion dont il n’estoit point le maistre ; que cette passion, toute vive qu’elle estoit, ne pourroit manquer de s’affoiblir par les droits que luy donneroit le mariage, & qu’elle avoit trop de delicatesse pour hazarder son bonheur sur les trompeuses amorces d’une fortune qui ne pouvoit remplir ses desirs. Des sentimens si peu attendus surprirent le Cavalier. Leur nouveauté luy fit admirer la grandeur d’ame qui les produisoit, & il en fut tellement touché, qu’aprés avoir donné à la Belle les plus tendres asseurances d’une passion qui ne finiroit jamais, il la laissa maistresse de ses avantages pour les regler comme elle voudroit. Toutes ses offres furent inutiles. Elle persista dans ses refus, & rien ne put l’obliger à changer de sentimens. Le Cavalier croyant que sa Mere auroit du pouvoir sur elle, la conjura de luy estre favorable, & toute la réponse qu’il en eut, fut que sa Fille luy estoit trop chere pour ne luy laisser pas une entiere liberté sur une chose de laquelle dépendoit tout le repos de sa vie. Il les vit encore trois ou quatre fois, & quoy qu’il n’oubliast rien de ce que l’amour peut imaginer de plus touchant, pour attendrir le cœur de la Belle, elle luy dit avec tant de fermeté qu’il ne devoit jamais esperer d’avoir en elle qu’une veritable Amie, qu’enfin le mauvais succés de ses esperances luy fit resoudre de ne plus songer qu’à sa fortune. Il demanda au Marquis s’il ne seroit pas fasché qu’il s’attachast tout de bon à l’Heritiere, & les instantes prieres que le Marquis luy en renouvella, l’autorisant à parler plus fortement qu’il n’avoit fait jusqu’alors, il luy fut d’autant plus aisé de réüssir que le Pere du Marquis mourut peu de jours aprés. Sa mort fit cesser l’engagement où l’on estoit avec luy, & le Marquis ayant témoigné de l’indifference pour ce mariage, il fut conclu en fort peu de temps avec son Amy. La Belle l’en felicita d’une maniere qui luy fit connoistre qu’elle l’estimoit veritablement, mais sans regreter les avantages qu’il avoit voulu luy faire. Deux mois s’estoient à peine passez quand le Marquis envoya prier le Cavalier de venir chez luy. Il luy dit en l’embrassant que comme il estoit son meilleur Amy, il vouloit qu’il fust le premier qui apprist une nouvelle dont il auroit de la joye. La nouvelle estoit qu’afin d’éviter les embarras qui accompagnent tout ce qui se fait avec quelque éclat, il s’estoit marié secretement, & que la personne qu’il avoit choisie pour se rendre heureux, venant d’arriver chez luy pour y prendre ouvertement le nom de sa femme, il ne pouvoit differer au lendemain à la luy faire connoistre. En mesme temps il le conduisit à l’appartement qu’il luy avoit destiné, & le Cavalier fut dans une surprise qui ne se peut exprimer, lors qu’il reconnut la belle Brune. Aprés luy avoir fait compliment avec un peu de desordre, il ne se put empescher de dire au Marquis qu’il devoit se reprocher d’avoir abusé à son prejudice d’une connoissance qu’il n’avoit euë que par luy. Le Marquis qui comprit ce qu’il pensoit fit cesser ses plaintes en luy apprenant que son mariage estoit fait il y avoit déja plus de deux années ; & qu’afin de le cacher à son Pere, qui estant imperieux & fort emporté eust pû le desheriter s’il l’eust découvert, il avoit prié sa femme de vouloir bien demeurer sans train & sans équipage dans un quartier éloigné, où il n’alloit la voir que le soir. Il ajoûta en riant qu’il ne devoit pas estre surpris qu’ayant le nom de Mary, il eust eu le privilege de luy faire prendre les étoffes qu’il luy avoit envoyées pour elle, & de l’engager à une partie de promenade. Cet éclaircissement donna lieu de dire mille choses agreables, & il ne fut pas difficile au Marquis d’obtenir du Cavalier de vouloir toujours demeurer Amy d’une personne qu’il avoit assez aimée pour la vouloir épouser.

