1702

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12].

2017
Source : Mercure galant, septembre 1702 [tome 12].
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Mercure galant, septembre 1702 [tome 12]. §

[Prélude] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 5-8.

Les applaudissemens qui ont esté donnez à l’Ouvrage qui suit, m’ont engagé à le mettre au commencement de ma Lettre, afin que vous ayez plutost le plaisir de le lire.

AU ROY.
Sur la Victoire remportée en Italie par le Roy d’Espagne, le jour de l’Assomption.

SONNET.

Philippe fier Vainqueur, qu’une gloire naissante
Conduit des bords du Tage aux climats des Cesars ?
A peine tu parois au vaste champ de Mars,
Que tu remplis nos vœux & préviens nostre attente.
***
Intrepides témoins de sa main triomphante
Heros, qui sur ses pas voliez de toutes parts,
Quel Mortel endurci dans l’horreur des hazards
Vous parut plus tranquille & l’ame plus constante ?
***
Et vous, Monarque heureux de son Trône l’appuy !
Quel plaisir paternel goûtez-vous aujourd’huy,
Vous voyez à son char enchaîner la Victoire.
***
C’est l’ouvrage, Grand Roy ; de la Reine des Cieux
Pendant que vous faisiez ici chanter sa gloire
Elle la répandoit sur ce fils precieux.

Ce Sonnet est de Mr Maurel, Ordinaire de la Musique du Roy, dont vous avez déja vû plusieurs Ouvrages qui ont esté tres-favorablement reçus du Public.

[Réjouissances faites au sujet de cette Victoire] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 47-49.

On a chanté ici le Te Deum, & les Graces qu’on a renduës à Dieu n’ont point esté pour mieux tromper les Peuples ; on ne se jouë point ici du Ciel pour abuser les hommes, & comme l’on y a rendu graces à Dieu sincerement & de bonne foy, & la joye y a esté d’autant plus grande que l’on estoit persuadé qu’elle ne seroit point suivie de la honte qui retombe bientost aprés sur ceux qui rendent exterieurement des graces à Dieu qu’ils ne luy rendent pas dans le fond de leur cœur. Rien n’est plus sage & plus moderé que la Lettre du Roy à Mr le Cardinal de Noailles, pour faire chanter le Te Deum, l’Armée Imperiale chassée de Cremone, le Blocus de Mantouë levé, les Ennemis contraints d’abandonner leurs Postes, & repoussez avec perte en toutes rencontres, quatre de leurs Regimens taillez en pieces à Santa Vittoria, la Victoire remportée sur les Imperiaux proche de Luzzara, la prise de cette Place, & les avantages que l’on a tirez de cette Prise, font le sujet de la Lettre de Sa Majesté, & des graces qu’elle a fait rendre à Dieu. Elle ne cite que des faits éclatans, & reconnus pour veritables, & veut ignorer en suivant la prudence qui luy est ordinaire, tout ce que les Ennemis ont publié de faux, ne jugeant pas devoir faire attention à des choses qui se détruisent d’elles mêmes, & qui font plus de tort à la gloire de ceux qui les publient qu’à celle des Vainqueurs contre qui elles sont publiées.

[Les Echos d’Anet à Mr le Duc de Vendôme] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 49-58.

Aprés vous avoir parlé de tous les avantages remportez en Italie, je dois vous faire part des Vers suivans, puisqu’ils sont adressez au Prince à qui ces avantages sont dûs.

LES ECHOS D’ANET
A M. LE DUC
DE VENDOSME.

Prince, cheri de la Victoire,
Heros dont la valeur feconde en grands exploits,
Occupe chaque jour la Déesse à cent voix,
Dérobe un moment à ta gloire.
***
De l’aimable sejour d’ Anet
Nous sommes les Echos fidelles,
Qui pour t’en dire des Nouvelles
Venons de faire un long trajet.
***
Les ornemens divers de ces lieux enchantez
Marquent toûjours ton goust & ta magnificence.
Mais ce sont autant de beautez
Qui se plaignent de ton absence.
***
Dans ces Valons charmans où l’Eure
Semble par differens détours
S’opposer au penchant de son rapide cours,
La Nymphe suit ses bords, où l’art & la nature
Joignent à l’envi leurs atours,
Et son onde n’a plus qu’un languissant murmure.
***
Où courez-vous, dit-elle à ses flots empressez ?
Le Heros que je sers n’est plus sur ces rivages.
Arrestez vous, disparoissez ;
Dans le sein de la terre ouvrez-vous cent passages.
***
Que ne suis-je dans les climats
Où pour les plus grands Rois du monde
Ce Vainqueur déployant son invincible bras
Du sang des fiers Germains feroit rougir mon onde !
***
Pour luy seul sur mes bords on verroit de lauriers
Une moisson plus abondante
Qu’autrefois Rome triomphante
N’en offrit à tous ses Guerriers.
***
Du fond des Bois, Pan, triste, inconsolable,
Se fait entendre chaque jour.
Les Faunes assidus à luy faire leur cour
Vont partager la douleur qui l’accable.
***
Chers Habitans de mon Empire
Venez, dit-il, seconder mes regrets.
Le Prince pour qui seul en ces lieux tout respire,
Ne chasse plus dans nos Forests.
Loin d’ici pour Bellone il lance tous ses traits.
***
Quelle majesté, quelle grace
Brilloient dans ce fameux Heros !
Qui ne l’eust pris pour le Dieu de la Thrace
Quand parmi nous suspendant son audace
Il soutenoit sa gloire au milieu du repos ?
***
Chers Habitans de mon Empire
Venez seconder mes regrets,
Le Prince pour qui seul en ces lieux tout respire
Ne chasse plus dans nos Forests.
***
Dans la Plaine Flore soupire,
Et ne l’embellit plus de ses dons precieux,
Il semble que sans cesse elle songe en ces lieux
A l’inconstance de Zephire.
***
On l’entend dire en ses transports,
Il est donc vray ; la malheureuse Flore
N’a point de charmes assez forts
Pour retenir un Vainqueur qu’elle adore.
***
Quand me le rendras-tu, puissant Dieu des Combats ?
Ne l’abandonne point dans ta noble carriere.
Que l’Ennemi par tout abatu sous ses pas
Dans les champs morde la poussiere,
Et que de ses Exploits la prompte Messagere
Puisse m’apprendre en un seul jour
Et sa Victoire & son retour.
***
Prince, c’est ainsi qu’en ces lieux
Tout regrette un auguste Maistre.
Ta presence y fera renaistre
Les Graces, les Ris & les Jeux.
Que nous n’y voyons plus paroistre.
***
Mais déja prés de toy la Gloire impatiente
Se plaint de nos amusemens.
Du Soldat animé l’ardeur étincelante
Paroist aux moindres mouvemens.
***
Tout seconde un Chef intrepide.
Pallas s’avance dans les rangs,
Et fait briller la redoutable Egide
Dont elle arme les Conquerans.
***
Remply, Prince, remply tes destins glorieux.
Que tout l’Univers qui t’observe
Doute si la France reserve,
Pour se vanger, les bras des hommes ou des Dieux.
***
L’Aigle qui déja s’humilie
A l’aspect de nos Etendars,
Te pourra voir bien-tost au cœur de l’Italie
Effacer le nom des Cesars.
***
Tu trouveras nos retraites charmantes
Aprés de si fameux exploits.
Nos voix deviendroient éclatantes,
En les repetant mille fois.
Les Nymphes des eaux & des bois
Te paroistront toûjours riantes
Et les Charmilles verdoyantes
Disputeront à tes Lauriers
L’honneur de plaire au plus grand des Guerriers.
***
C’est ainsi qu’autrefois les celestes Campagnes
Firent de Jupiter les plaisir les plus grands
Aprés qu’il eut sous cent montagnes
Accablé l’orguëil des Titans.

[Mort de Mr Blanchefort]* §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 70-72.

La Maison de Blanchefort est tellement illustrée, & son antiquité est si reconnuë, qu’il est inutile d’en donner la Genealogie ; il suffit de dire qu’il y a eu un Grand Maistre de Rhodes de cette Maison. Guy de Blanchefort fils de Guy Sieur de Boislamy & de Souveraine d’Aubusson, sœur de Pierre d’Aubusson, aussi Grand Maistre, fut élû Grand Maître étant absent. Il étoit Grand Prieur d’Auvergne où il residoit ; Emery d’Amboise estant mort le 13. Novembre 1512. Guy fut élû à la pluralité des voix, il s’embarqua à Nice pour faire le trajet, & mourut en ce voyage, l’an 1513. On dit qu’à l’article de la mort la parole luy estant revenuë, il fit assembler tous les Musiciens & tous les instrumens qu’on put trouver, & fit chanter un De profundis en Musique autour de son lit, & qu’il mourut comme il l’avoit prédit. Il aimoit passionnément la Musique.

[Chanson]* §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 105-106.

Rien ne peut mieux suivre une Fête galante qu’une tendre Chanson, celle qui suit est de Mr le Camus.

Les plus charmans plaisirs sont faits pour les cœurs tendres, L’Air, Les plus [doit regarder la page] 106.
Amour leur fait goûter mille & mille douceurs,
Qu’il coûte cher de se défendre,
Disoit un jour Philis, les yeux baignez de pleurs.
Je cede, il est temps de se rendre,
Vaine fierté tu fais tous mes malheurs,
Les plus charmans plaisirs sont faits pour les cœurs tendres.
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[Vers à la gloire des beaux Arts] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 106-109.

