1703

Mercure galant, mars 1703 [tome 3].

2017
Source : Mercure galant, mars 1703 [tome 3].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, mars 1703 [tome 3]. §

[Prélude] §

Mercure galant, mars 1703 [tome 3], p. 5-7.

Je commence ma lettre par un Madrigal qui ne peut manquer de vous plaire, puisqu’il parle d’un Monarque qui s’est acquis l’admiration & l’estime, mesmes des jaloux de sa gloire. Je dis des jaloux, parce que ce Prince n’a point d’autres Ennemis que ceux qui portent envie à sa grandeur. Il luy est glorieux de n’avoir que des Ennemis de cette nature ; mais il sont souvent plus dangereux, & plus animez que les autres.

MADRIGAL.

S’Il falloit te loüer comme tu le merites,
Grand Roy, l’on ne te loüeroit plus ;
De tes faits inoüis le flus & le reflus
Inonde ceux par qui tes loüanges écrites
Vont jusques aux Pays qui nous sont inconnus,
Sur mille tons divers ils usent de redites
Leurs Ouvrages si beaux seront-ils superflus ?

Epithalame de Madame la Marquise de Lavardin §

Mercure galant, mars 1703 [tome 3], p. 40-48.

L’Ouvrage qui suit est de Mr de Messange.

EPITHALAME DE MADAME LA MARQUISE DE LAVARDIN.

Il est trois grands liens, dont le sort envelope
Et serre parmi nous tout ce qui voit le jour,
Ces trois nœuds, plus puissans que le trenchant d’Atrope,
Sont, le Sang, l’Himen, & l’Amour.
***
Ils alloient autrefois tous trois l’un avec l’autre,
Quand le Lait & le Vin, communs comme les eaux,
Couloient aux champs dans les ruisseaux,
Et que les mots de nostre, & vostre,
Parmy des biens à partager,
N’obligeoient pas encor les gens à s’égorger.
***
Themis autorisoit cette triple alliance,
Feconde source alors de Paix & de douceurs ;
Et pour nous en montrer la juste convenance,
Si de Grece on en croit les élegans Auteurs,
Les trois premiers Amans du monde,
Cœlus, qui de son sein couvre la terre & l’onde
Saturne & Jupiter, épouserent leurs Sœurs.
***
Neptune en fit autant quand il eut son partage :
Mais les temps sont changez, & de même l’usage.
Dans cet âge de fer, tant de liens de cœurs
Ne se rencontrent plus ensemble en un ménage.
***
Ces nœuds semblent entre-eux desunis pour toûjours :
Toûjours quelqu’un des trois les deux autres abhorre :
L’Amour est sans Hymen, & l’Hymen sans Amour :
Le sang, mal avec l’un, l’est avec l’autre encore.
***
Les Parens ne s’épousent plus,
Et s’aiment encor moins. Telle, au siecle où nous sommes,
Est pour divers sujets la conduite des hommes.
Mais les vieux temps, pour vous, paroissent revenus.
Vous ramenez les jours de Saturne & de Rhée,
Proches Parens, tendres Epoux ;
Ainsi que les vertus d’Astrée,
Les coutumes encor s’en retrouvent chez vous.
***
Dans vostre mariage, heureux, paisible & doux,
On voit le Siecle d’or renaistre :
Et les trois nœuds, du Sang, de l’Hymen, de l’Amour,
Dont nostre âge avoit vû l’union disparoistre,
Y sont ensemble de retour.
***
Fable à part. C’est ainsi qu’au temps de l’innocence,
Le Pere des Croyans, le chef de l’Alliance,
Par qui nostre malheur finit,
Pour raison de Famille à sa Niece s’unit :
D’autres disent, sa Sœur : c’est encor d’avantage.
***
Ainsi, par le succez d’un important message,
Il choisit dans sa race une épouse à son fils,
À ce fils, dont le nom est la joye, & les ris.
***
Ce fils vit arriver sa Niece en sa Campagne,
(Niece à la mode de Bretagne)
Et d’elle ensuite il fit sa femme & ses Amours.
***
Heureux époux, qui dans ces derniers jours,
Avez pû recevoir de l’Eglise fidele,
Le pouvoir d’imiter un semblable modele,
Que la Joye & les Ris, mais des Ris sans chagrin,
Des Ris pareils à ceux dont ce saint Pelerin
Avoit, nom, figure, & promesse,
Chez vous puissent regner sans cesse.
***
Reverez de la Terre, & protegez des Cieux,
Que le beau nœud du sang par vos communs Ayeux,
Vous comble d’honneur & de gloire ;
Que celuy de l’Hymen vous donne biens & paix.
Et celuy d’un Amour toujours rempli d’attraits,
Plus de chastes plaisirs, que l’on ne sçauroit croire.
Des trois ensemble recevez
Une Posterité semblable,
À celle qu’en ont eu les Saints que vous suivez,
Aussi grande en vertus, qu’elle fut innombrable.
***
Dans ce siecle injuste & jaloux,
Nul de vos envieux ne doit estre en courroux
Du bonheur que le ciel vous donne.
Puisque sortis du même sang,
Et prenant tout chez vous, biens, personnes, & rang,
Vous ne devez rien à personne.