[Sonnet sur la Mort chrestienne de ce Prince] §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 237-239

 

J’ajoûte un Sonnet à la gloire de Monsieur le Prince, sur une mort si Chrestienne. Il est de Mr l’Abbé Maumenet, Chanoine de Beaune.

Quand la foudre à la main courant à la victoire,
L’intrepide Condé s’exposoit au tres-pas,
La Parque vint s’offrir mille fois sur ses pas,
Preste à nous enlever ce Heros plein de gloire.
***
Mais il n’estoit pas temps d’honorer sa memoire,
Ce n’estoit pas assez des Exploits de son bras,
Le Ciel le destinoit à de plus grands Combats,
Et la Grace vouloit consacrer son Histoire.
***
Mars ne ceint pas toûjours le front de ses Guerriers,
L’esprit a ses combats, la vertu ses Lauriers,
Et la Paix ses Heros aussi-bien que la Guerre.
***
Condé victorieux dans le sein de la Paix,
En domptant son esprit plus vaste que la Terre,
Ne borne qu’en Dieu seul sa vie, & ses hauts faits.

[Services faits pour le repos de l’Ame de feu M. le Duc de Saint Aignan] §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 239-243

 

Il s’est fait un grand nombre de Service pour le repos de l’ame de Mr le Duc de Saint Aignan, tant à Paris que dans son Gouvernement & dans ses Terres. Le premier de tous a esté fait par un Gentilhomme qui luy avoit de grandes obligations. C’est Mr de la Touche de Belleviere, Gouverneur des Ville, Forts & Havre de Fescamp, & des lieux qui en dépendent. Il n’eut pas si-tost appris la triste nouvelle de cette mort qu’il alla trouver le Pere Prieur des Benedictins Reformez de l’Abbaye de Fescamp, qui est Vicaire General de l’Exemption, pour le prier de faire faire un Service solemnel, & de ne rien oublier de ce qui estoit deu à un Gouverneur de cette Province, de la qualité & du rang de celuy-là. Le lendemain dés le grand matin il fit sonner les Cloches de l’Abbaye, & envoya ordre, comme Grand-Vicaire, à tous les Curez de la Ville de Fescamp, qui ne reconnoissent point d’autre Evesque, aux Capucins, aux Religieuses, & enfin à tout le Clergé, d’offrir à Dieu toutes leurs prieres de ce jour, & de celebrer toutes les Messes pour le repos de son Ame. L’Eglise fut toute tenduë de noir, & l’on dressa un superbe Mausolée orné d’un nombre infiny de cierges, sur lesquels on mit les Armoiries de cet illustre Défunt. Le 27. du mois passé fut le jour qu’on prit pour cette lugubre Ceremonie. Tous les Curez des Paroisses de la Ville y assisterent avec leurs Etoles, & tout le Clergé s’y trouva ainsi que les Capucins. Toute la Noblesse de l’un & de l’autre sexe alla prendre Mr le Gouverneur chez luy. Il se rendit dans l’Eglise à la teste des Gentilshommes, qui furent tous placez dans le Chœur. Madame de la Touche sa Femme prit place dans le Jubé où toutes les Dames l’accompagnerent. La Messe fut chantée par la Musique de l’Abbaye, & Mr de Bourdemare, ancien Religieux de Saint Benoist, officia pontificalement à cause de la maladie de Mr le Grand Prieur. Mr le Gouverneur envoya ensuite des Billets à tous les Curez des lieux de sa dépendance, afin que chacun fist faire un Service dans son Eglise.

[Divers Ouvrages sur la mort de ce Duc] §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 245-251

 

SUR LE MESME SUJET
par le mesme.

SONNET.

