1680

Mercure galant, mars 1680 (première partie) [tome 4]

2015
Source : Mercure galant, mars 1680 (première partie) [tome 4].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial) et Vincent Jolivet (Édition numérique).

[Tragédie representée à Malte] §

Mercure galant, mars 1680 (première partie) [tome 4], p. 12-15.

 Je vous ay déja entretenuë du mérite de ce Grand-MaistreI. Sa maniere de gouverner est si approuvée, que pour témoigner combien on en est content, on a fait paroistre à Malte une Tragédie, dont le Titre estoit Le Siecle d’Or dans l’Isle de Malte, sous le Regne de Son Eminence Nicolas de Cotoner. Cette Tragédie fut représentée au commencement de Janvier, dans la Maison du Clergé de l’Ordre, avec une approbation genérale. Elle estoit de l’invention & de la conduite de Mr de Champossin, Prestre Provençal, qui a toûjours eu un tres-grand commerce avec les plus éclairez de l’Académie d’Arles, & que Mr de Vyani d’Aix, Prieur de l’Eglise Conventuelle, Grand-Croix de l’Ordre, a choisy pour estre Gouverneur des Pages de Mr le Grand-Maistre, & des Diacots de l’Eglise de S. Jean. On ne vit jamais dans la Cour de Malte, un Theatre plus magnifique. Mr le Commandeur de Tancredi Italien, & depuis peu Ambassadeur en France, avoit pris soin des Décorations qui en faisoient l’ornement. Apres un Siege représenté, l’Etendard de la Religion, & la nouvelle Cotonere, parurent dans un Combat, & le Party Ottoman ayant succombé, Mars prit la fuite, avoüant que le grand Cotoner & Malte, l’empéchoient de poursuivre ses conquestes. 

Air nouveau §

Mercure galant, mars 1680 (première partie) [tome 4], p. 15-20.Cet air est suivi d'un article qui récapitule les publications de son illustre Auteur qui permettent d'identifier formellement BacillyVoir aussi l'article de l'Extraordinaire de juillet 1679, l'article d'octobre 1679, et l'article de novembre 1679 qui évoquent cette même contrefaçon

Si vous avez esté satisfaite de la derniere Chanson que je vous ay envoyée, vous devez l’estre de celle qui suit, puis que les Paroles sont encor de Mademoiselle de S. Jean, & qu’elles ont esté mises en Air par l’illustre Autheur qui en a fait graver un si grand nombre. Vous connoissez sa méthode, & il seroit difficile de vous tromper là-dessus.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par Comment pourrois-je voir la fin de ma soufrance, doit regarder la page 16.
Comment pourrois-je voir la fin de ma soufrance,
     Cruel Amour, qui m’ostes la puissance
D’oublier un Ingrat qui vient de me trahir ?
          Helas! malheureuse tendresse,
     Faut-il malgré la douleur qui me presse,
M’obliger à l’aimer quand je le dois hair ?

Vous voyez, Madame, que cet Autheur continuë toûjours à me donner de ses Airs pour en embellir mes Lettres. Il est certain qu’on les y trouvera beaucoup plus corrects, que dans les Recueils où l’on met sans aucun choix, tous ceux qu’on apporte à l’Imprimeur, de quelque part qu’on les puisse recevoir. On ne les a fort souvent que pour les avoir entendu chanter, & la Note ne venant point de l’Autheur, on ne doit pas s’étonner si tant de fautes s’y glissent. Celuy dont je vous parle presentement, a reconnu encor ce defaut depuis peu de jours dans le Livre de Chansons notées de 1680. On y a mis deux des siennes, l’une & l’autre à boire ; la premiere imprimée il y a cinq ou six ans dans son second Livre gravé d’Airs Bachiques, & l’autre aussi imprimée dans son Journal de l’année derniere. Cette premiere qui commence par Eh quoy, mes chers Amis, &c. est entierement falsifiée, soit pour le Chant, soit pour les Paroles. Il n’y a qu’un simple Dessus, au lieu de deux avec la Basse, & ce Dessus est avec une Clef de Basse. Joignez à cela qu’il n’y a qu’un couplet au lieu de trois, & que ce couplet mesme est défectueux. Pour la seconde Chanson qui est, Les Moucherons sur nos Tonneaux, &c. on n’a qu’à se donner la peine de la confronter avec celle qui est dans le Livre que l’Autheur a donné depuis huit jours, sous le Titre de Mélanges d’Airs, & on en connoistra aisément la diférence. On y trouvera la Contrepartie de cette Chanson, avec plusieurs nouveaux seconds couplets en diminution, les plus beaux, & les plus riches qu’on ait encor eus de luy.