Les vers qui suivent sont de Mr de la Tour, ils sont adressez à Mr de Mansart. Ils ne pouvoient paroistre sous un nom qui leur convint mieux puisqu’ils regardent les beaux Arts.

Le Regne de Louis voit fleurir les beaux Arts,
Aujourd’huy les Sculpteurs brillent de toutes parts,
Ils animent le Bronze, ils font parler le Marbre,
Tout en est noble & grand, tout est mis dans son lieu,
Et s’ils prenoient le tronc d’un arbre,
En luy donnant la vie, ils en feroient un Dieu.
***
Que de Peintres fameux, que de sçavantes mains !
Nous n’irons plus chercher les superbes Romains
Pour apprendre chez eux quels sont les coups de Maistre,
Bologne, Jouvenet, la Fosse, les Coipels,
Et ces rares Pinceaux que la France a vû naistre
Par de nobles efforts se rendront immortels.
***
Et toy brillante Architecture ?
Que renferme Clagny dans sa belle structure,
Tu fais voir à nos yeux la justesse de l’Art ;
Vaste & pompeuse Gallerie,
Et vous superbe Orangerie !
Pour charmer l’Univers, vous attendiezI Mansart.
***
Il va répondre au digne choix
Qu’a fait le plus juste des Rois,
Il va faire regner le beau feu qui l’anime,
Et voyant son genie en pleine liberté,
Il sçaura triompher par son talent sublime,
  Du Capitole si vanté.

Quoy que l’Auteur ait nommé dans ses vers quelques uns de nos plus fameux Peintres, la France en possede aujourd’huy un si grand nombre qui ont merité l’estime de toute l’Europe, qu’il ne prétend pas que ceux qu’il n’a point nommez soient exclus de ce nombre.

[Histoire] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 109-116.

Ceux qui m’ont envoyé l’histoire suivante assurent quelle est tres-veritable : Elle est arrivée dans une des grandes Villes qui sont sur la Garonne.

Une jeune demoiselle d’une Maison tres-qualifiée, fut touchée dans sa plus grande jeunesse du désir de se consacrer à Dieu dans un Ordre tres-austere. Cette pensée qui resta long temps gravée dans son cœur, commença à s’affoiblir par la dissipation où le commerce du monde la jetta. Cette jeune Demoiselle résista quelque temps ; mais enfin le danger continuel où elle estoit causé par l’étroite l’union qu’elle avoit avec des personnes tout à fait remplies des maximes dangereuses du monde, effaça toutes les impressions que la grace avoit fait naistre dans son cœur. Elle oublia entierement l’engagement secret qu’elle avoit contracté avec l’Epoux Celeste, & en forma un tout opposé avec un jeune homme de son âge qui avoit eu le malheur de luy trop plaire. Ce Cavalier plein d’une tendre ardeur pour cette jeune personne la rechercha ouvertement en Mariage. On n’eut aucune peine à la luy accorder : son Pere & sa Mere fort ignorans du Vœu indiscret qu’elle avoit fait consentirent avec plaisir à ce Mariage parce que le party estoit avantageux ; mais leur satisfaction dura peu. Le jour fut pris pour la Ceremonie du Mariage, mais à peine furent ils arrivez à l’Eglise pour y recevoir la Benediction Nuptiale, que la Demoiselle sentit dans tout son corps une agitation, & un fremissement qui remplirent son cœur d’effroy. Dans cet estat elle s’aprocha du Prêtre au costé duquel elle voyoit à mesure qu’il parloit & prononçoit les paroles qui l’alloit unir avec son amant, un spectre horrible qui lançoit sur elle des regards terribles, & qui la menaçoit d’une maniere dont elle fut tellement intimidée qu’elle s’évanouit. On l’emporta chez son époux (car la ceremonie estoit achevée) où, aprés qu’elle fut revenuë de son premier effroy, elle commença à pleurer hautement son infidelité dont elle demanda pardon à Dieu : mais ce qu’il y eut de plus fâcheux & de plus cruel pour elle est que pendant six mois qu’elle languit avec une fievre lente qui la consommoit, elle voyoit tous les soirs le spectre à la mesme heure qu’elle l’avoit veu la premiere fois, & toujours dans la même attitude. Chaque fois qu’elle le voyoit, elle poussoit des cris si épouvantables qu’on l’entendoit de plusieurs ruës. Enfin la veille du jour qu’elle mourut, le spectre revint à son ordinaire, accompagné de deux autres aussi affreux que luy. Alors il prit un livre d’une grandeur énorme des mains d’un des spectres qui en avoit paru chargé & aprés l’avoir feuilleté il s’arresta à une page dans laquelle il fit voir à cette pauvre Dame son nom écrit en caractere rouge, apres quoy ces trois spectres disparurent avec un bruit épouvantable que le premier n’avoit pas accoutumé de faire lorsqu’il estoit seul. Le lendemain cette Dame mourut à midy, & demanda à estre enterrée dans l’habit de l’Ordre où elle avoit fait autrefois Vœu d’entrer, ce qui luy fut accordé. Le mary consterné d’une avanture si extraordinaire, entra dans un Ordre tres-austere peu de jours aprés la mort de sa femme.

Cette Histoire fait connoistre qu’il est dangereux de faire des Vœux sans les tenir.

[Réponse de l’Echo de Beauvoir] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 116-118.

Dans le mesme temps que Mr Moreau de Mautour faisoit parler si galammens d’Echo de Beauvoir ainsi que vous avez veu dans ma lettre du mois passé ; cet Echo luy adressa les Vers que vous allez lire.

Toy qui fais l’ornement de ce riant climat,
Et de lieux les plus beaux sçais relever l’éclat,
Damon, qui t’entretiens souvent avec les Muses,
Lorsque dans leurs doux chants noblement tu t’amuses ;
Favori d’Apollon, viens celebrer ces lieux
Où l’on vit autrefois briller des demy-Dieux
Je suis prest de répondre aux accents de ta Lyre,
Charmé de ses concerts, je sçauray les redire,
Peut-estre qu’à l’envy les Rochers d’alentour
Jaloux de mon bonheur répondront à leur tour ;
Mais les Divinitez dans leurs antres cachées
Des attraits de ces lieux, ainsi que moy touchées,
Admirent ce sejour si beau, si doux à voir,
Que la vaste étenduë a fait nommer Beauvoir.
Il a produit à Mars des Guerriers magnanimes, *
Themis y medita ses loix & ses maximes,
La Pieté longtemps y fixa son sejour,
Et l’on voit les Vertus l’habiter tour à tour.
Cerés cette Déesse en ce lieu reverée,
Enrichit ses guerets d’une moisson dorée ;
Et la Nimphe des eaux, l’ornement du Vallon,
De la verte Pairie arrose le gazon.
Au milieu d’un grand Parc une grotte secrette
Aux Nymphes des Forests sert de douce retraite.
Pour moy, je suis caché dans un coin à l’écart ;
Là, tandis qu’on admire & la nature & l’art,
Dont chacun voit icy les beautez répanduës,
Et quelque soit le bruit de cent voix confonduës.
J’écoute, & redis avec fidelité,
Ce que vers moy les airs & les vents ont porté.
Mais de tant de discours aucun n’est comparable
Aux éloges qu’on donne à mon Hoste admirable.
Alcippe est estimé, respecté dans ces lieux
Et tous disent qu’il est digne de ses Ayeux.
Sans ton secours, Damon, sans ta voix qui m’excite,
Je ne puis dignement publier son merite,
Quitte donc ta retraite & tes bois de Mautour,
Et viens pour animer ma voix & ce sejour.
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Vers sur un mariage §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 121-123.

Il se fit le mois dernier en Normandie un Mariage de deux personnes d’une qualité distinguée dans la Province. La Demoiselle ayant perdu depuis peu Mr son Frere souhaita pour éviter l’éclat, que la Ceremonie se fist dans un Convent où elle avoit deux Tantes Religieuses, ce qui a donné occasion aux Vers suivans : Ils ont paru sous le nom du Solitaire sans chagrin.

Quoy dans un Temple de Vestales
Deux Amans indiscrets à la face des Dieux
Se jurent des ardeurs égales ?
Profanes, apprenez qu’icy de chastes feux
Pour un celeste Epoux brûlent mille rivales,
Et qu’on y deteste vos vœux.

Voici la réponse qu’on y a faite sur les mêmes Rimes.

Si dans un Temple de Vestales,
Deux illustres Amans à la face des Dieux
Se jurent des ardeurs égales,
C’est qu’ils doivent tous deux brûler de chastes feux.
L’aimable Amarillis n’aura point de Rivales,
Son Mirtil aura tous ses vœux.

[Description de la nouvelle Eglise de l'Hostel Royal des Invalides] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 128-131.