[Dialogue entre l’Amour et l’Hymenée] §

Mercure galant, mars 1703 [tome 3], p. 67-78.

Rien ne peut mieux suivre des Articles de mariage, que l’Ouvrage que vous allez lire.

DIALOGUE ENTRE L’AMOUR ET L’HYMENÉE.

L’AMOUR.

Non ; ne suis plus mes pas, Hymen, je t’en conjure,
Ta presence est fatale à ma plus douce loy,
Et je ne trouve point dans toute la nature
De plus grand ennemi que toy.

L’HYMENÉE

Qui ? moy ton ennemi ! Ciel ! que viens-je d’entendre !
L’Amour m’ose appeller de ce nom odieux !
Moy qui ne le suis en tous lieux,
Que pour autoriser ce qu’il a de plus tendre !

L’AMOUR.

Je me passerois bien de ton cruel secours ;
Va-t’en encore un coup, ta presence me gêne ;
Et comment accorder mes nœuds avec ta chaisne ?
Ne te vois-je pas tous les jours
Devenir le tombeau des plus tendres Amours ?

L’HYMENÉE.

D’un malheur si commun n’accuse que toy mesme.
Je sçay trop qu’un dégoust extrême
Succede aux plus belles ardeurs ;
Mais lors que tu soûmets les cœurs
Pourquoy n’y sçais-tu mieux affermir ton Empire ?
Puis-je répondre, moy, de ce dégoust fatal ?
On me demande, on me desire,
J’allume dans tes feux mon flambeau nuptial,
Je rens tes plaisirs legitimes,
 Amour, ce sont là tous mes crimes.

L’AMOUR.

Tu ne fais point de crime, & tu fais bien du mal.
Je suis jaloux de ma puissance ;
Ah ! quand je la vois mépriser,
Que m’importe d’en accuser
Ou ton crime, ou ton innocence ?
Les cœurs à mes loix sont soumis,
Autant qu’à mes plaisirs un fier devoir s’oppose,
Mais du moment qu’ils sont permis,
On les estime peu de chose.
L’obstacle ranime l’ardeur,
Pour le vaincre il n’est point de peril qu’on n’affronte,
Mais on a de la tiedeur,
Lorsque sans peine on la surmonte.

L’HYMENÉE.

L’Homme est donc bien capricieux ?

L’AMOUR.

Il ne l’est pas tant qu’on le pense ;
S’il veut dans ses desirs chercher l’independance,
N’est-ce pas un present qu’il a reçu des Cieux ?
L’Amour doit estre volontaire
Pourquoy le rens-tu necessaire ?

L’HYMENÉE.

Cette heureuse necessité
Vaut la plus douce liberté :
Et comment aux Mortels l’Hymen peut-il déplaire ?
Luy qui comble tous les desirs ?
Il leur fait oublier l’usage des soupirs,
Ils ne connoissent plus ny langueurs ny martyre.

L’AMOUR.

Et c’est là dequoy je me plains,
Et ce qui détruit mon Empire :
Tu ne veux plus que l’on soupire !
Peux-tu plus hautement combattre mes desseins ?
Si par tout l’Univers on me craint, on m’adore,
C’est aux soupirs, c’est aux langueurs
Que je dois l’hommage des cœurs ;
Quand on est malheureux, c’est alors qu’on m’implore.
Plus je vois leur encens fumer sur mes Autels.

L’HYMENÉE.

Que faut-il donc que je devienne ?
Dois-je pour te servir, trahir mes interests ?
Tu sçais que du Destin les suprêmes Arrests
Ont reglé ta puissance aussi-bien que la mienne ;
Dois-je, pour établir la gloire de tes fers,
Me bannir de tout l’Univers.