Saint-Aignan ne vit plus, & la Parque traistresse,
Jalouse qu’elle estoit de ses longs & beaux jours,
À l’horreur du Parnasse en a tranché le cours
Quel funeste revers en trouble l’allegresse ?
***
À tous les beaux Esprits que ce deüil interesse,
Sa bonté genereuse estoit d’un grand secours,
Et le sien bravant l’âge & ses tristes retours,
Jusque dans les Tournois animoit lu Ieunesse.
***
Si dans le champ de Mars il charma les Gueriers,
Dans la Paix il joignit les Mirthes aux Lauriers,
Qui jamais s’est acquis une estime plus juste ?
***
Poly comme Mecene, & fier comme Agrippa,
Prés d’un Prince plus grand & plus sage qu’Auguste,
On sçait, & c’est assez, quel rang il occupa.

On a fait une autre Devise sur la mort de Mr le Duc de Saint Aignan. Elle a pour Corps une Statuë de Marbre de plein relief, representant ce Duc avec des Trophées d’Armes autour, & sur le front de cette Statuë, la Gloire éleve la main pour y mettre une Couronne avec ces mots, Virtuti hæc debita merces. Mr Rault de Roüen, Autheur de cette Devise, fait ainsi parler la Gloire.

Moy qui des grands Heros connois le vray merite,
Je veux qu’en lettres d’or leur gloire soit écrite,
Pour servir de modelle à la Posterité ;
Et qu’un si beau Laurier dont je fais leur couronne,
Dans le Temple fameux de l’Immortalité,
Soit le prix que ma main leur donne.
***
Dans ce Marbre nouveau si Saint-Aignan respire,
En voyant tous ses traits n’a-t-on pas lieu de dire
Qu’en mon Palais auguste il vit entre les Dieux,
Puis que de ce grand Duc les vertus & le zele,
Ont enfin merité par ses faits glorieux
 Cette récompense immortelle ?

Mr Lourdet a fait le Sonnet qui suit.

On voit le Parnasse en alarmes,
Les Muses se fondent en pleurs ;
Bellone & le grand Dieu des armes
Sont atteins de vives douleurs.
***
L’Amour mesme répand des larmes,
Les Graces perdent leurs douceurs ;
Venus n’a plus rien de ses charmes,
Qui peut causer tant de malheurs ?
***
Si tu veux apprendre la cause
De ce qu’à tes yeux on n’expose
Que des sanglots de toutes parts,
***
Passant, c’est qu’une belle vie,
L’honneur des neuf Sœurs & de Mars,
Vient d’estre à Saint-Aignan ravie.

Mr Petit, pour qui feu Mr le Duc de Saint Aignan avoit depuis fort long-temps une estime tres-particuliere, jusqu’à le traiter de Frere en Apollon, comme vous l’avez veu par quelques Lettres que je vous ay envoyées, a voulu marquer par ce Madrigal combien la memoire de ce Duc luy est precieuse.

Chery de Mars & des neuf Sœurs
Aimé du plus grand des Monarques,
Dont les éclatantes faveurs
En sont autant d’illustres marques ;
Saint, jeune malgré mes vieux ans,
 Avec le don de plaire aux gens
 Bien instruits en delicatesse,
 Passant, ce sort te semble beau,
 Mais chercher tout cela, foiblesse,
Pour en voir le Neant entre dans mon Tombeau.

[Article tiré de la République des Lettres du mois de May] §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 251-259

 

Mr Petit qui a fait ce Madrigal, est l’Autheur des Dialogues Satyriques & Moraux, donnez au Public depuis peu de temps. Comme ils sont de vostre goust, & que vous les avez trouvez aussi instructifs que divertissans, vous serez bien aise de voir le jugement qu’en a fait l’Autheur de la Republique des Lettres. Voicy de quelle maniere il en parle dans ses nouvelles du mois de May dernier.