Vous avez déja veu divers Ouvrages que Mr Felibien des Avaux, Historiographe du Roy, a donnez au Public. On a imprimé depuis peu, une Description qu’il a faite pour Sa Majesté de la nouvelle Eglise de l’Hostel Royal des Invalides, avec un Plan General de l’ancienne & de la nouvelle Eglise. Comme cet Edifice est un monument digne de la Religion & de la pieté du Roy, & un Ouvrage excellent d’Architecture de la composition de l’illustre Mr Mansart, à present Surintendant des Bâtimens de Sa Majesté ; vous aurez sans doute du plaisir d’en voir une Description aussi exacte que celle-cy, où l’on a mesme décrit les ornemens de Peinture qui doivent embellir le dedans, & dont on n’a encore commencé que les premiers desseins. Ce livre se vend chez le Sieur Antoine Chrestien, Imprimeur au bout du Pont Saint Michel, vis-à-vis le Quay des Augustins.

Ce livre me donne occasion de vous entretenir d’un autre, dont il est parlé dans une lettre de Francfort datée du 15. Aoust. En voicy l’extrait.

Vous serez peut estre bien aise d’aprendre qu’on a découvert à Neustat un exemplaire du Poëme d’Athenaïs de la Guerre des Perses. L’avanture est singuliere. Un homme de cette Ville estant allé à un marché qui se trouve prés de là, fit une emplete considerable de beure. Sept ou huit jours apres, son fils qui étudioit, ayant donné à dîner à son Professeur, on servit de ce beurre sous lequel le papier estoit encor. Le Professeur ayant aperçu du Grec jetta les yeux dessus, & reconnut en le lisant que c’estoit le Poëme d’Athenaïs. On en chercha la suite que l’on trouva au dernier feuillet prés, qui estoit un peu plus endommagé, ainsi Mr vous ne serez plus le seul qui possederez ce rare & ancien Manuscrit, & celuy d’Allemagne tiendra compagnie à celuy de la Bibliotheque du Roy.

[Apothéose de Mad. de Scudery] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 132.

Je ne dois pas oublier en vous parlant d’un Ouvrage composé par une personne de vostre sexe que Mademoiselle Lheritier vient de donner au Public l’Apotheose de Mademoiselle de Scudery cet Ouvrage où l’invention brille, est rempli d’érudition. Il se vend chez Jean Moreau, ruë Saint Jacques, à la Toison d’or.

[Madrigal d’une Dame de Cremone] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 184-185.

Une Dame de Cremone qui entend parfaitement bien la Langue Françoise, a fait les Vers suivans sur le Combat de Luzzara.

Que de prodiges inoüis,
Philippes semblable à Louis
Entasse chaque jour victoire sur victoire :
Je voudrois celebrer sa gloire.
Mais quand je vois Crequi dans le sein du Tombeau
De mes premiers transports je ne suis pas le maistre,
Ah, Prince, vos Lauriers demandoient-ils pour croistre
D’estre arrosez d’un sang si beau.

[Eloge de Mr le Cardinal de Noailles] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 185-186.

Les Vers qui suivent sont de Mr Dader, & sont adressez à Monsieur le Cardinal de Noailles.

Modelle des Prelats, docte & pieux Noailles,
Vous dont les soins & les travaux
Font la gloire des Cardinaux
Et le bonheur de vos oüailles :
Quand vous suivez les pas du Souverain Pasteur,
A courir aprés vous vos Brebis sont fidelles ;
Leurs besoins touchent vostre cœur.
Et vos exemples sont pour elles
D’assez puissans motifs pour embraser le leur :
A les conduire à Dieu vostre zele s’applique,
C’est un vray zele Apostolique
Et Saint Pierre chargé du soin de son Troupeau
N’en fit pas briller un plus beau.

[Réjouissances faites par Mr l’Ambassadeur d’Espagne] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 186-191.

Le jour que l’on chanta le Te Deum pour les avantages remportez en Italie, & qui sont marquez dans la Lettre du Roy écrite sur ce sujet à Mr le Cardinal de Noailles ; tout Paris fut remply le soir de feux de joye, & les personnes de distinction firent illuminer leurs hostels. Mr l’Ambassadeur d’Espagne prenoit trop de part à l’allegresse publique, pour ne se pas distinguer en cette occasion. Toutes les fenestres de son Hostel furent remplies de grands flambeaux de cire blanche, & il est fort aimé & estimé dans tout son voisinage, ainsi que de tous ceux qui ont l’avantage de le connoistre, tout le peuple de son Quartier voulant faire honneur à la Feste, s’attroupa autour de son Hostel, les uns danserent, les autres beurent à la santé du Roy d’Espagne, & tous donnerent des marques d’une parfaite allegresse, par tous les moyens que leur zele leur inspira pour la faire paroistre. Mr l’Ambassadeur d’Espagne, dont le cœur est noble & reconnoissant, fit donner ordre à tous les Cabaretiers de son quartier de fournir à ses dépens, à tout le peuple tout le vin qu’il demanderoit. Cette liberalité fit redoubler la joye de ce peuple, & il la témoigna par des acclamations redoublées. Cependant il n’abusa pas de cette liberalité ; car bien que Mr l’Ambassadeur ne l’eust point limitée, & que cela pust aller jusqu’à la profusion, le peuple n’en abusa pas ; chose rare en pareille occasion, & marqua plus de reconnoissance & plus de joye que d’emportement & d’avidité pour le vin.

Lors que la nuit fut fort avancée, & qu’il fut temps de se retirer, on jetta à ce mesme peuple tous les flambeaux qui remplissoient le grand nombre de fenestres qui sont à l’Hostel de ce genereux Ambassadeur. Mr le Marquis de Leganez, dont je vous ay déja parlé dans ma Lettre, qui logeoit chez ce Ministre, & qui l’a magnifiquement regalé pendant trois semaines, fit aussi de son costé des liberalitez au peuple, & témoigna bien la part qu’il prend à la gloire, & au succez des armes du Roy son Maistre.

On peut dire que les feux que l’on fit ce soir là, furent de veritables feux de joye, & que ceux que la politique a fait faire aux Ennemis, n’ont esté que des feux d’artifice.

[Grande Relation du Perou] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 191-215.

Il s’est fait de grandes réjoüissances au Perou. Je vous envoye une traduction de la Relation Espagnole qui en a esté envoyée icy.

PROCLAMATION SOLEMNELLE
ET CAVALCADE ROYALE,

Qui se fit à Lima, Capitale du Perou, pour l’avenement de Philippe V. aux Couronnes des Espagnes, par l’ordre & le Zele de son E. Dom Melchior Porto-Carrero Comte de la Monclava, Viceroy du Perou, &c.

Monsieur le Viceroy du Perou n’attendit pas des ordres exprés de Madrid, pour proclamer Philippes Roy des Espagnes. Dés qu’il sçut qu’on en avoit eu avis à Panama, il ne songea qu’à donner des marques publiques & éclatantes de sa fidelité, & de son zele pour son nouveau Maître. Ne pouvant donc plus douter que cette proclamation n’eût déja esté faite dans les formes à Madrid, S. Excellence aprés avoir consulté tous les Tribunaux de cette magnifique Ville, resolut que cette Ceremonie se feroit avec tout l’éclat possible le 5. d’Octobre 1701. Mr le Viceroy ordonna sur l’heure Lalferez Royal de cette Ville, nommé Dom Pedro Lascano Centeno d’en donner avis à toutes les personnes titrez & nobles. Chacun se prepara à y paroître avec le plus d’éclat & de magnificence qu’il luy seroit possible. On chercha des chevaux du plus grand prix, ceux qui n’en avoient pas d’assez beaux en acheterent, qui leur coûterent quatre & cinq cens écus. On fit broder des habits, que la pluspart couvroient de perles & de diamans. Les harnois des chevaux furent d’une richesse proportionnée, les étriers étoient d’or ou d’argent. Les rubans & les dorures y furent prodiguées avec autant de goût que de magnificence. On n’y épargna rien ; & comme ce qui vaut deux écus en Europe, se vend douze & seize au Perou, on peut dire qu’il ne s’est point fait à cette occasion de Feste qui ait autant coûté.

En mesme-temps la Ville fit travailler avec beaucoup de soin aux ornemens publics. On éleva quatre Théatres magnifiques dans les quatre places principales où devoit se faire cette Proclamation. Le 4. d’Octobre à midy les carillons de toutes les cloches, annoncerent le commencement de cette Feste. A l’entrée de la nuit toute la Ville parut en feu par les magnifiques illuminations qu’on y voyoit de tous côtez, & qui se continuerent les deux nuits suivantes. On fit un feu d’artifice d’une invention singuliere dans la Place Major, qui fut differend de ceux qu’on tira les trois nuits suivantes.