L’AMOUR.

Non, je n’exige pas un si grand sacrifice,
Et je sçay aussi-bien que toy,
Respecter du Destin l’irrevocable loy,
J’en connois toute la justice,
Mais je voudrois bien quelque jour
Accorder l’Hymen & l’Amour.

L’HYMENÉE.

Je n’ay point de plus chere envie,
Amour, tu peux compter sur mon consentement.
Ah, par un accord si charmant
Que nous redoublerons les plaisirs de la vie !
Explique-toy donc promptement,
Par quel endroit faut-il s’y prendre ?
Car j’ay de la peine à comprendre,
Que d’un Epoux heureux on fasse un tendre Amant.

L’AMOUR.

La chose me paroist facile,
Il ne faut qu’un seul point, Hymen, accordons-nous ;
Veux tu que sous tes loix on soit toûjours tranquile ?
Permets qu’on soit Amant avant que d’estre Epoux ;
Sur tout ne souffre plus cet interest sordide.
Et si digne de tes mépris ;
Du destin des humains malgré nous il decide,
En mettant vos faveurs à prix.
Inspire, s’il se peut aux hommes
Le dessein d’imiter les Dieux ;
Tu sçais que tous tant que nous sommes,
Nous ne souffrons jamais ce commerce odieux ;
Jupiter & Junon sans Contrat sans Notaire,
Jadis se donnerent la main,
Et la Déesse de Cythere
Fut admise sans dot dans le lit de Vulcain.

L’HYMENÉE.

Amour, ce que tu veux passe l’effort humain ;
Dans le Ciel on se rassasie,
Sans qu’il en coûte rien, de Nectar, d’Ambrosie,
Mais sur la terre il faut du pain.
Lorsque sous mes loix on s’engage,
Le premier soin qu’on prend est celuy du ménage,
Et tu devrois toy-méme approuver ce dessein ;
On ne peut vivre heureux vivant dans la misere,
Et l’Amour ne subsiste guere
Entre gens qui meurent de faim.

L’AMOUR.

Je vois trop qu’il est impossible,
Que nous soyons jamais d’accord ;
Eh ! bien chacun de nous n’a qu’à suivre son sort :
Mais croy-tu dans tes droits, qu’on te laisse paisible ?
On pourra t’y troubler, où je me trompe fort.

L’HYMENÉE.

J’entens bien où va ta menace,
Et je sçay que jusqu’à ce jour
Les injustes larcins d’Amour
Aux timides Epoux n’ont fait aucune grace ;
Mais je vay sur tes droits attenter à mon tour ;
Et lorsque j’uniray deux ames,
Je veux par un effort nouveau,
Quelles allument mon flambeau,
Sans avoir brûlé de tes flames !

L’AMOUR.

Vrayment le secret est fort beau ;
C’est-là justement mon affaire ;
Même sans y penser tu sers à mes desseins ;
Adieu, puisque tu crains les amoureux larcins,
On ne manquera pas d’en faire ;
Et la haine pour les Maris
N’avancera que mieux l’amour des Favoris.

Ce Dialogue est de Mr de Vertron, je vous ay si souvent parlé de ses ouvrages galans, de son érudition, & de tout ce qu’il a fait en faveur du beau Sexe, que je tomberois dans des repetitions, si je vous parlois plus au long de ce galant & sçavant Auteur.

Portrait de l’homme. Satyre. §

Mercure galant, mars 1703 [tome 3], p. 141-152.

Tous les Articles que vous venez de lire vous ont fait voir l’homme en differens estats de la vie, & que les moindres parties de son corps sont sujettes à une infinité de maux, je vous en envoye une peinture generale, faite par Mr l’Abbé de Cantenac, Chanoine de l’Eglise Metropolitaine de Bordeaux, elle est plus agréable parce qu’elle est en Vers, & que ces Vers sont faits par un habile homme, mais la beauté de l’Ouvrage fait encore mieux remarquer les maux ausquels les hommes son sujets.

PORTRAIT DE L’HOMME.
SATYRE.

