1682

Mercure galant, août 1682 [tome 8].

2016
Source : Mercure galant, août 1682 [tome 8].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial) et Vincent Jolivet (Informatique).

Avis §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. I-IV.

AVIS.

 

Quoy que dans toute cette Relation on ait mis Monseigneur le Duc de Bourgogne, on avertit qu’il faut dire, Monseigneur, Duc de Bourgogne. On avoit déja imprimé quelques Feüilles du Mercure quand on l’a sçeu, & on a continué le Volume comme on l’avoit commencé, pour n’y point parler de deux façons.

Les Particularitez de la Naissance de ce jeune Prince, & les Réjoüissances qui l’ont suivie à Paris, ont fourny tant de matiere, qu’il a esté impossible d’y mesler aucune Nouvelle du Mois. On n’a pû mesme parler des Festes que cette Naissance a fait faire dans les Provinces, à l’exception de celles qui ont esté faites en Bourgogne, & à Strasbourg. Tout cela est reservé pour le Mois prochain. Le Mercure ne doit pas estre regardé comme un Livre qui apprend une Nouvelle qu’on ne sçait pas, puis que les Nouvelles ne sont nouvelles qu’un jour, mais comme un Recueil de toutes les circonstances dont ces Nouvelles sont accompagnées, & qui sont sçeuës fort souvent de peu de Personnes, quoy qu’en general le gros de l’Article soit connu. C’est par ce détail, & par le tour qu’on luy donne, qu’on croit qu’en quelque temps que ce soit, les matieres que l’on traitera seront receuës comme estant nouvelles, de mesme que jusqu’à la fin du monde, l’Histoire sera nouvelle pour ceux qui n’auront pas commencé à la lire, bien que les évenemens leur en soient connus avant qu’ils les ayent leus.

On a étendu dans cette Relation tous les Articles que le Public ignoroit, ou dont il sçavoit tres-peu de chose, & en mesme temps on a abregé ceux qui luy estoient connus, pour ne le pas ennuyer par d’inutiles repétitions. Si l’on a parlé des derniers, ç’a esté pour faire un Corps, & donner une suite du tout. On mettra ainsi entiers à l’avenir tous les Mémoires qui n’auront point esté employez dans d’autres Relations.

[Naissance du duc de Bourgogne à Versailles]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 12-16, 29-30, 47-48.

 

Le Mardy, quatriéme de ce Mois, apres que Madame la Dauphine eut soupé, elle commença à sentir quelques douleurs dans les reins. Elle le dit à la Reyne, & la pria de n'en point parler. Cette Princesse estant toûjours du caractere que je vous ay dépeint dans la Rélation de son Mariage, avoit trop de fermeté pour vouloir, sur de legeres douleurs, mettre tout le monde dans cette espece de trouble qu'elle sçavoit bien que devoit causer la premiere connoissance que l'on auroit de son mal. [...] Tout Versailles apprit ce qui se passoit. Jugez de l'agitation qui parut alors dans une aussi grande Cour que celle de France. Tout y fut en mouvement. Les Princes, & les Princesses du Sang qui n'étoient point encor couchez, se rendirent aussi-tost chez Madame la Dauphine. Les autres ayant esté réveillez, y vinrent un peu apres. Des Courriers partirent en diligence pour avertir ceux qui estoient à Paris. On envoya des Relais sur le chemin. Il fut éclairé comme si le jour eust déjà paru, par la quantité de Flambeaux qui faisoient porter ceux qui alloient & venoient ; & toute la Cour réveillée à ce grand bruit, accourut dans les Antichambres de l'Apartement de Madame la Dauphine, & dans la Galerie par où l'on passe pour y aller. Comme il n'y avoit aucune apparence qu'elle dust accoucher si-tost, on ne voulut point aller éveiller le Roy. Enfin sur les cinq heures du matin, on jugea à propos de luy apprendre l'état où estoit cette Princesse. Il se leva aussi-tost, & au lieu d'aller chez elle & de paroistre alarmé, il usa de la prudence, & de la modération qui luy sont ordinaires. Il crut que dans une journée où les prieres estoient necessaires pour attirer le secours du Ciel, la premiere chose qu'il devoit faire, estoit d'entendre la Messe. Il la fit dire, & environ à six heures du matin il alla voir en quel état les choses estoient. [...]