La matinée du cinquieme fut destinée aux actions de graces qu’on rendit à Dieu pour un si grand bonheur. Son Excellence se rendit à l’Eglise Metropolitaine avec les Juges, les Nobles & tous les Corps de Justice. Mr l’Archevesque à la teste de son Chapitre, vint la recevoir, & luy donner l’Eau benite à la porte de l’Eglise, où l’on commença à chanter en Musique le Te Deum. M. le Viceroy avoit ordonné qu’on éleva un Autel magnifique separé du grand Autel où l’on mit avec le plus d’éclat qu’il fut possible les trois riches bustes de l’Apostre Saint Jacques, Patron de l’Espagne, de S. Hermenegilde & de S. Ferdinand Roy d’Espagne, afin que par leur intercession les ardentes prieres qu’on faisoit pour la prosperité de Philippe V. fussent plus agreables à Dieu. Toutes les ruës par où devoit passer cette grande pompe, estoient ornées des plus riches tapisseries. Tous les particuliers qui n’avoient point de rang dans cette Ceremonie, s’estoient piquez chacun en son particulier d’estre magnifiquement vêtus. Le concours y fut tres grand. Sur les deux heures aprés midy toutes les Dames se rendirent chez Madame la Vicereine avec tout l’éclat que la pompe d’une brillante parure peut ajoûter à la beauté. Tout ce grand nombre de Dames qualifiées se distribuerent aux balcons & aux fenêtres pour voir la Cavalcade dans la place Major. On ne peut rien imaginer de plus magnifique & de plus éclatant, on ne voyoit que des chevaux de prix, & un tres-grand nombre de Cavaliers adroits & bien faits qui les montoient, des livrées riches & nombreuses qui suivoient, & l’or & les pierreries qui brilloient de toutes parts. Tous les Chefs qui conduisoient ces differentes Troupes de cavalerie n’étoient pas moins distinguez par leur air que par leur nom. Personne n’y parut avec plus d’éclat que Dom Antonio-Joseph Porto-Carrero, fils aisné de Mr le Viceroy. Les Trompettes & les Timbales en tres grand nombre y firent un bruit de guerre des plus agreables, & se firent admirer par leurs fanfares.

L’Infanterie ne ceda en rien à la magnificence de cette nombreuse Cavalerie.

Les quatre Rois d’Armes précedoient Mr le Viceroy, qui couronnoit bien dignement ce superbe spectacle. Ses Gardes & ses livrées répondoient bien à la magnificence qu’on admiroit en sa personne, & tous ses carosses qui terminoient cette pompeuse marche, estoient tous proportionnez à l’éclat d’une des plus belles Ceremonies qui ait esté vuë depuis long-temps.

Toute cette magnifique Cavalcade fit le tour de la grande place, où estoit le principal Theatre de cette grande fonction, & passa sous les balcons où estoit Madame la Vicereine & Mademoiselle de Porto-Carrero sa fille, avec toute leur Cour pour recevoir la benediction de Mr l’Archevesque qui estoit à un des balcons de la gallerie du Palais. Jamais place n’a esté d’un éclat à ébloüir autant les yeux. Aprés qu’on eut fait le tour du Theatre, Son Excellence descendit de cheval, & monta le premier sur ce grand Theatre, suivy des quatre Herauts d’Armes & de tous les principaux Officiers en chef du Royaume & de la Ville, avec le Drapeau Royal porté par Lalferez Real. Alors le Heraut d’Armes qui estoit à la main droite, dit & repeta à trois reprises, & à haute voix, silence, silence, silence, oyez, oyez, oyez, les acclamations publiques cesserent pour un moment. Son Excellence ôta son chapeau, & chacun en fit de mesme. Elle prit l’Etendart Royal, & elle cria de sa propre voix, Castille & les Indes, Castille & les Indes, Castille & les Indes pour le Roy Catholique Dom Philippe V. de ce nom, nostre Seigneur que Dieu garde, haussant en mesme-temps l’Etendart Royal avec Lalferez, là le silence du peuple finit, & toute la multitude recommença ses acclamations, repetant tous comme d’une seule voix vive, vive, vive, Madame la Vicereine. Toutes les Dames de sa Cour qui s’estoient levées de leurs sieges, se tinrent debout par respect pendant la Proclamation : Dés que les paroles en furent prononcez, la décharge de l’Infanterie se fit ; elle fut suivie de celle de l’artillerie, & le carillon de la Cathedrale & des autres Eglises recommença. Mr l’Archevesque jetta de son balcon de l’argent au peuple, ce que firent aussi le Doyen & le Chapître, les particuliers jetoient leur Chapeaux en l’air & on jettoit des balcons de l’argent, des fleurs, & des devises, on se felicitoit les uns les autres & tous ensemble rendoient grace à Dieu de leurs avoir donné pour Roy un Prince aussi parfait.

De cette Place, cette magnifique Cavalcade alla aux autres qui estoient préparées pour la mesme fonction, & qui avoient chacune des ornemens differens & des beautez proportionnées à leur situations & aux grandes maisons qui les environnent.

Cette fonction estant faite aux quatre Places differentes, on marcha dans le mesme ordre pour porter en Triomphe l’étendart Royal dans la grande Salle du Chapître sous un Dais de velours cramoisi brodé d’or, avec les armes en relief de Castille & de Leon, & à droite & à gauche les deux Masses d’argent sur deux Carreaux de velours cramoisy.

Son Excellence alla ensuite dans la Gallerie du Palais, où estoient Madame Vice-Reine & aprés luy avoir donné & en avoir reçeu les félicitations de la joye & du bonheur de la Ville, & du Royaume, Son Excellence pendant un quart d’heure entier fit jetter à pleines mains des pieces d’argent aux Peuples, & pour avoir occasion de faire des liberalitez aux personnes de marque, Son Excellence avoit fait fraper des pieces d’or & d’argent avec le nom auguste de Philippe V. de sorte que dès ce jour là on voit dans les patagons du Perou, cette inscription. Philippus V. Dei gratia Hispaniarum & Indiarum Rex, ann. 1701.

La pluspart des Seigneurs & de la Noblesse resterent dans le Palais. Son Excellence les invita au Feu de joye, qui fut d’une invention singuliere, ils y furent régalez de toutes les manieres & Madame la Vice-Reine en usa de mesmes pour toutes les Dames de sa Cour, & elle les pria d’estre toutes habillées de la mesme magnificence pendant les huit jours entiers, que l’Etendart Royal devoit demeurer exposé dans la grande Salle du Chapître. On y eut sans cesse pendant le jour des Concerts de Musique tres mélodieux, & toutes les nuits des Illuminations fort agréables.

Les jours suivans Son Excellence reçut les félicitations de la Ville, de l’Archevêque, du Chapître, des Superieurs de toutes les Religions, & de toutes les Corps des Communautez ; Son Excellence les remercia du zele & de l’afection qu’ils avoient témoignez pour leur nouveau Roy. Pendant tous ces jours là Son Excellence fit de grandes liberalitez & elle répandit des aumônes considerables. Le quatriéme jour aprés cette proclamation l’ordre exprés arriva d’Espagne pour la faire. Rien ne peut estre comparé à la satisfaction que ressentit Mr le Viceroy d’avoir prévenu cet ordre & de s’estre acquité si dignement de cette obligation avant que d’en avoir reçû l’ordre.

Le Gentilhomme qui l’apporta rendit à Mr le Viceroy une cedule du 20. Fevrier 1701. signée de la main du Roy, par laquelle Sa Majesté luy donnoit ordre de donner à ce mesme Gentilhomme un employ convenable à ses mérites. Comme c’estoit le premier écrit du Roy qui paroissoit au Perou, Mr le Viceroy le baisa, le mit sur son cœur, sur sa teste, & l’exposa en veneration aux yeux de toutes les personnes de marque, & l’ordre du Roy fut bientost executé en faveur de ce Gentilhomme.

Mr le Viceroy avoit par bonheur quelque portrait de Sa Majesté Catholique en estampe. Il fit venir un habille Peintre & il en fit faire un Portrait en grand, qu’il plaça sous le Dais où estoit l’Etendart Royal, dés le premier jour de la proclamation. Il n’est pas facile d’exprimer quelle veneration & quelle amour concoururent pour ce Grand Prince, tous ceux qui en purent juger par ce Tableau.

Tout ce qui s’est passé dans cette Ceremonie montre bien avec quelle sincerité le peuple aime ce digne Monarque, & avec quelle fidélité ils le servent & avec quel zele il se consacre à sa gloire.

C’est Don Joan Delos santos. De caravajal fils du grand Chancelier de Lima dont je vous ay parlé le mois passé, qui a apporté le premier cette relation en Europe. C’est un jeune Seigneur qui a mille bonnes qualitez & qui est bien fait de sa personne, le Roy luy a fait l’honneur en luy parlant de luy dire quelques mots Espagnols. Mr le Duc de Beauvilliers luy a fait l’honneur de le présenter aussi ces jours passez à Monseigneur le Duc de Berry. Il est charmé des honneurs qu’il en a reçus & des bontez, que tout le monde luy témoigne.

Madrigal §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 220-222.

Les Vers qui suivent sont de Mr de Messange ; je croy que vous leur donnerez l’approbation qu’ils meritent.

MADRIGAL.

Espagnols, vous avez deux Soleils à la fois,
L’un qui luit sur vos Champs, vos Villes, & vos Bois,
Sans jamais s’y coucher acheve sa carriere.
Et l’autre de qui la lumiere
Luit sur vostre Gouvernement
Est encore un Soleil qui n’a point de couchant.

Le même vient de presenter un ouvrage au Roy sur la premiere Campagne de Sa Majesté Catholique, & de Monseigneur le Duc de Bourgogne. Il se trouve chez Jean Moreau, ruë S. Jacques, à la Toison d’or.

[Traduction de deux Hymnes de Mr l’Abbé Delfaut] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 222-228.

Vous verrez par les Vers qui suivent que l’esprit de Mr de Santeul regne encore icy. Mr l’Abbé Delfaut, Auteur des deux Hymnes latines, dont je vous envoye les Traductions, avoit toûjours eu de grandes liaisons avec ce fameux Poëte, qui ne donnoit presque point d’ouvrages au Public sans le consulter. Rien ne prouve mieux le merveilleux talent que Mr l’Abbé Delfaut a pour la Poësie latine que l’ordre donné par Mr l’Evesque d’Amiens de faire chanter ces deux Hymnes dans son Diocese. Vous y trouverez tout ce que l’on peut dire à la gloire de S. Firmin, premier Evesque d’Amiens, & Patron de ce Diocese.