Que l’Homme est malheureux dans le cours de sa vie,
Qui par mille accidens, luy peut estre ravie.
Il naist dans les douleurs & vit dans les travaux,
Et pour un bien qu’il gouste il souffre mille maux
Dés que par la parole, il peut se faire entendre :
Il apprend malgré luy ce qu’on luy fait apprendre.
Et comme une victime à l’Ecole conduit,
Ce n’est qu’à coup de foüet, que son Maistre l’instruit,
Quand un âge plus meur forme sa connoissance,
Il va chez des Regens porter son ignorance ;
Et chargé du fatras des leçons qu’on luy fait
Il en revient souvent plus sot qu’il ne l’estoit.
À peine a-t-il quitté le College & son Maistre,
Qu’il faut par un employ qu’il commence à paroistre,
Et souvent moins heureux qu’il ne l’avoit esté
Il achette une Charge & vend sa liberté,
Plus ses emplois sont grands plus il est miserable.
Le chagrin ou la peine en est inseparable.
Et parmy les honneurs, son repos éclipsé,
Le fait gemir du rang où le sort l’a placé.
C’est un étrange effet de la foiblesse humaine,
L’on aime ce qui nuit, on se plaist à sa peine.
Et ces biens qu’on recherche avec empressement,
Sont autant de liens, qu’on rompt malaisément.
L’homme seroit heureux si devenu plus sage,
Il faisoit de ces biens un legitime usage.
Mais ils servent d’amorce aux plaisirs deffendus.
Et souvent mal acquis, ils sont mal répandus,
De nos égaremens il deviennent la source,
Tels qu’un fleuve grossi precipitant sa course,
Inonde la Campagne & va par cent torrens,
Enlever ce qu’il trouve, & dépoüiller nos champs.
Ils font enorgüeillir & déborder les hommes.
Peu de riches sont Saints dans le siecle où nous sommes.
Quand la Fortune rit, & qu’on a du pouvoir,
Rarement on se borne à faire son devoir,
Sur tout dans la jeunesse, où les fougues de l’âge,
Entraine si souvent l’homme au libertinage
Et l’empêchant de mettre un frein à ses desirs,
Ostent à sa raison le choix de ses plaisirs.
Alors plus agité qu’au plus fort de l’orage,
Ne le sont des Vaisseaux, prests à faire naufrage.
Emporté par l’amour, l’avarice, & l’orgüeil.
De chaque passion il se fait un écüeil.
L’on croit que pour fixer une humeur si volage,
Il faut attacher l’homme au joug du mariage.
Qui des feux de l’amour tempere les ardeurs,
Et qui fournit des loix pour reformer les mœurs.
Mais le nœu de l’Himen dont le ciel nous attache
Dans un cœur égaré se rompt ou se relâche.
Et comme les douceurs n’ont que quelques momens
La vertu qu’il prescrit s’échape en peu de temps.
Je veux qu’il soit fidelle au serment qui l’engage,
Seroit-il plus heureux quand il seroit plus sage,
Le dégoust, les chagrins, & les soupçons jaloux,
Concourent jour & nuit au malheur d’un Epoux.
Il connoist tost ou tard la faute qu’il a faite,
Une femme est joüeuse, ou chagrine,
Et l’homme embarassé dans un fâcheux lien,
Y risque son honneur, son repos ou son bien.
Voila ce qui produit la haine & le divorce,
Dont le libertinage est la source & l’amorce.
Chaque Epoux separé se pourvoit comme il peut,
Et devenu plus libre, il fait mieux ce qu’il veut.
Mais je suppose enfin qu’une femme qu’on aime,
Ait joint à ses vertus une douceur extrême.
N’a-t-on pas chaque jour des soucis assez grands
Du tracas d’un ménage & du soin des enfans,
Qui quelquefois mal faits, débauchez ou rebelles,
Causent à leurs parens des douleurs immortelles.
En quelque estat qu’on soit on n’est jamais content.
Un autre a plus de bien, on en voudroit autant.
Chacun dit qu’envers luy la fortune est ingrate.
On la poursuit, on craint, on espere, on se flate
Et le cœur abusé de son ambition :
Quant il croit la tenir, a le sort d’Ixion.
Tel qu’on vit autrefois briller dans l’opulence.
À la fin de ses jours, languit dans l’indigence
Et des Rois dépoüillez font voir à l’Univers
Qu’une grande fortune a de tristes revers.
Les terreurs de la mort & ce qui la precede,
Les maux dont Esculape ignore le remede,
Et les fleaux dont le Ciel nous frape en son courroux.
Assaisonnent de fiel les plaisirs les plus doux.
La foy qu’il faut avoir pour les divins oracles,
À ces plaisirs qu’on cherche apporte mille obstacles,
Et le cœur agité par des remords cruels
Se sert en vain contre eux de doutes criminels.
Mais insensiblement le temps de la jeunesse.
Disparoist & fait place à la morne vieillesse ;
C’est alors que parmi des desirs impuissans.
Tout déplaist, & s’oppose aux plaisirs de nos sens.
L’âge fait à peu prés sur le sang qu’il nous glace
Ce que fait l’Aquilon sur les fleurs qu’il efface
Dés que sa cruauté, commence à les ternir
Leur vertu, leur éclat ne peut plus revenir.
L’homme à beau repasser les douceurs de sa vie.
De nouvelles douleurs sa foiblesse est suivie.
La mort qui le menace en ces extremitez.
Luy semble encor bien loin & marche à ses côtez,
Elle paroist enfin severe & redoutable.
Les maux qu’il a commis ; le remords qui l’accable
Sa femme & ses enfans qui se fondent en pleurs,
Augmentent ses regrets, sa crainte, & ses douleurs.
Convaincu des erreurs de la foiblesse humaine,
Et du neant des biens qui causent tant de peine.
Son esprit agité fait un dernier effort,
Pour trouver du repos dans les bras de la Mort.