Le Jeudy matin, le Roy alla à la Messe, & quoy qu'il eust veillé, il ne laissa pas de tenir Conseil à son ordinaire. Ainsi ce Prince a partagé deux jours, & presque deux nuits, entre ses prieres, les soins de l'Etat, & sa tendresse pour Madame la Dauphine. [Suit le récit de la naissance du Duc de Bourgogne] [...]

Il n'y avoit qu'un moment que cette Princesse estoit délivrée, & déjà les Feux estoient allumez de toutes parts. Ils furent comme un signal pour les Missionnaires tirez de la Paroisse de Versailles, & établis par le Roy dans le Château. Ces Missionnaires se rendirent aussi-tost dans la Chapelle, & ils y chanterent le Te Deum. Voilà le fruit de l'établissement dont je vous ay parlé. Autre fois Dieu n'estoit point remercié à la Cour, par la voix de ses Ministres, des graces qu'il y répandoit. Il l'est aujourd'huy par les soins de la pieté du Roy, & il l'est mesme avant qu'on se mette en devoir de luy rendre graces en aucun autre lieu. [...]

[Réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne en province]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 61-65.

 

Si-tost que Madame la Dauphine fut accouchée, Messieurs les Secrétaires d'Etat firent faire un tres-grand nombre de Copies d'une Lettre du Roy, pour les envoyer à tous les Gouverneurs des Villes de France. Voicy ce que cette Lettre contenoit.

 

Monsieur de .... Les heureux succés que mes justes desseins ont toûjours eu, soit dans la Paix, soit dans la Guerre, depuis mon Avénement à cette Couronne, & les progrés avantageux que mes Armes ont fait sur mes Ennemis, qui ont rendu la Paix à l'Europe, mis mes Etats à couvert des entreprises des Envieux du bonheur dont ils joüissent & rétably mes Alliez dans ceux dont on les avoit dépoüillez, ont fait connoistre assez clairement à tout le monde la puissante protection de Dieu pour cette Couronne ; mais elle n'a jamais paru si visiblement, ny fait naistre tant d'espérance pour la félicité future de mes Peuples, & l'affermissement de leur repos, que par le gage prétieux qu'il vient d'en donner à la France en la Naissance d'un Prince, que j'ay nommé Duc de Bourgogne, dont ma tres-chere & tres-amée Fille la Dauphine a esté heureusement délivrée. Ce dernier témoignage que je reçois de la Bonté Divine, & qui met le comble à tant de prospéritez dont elle a favorisé mon Regne, me donne des ressentimens si vifs de reconnoissance envers Sa Divine Majesté, que je me trouve dans l'impuissance de la pouvoir dignement remercier & comme je ne sçaurois mieux y satisfaire qu'en obligeant tous mes Sujets qui participent à tant de bien faits, d'en rendre avec moy les Actions de grace qui luy en sont deuës, je mande aux Archevesques & Evesques de mon Royaume, de faire chanter le Te Deum dans leurs Eglises Cathedrales, & autres de leurs Dioceses ; & je vous fais cette Lettre pour vous donner part de cette agreable Nouvelle, & vous dire en mesme temps que mon intention est que vous assistiez au Te Deum , qui sera chanté dans la Ville où vous vous trouverez lors de la réception de la Présente ; que vous teniez la main, à ce que les Officiers de Justice, & du Corps Commun des Villes, y assistent ; que vous fassiez tirer le Canon dans ma Ville de * & autres Places de l'étenduë de vôtre Charge, faire des Feux de joye, & donner au surplus toutes les marques de réjoüissances publiques qu'un évenement si avantageux mérite ; & la Présente n'estant pour autre fin, je prie Dieu qu'il vous ait Mr de *. en sa sainte garde. Ecrit à Versailles le 6. jour d'Aoust 1682.

[Réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne à Paris]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 84-88.