Il est extremement agreable de voir des Ouvrages de Morale traitez d’une maniere fine & délicate. Les Dialogues que Mr Petit vient de nous donner, sont asseurement de ce genre, & il seroit peut-estre bien difficile de trouver sur ces sortes de sujets rien de plus galant & de mieux tourné. On y voit sur tout regner un certain air libre & naturel que tant de gens cherchent, & qu’on a tant de peine à rencontrer, l’Autheur paroissant toûjours le maistre de sa matiere dont il se joüe comme il luy plaist. Leur brieveté ne contribue pas peu à leur agrément, n’estant que trop veritable que les meilleures choses ennuyent & fatiguent par leur longueur. Que si cela a esté de tout temps, on peut dire que c’est particulierement le goust d’aujourd’huy. Cet Ouvrage est compris en seize Dialogues. Si on vouloit parler de chacun & en dire les beautez & les delicatesses, on feroit peut-estre un Ouvrage plus gros que celuy de l’Autheur. On se contentera donc d’en rapporter simplement les sujets contenus dans la Table du Livre. Le premier Dialogue est sur le peril que court un Autheur d’estre critiqué lors qu’il donne ses Ouvrages au Public, & l’on voit dans ces Dialogue le caractere de l’Auteur qui se tient dans cette honneste défiance, où l’on doit toûjours estre de soy-mesme. Le second, Que la Badinerie a des agrémens qui l’emportent sur le Serieux dans la Societé civile. Ce Dialogue fonde tout le caractere de l’Ouvrage. Le troisiéme, Qu’en matiere de galanterie l’Or fait plus de conquestes que l’Amour. C’est une veritée qu’on ne contestera pas. Un de nos beaux Esprits modernes a dit sur cela fort agreablement,

La Clef du coffre fort & des cœurs, c’est la mesme.
 Que si ce n’est celle des cœurs,
 C’est du moins celle des faveurs ;
 Amour doit à ce stratagême
 La plus grand’ part de ses exploits :
 A-t-il épuisé son carquois,
Il met tout son salut en ce charme suprême.

Le quatriéme Dialogue, Que la gloire aprés laquelle courent les Heros par tant de peines & tant de fatigues est une pure chimere. Le cinquiéme, Que l’Equité est bannie de la terre, & qu’elle ne se trouve ny à la Cour ny ailleurs. Le sixiéme, Que le bon sens ne se peut trouver dans les figures peu naturelles de la Poësie. Le septiéme, Que les Medecins & les gens de Guerre ont une égale licence de tuer impunément. Le huitiéme, Que le Jeu cause de plus grands maux que l’Amour. Le neuviéme, Que le Bonnet de Docteur ne fait pas le Docte. Dans ce Dialogue on voit assez bien le caractere des jeunes Abbez d’aujourd’huy. Le dixiéme, Que l’étenduë du desir ne sçauroit estre remplie. Le onziéme, Que toutes les Langues sont également belles, & que la Françoise n’est pas plus polie qu’elle estoit du temps de nos Peres. Le douziéme est sur l’injustice qu’on a faite à Moult, & à d’autres mots semblables, de les bannir de la Langue. Quoy que dans ces deux derniers Dialogues l’Auteur prenne le party du vieux Langage, on voit pourtant biens qu’il ne voudroit pas former son stile sur celuy-là, & que ce n’est qu’un jeu d’esprit. Le 13. Que tous les hommes se plaisent à estre trompez, & que personne n’a soin de chercher la verité. Le 14. Qu’il est impossible que l’homme vive tranquille, lors qu’il s’abandonne à son panchant. Le 15. Qu’il faut écrire purement, sans comparaisons & sans figures, & que la plus riche parure d’une Langue vient de sa naïveté. Le 16. Que les Gens de Cour sont plus esclaves que ceux qui sont veritablement chargez de chaînes. Si Mr Petit veut donner une suite à ces Dialogues, il ne doit pas douter qu’ils ne soient agreablement receus du Public.

Air nouveau §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 311-312.L'air est attribué à Honoré d'Ambruis dans le Livre d'airs du sieur Ambruis [F-Pn/ Vm7 504] (cf. LADDA 1682-17)

L'Air nouveau qui suit ayant exercé de fort belles voix, je ne doute point qu'il ne vous plaise.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Vastes deserts, Bocages sombres, doit regarder la page 312.
Vastes deserts, bocages sombres,
Vostre silence ny vos ombres
Si propres à charmer un amoureux soucy,
Ne me font pas venir icy.
Je ne viens point me plaindre de Climene,
Ny me plaindre du sort ;
Mais puis que je n'ay pû luy déguiser ma peine,
Je viens mourir, & luy cacher ma mort.
images/1687-07_311.JPG