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[Concert de trois Basses de Viole] §

Mercure galant, mars 1680 (première partie) [tome 4], p. 76-77.

La Musique a tant de charmes pour vous, & on prend un si grand soin de me prévenir sur toutes les nouveautez qui la regardent, qu’on vous aura peut-estre déja parlé d’un Concert, où tout ce qu’il y a icy de Curieux se sont trouvez depuis quelques jours. Il estoit fort extraordinaire, & le premier qu’on eust jamais fait de cette sorte. Trois Basses de Viole le composoient. Mrs du Buisson, Ronsin, & Pierrot, sont les Autheurs d’une chose si singuliere. L’approbation qu’ils ont reçeuë, fait connoistre avec combien de plaisir les Connoisseurs les ont écoutez. 

[Cavalcade faite à Naples] §

Mercure galant, mars 1680 (première partie) [tome 4], p. 120-135.Voir aussi cet article pour la suite de la relation de ces réjouissances

Il s’est fait de grandes réjoüissances à Naples pour le Mariage du Roy d’Espagne. Il y avoit longtemps qu’on les préparoit ; & comme Naples est une des Villes du monde qui s’acquite le mieux d’une Feste, vous jugez bien que celle dont j’ay à vous faire la description, a esté tres-magnifique. Elle commença le Samedy 13. de Janvier, par un nombre presque infiny de Flambeaux qu’on alluma le soir aux Fenestres, & par des Feux de joye qui furent faits dans toute la Ville. La mesme chose se fit les deux jours suivans, & il ne se pouvoit rien voir de plus beau que l’illumination du Palais du Viceroy, & de toutes les autres Maisons des Titrez & de la Noblesse. Le Dimanche 14. le Conseiller D. Michel Muscettola, Syndic de la Ville, se rendit au Tribunal de S. Laurens, & apres y avoir remply les fonctions de son Ministere, il prit le chemin du Palais, suivy des Elûs, & accompagné de tout ce qu’il y avoit de Personnes de qualité. Plusieurs Pages & Estafiers le precédoient, revestus de sa Livrée. Elle estoit couleur de musc & bleu, avec de grands galons d’or. Il n’y avoit rien de plus riche que son Carrosse. Le dehors estoit un Velours brodé d’or, & le dedans, un Brocard or & bleu des plus éclatans. Les Rouës, & tout le reste, estoient d’une Sculpture dorée, travaillée tres-finement. Sa Chaise qu’on portoit en suite, n’estoit pas moins belle que le Carrosse. Apres qu’il eut fait son Compliment à Mr le Marquis de los Velez, Viceroy de Naples, la Cavalcade commença à marcher dans l’ordre qui suit. Les Trompetes du General de l’Artillerie D. Virginio Valle, Lieutenant General de la Cavalerie du Royaume parurent d’abord, & en suite deux Aydes de Cavalerie avec ce Lieutenant General, qui estoit suivy de quatre Compagnies tres-bien ordonnées. Derriere, marchoient les Trompetes de la Ville. Ils precédoient les Chefs de Justice, apres lesquels on voyoit le plus superbe Carrosse du Viceroy, avec celuy du Syndic dont je vous ay déjà fait la description, & en suite la Chaise de l’un & de l’autre, & de deux Chevaux de parade, un pour chacun d’eux, magnifiquement enharnachez. Les Trompetes du Viceroy suivoient vestus de Brocard selon sa Livrée, avec six Chevaux de main d’une beauté surprenante. D. Emanuel de Aguirre, Lieutenant de la Garde Allemande, commençoit la Cavalcade des Titrez & des autres Nobles. Il estoit suivy de douze Soldats vestus de neuf, & portant des Halebardes. Le reste de la mesme Garde marchoit aux costez de la magnifique Troupe qu'il conduisoit. On peut la nommer ainsy, puis qu'il n'y avoit aucun de ceux qui la composoient, qui ne se fist distinguer par sa parure. C'estoit une profusion incroyable de Pierreries sur tous leurs Habits. Joignez à cela qu'ils avoient chacun une Suite de trente Personnes, Estafiers, & autres; que leurs Livrées estoient de toute sorte de couleurs, & que l'or & l'argent qu'on y avoit meslé pour les enrichir, produisoit l'effet du monde le plus brillant. Deux Lieutenans du