HYMNE I.

Du genereux Firmin le courage est extrême.
Il quitte biens, parens, il quitte honneurs, amis,
Enfin il se quitte luy-même,
Et marche où Dieu l’appelle avec un cœur soumis.
***
Des climats où la paix regne avec l’abondance,
N’offrent rien à ses yeux digne de l’arrêter,
Vers Amiens sans cesse il s’avance,
Et la mort est le prix qu’il doit y remporter.
***
Mais déja dans nos murs Firmin se fait entendre,
Armé de la Parole, il détruit les faux Dieux ;
On voit par tout la Foy s’étendre,
Et le crime par tout disparoist à ses yeux.
***
De là naît des Tyrans l’opiniâtre envie,
Mais ce Heros méprise & leur haine & leur coups,
(Un bon Pasteur donne sa vie
Pour sauver son troupeau de la rage des loups.)
***
Son sang, helas ! son sang n’éteint pas leur vangeance ;
Pour détruire sa gloire, ils vont cacher son corps ;
Mais le Dieu qui prend sa défense,
Le fera triompher de tous leurs vains efforts.
***
Un rayon qui descend de la voûte étoilée.
Marque à Salve l’endroit où repose Firmin,
Et malgré l’affreuse gelée,
La terre voit sortir mille fleurs de son sein.
***
Gloire soit à jamais à la Trinité sainte,
Par qui tous les Martyrs soutinrent tant d’assauts,
Et qui leur fit braver sans crainte
La mort qui couronna leurs glorieux travaux.

HYMNE II.

Par le fer des boureaux, par l’horreur du supplice,
Le zele de Firmin ne peut estre abatu,
Ce vaillant Athlete entre en lice,
Soûtenu de sa foy, couvert de sa vertu.
***
Ainsi son trépas même assurant sa victoire,
Au milieu des Martyrs il va joüir aux cieux
D’une perpetuelle gloire,
Et s’y rassasier d’un pain delicieux.
***
Si toûjours pour Amiens tu sens de la tendresse,
Jette les yeux, Firmin, sur ses besoins pressans,
Tu vois son Peuple qui s’empresse
D’offrir à tes autels ses vœux & son encens.
***
Gloire soit à jamais à la Trinité sainte,
Pour qui tous les Martyrs soûtinrent tant d’assauts,
Et qui leur fit braver sans crainte
La mort qui couronna leurs glorieux travaux.

[Epigramme] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 269-271.

Les Allemans ayant fait chanter le Te Deum aussi tost aprés leur défaite prés de Luzzara, on a fait sur ce Te Deum, & sur la feinte joye qu’ils ont fait paroistre avec beaucoup d’éclat l’Epigramme que vous allez lire.

Les malheureux évenemens
Ne déconcertent pas toûjours les Allemans :
Ils ont adroitement déguisé leur tristesse,
Et par des Te Deum & des Chants d’Alegresse,
Rendu graces au Ciel, dans leur adversité,
Pendant que l’Espagne, & la France
N’ont pû benir le Ciel, dans leur Prosperité.
Avec autant de diligence.

L’Auteur de ces Vers a remarqué que depuis l’avenement du Roy à la Couronne, ce Prince a remporté soixante & dix avantages considerables sur les Allemans, sans qu’il en ayent remporté que dix sur ce Monarque.

[Requeste des Muses de Bordeaux à Me la Présidente de la Trene] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 271-274.

Madame la Présidente de la Trene qui a l’honneur d’être Filleule du Roy & qui s’est fait admirer icy sous le nom de Mademoiselle de Comminge, avant que d’avoir épousé Mr le Premier Présidant de Bordeaux, estant venuë solliciter à la Cour une augmentation sur le brevet de retenue qu’elle avoit déja sur la Charge de son Mary, en a obtenu une de soixante mille livres. Toute la Province, de Guienne où cette Dame est fort aimée en a témoigné beaucoup de joye, mais voyant qu’elle tardoit trop long temps à revenir Mr de la Croix luy a adressé les Vers suivans sous le nom des Muses de Bordeaux.

De l’aimable sejour des Dieux,
Où va paroistre Mars suivi de la Victoire
Et tout environné de gloire
Venez Déesse dans ces lieux
Empêcher que tout n’y languisse.
Venez afin qu’icy tout retentisse
De la grandeur de leurs beaux noms.
Nostre timide & foible Calliope
Vous attend pour chanter ces maistres de l’Europe,
Et rendre à Jupiter graces de tous ses dons.
Apprenez luy de quel pinceau,
Et de quelles couleurs il faut qu’elle se serve
Pour vous peindre aux humains comme une autre Minerve
Que Jupiter conçut en son divin cerveau
Pour en faire de son estime
Et de celle de ses Sujets
Un de ces plus dignes objets
Que forme un merite sublime.
Revenez, Comminge, à Bordeaux,
C’est le temps qu’à Minerve on offroit dans Athenes
L’olive meurissante en ses fertiles Plaines.
Bordeaux vous offre aussi les fruits de ses côteaux.

Air nouveau §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 274-276.

Les paroles de l’Air qui suit sont de celuy qui vous est connu sous le nom de Tamiriste, & l’Air est de Mr Desfontaines.

AIR NOUVEAU.

L’Air, Vents, Gresles [doit regarder la page] 275.
Gresles, vents, cruels orages
Vous formez au Printemps les rigueurs des hivers
Qui réparera les dommages
Que par vos fiers efforts nos vignes ont soufferts,
Soleil sois favorable à nos pauvres ivrognes :
Fais repousser par tes plus chauds rayons
Sur un Cep autant de boutons
Qu’on n’en voit naistre sur leurs trognes.
images/1702-09_274.JPG

[Journal de Fontainebleau] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 276-283.

Je vous envoye le commencement du Journal de Fontainebleau, vous trouverez la suite à la fin de ma Lettre.

Le Mardi 12. de Septembre Monseigneur le Dauphin alla de Meudon coucher à Fontainebleau. Madame la Princesse de Conti partit avec luy, suivie de Mesdames d’Urfé & du Rouvroy, & de Mesdemoiselles de Zanzé & de Viantais ses Filles d’honneur.

Le Mercredi 13. Monseigneur courut le Loup, & se promena le soir avec Madame la Princesse de Conty dans le Jardin de Diane.

Le Jeudi 14. Il ne sortit que pour se promener en Carosse avec Madame la Princesse de Conty dans la Forest. Monsieur le Duc d’Orleans arriva ce jour là, & Mesdames de de Villequier, de Beringhen, & de Vassé.

Le Vendredi 15. Monseigneur courut le Cerf.

Le Samedi 16. il courut le Loup. Les Comediens representerent le soir Polieucte de Mr de Corneille l’aîné.

Le Dimanche 17. il y eut promenade dans le Parc, & sur les bords du Canal.

Le Lundy 18. Monseigneur courut un Loup, & le soir il vit l’Etourdy de Moliere.

Le Mardy 19. il alla encore à la Chasse du Loup. Le Roy arriva à Fontainebleau à cinq heures & demie, & Monseigneur l’attendit & le reçut au haut du Fer à cheval, dans la Cour du Cheval blanc. Sa Majesté partit le matin de Versailles à dix heures précises, ayant à costé d’elle dans son Carosse Madame la Duchesse de Bourgogne, & dans le devant Monseigneur le Duc de Bourgogne, Madame, & Madame la Duchesse d’Orleans. Monseigneur le Duc de Berry estoit à la portiere du costé du Roy, & Madame la Duchesse du Lude à l’autre. L’on prit à Chilly d’autres chevaux, & le Roy dîna à Frémont chez Mr le Chevalier de Lorraine, qui estoit retenu à Paris par la goutte. Les Officiers du Roy y servirent deux Tables de douze à quinze couverts chacune, pour la Maison Royale & les Dames, & une troisiéme pour les Seigneurs. L’on y changea de chevaux, & l’on prit un quatriéme relais à Chailly. Le Roy arriva à Fontainebleau à l’heure que j’ay marquée ci dessus.

Le Mecredi 20. il n’y eut point de Conseil, les Ministres n’estant point encore arrivez. Il y eut chasse du Cerf l’apresdinée, où Monseigneur & les Princes accompagnérent Sa Majesté. La Chasse fut fort belle, & l’on prit deux Cerfs, l’un desquels dura deux heures. Les Dames n’y allerent point. Madame la Duchesse de Bourgogne se promena en Carosse dans la Forest.

Le 21. il y eut le matin Conseil d’Estat, où Monseigneur assista. Monseigneur le Duc de Bourgogne courut un cerf avec la Meute de Mr le Duc d’Orleans, & ce Prince courut avec luy. Le Roy alla tirer aprés son diner & Monseigneur le Duc de Berry y alla d’une autre costé. Madame la Duchesse de Bourgogne se promena en Carosse dans la Forest, & sur les bords du Canal. Les Comediens representerent le soir la Tragedie d’Arie & de Petus, & la petite Comedie de Crispin Medecin du Sieur d’Hauteroche.