[Sur le livre Observations sur les Fiévres & les Febrifuges]* §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 312-315

 

J’ay fait ce que vous avez souhaité de moy, & je vous envoye le Livre intitulé Observations sur les Fiévres & les Febrifuges, composé par le celebre Mr Spon, dont tous les Ouvrages ont eu un si grand succés. Je l’ay fait venir exprés de Lyon, où il se débite depuis quelque temps, chez le Sieur Amaulry ; un Livre si utile ne sçauroit estre trop vû, & il ne faut que l’avoir lû plusieurs fois pour estre Medecin de soy-mesme. Je ne vous en dis rien, puisque vous m’en avez fait l’éloge en le demandant, ce qui me fait voir qu’il vous est connu ; mais quand il ne vous le seroit pas, je croy que je me dispenserois de vous en parler, de peur de ne vous en pas assez dire. Tout Livre dont on a fait trois Editions, porte son approbation avec soy, & quand on en tire des connoissances utiles pour la santé, il faut que ceux qui ne l’ont pas, ne l’ayent point connu. Si vos Amis veulent avoir celuy-cy, ils le trouveront chez le Sr Guerout Court-neuve du Palais, qui en a fait venir plusieurs exemplaires, en demandant celuy que je vous envoye.

[Sur le livre l’Art de laver, ou nouvelle maniere de peindre sur le papier suivant le coloris des desseins qu’on envoye à la Cour]* §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 315-318

 

Il a fait venir en mesme temps un autre Livre, que vend à Lyon le mesme Libraire, & qui non seulement est nouveau, mais encore sur une matiere qui n’a point encore esté traitée, & c’est peut-estre l’unique Livre entierement nouveau, qu’on ait vû depuis beaucoup d’années. Il est intitulé, l’Art de laver, ou nouvelle maniere de peindre sur le papier suivant le coloris des desseins qu’on envoye à la Cour. Mr Gautier de Nisme en est l’Autheur. On y voit ce que c’est que laver, quelle est la difference de laver, de peindre à l’huile, à détrempe, à fresque, en mignature, sur le verre, en émail, avec des crayons colorez, sur le plâtre, & sur la soye, & d’enluminer. On y apprend de quelles couleurs on se sert pour laver, & comment on connoist les couleurs propres pour cela ; de quelle maniere on pique un Plan pour le dessiner d’aprés l’original ; comment on lave les Plans fortifiez, ceux des Bastimens civils & les Cartes, le tout auparavant dessiné avec de l’Ancre de la Chine par des lignes seulement. On y voit la maniere de laver les profils, & les élevations, ainsi que plusieurs autres choses touchant l’art de laver, dont il seroit inutile de faire icy un plus long détail. Ce Livre, qui se trouve aussi chez le Sr Guerout, est sur tout necessaire aux Ingenieurs, & aux Peintres, & doit estre d’une grande utilité à tous ceux qui font profession de mettre les couleurs à toute sorte d’usage, particulierement en ce qui regarde la methode de bien dessiner.

[Sur le livre Histoire Metallique de la République de Hollande]* §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 318-325

 

Je ne doy pas oublier de vous parler d’un Livre tres-curieux, & qui ne paroist que depuis la fin de ce mois. Il est intitulé, Histoire Metallique de la Republique de Hollande, & contient environ cent soixante Medailles, ou pieces de Monnoyes, avec leurs revers. Vous ne douterez pas de la bonté de ce Livre, quand vous sçaurez que Mr l’Abbé Bizoten est l’Auteur, puis que la profonde connoissance qu’il a des Medailles, s’est répanduë dans tous les Pays où l’on en frape, & qu’il n’en paroist point qui ne luy soient aussi-tost envoyées, comme à un Juge tres-habile de ces sortes d’Ouvrages, qui immortalisent plus les Princes, que tout ce qu’on peut écrire à leur gloire, parce que rien ne resiste davantage au temps que les Medailles, & qu’on ne peut faire d’Histoire qui soit moins suspecte à la posterité, En effet, les Medailles estant frapées incontinent aprés les actions qui en font le sujet, il faut necessairement qu’elles marquent la verité, puis qu’on écriroit aussi-tost contre la fausseté qu’elles publieroient. Le Livre de Mr l’Abbé Bizot finit par une Medaille bien remarquable. Elle represente le Roy en Buste, le casque en teste, couronné de Laurier, avec ces paroles,

Ludovicus magnus orbis
Pacificator.