Mestre de Camp General, marchoient les derniers. Apres eux venoient les Portiers de la Ville habillez de rouge, & ayant des Chausses & des Manches de Damas, avec des Bonnets à l'antique, & des Bastons dorez à la main. Ils estoient vingt-quatre, & precédoient le Maistre des Cerémonies, & quatre autres Officiers de la Ville tous en Robe longue, avec des Bonnets noirs aussi à l'antique, & des Housses de Velours noir. On voyoit paroître en suite trois Elûs Nobles, & celuy du Peuple, vestus tous quatre de Velours rouge. Leurs Bonnets, ainsi que leurs Souliers & leurs Housses, estoient couverts de Passemens d'or. Les quatre Portiers de Chambre de Mr le Viceroy, marchoient derriere eux, avec des Casaques de Brocard cramoisy & or, & des Bonnets de Velours noir. Le Roy d'Armes estoit au milieu en habit long, & ayant son Caducée. Deux des sept Officiers du Royaume les suivoient. L'un estoit le Marquis de Fuscaldo Grand Justicier, & l'autre, le Prince de Belmont Grand Senéchal. Ils avoient tous deux des Habits de Pourpre mouchetez avec de l'Hermine, une Housse de Velours, & un Bonnet rouge. Derriere, venoit le Prince de Cellamare, Capitaine des Gardes de Mr le Viceroy ; & en suite Mr le Marquis de los Velez, avec le Syndic à sa gauche. Son Habit estoit d'une magnificence admirable, soit pour la richesse de l'Etofe, soit pour la quantité de Pierreries qui en rehaussoient l'éclat. La joye estoit répanduë sur son visage, & il donnoit des marques du plaisir qu'il recevoit des continuelles acclamations qui retentissoient de tous côtez, en distribuant au Peuple de petites Pieces d'or qu'il avoit fait faire. Immédiatement apres luy, venoit le Conseil Collatéral, tant de longue que de courte Robe ; le Conseil de Sainte Claire, & les Officiers de diférens Tribunaux. Ils estoient suivis de la Compagnie des Lanciers de Mr le Viceroy, conduite par le Marquis de Taracene qui en est le Lieutenant. Il avoit une tres-belle Livrée. J'ay oublié de vous dire que celle de Mr le Marquis de los Velez estoit de Brocard à fond de Satin vert, avec des Manches brodées, & quantité de Passemens d'or. Les Estafiers, Cochers, & autres qui la portoient, passoient le nombre de cent. Quatre autres Compagnies de Cavalerie fermoient cette Cavalcade. On se rendit à l’Eglise Cathédrale dans l’ordre que je viens de vous marquer. On l’avoit ornée superbement. Mr l’Archevesque de Naples, qui est Cardinal, entonna le Te deum en présence de Mr le Viceroy. Dans le mesme temps se fit une Salve des divers Chasteaux de cette Ville. Un Bataillon d’Infanterie posté dans la Place du Chasteau-neuf, y répondit par la décharge de ses Mousquets, aussi-bien que le Canon de toutes les Galeres du Port. La Vicereyne vit passer la Cavalcade dans le Palais du Duc de Maddaloni. La Duchesse de ce nom l’y régala magnifiquement. Toutes les Ruës qui servirent à ce passage, estoient remplies d’une foule extraordinaire de Spéctateurs, & dans les Places publiques il y avoit des Ornemens particuliers d’une tres-grande richesse. Mr le Marquis de los Velez passa pardevant quelques Prisons à la sollicitation du Syndic, & en délivra tous ceux qui n’avoient point de Parties. On retourna au Palais, où Mr le Viceroy termina la Feste par un splendide Festin. Les Dames en avoient esté conviées. Sitost qu’elles s’y furent renduës, on eut le divertissement d’un tres-beau Concert, à la fin duquel, un petit Amour parut au haut d’un magnifique Theatre. Il vola de là vers Mr le Viceroy avec un Flambeau allumé qu’il luy présenta. Mr le Viceroy commença le Bal avec ce Flambeau, & le donna en dançant à D. Giovanna Caraffa, Marquise de Gagliati, Femme du Syndic, qui continua le Bal, & en fit les honneurs jusqu’à huit heures du soir. J’espere vous entretenir dans peu des Carrousels, & des Courses de Lances, qui doivent avoir suivy cette Cavalcade dans la mesme Ville. 