Le Vendredi 22. il n’y eut point de Conseil. Monseigneur alla à la chasse du loup, & y fut accompagné de Monseigneur le Duc de Bourgogne, de Monseigneur le Duc de Berry, & de Monsieur le Duc d’Orleans. Le Roy se promena l’apresdînée en Caleche sur les bords du Canal & dans les belles routes du Parc. Madame la Duchesse de Bourgogne se mit seule avec Sa Majesté dans sa Caleche, qui fut suivie des Carosses de cette Princesse, & d’un grand nombre d’autres remplis de Dames.

[Reception faite à Mr le Comte de Toulouse à Palerme & à Messine] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 293-315.

Voici un détail tres-curieux de la reception qui a esté faite à Son Altesse Monsieur le Comte de Toulouse à l’arrivée de ce Prince à Palerme, & à Messine, & pendant le sejour qu’il a fait dans ces deux grandes Villes. En arrivant à Palerme on trouva Mr le Cardinal del Giudice, Viceroy de Sicile, sur les Galeres de ce Royaume, qui venoit au devant de Son Altesse. Elles le saluërent de tout leur canon. La Ville fit trois salves de tout le sien. Monsieur l’Amiral reçut son Eminence au haut de l’escalier, & la conduisit dans sa chambre, où il y avoit trois fauteüils. Le troisiéme fut occupé par Mr le Comte d’Estrées. Mr le Viceroy fut reçu les Soldats sous les armes, avec salve des Officiers. On luy tira quinze coups en entrant, & pareil nombre en sortant, qui furent suivis de treize coups de chacun des autres Navires. A peine Mr le Viceroy fut il rentré dans la Ville, aprés avoir quitté Son Altesse, qu’il envoya son premier Gentilhomme pour en sçavoir des nouvelles.

Le lendemain Mr l’Amiral alla dîner avec Son Eminence. Il fut salué en entrant dans la Ville de toute l’Artillerie, & escorté d’une garde jusqu’au Palais. Il étoit dans le Carosse de Mr le Viceroy, qui le reçut au milieu de l’escalier en camail & en rochet. Le premier Gentilhomme de S. Eminence le servit à table. A l’issuë du dîner un Regiment Espagnol monta la garde dans une Place vis à vis le Palais. Il fit l’exercice & les évolutions en tirant. Son Eminence n’a rien oublié de tout ce qui pouvoit divertir Mr l’Amiral. Elle luy a donné l’Opera, & plusieurs Serenades sur la mer, entr’autres une dans une Tartane illuminée, & richement ornée. Elle est venuë presque tous les jours luy rendre visite, & Son Altesse en a fait de même. Toutes les personnes les plus distinguées de la Ville sont venuës regulierement luy faire leur cour, & ont marqué beaucoup d’attachement & d’amour pour leur legitime Monarque.

Monsieur le Comte de Toulouse a soûtenu sa dignité d’une maniére toute affable, qui luy a attiré le cœur de toute la Noblesse. Sa generosité luy a aussi fait gagner l’affection des Troupes, & du Peuple. Son Altesse a beaucoup répandu d’argent, soit aux Troupes qui estoient dans les Forts lorsqu’il les a visitez, soit à ceux qui luy ont apporté des presens. Elle partit de Palerme le 7. Aoust & arriva à Messine le 11. du même mois, où elle moüilla sur les quatre heures aprés midy.

Il y avoit dans le Port deux Galeres de sa Sainteté qui vinrent à deux lieuës au large hors du Fare, & saluerent le Pavillon de quatre coups. On leur en rendit trois. Ce que Mr le Comte d’Estrées assura estre d’usage : Elles saluerent la personne de Monsieur le Comte de Toulouse de vingt-quatre coups on leur en rendit treize.

Monsieur l’Archevesque de Messine qui estoit embarqué dessus vint à bord sur les onze heures du matin en Camail & en Rochet. Son Altesse luy donna une audiance qui dura un quart d’heure, on luy donna une chaise à dos. Son Altesse estoit dans son fauteüil. On le retint à dîner.

Mr le Gouverneur vint à bord à l’entrée du Fare.

On estoit encore sous voille lorsque la Ville & les Forts saluerent de trois décharges de toute leur Artillerie. On prétend qu’ils avoient quatre cent pieces de Canon montées. Tout le Canal & le Port estoient couverts de petits batteaux remplis d’hommes, de femmes & d’enfans, tenant tous des bâttons avec des morceaux de linge blanc au bout, & criant vive le Roy & la Case de Bourbon.

Il est impossible d’exprimer la joye qui parut à l’arrivée des Vaisseaux, tout le Quay & les fenêtres estoient garnies de monde à ne pouvoir se remuer.

Le Quay & la Ville furent tapissez & illuminez pendant trois jours.

Son Altesse alla à terre le mesme jour. Mr le Gouverneur & les Jurats estoient au bord de la Marine qui la receurent avec toute sorte d’honneurs, Son Altesse alla visiter le Palais, & monta ensuitte en Carosse suivy de Mrs les Officiers Generaux & les aclamations furent si violentes & la foule si grande que la livrée ne put suivre, Son Altesse fit un tour sur le Quay, & dans quelques endroits de la Ville.

Le 12. le Clergé vint en Corps à Bord. Son Altesse luy donna Audience & on le salua à la sortie de neuf coups de Canon.

Le 13. les Jurats vinrent en Corps à Bord, on les salua en sortant de sept coups de Canon.

Son Altesse alla visiter la Citadelle & le Fort Saint Salvador.

Monsieur l’Archevêque envoya des raffraichissement à Son Altesse.

Le 14. il arriva trois Barques chargées de Troupes pour la Mer Adriatique, Son Altesse fit deffendre qu’aucun Soldat allât à terre, & fit repartir ces Barques le lendemain.

Ce Prince vint aprés son souper à poupe du Vaisseau. Toute la Musique & la Simphonie de la Cathedrale étoient dans un Brigantin tout illuminé, & donnerent un fort beau Concert.

Le 15. Son Altesse envoya Mr de la Jonquiere à Naples complimenter Monsieur le Duc Descalone qui avoit envoyé un Officier complimenter Son Altesse.

Mr le Comte de Toulouse alla à la Messe à la grande Eglise qui fut chantée en Musique & celebrée par Monseigneur l’Archevesque, elle visita l’aprés midy les Forts & se promena le long de la Marine jusques à l’entrée de la nuit, que Son Altesse entra dans la Ville qui estoit toute illuminée, entr’autres la ruë des Marchands qui avoient tapissé leurs boutiques en forme de reposoirs dans lesquelles on voyoit differents Misteres representé en Statuës de Cire de hauteur humaine qui faisoient allusion au Roy. Dans d’autres on voyoit le Portrait de Sa Majesté tres bien illuminé. La promenade de son Altesse ne finit qu’à neuf heures du soir.

Le 16. Son Altesse alla à la Pêche du Pechespade, & l’aprés midy elle fit la mesme promenade que la veille, & s’arresta devant la grande Eglise où il y avoit un Arc de Triomphe, au haut duquel estoit un Athlas portant un Globe sur ses épaules. La Musique estoit sur cet Arc de Triomphe. Le Globe se coupa en deux, & il parut une Statuë du Roy haute comme nature qui demeura posée sur les épaules de l’Athlas, allusion à Louis XIV. on chanta plusieurs pieces Italiennes à la louange des Rois & de Monsieur le Comte de Toulouse.

Le 17. on chanta le Te Deum en action de grace de la deffaitte des quatre Regimens de Cuirassiers. La Ville & les Forts tirerent leur Artillerie & les Vaisseaux toute leurs Mousqueterie & Canon.

Son Altesse alla sur les huit heures du soir au Convent de Jesuites, situé sur la place Saint Jean, dont elle vit le feu d’artifice qui avoit esté dressé au milieu de cette Place sur une Galere.

Le 18. il arriva une Tartane qui avoit chargé à Smirne & qui avoit eut un passage fort prompt, elle rapporta qu’un Vaisseau Hollandois chargé richement avoit mis à la voille deux jours avant qu’elle partit & qu’il y avoit un Anglois sur son départ qui valloit plus d’un million.

Le 19. Son Altesse alla visiter les Vaisseaux, le Content & le Fortuné, commandez par Mr le Bailly de Lorraine & par Mr de Bagneux.

Le 20. Mr le Bailly de Lorraine & Mr de Bagneux mirent à la voille pour aller croiser. Mr le Bailly de Lorraine, depuis le Cap Passero jusqu’à Malte, & Mr de Bagneux du Cap Bon à celuy de la Pantellerie, pour tâcher à joindre le vaisseau Hollandois ou Anglois ; ces Mrs ont ordre de croiser jusqu’à la fin du mois, de reconnoistre ensuite Augouste ; & si les vaisseaux n’y estoient point, de retourner à Messine.

Le 21. Son Altesse alla chez Mr l’Archevesque.

Le 22. Son Altesse visita le brûlot l’Esclair que l’on avoit preparé, comme pour un jour de combat.

Le 23. Son Altesse fit élargir des prisons de la Citadelle trente deux Turcs qui y estoient detenus depuis trois mois, ayant pery au Port de Catagne dans une barque Françoise qui en portoit le pavillon. Les Espagnols les pretendoient esclaves, Son Altesse leur fit rendre toutes leur Marchandise qui avoient esté sauvées du naufrage, & envoya à Catagne faire une perquisition de ce qui leur avoit esté pillé.