On voit dans le revers la Paix sur le Globe de la Terre, tenant d’une main un rameau d’Olivier, & de l’autre une corne d’abondance. Au dessus est le Soleil qui dissipe des nuages par ses rayons,

Solus hæc otia facit.

La Hollande qui avoit servy si long temps de theatre à la Guerre avant que le Roy donnast la Paix à l’Europe, ayant fait fraper cette Medaille dans ce mesme temps, elle servira dans tous les siecles d’un témoignage incontestable de cette verité contre toutes les Nations jalouses de la gloire du Roy, qui pourroient chercher à obscurcir l’éclat d’une action qui n’a jamais eu de pareille, & qui n’en sçauroit plus avoir dans toutes ses circonstances, puis que de quelque gloire que se couvrist celuy qui marcheroit sur les pas de Loüis le Grand. il ne feroit que l’imiter. Comme Mr l’Abbé Bizot nomme dans son Livre ceux qui ont en France les plus beaux Cabinets de Medailles, je croy que vous ne serez pas fâchée d’apprendre leurs noms. Aprés avoir dit que le Roy a le plus beau Cabinet non seulement du Royaume, mais mesme de toute l’Europe, il parle de celuy de Mr le Marquis de Seignelay, & nomme ensuite.

Mr le Duc d’Aumont.

Mr de Matignon.

Mr de Harlay, Procureur General.

Mr de Lamoignon, Avocat General.

Mr de Baville, son Frere.

Mr le President Bignon.

Mr le President de la Proutiere.

Mr l’Evesque de Pamiers.

Le R. P. de la Chaise.

Le R. P. du Molinet.

Mr Hedeline.

Mr le Comte de Vaux.

Mr de Guenegaud, qui a esté Ambassadeur en Portugal.

Mr de Bonrepaux.

Mr le Commandeur de Gau.

Mr de Niert.

Mr Rainsant.

Mr de la Chapelle,

Mr Moreau.

Mr le Nostre.

Mr Vaillant.

Mr de Blois,

Mr Bodelot.

Mr Petit.

Mr de Montarsy.

Mr de Longpré.

Mr Gailhard.

Mr Charleton.

Il y en a encore beaucoup d’autres à Paris, dont les Cabinets sont moins remplis de Medailles, mais c’est plûtost manque de fortune, que de desir d’en avoir, la France estant devenuë depuis que le Roy y a fait fleurir les beaux Arts, ce que l’Italie estoit autrefois.

[Sur le livre Art de toucher le dessus & la basse de Viole]* §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 325

 

Je dois encore vous dire que M. d'Anoville Escuyer, a fait un Livre intitulé l'Art de toucher le dessus & la basse de Viole, contenant tout ce qu'il y a de necessaire, d'utile & de curieux dans cette science, avec des principes, des regles, & des observations si intelligibles qu'on peut en acquerir la perfection en peu de temps, & mesme sans le secours d'aucun Maistre.

[Sur le livre les Malheurs de l’Amour]* §

Mercure galant, juillet 1687 [tome 10], p. 326-327

 

Le Public a beaucoup d’obligation à ceux qui prennent tant de soin pour luy. Il n’en aura pas moins à une tres-spirituelle personne qui a fait un Livre intitulé les Malheurs de l’Amour. Il ne paroistra qu’à la fin du mois prochain, & je ne vous le sçaurois envoyer qu’avec ma Lettre du mesme mois que vous recevrez en ce temps-là. Je ne puis encore vous rien dire de ce Livre, sinon que ceux qui l’ont vû en manuscrit assurent, qu’il peut aller de pair avec tout ce qui s’est fait de beau de cette nature, & que c’est un de ces Ouvrages où se rencontre tout ce que l’on peut attendre d’un esprit tres-délicat.