[Pastorale en maniere d’Opéra, representée à Turin] §

Mercure galant, mars 1680 (première partie) [tome 4], p. 197-203.Voir également cet article de l'Extraordinaire du Mercure de janvier 1679

Je vous parlay il y a un an de la Mascarade que Son Altesse Royale de Savoye fit le Dimanche & le Mardy gras, dans un Bal que Madame Royale donnoit avec la magnificence qui est ordinaire à cette grande Princesse. Je ne vous diray point que ce jeune & charmant Souverain a montré cette année le progrés qu’il a fait à la Dance, puis que les premiers mois de cet exercice ont esté pour luy des Leçons exécutées avec la derniere justesse & la plus entiere perfection. Je vous diray seulement que M. R. qui ne donneroit pas un moment d’interruption aux Affaires où elle s’applique sans relâche, si une admirable complaisance ne luy faisoit souffrir les plaisirs, afin de les donner à sa Cour, a fait représenter ce Carnaval une petite Pastorale, chantée en maniere d’Opéra, dont le dessein avoit toute la douce galanterie d’une intrigue de Bergers, & ne laissoit pas d’estre propre à souffrir des Entrées & des Intermedes fort magnifiques. S. A. R. a dancé à trois de ces Entrées, composées comme toutes les autres, par le Sieur la Pierre son Maistre de Dance ; & bien que ce Prince fust caché sous un Habit & un Masque tout à fait semblables à ceux de trois jeunes Seigneurs qui avoient l’honneur d’estre avec luy des mesmes Entrées, on ne laissoit pas de le reconnoître d’abord à un certain air de grandeur qui est naturel à toutes ses démarches, & à une disposition particuliere qu’il a pour cet Exercice. Ces jeunes seigneurs estoient Mr le Comte de Verruë, Neuveu de Mr l'Abbé Scaglia, Ambassadeur en France. Je vous ay déja parlé des belles qualitez du Neveu, & du mérite extraordinaire de l'Oncle. Les deux autres estoient Mr le Baron de Palavicin, & Mr le Comte de Chaland de Lenoncourt, qui tous ont à un âge au dessous de quinze ans, les perfections qu'on cherchoit autrefois à trente. Je ne puis sortir de cette Cour-là, sans vous dire encor que Mr le Comte de S. Maurice y a mené depuis peu Madame sa Femme, dont le rare mérite, plus encor que ses grands biens, a fait conclure dans les derniéres Semaines du Carnaval, un Mariage qui a esté l'ouvrage de peu de temps. Aussi n'en faut-il pas beaucoup à un aussi fin Connoisseur que Mr le Comte de Saint Maurice, quand il trouve autant d'esprit & de hautes qualitez qu'il en a trouvé en la personne de Mademoiselle de Boissat, de Vienne en Dauphiné. Je vous entretiendray plus particulierement la premiere fois, des Familles de ces deux illustres nouveaux Mariez, & me contenteray aujourd'huy de vous faire part d'un Epithalame qui a esté fait sur ce Mariage.

Chaconne §

Mercure galant, mars 1680 (première partie) [tome 4], p. 287-288.

On m’a donné une fort agreable Chaconne dont je vous fais part. Elle est de Mr Charpentier. Son nom vous la doit faire recevoir avec plaisir.

CHACONNE.

Avis pour placer les Figures : l’Air intitulé Chaconne, qui commence par Sans frayeur dans ce Bois, doit regarder la page 288.
Sans frayeur dans ce Bois seule je suis venuë,
          J’y voy Tirsis sans estre émeuë.
          Ah, n’ay-je rien à ménager ?
Qu’un jeune cœur insensible est à plaindre !
          Je ne cherche pas le danger,
          Mais du moins je voudrois le craindre.
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[Service fait pour feu M. le Comte de Tonnerre] §

Mercure galant, mars 1680 (première partie) [tome 4], p. 296-299.