Il arriva un Brigantin de Malte, qui apporta Mr le Commandeur Dom Tiburge Ambassadeur, que le Grand Maistre envoyoit à Son Altesse, il avoit avec luy trois Chevaliers Espagnols, & le Chevalier de Mayne.

Il arriva aussi un Gentilhomme venant de Naples, de la part de Mr de Lemos.

Le 24. l’Ambassadeur de Malte eut Audiance, Son Altesse se couvrit & l’Ambassadeur aussi. Ils se découvrirent sur le champ, Son Altesse se mit dans son fauteüil, & luy fit donner une chaise à dos, à sa sortie on le salüa de cinq fois de la voix & de quinze coups de canon.

Mr le Marquis d’O & Mr le Chevalier de Baugeu reconduisirent l’Ambassadeur jusques sur le Quay.

Les Vaisseaux tirerent toute leur artillerie en rejoüissance de la Feste de Saint Louis.

Le 25. jour de cette Feste, les vaisseaux furent illuminez. On ne peut rien voir de cette beauté ; mais le danger diminuoit de beaucoup le plaisir, ils estoient tout en feu, il y avoit plus de 12000. lampions sur le Foudroyant, plus de 20000. sur l’Admirable, & environ autant sur le Tonnant, qui n’estoit illuminé que d’un costé, comme s’il estoit à la voile au plus prés.

Chaque Vaisseau avoit quelque partie qui produisoit un effet qui passe toute imagination, le Foudroyant la Poupe, l’Admirable, la Tonture du Vaisseau, & le Tonant les envergures.

La Citadelle, les Forts & la Ville, tirerent aussi toute leur artillerie à cause de la Feste de Saint Louis, & firent une fort grande illumination. Il y eut un feu d’artifice sur le Quay.

Mr de la Jonquiere revint de Naples.

Le 26. Mr le Chevalier de Saint Pierre revint de Malte, où il a fait ses vœux. Le Grand Maistre fit le festin de sa reception, que les Chevaliers font ordinairement, & luy a entretenu une table de huit couverts dans le Palais, pendant tout le temps qu’il y a esté, & luy a témoigné qu’il luy avoit le destiné l’employ que la Religion luy a accordé avant que le Roy d’Espagne le demandast pour luy.

Sur les dix heures du matin, Mr le Chevalier de Châteaumorant accompagné de Mrs les Chevaliers de Cominges & de Lorda, partit pour aller complimenter Mr le Grand Maistre, de la part de Son Altesse.

[Ce qui c’est passé à l’Acad. Françoise, le jour de la reception de Mr Chamillart Evêque de Senlis.] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 315-332.

Je ne doute point que vous n’ayez appris la reception de Mr de Chamillart Evêque de Senlis, & Frere de Mr le Controlleur General, à l’Academie Françoise, & que vous n’attendiez de moy un grand détail de tout ce qui s’est passé à cette reception. Si je suivois mon inclination je satisferois amplement vostre curiosité là-dessus ; mais la modestie qui est si naturelle à tous ceux de cette famille me retient, & je n’ose m’abandonner à mon zele. Quant au discours qui a esté prononcé par Mr l’Evéque de Senlis, quoy que ce Prelat n’ait pas voulu en faire imprimer beaucoup d’autres qui luy ont attiré de grands applaudissemens, il s’est trouvé engagé de suivre l’usage de l’Academie, qui veut que l’on donne au Public tous les Discours qui sont prononcez dans son Corps. Ainsi ce Discours estant imprimé, je ne vous en parleray que pour admirer avec vous quelques endroits, que vous ne manquerez pas de lire plusieurs fois, & que vous avez peut-estre déja retenus, si cet ouvrage est tombé entre vos mains.

Mr de Senlis dit, aprés avoir parlé de tous les Evêques qui ont rempli en même temps, & de ceux qui remplissent encore aujourd’huy tous les devoirs de l’Episcopat, & ceux que demande l’Academie. Je sçay que sans se partager, ny sans se relâcher en rien de leurs obligations, ils ont esté de grands Evêques, & tout ensemble d’excellens Academiciens. Je sçay qu’en instruisant leurs Peuples ils perfectionnoient nostre langue ; qu’en donnant les regles de bien vivre, ils donnoient aussi celles de bien parler ; qu’en confondant l’Heresie, ils détruisoient la Barbarie ; & qu’en inspirant la Pieté, ils inspiroient en même temps la Politesse : Je sçay que s’estant sur tout attachez à l’étude des saintes Ecritures, aprés avoir eux mesmes reconnu, & senti l’énergie de cette parole toute puissante qui fait agir & parler Dieu d’une maniere digne de Dieu, ils sont parvenus à la faire connoistre & sentir aux autres, & qu’ils ont montré aux faux Sçavans, que c’est dans ces divines sources qu’il faut chercher également l’éloquence, & la verité. Je sçay enfin qu’en ne negligeant pas les lettres humaines, ils ont apris aux hommes l’usage qu’ils en devoient faire, & le secret de tirer de l’érudition prophane, des armes pour la deffense de la Foy, & de la Religion.

Je ne croy pas qu’il soit possible de rien faire de plus beau pour bien exprimer ce que Mr Senlis à voulu faire entendre dans ce peu de paroles.

Voicy de quelle maniere ce Prélat dépeint le travail des Academiciens. Reduire l’esprit à sa justesse naturelle, former des pensées dignes des choses, & trouver des termes dignes des pensées ; éclairer l’esprit sans charger la memoire, s’éloigner également de l’ignorant qui n’étudie rien, & du sçavant qui n’étudie que les livres. Rappeller tout au goust de la nature, l’aider par de judicieuses remarques, ne la pas gêner ny accabler, par d’inutiles preceptes ; la conduire à sa perfection, en la suivant dans la simplicité, doit estre l’ouvrage de l’Academie, si elle répond aux veuës de celuy qui en a esté le Fondateur, & l’Instituteur.

Il seroit mal-aisé de donner une plus noble & plus parfaite idée de l’employ d’un Academicien.

Le Roy pendant le long cours d’un regne toujours glorieux ayant fait une infinité d’actions extraordinaires, & dignes des plus grandes louanges, jamais Monarque n’a esté l’objet de plus d’éloges. On en a fait dans toutes les parties du monde, & les jaloux de sa gloire n’ont pû s’empêcher d’avoüer qu’il est digne de sa haute réputation. Toutes les Muses ont chanté sa gloire, les plus fameux Orateurs ont fait des Panégyriques de ce Prince, & l’on en a souvent prononcé dans les Temples, où l’on fait profession de ne Prêcher que la verité. Enfin tant de Sçavans se sont épuisez à chercher des tours differens pour faire des éloges de ce Monarque qui parussent nouveaux qu’on estoit persuadé il y a long-temps que l’on ne pouvoit plus le louër sans tomber dans une infinité de répetitions : Cependant Mr l’Evesque de Senlis vient de faire voir qu’on peut toujours trouver les louanges nouvelles pour un si Grand Prince. Voicy ce que ce Prélat en a dit.

La plus part des grands hommes dont on a fait des Heros, n’ont paru qu’un moment sur la terre : la force de l’âge, & celle de leurs passions, la grandeur de leur ambition, leur a fait faire des actions qu’on a considerées comme des prodiges ; parce qu’en effet elles estoient audessus des efforts ordinaires des hommes : On les a avec raison comparez à la foudre & aux torrens ausquels rien ne résiste ; mais comme ils en ont eu la force, ils en ont eu aussi le peu de durée : Ils ont finy leur carriere presque avec leurs premieres Conquestes, ils ont esté emportez par leur propre rapidité, & peut-estre qu’une plus longue vie auroit effacé la gloire de leurs premières années.

Pompée dans sa jeunesse seroit mort comme il avoit vécu, le plus grand & le plus glorieux de tous les hommes ; il trouva enfin un ennemy dont le genie superieur au sien, fit voir qu’en luy le monde s’estoit trompé : Et peut-estre qu’Alexandre est redevable de cette grande reputation qu’il a emportée dans le tombeau à la mort prematurée qui l’enleva avant que la fortune eust eu le temps de luy faire sentir son inconstance. Dans les plus grands Rois où les suites ont dementy les commencemens, où les commencemens n’ont point esté dignes des suites. Il y a toûjours un endroit dans la plus belle vie, par lequel il ne faut point regarder le Heros ; il s’éleve par quelques actions au dessus des hommes ordinaires, & par d’autres il s’abaisse fort au dessous d’eux. C’est la pitoyable condition de nostre nature. Il n’y a point de si grand esprit que le poids des affaires n’accable avec le temps. Le plus grand homme croit avoir beaucoup fait, que d’avoir merité une grande reputation ; mais il est bien aise d’en joüir en seureté dans le calme de la retraite. Il sçait qu’il est encore plus difficile de se conserver un grand nom, que de se le faire, & que tant qu’on demeure dans les grands Emplois, on est dans un danger toujours present de le perdre.

Auguste charmé de la douceur du repos soupiroit aprés la retraite, & cherchoit les moyens de quitter un Empire qui le fatiguoit. Diocletien le quitta, & ne le voulut pas reprendre, trouvant plus de satisfaction à cultiver un jardin, qu’à gouverner le Monde. Charles-quint sur la fin de ses jours ne renonça-il pas à l’Empire ? C’est ainsi que l’homme qui ne desire rien tant que la grandeur ne porte rien avec plus de difficulté que son poids.