Air spirituel §

Mercure galant, mars 1703 [tome 3], p. 152-153.

S’il est ainsi il n’y a point d’homme qui ne doive faire reflection aux paroles suivantes.

AIR SPIRITUEL.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par Seigneur, ta loy m’a sçu charmer, doit regarder la page 152.
Seigneur, ta loy m’a sçu charmer
Et ta grace puissante a mon ame asservie
Puisque je commence à t’aimer
Je commence à goûter les plaisirs de la vie.
images/1703-03_152.JPG

Bouts-rimez proposez par les Lanternistes §

Mercure galant, mars 1703 [tome 3], p. 173-177.

Il ne faut pas s’étonner si le Roy faisant tous les jours du bien à ses Sujets de toutes sortes de manieres, & travaillant sans relâche à tout ce qui peut contribuer au bien & à la gloire de l’Etat, les loüanges qu’on donne tous les jours à ce Monarque, sont toujours nouvelles, parce qu’il donne tous les jours de nouveaux sujets de le loüer. Ainsi il y a lieu de croire que les Bouts rimez qui vont paroistre à sa gloire, loüeront ce Prince par des endroits, qui aprés toutes les loüanges qu’on luy a données depuis le commencement de son regne, auront encore la grace de la nouveauté. Voicy le Placart qui a esté publié au sujet de ces nouveaux Bouts rimez ; Ainsi ce n’est point moy qui parle, & je vous l’envoye de la même maniere qu’il a esté donné au public.

BOUTS-RIMEZ PROPOSEZ PAR LES LANTERNISTES,
cette Année 1703.

Le Public attend avec impatience les Bouts-rimez que nous avons accoutumé de donner toutes les années : Il ne faut pas douter qu’ils ne puissent plaire, quoy qu’ils reviennent si souvent : la matiere qui leur est consacrée paroist nouvelle. C’est l’Eloge du Roy, ce grand Monarque se distingue sans cesse par mille actions heroïques ; & les Muses ont besoin de toute leur application pour les chanter dignement.

BOUTS-RIMEZ.

Balance, Fierté, Concerté, Silence.
Violence, Irrité, Felicité, Vaillance.
Ennemi, Affermi, Ebre.
Momens, Celebre, Monumens.

Les Sonnets seront toûjours accompagnez d’une Priere en quatre Vers pour le Roy & d’une Sentence : Les Auteurs mettront leur seing couvert & cacheté au bas de leurs Sonnets ou dans une Lettre separée ; le tout sous la même envelope, & rendu franc de port chez Mr Seré, prés la Place de Roüaix à Toulouse, huit jours avant la Saint Jean. On avertit que les Sonnets qui seront en petits Vers ou à Rimes composées, ne pourront prétendre au Prix ; on veut des Vers Alexandrins heroïques, comme plus propres à la dignité du Sujet.

[Lettre du roi au cardinal de Nouailles, archevêque de Paris]* §

Mercure galant, mars 1703 [tome 3], p. 312-316.

Voicy ce que le Roy a écrit à Mr le Cardinal de Noailles Archevêque de Paris au sujet de cette conqueste.