Sur la fin de l’autre Mois, on fit à Tonnerre le Service du feu Comte de ce nom, avec une pompe digne de la grandeur de cette Maison. Les Officiers du Bailliage, de l’Election, du Grenier à Sel, de la Maréchaussée, & les Corps de Ville, s’estant rendus sur les neuf heures du matin ; les premiers, dans leurs Habits de Cerémonie, & les derniers, sous les Armes, à l’Hôtel de Mr le Comte de Tonnerre d’aujourd’huy, en partirent pour le conduire à l’Eglise de Nostre-Dame, dans l’ordre qui suit.

Le Corps de Ville précedé de ses Sergens, partit le premier. Il estoit suivy de trente Domestiques de Mr le Comte de Tonnerre, tous en deüil, & tenant chacun un Cierge à la main. En suite, marchoit l'Ecuyer du Mort, portant son Epée dans une contenance fort triste, & ayant un Manteau de deüil traînant de deux pieds. Apres luy, venoit Mr le Comte de Tonnerre d'aujourd'huy, couvert d'un Manteau de Drap noir, dont la queüe estoit de deux aunes. Deux Ecuyers la portoient. Ceux qui suivirent estoient de tous les Gentilshommes du Comté, puis les Officiers du Bailliage à la droite, ceux de l'Election à la gauche, & apres le Grenier à Sel, & la Maréchaussée. La Messe fut celébrée par Mr Bordes, Doyen de l’Eglise, qui prononça en suite l’Oraison Funebre. Il s’en acquita fort dignement. Le Cerémonie achevée, Mr le Comte de Tonnerre retourna en son Hôtel dans le mesme ordre qu’il estoit party, & traita la Noblesse, & les Corps de Ville, avec beaucoup de magnificence.

[Réjoüissances faites à Cluny] §

Mercure galant, mars 1680 (première partie) [tome 4], p. 299-301.

Un Spectacle d’une autre nature a attiré grand monde à Cluny. Il estoit de réjoüissance, & servit de divertissement public le Jeudy gras, dans le lieu que je viens de vous nommer. Le Mariage de Monseigneur le Dauphin qui a suivy l’heureuse conclusion de la Paix, mettoit tout le Peuple en joye. On vit un Char de Triomphe conduit par un Cupidon, dans lequel estoit placée une Nimphe représentant la Victoire. Elle estoit toute brillante de Pierreries, & les Rameaux d’Olivier qu’elle portoit, joints à d’autres de Laurier, faisoient connoistre que les Triomphes du Roy avoient donné la Paix à la France. Deux Amazones en équipages fort propres précedoient ce Char. Plusieurs autres marchoient à costé & derriere, toutes fort lestes, bien à cheval, & tenant chacune la Lance en arrest. Elles firent plusieurs tours de Ville au son d’une Symphonie tres-agreable, & la Feste se termina par une magnifique Collation, qui fut servie chez une Dame des plus considérables de Cluny, qui donna le Bal. Le Cupidon qui avoit conduit le Char, y distribua des Billets doux, & des Madrigaux galans à toutes les Belles.

[Maistres donnez à Madame la Dauphine] §

Mercure galant, mars 1680 (première partie) [tome 4], p. 321-323.

Je ne vous dis point que cette PrincesseIII a charmé toute la Cour par ses grandes qualitez. Je reserve ce que j’ay à vous apprendre de son mérite, pour la Relation particuliere que je vous prépare. Je vous diray icy seulement, que comme elle a de la voix & de la métode ; le fameux Mr Lambert a l’honneur de luy montrer à chanter. Sa Majesté a nommé le Sr Raynal pour estre son Maistre de Dance. Il estoit malade à Paris, quand le Roy se souvenant de son assiduité aupres de Monseigneur, qui a pris leçon de luy dés son plus bas âge, l’a choisy préferablement à ceux qui luy estoient proposez. 

[Agamemnon, Tragedie] §

Mercure galant, mars 1680 (première partie) [tome 4], p. 332-333.

Agamemnon promis depuis si longtemps, a esté enfin joüé. Je n’entreray point dans les beautez particulieres de cette Piece. Il suffit de vous apprendre qu’elle a eu un plein succés, & que les applaudissemens qu’on luy a donnez, ont justifié ce qui s’en estoit dit d’avantageux avant qu’elle parust au Theatre. Les nombreuses Assemblées qu’elle attire, parlent hautement pour la gloire de Mr d’Assezan qui en est l’Autheur, & pour celle de la Troupe du Roy, qui la représente.