 

[...] Mr de Bonneüil, introducteur des Ambassadeurs, alla par ordre de Sa Majesté donner avis de cette Naissance aux Ministres reconnus en cette Cour ; & invita ceux de Chapelle de se trouver au Te Deum qu'on devoit chanter le lendemain. Le mot de Chapelle est distinction des Catholiques & des Protestants. La Fontaine de la Place de Greve jetta du Vin toute la journée. On en donna encore le soir avec du Pain devant la grande Porte de l'Hostel de Ville. Il y eut un Feu, & l'on tira des Boëtes & du Canon. Les Réjoüissances commencerent ce soir-là; & dés l'apresdînée, plusieurs avoient fermé leurs Boutiques, quoy qu'on n'y eust obligé personne. On alluma des Feux dans toutes les Ruës, on mit des Lumieres aux Fenestres, & il y eut des Tables dressées devant plusieurs Hostels et Maisons de Personnes de qualité.

Ce mesme jour, sur les huit heures du soir, la Premiere Compagnie des Mousquetaires, avec tous ses Officiers, marcha Tambour batant, mêche allumée, depuis son Hostel jusqu'à celuy de Mr le Commandeur de Fourbin son Commandant. Il alla luy-mesme au devant vers le Pont-rouge, se mit à leur teste, & les conduisit sur le Quay, le long du Parapet, qu'ils borderent avec toutes les formalitez qu'ils pratiquent dans les Attaques. Ils ne furent pas plutost rangez, que les Tambours cesserent, pour donner aux Hautbois le temps de joüer quelques Fanfares pendant que le Peuple se rangeoit. On ne donna qu'un ordre general aux Mousquetaires pour toutes les Décharges qu'ils devoient faire. Un Tambour faisoit en suite tous les Commandemens particuliers, & un seul coup de Baguete les avertissoit du temps qu'il falloit prendre pour les diférentes choses qu'on demandoit d'eux. On sçait que cet illustre Corps est composé de toute la Jeunesse de la premiere qualité du Royaume, & qu'il n'est pas moins distingué par l'adresse dans l'Exercice, que par la valeur dans le Combat.

Cette adresse parut bien dans cette occasion. Le Tambour ne les eut pas plutost avertis de se tenir prests, qu'apres les coups de Baguete ils commencerent une Décharge, qui par des reprises qui n'avoient rien d'interrompu, firent entendre environ mille coups de Mousquet. Les intervales en estoient aussi justes, & les temps aussi comptez que ceux de la Musique la mieux cadancée. [...]

[Suite des réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne à Paris]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 92-99.

 

Samedy huitiéme du mois, les Canons de la Ville, de la Bastille, & de l'Arsenal, annoncerent dés le matin la Cerémonie, & les Réjoüissances qui devoient estre faites ce jour-là. Les Boutiques furent fermées par Arrest du Parlement, & les Colleges par un Mandement spécial du Recteur. Mr de Saintot, Maistre des Cerémonies alla le matin porter l'ordre au Parlement, à la Chambre des Comptes, à la Cour des Aides, & au Corps de Ville pour assister au Te Deum. Toutes ces Compagnies se trouverent à Nostre-Dame sur les quatres heures ; le Parlement en Robes rouges, & les autres Corps avec leurs Robes de cerémonie. Mr le Chancelier s'y rendit à la teste du Conseil. Les Ministres Etrangers y vinrent dans le plus leste appareil qu'il leur fut possible pour honorer cette Feste. Ces Ministres furent Mr Foscarini, Ambassadeur de Venise; Mr le Marquis Ferreiro, Ambasadeur de Savoye; Mr le Bailly de Hautefeuïlle, Ambassadeur de Malte; Dom Salvador Taborda, Envoyé de Portugal; & Mr le Conte Bagliani, Envoyé du Duc de Mantouë. Plusieurs autres Envoyez y assisterent incognito.

Mr l'Archevesque, revétu de ses Habits Pontificaux, commença le Te Deum, & la Musique le continua. Elle avoit esté faite exprés. La nouvelle grosse Cloche sonna pour la premiere fois. On eut beaucoup de peine à la mettre en branle, parce qu'on n'avoit pris des mesures que pour la faire sonner le jour de l'Assomption. A la fin du Te Deum, le Canon tira dans tous les lieux dont je vous ay déjà parlé. Toutes les Cloches de la Ville carillonnoient, ainsi que les Horloges publiques, qui dans les Festes solemnelles ne discontinuent point pendant quarante heures.