MON COUSIN,

Sur ce que je fus informé au mois de Janvier dernier que l’Empereur faisoit assembler differens corps de Troupes pour attaquer mon Frere le Duc de Baviere, dont les interests sont unis aux miens pour maintenir la Paix & la tranquillité de l’Europe ; Je crus devoir faire passer au delà du Rhin une Armée assez considerable pour faire une puissante diversion, en attendant que mes Troupes pussent se joindre aux siennes : Je commanday à mon Cousin le Maréchal de Villars d’executer cette resolution, & regardant Kell, comme un objet important, & qui pouvoit remplir une partie de mes desseins, je luy ordonnay d’en faire le Siege, il assembla aussitost le plus de Troupes qu’il pust avec une diligence extraordinaire, il passa le Rhin le 13. du mois dernier, il s’avança entre Brisack & Fribourg traversa les quartiers des Ennemis jusques sur la Kintche, qu’il passa le 19 aprés avoir dissipé & mis en fuite tout ce qu’il trouva de Troupes qui pouvoient s’opposer à son passage. Ce premier avantage fut incontinent suivi de la prise des Villes d’Offembourg, Gengenbach, & Wilstet, & du Siege de Kell, qui s’est rendu le 9 de ce mois, après douze jours de tranchée ouverte. La diligence & l’activité avec laquelle toute cette entreprise a esté conduite, a rendu inutiles tous les preparatifs que les Ennemis faisoient pour secourir cette Place ; Ils ont appellé en vain & fait marcher leurs Troupes de Hollande & du bas Rhin, celles qui estoient vers Liege, Mastrick, Aix la Chapelle, le Honsruch & le Palatinat même celles qui avoient esté détachées pour s’avancer vers la Baviere : & l’heureux succés de cette même entreprise ouvre à mes Troupes le passage le plus commode pour entrer en Allemagne, & secourir mon Frere l’Electeur de Baviere, que l’Empereur vouloit faire attaquer de tous costez. C’est ce qui m’oblige d’en rendre graces à Dieu, & de vous écrire cette Lettre, pour vous dire que mon intention est que vous fassiez chanter le Te Deum dans l’Eglise Metropolitaine de ma bonne Ville de Paris, au jour & à l’heure que le Grand Maistre, ou le Maistre des Ceremonies vous dira de ma part : À quoy m’assurant que vous satisferez avec vostre pieté ordinaire ; Je prie Dieu qu’il vous ait, mon Cousin, en sa sainte & digne garde. Ecrit à Versailles le 21. Mars 1703. Signé, LOUIS ; & plus bas, Phelypeaux.

[Explication de l’auteur sur la « Musique nouvelle » mentionnée dans le numéro de février]* §

Mercure galant, mars 1703 [tome 3], p. 363-367.

Je vous parlay dans ma derniere Lettre d’une Musique nouvelle, dont avec un de ses Sistêmes je rapportay un exemple figuré par les caracteres dont elle se sert. Vous avez trouvé au commencement de cette Lettre un Air noté à l’ordinaire, & vous trouverez icy le même toute de la nouvelle maniere, afin que vous en puissiez juger, & que vous puissiez dire laquelle est le plus à vostre gré. Voicy de quelle maniere l’Auteur de cette nouvelle Musique s’explique sur de sujet.

Celuy de la nouvelle n'est supposé que sur une ligne ; l’autre en a cinq, pour peu que l’on se soit exercé dans la premiere en passant les degrez conjoints, & par les intervales marquez par le Sistême, rien n’est plus facile que d’unir & de rassembler ces divers espaces sur une ligne, & de connoistre en même temps les avantages que cette nouvelle maniere peut avoir sur l’autre.

Cette nouvelle consiste en quinze Planches gravées, au devant desquelles est le Portrait du Roy qui fait la seiziéme. L’intelligence de ces Planches conduit non seulement en peu de temps à celle des Notes, à l’Intonation, à la mesure, mais encore à la Composition, & à l’accompagnement des Voix avec les Instrumens, & les trois principales figures qui contiennent en rond, en triangle, & en quarré l’octave qui est l’objet de la Musique en general jointes au divers exemples qui y sont rapportez fournissent par leurs dispositions & par leurs explications un grand nombre de Principes & de demonstrations claires & certaines, qui par une voye assez agreable, prompte & facile, menent droit à l’execution de toutes ces choses la personne qui s’y applique.

On pourra dans la suite en faire trouver une dans un lieu que l’on indiquera, qui estant instruite à fond de ces principes écoutera & resoudra les difficultez les doutes, & les objections qui pourroient naistre dans l’esprit de ceux qui auront pris le Livre.