Le Roy merita par ses premieres actions le surnom de Grand. On honora de ce titre la valeur & la sagesse naissante de ce jeune Heros ; mais ce n’est pas là ce qu’il y a de plus singulier dans ce grand Prince. Combien y a-t-il de Conquerans qui ont gagné des Batailles, pris des Villes, subjugé des Provinces entieres en peu de temps. C’est l’effet ordinaire du bonheur du Chef, & de la valeur des Troupes : mais soûtenir pendant un si long temps la gloire de ses premieres actions ; que dis-je, la soûtenir, l’augmenter tous les jours par de plus grandes, & estre toûjours infatigable, toûjours sage, toûjours heureux au dehors par les grands succez dont il a plû à Dieu de favoriser ses justes entreprises. Au dedans par les consolations qu’il reçoit de son auguste Famille. Tout cela ensemble forme un caractere de grandeur si singulier pour le Roy, que nous ne voyons personne à qui il puisse convenir.

La nouveauté des pensées de cet Eloge & la beauté de l’expression, atirerent de grands applaudissemens à Mr de Senlis, & tout son Discours estant également beau, fut également loüé de toute l’Assemblée. Mr l’Abbé Gallois, Directeur de l’Academie y répondit. La profonde érudition de cet Abbé, & le commerce qu’il a avec les belles Lettres depuis le grand nombre d’années qu’il est Academicien, doivent vous persuader que sa Réponse fut également belle & sçavante. Il loüa la modestie & l’éloquence du nouvel Academicien ; il fit un tres bel Eloge de feu Mr Charpentier, dont Mr l’Evesque de Senlis remplissoit la place. Il informa l’Assemblée de ce qui se passe à l’Academie, & fit un détail des Ouvrages qui l’occupent presentement, dont il donna une parfaite idée.

Mr l’Abbé de Choisy lut ensuite une Satyre de la composition de Mr Perrault, intitulée le Faux bel Air. Nous avons peu d’Auteurs qui imitent la nature aussi parfaitement que Mr Perrault, lorsqu’il entreprend de faire quelque peinture qui regarde les vices ou les vertus, ou les effets de la nature.

[Suite du Journal de Fontainebleau.] §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 407-413.

Le Samedi 23. il y eut Conseil de Finances. Le Roy alla à la chasse du Cerf l’apresdînée, Madame la Duchesse de Bourgogne en habit d’Amazone y accompagna Sa Majesté dans sa petite caleche découverte. Madame courut seule dans une autre, & Madame la Comtesse d’Estrées, & Madame la Marquise de Maulevrier, vêtuës comme Madame la Duchesse de Bourgogne, dans une troisiéme. Monseigneur & Messeigneurs les Princes furent aussi de cette chasse, qui fut fort belle, & dura trois heures & demie. L’on prit deux vieux cerfs. Les Comediens representerent le soir le Misantrope de Moliere.

Le Dimanche 24. il y eut le matin Conseil d’Etat. Le Roy alla tirer l’apresdînée. Monseigneur se promena avec Madame la Princesse de Conty en carosse dans la Forest. La pluye le fit revenir de bonne heure, & empêcha Madame la Duchesse de Bourgogne de sortir.

Le Lundi 25. le Roy ne sortir point de la journée, & tint Conseil d’Etat. L’apresdînée à trois heures & demie Monseigneur le Duc de Bourgogne, Monseigneur le Duc de Berry & Monsieur le Duc d’Orleans coururent le cerf avec la Meute de Monsieur le Duc d’Orleans. Monseigneur donna à dîner dans son appartement à Madame la Duchesse de Bourgogne, à Madame la Princesse de Conty, & à plusieurs autres Dames. Madame la Duchesse de Bourgogne alla se promener ensuite en carosse sur les bords du Canal & dans les routes du Parc. Les Comediens representerent le soir la Tragedie de Vinceslas de Rotrou. & la petite Comedie du Cocu Imaginaire de Moliere, Monsieur le Duc d’Orleans donna un retour de chasse à Monseigneur le Duc de Bourgogne.

Le Mardi 26. il y eut le matin Conseil de Finances. Monseigneur le Duc de Bourgogne & Monseigneur le Duc de Berry partirent à neuf heures & demie pour aller tirer. Monseigneur courut le loup, & l’on tua deux louves. Le Roy alla tirer l’apresdînée, & Madame la Duchesse de Bourgogne se promena long-temps dans la Forest à pied & en carosse, elle avoit dîné chez Madame la Duchesse du Lude.

Le Mercredi 27. il y eut le matin Conseil d’Etat, & l’apresdînée chasse du Cerf. Madame la Duchesse de Bourgogne en habit d’Amazone y accompagna le Roy dans sa petite caleche découverte. Madame alla seule dans une autre de Sa Majesté. Madame la Duchesse du Maine & Madame la Duchesse de Lauzun dans la sienne. Madame la Comtesse d’Estrées & Madame la Marquise de Maulevrier, galament habillées comme Madame la Duchesse de Bourgogne y allerent aussi dans une Caleche du Roy. La chasse dura deux heures, & le cerf se fit prendre dans Fontainebleau même. Monseigneur & Messeigneurs les Princes furent de la partie. Madame la Duchesse de Bourgogne à son retour se promena à pied avec ses Dames autour du parterre du Tibre, & sur les bords du canal ; puis elle donna une grande collation ou retour de chasse à Monseigneur le Duc de Bourgogne, & aux mêmes Dames.

Le Jeudi 28. Il y eut Conseil d’Etat le matin. Monseigneur donna à dîner dans sa petite chambre à Monseigneur le Duc de Bourgogne, à Monseigneur le Duc de Berry, à Monsieur le Duc d’Orleans, à Madame la Princesse de Conty, & à quelques Dames de la Cour de cette Princesse. Le Roy alla tirer aprés son dîner. Monseigneur le Duc de Bourgogne alla voir ses chevaux qui étoient revenus de l’Armée le Mardi. Madame la Duchesse de Bourgogne s’alla promener en carosse aux bords du canal, & dans les routes du Parc. Les Comediens representerent le soir le Menteur de Mr de Corneille l’aîné.

Enigme §

Mercure galant, septembre 1702 [tome 12], p. 424-429.

Ceux qui ont trouvé le mot de l’Enigme du mois passé, qui estoit l’Or, sont :

Mrs l’Abbé de Fours de la ruë des Tournelles : l’Abbé du Mesnil Ballan, Theologal de Mortain : de Préel ruë S. Julien des Menestriers, & l’aîné ruë Portefoin ; Theodat de Troye en Vers latins ; le petit Ballon de la Place Dauphine & Maillot, Chevalier, Seigneur de la Courtille, & Poilou son intime Ami : Barbier, Joüeur d’Instrumens du concert de la ruë S. André des Arcs, & Perducas son confrere : l’aimable Poilou de chez Mr Mény, Procureur au Châtelet : Floridor le grand de la ruë de la cerisaye : Tamiriste, sa femme, & sa fille Angelique : le Solitaire sans chagrin : les Joüeurs à l’Ombre de la belle Etoille de la ruë Saint Severin, & l’Amant passionné de la plus belle Brune de la ruë de la Harpe : le nouveau Poëte du Fauxbourg Saint Jacques : Nicolas du Four, prés les Augustins de Roüen & son bon amy Estienne le Forestier, proche Saint Sever. Mademoiselle Javotte Ogier, jeune Muse du coin de la ruë de Richelieu. Mesdemoiselles du Moustier la fille, de l’Arsenal : Lisette, jeune Muse de la ruë de la Truanderie ; la belle Picarde de la ruë de Verneüil ; la Belle à l’habit blanc du Pavillon Royal de la ruë de l’Hirondelle, & son petit Voisin au petit œil éveillé : la nouvelle Marchande de devant la ruë de Savoye : la petite intrigue du coin de la ruë des Noyers & le Chevalier Lerû : La Nymphe aux cheveux blonds du cloistre Saint Benoist, & le jeune & beau Protocoliste son voisin : les Commis du petit Gardenotte de la Montagne Sainte Geneviéve : la nouvelle Echevine du Pont Saint Michel : la belle Fanchon de la ruë de la Verrerie : Mademoiselle Bellefontaine & Mademoiselle du Plex son amie : Mademoiselle Guyet de la ruë Saint Germain : Madame du Reauclers de la ruë des Cannettes : la dixiéme Muse du Fauxbourg Saint Germain : Mr l’Abbé Champagne : Celerin du Puits-certain : Bonnefont Auvergnat : Mouget de de la ruë du Roulle, Bardet & son amy Duplessis du Mans ; J. Y. Pastoret avec son petit frere : Angelique de la ruë Saint Jacques : Selier de la ruë Coqueron, Reparateur des Brodequins d’Apollon.

L’Enigme qui suit est de Mr d’Aubiecourt.

ENIGME.

Je suis un composé de cent mille parties
Fort bigearement assorties ;
Je puis en avoir plus ou moins,
Selon qu’il plaist à ceux qui me donnent leurs soins ;
Bien des gens ont en moy si grande confiance,
Qu’ils fondent sur mon sort leur plus douce esperance,
Mais si-tost qu’aux heureux j’ay fait part de mon bien,
Mon nom subsiste seul, & je ne suis plus rien.