Apres que le Te Deum eut esté chanté, toute la Ville se rendit en son Hôtel, où se trouva Mr le Duc de Créquy, Premier Gentilhomme de la Chambre du Roy, & Gouverneur de Paris, accompagné de Mr le Marquis de la Fuente, Ambassadeur d'Espagne, & de plusieurs autres Personnes du premier rang. On leur présenta une Collation tres-magnifique, & l'on en servit plusieurs autres dans les Apartemens de Mrs Vinx, Roberge, Helissan, & Baglan, Echevins; de Mr Truc, Procureur du Roy, & des autres Officiers de la Ville. On fit ensuite joüer un tres-beau Feu d'artifice. On avoit elevé un Théatre quarré sur neuf Pilliers, ayant quatre-vingt-seize pieds de tour, & faisant de toute costez une face de vingt-quatre pieds. Ce Théatre estoit enrichy d'une Corniche peinte en Marbre, regnant tout au tour avec sa Frise chargée de Dauphins entrelassez les uns dans les autres. Il estoit fermé de Balustres, & servoit de Baze à un grand Pied d'estal de huit pieds de haut, & de sept de large à chaque face. Le haut de ce Pied d'estal estoit bordé d'une Corniche de Marbre, avec de riches Panneaux de Lapis, dans lesquels on voyoit de petits Amours qui badinoient avec des Dauphins. Sur ce Pied-d'estal il y en avoit un autre petit, de trois pieds de haut, sur deux & demy de large. Ce dernier soûtenoit une Figure de l'Espérance couronnée de Fleurs, tenant un Amour entre ses bras. On lisoit ces quatre Vers au dessous de la Figure.

 

Déjà depuis longtemps, par cent succés heureux,

La Fortune répond aux projets de la France ;

Mais aujourd'huy la propice Espérance

D'un bonheur étenel vient assurer nos voeux.

 

La Planche que je vous envoye gravée, vous mettra devant les yeux ce que je ne vous explique qu'imparfaitement. Le Bal succeda au Feu, & dura la plus grande partie de la nuit. [...]

[Théâtre élevé en l’honneur du duc de Bourgogne.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 97-99.

On fit ensuite joüer un tres-beau Feu d’artifice. On avoit élevé un Théatre quarré sur neuf Pilliers, ayant quatre-vingts-seize pieds de tour, & faisant de tous costez une face de vingt-quatre pieds. Ce Théatre estoit enrichy d’une Corniche peinte en Marbre, regnant tout au tour avec sa Frise chargée de Dauphins entrelassez les uns dans les autres. Il estoit fermé de Balustres, & servoit de Baze à un grand Pied-d’estal de huit pieds de haut, & de sept de large à chaque face. Le haut de ce Pied-d’estal estoit bordé d’une Corniche de Marbre, avec de riches Panneaux de Lapis, dans lesquels on voyoit de petits Amours qui badinoient avec des Dauphins. Sur ce Pied-d’estal il y en avoit un autre petit, de trois pieds de haut, sur deux & demy de large. Ce dernier soûtenoit une Figure de l’Espérance couronnée de Fleurs, tenant un Amour entre ses bras. On lisoit ces quatre Vers au dessous de la Figure.

Déja depuis longtemps, par cent succés heureux,
La Fortune répond aux projets de la France ;
 Mais aujourd’huy la propice Espérance
D’un bonheur éternel vient assurer nos vœux.

[Réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne au Palais d'Orléans à Paris]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 100-101.

 

Mademoiselle d'Orleans, & Madame de Guise ayant choisy chacune leur jour pour faire éclater leur joye, en donnerent des marques au Palais d'Orleans par des Illuminations au Dôme, & aux Fenestres de ce grand Palais, par de grands Repas donnez aux Dames, par des Concerts d'Instrumens, & par du Pain & du Vin distribué à tous ceux qui se présenterent pour en recevoir. [...]

[Réjouissances de l’Ambassadeur de Savoie.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 104-105.

[...] Pendant trois ou quatre nuits, cet Ambassadeur fit tirer un nombre incroyable de Fusées volantes, dont il y en avoit toûjours plusieurs qui partoient en mesme temps. Ces quatre Vers qu’on lisoit sans peine, expliquoient le secret de l’Illumination, & le dessein de toute la Feste.

 Dans le commun excés de joye
 Où les François sont aujourd’huy,
 Le Trône voit que la Savoye
Luy rend le Sang qu’elle a receu de luy.

[Représentations théatrales.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 109-112.

 

Ce mesme jour huitiéme, qui estoit celuy du Te Deum, & du Feu de la Greve, les Comédiens François donnerent la Comédie gratis ; & pour faire voir que dans un temps où tout le monde estoit dans la joye, ils ne vouloient pas épargner la dépense, ils choisirent le Gentilhomme Bourgeois, à cause que cette Piece est remplie d’Entrées de Balet & de Chansons. Le soin qu’ils prirent de la bien représenter, fut une chose si agreable au Public, qu’au commencement, & à la fin de la Comédie, il fit aussi des Concerts de son costé, & remercia les Comédiens par des Chœurs de Vive le Roy, qui durerent prés d’un quart-d’heure chaque fois. On avoit lieu d’estre satisfait, puis que malgré la prodigieuse quantité de monde qui se trouva à cette Représentation, tout se passa fort tranquillement, & sans aucun embarras, par le bon ordre qui fut apporté.

Les Comédiens Italiens donnerent aussi le mesme jour une de leurs plus belles Comédies gratis au Public. L’affluence du menu Peuple y fut fort grande, parce que le Quartier en est tres-remply. Cependant il y eut un si bon ordre, que malgré la foule, chacun entra librement, & sans estre incommodé.

[Continuation des réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne à Paris] §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 112-126.

 

Ce jour-là, & les deux suivans, le Canon de l'Arsenal, & de la Bastille, se fit entendre. On le tire trois fois à trois diférens temps dans les jours choisis pour chanter le Te Deum, & les Réjoüissances ne vont pas plus loin ; mais dans cette occasion, le Dimanche 9. & le Lundy 10. furent celébrez de la mesme sorte que le Samedy, & on tira le Canon à la pointe du jour, à midy, & sur le soir. Mr de Besmaux, Gouverneur de la Bastille, fit dresser un grand Bucher devant la Porte de cette Forteresse. Mr le Marquis de Besmaux son Fils, y mit le feu. Il y eut du Pain & du Vin distribué, & l'on donna le divertissement d'un Feu d'artifice d'une grandeur extraordinaire. Je puis parler ainsi de ce Feu, puisque le Corps de la Bastille luy servit, pour ainsi dire, de Machine & de Corps, l'Artifice estant attaché tout autour des Tours & des Murs de ce Chasteau. Ainsi jamais il n'y en eut de si grand, ny qui remplist une si vaste étenduë. Il dura du moins une heure, pendant laquelle le bruit des Boëtes, & de la Mousqueterie de la Garnison, se fit entendre de loin. Tout cela ensemble faisoit croire que la Bastille estoit en feu, & avoit assez l'air d'une Place que l'on prend d'assaut.

Les Marchands qui occupent le Pont Nostre-Dame, firent à l'envy éclater leur joye par une magnificence que tout le monde alla admirer. Chacun s'estoit servy de ce qu'il vend de brillant pour l'exposer en dehors, & sembloit avoir voulu faire de ce Pont autant d'Apartemens somptueux qu'il y avoit de Boutiques. On l'avoit illuminé par plusieurs Lustres garnis de Bougies, & rangez partout dans une égale distance. Toutes les Fenestres estoient éclairées d'un nombre presque infiny de Lumieres depuis le haut jusqu'au bas. Ce n'estoient partout que Girandoles & Plaques dorées, & l'on distinguoit comme en plein jour les Portraits des Roys de France, & les autres Figures qui ornent ce Pont. On y avoit adjoûté beaucoup de Tableaux. Les Miroirs de toutes sortes, à Bordures de crystal & à Bordures dorées, estoient jusqu'aux toits. Ainsi les Lustres que l'on avoit suspendus où l'on place les Lanternes, fiasoient paroistre les Feux plus de cent fois redoublez dans chaque Boutique. Les Chambres estoient de mesme parure, & comme elles sont fort basses, il estoit aisé de voir tout ce qui estoit dedans, par cette longue perspective de Lumieres qui éclairoient tout le Pont. On alluma un grand Feu à l'un des bouts, & l'on choisit une des Boutiques les plus spatieuses, pour en faire la Salle de Bal. Elle estoit tenduë d'une tres-belle Tapisserie, & avoit pour ornement plusieurs Miroirs d'une Bordure admirable. On y dança jusques à cinq heures du matin au son des Hautbois & des Violons, & les Liqueurs n'y furent pas épargnées. On y beuvoit aussi dans la plûpart des autres Boutiques, dans les Chambres, & sur le Pont mesme. Chacun se répondoit l'un à l'autre ; & les Passans que l'on faisoit boire, formoient à tous momens de nouveaux Concerts de Vive le Roy, & Monseigneur le Duc de Bourgogne.

Comme Mr le Duc de Montausier est Gouverneur de Monseigneur le Dauphin, il semble qu'il avoit un double sujet de se réjoüir. Aussi peut-on dire que le coeur du Maistre avoit passé dans ses Domestiques, qu'ils estoient tous animez de son esprit, & que jamais les vifs mouvemens d'une veritable joye n'ont si bien paru que sur leurs visages. A voir la maniere dont ils s'y abandonnoient, on connoissoit aisément qu'ils ne marquoient rien qu'ils ne sentissent. Quelque éclat qu'ait eu la dépense qu'on a faite, il n'égaloit point celuy des agreables transports que l'allégresse a produits pendant plusieurs jours dans tout cet Hostel. Il estoit éclairé d'un grand nombre de Flambeaux de poing de cire blanche, & paroissoit le Palais de l'Abondance & de la Joye ; de l'Abondance, non seulement parce qu'il n'estoit permis à personne de passer devant la Porte, sans s'y arrester pour boire, mais encor parce que l'on remplissoit des Cruches de Vin à tous ceux du menu Peuple qui venoient en demander, & qu'il y avoit des Tables dressées en plusieurs endroits ; & de la Joye, parce que dans la Court, dans les Chambres, & dans toute la Maison, on ne voyoit que des emportemens de plaisir, & des Dances au son de toute sorte d'Instrumens.

Le Vendredy 7. de ce mois, premier jour des Réjoüissances, Milord Preston, Envoyé Extraordinaire d'Angleterre, n'ayant pas eu le temps de faire des préparatifs, ordonna qu'on fist un grand Feu, & que l'on distribuast du Vin à tous ceux qui passeroient devant son Hôtel. Cela fut executé, & pendant que le Feu brûloit, on tira beaucoup de Fusées volantes. Des Trompetes sonnerent plusieurs Fanfares jusqu4à minuit, & il se trouva dans l'Hôtel une fort grande assemblée de Gentilhommes Anglois, & autres, qui pendant tout ce temps furent régalez de Vins de liqueur qu'on y donna en profusion. Toutes les Fenestres, depuis le haut jusqu'au bas, estoient illuminées de Flambeaux & de Lanternes, & l'on fit dés ce jour-là tout ce que la précipitation put permettre.

Le lendemain Samedy, on mit aux quatre principales Croisées du devant de l'Hôtel, quatre grands Chassis de Peinture transparente, qui faisoient une tres-belle Illumination au dehors.

Dans l'un de ces Chassis, au premier Apartement, on voyoit un Hercule assis sur des Trophées d'armes, représentant la France, dont les Armes estoient au dessus. Dans l'autre Chassis de ce mesme Apartement, il y avoit un Neptune assis sur une Conque marine, avec son Trident à la main, représentant l'Angleterre, & les Armes de Sa Majesté Britannique au dessus.

Au second Apartement, on voyoit dans le Chassis, au dessus de celuy où estoit représenté Hercule, les Armes de Monseigneur le Dauphin & de Madame la Dauphine, dans un mesme Ecusson, au bas duquel il y avoit deux grands Dauphins. Dans le Chassis au dessus de celuy qui représentoit Neptune, on voyoit les Armes des trois Royaumes d'Angleterre, Ecosse, & Irlande, avec la Devise du Roy d'Angleterre, Dieu est mon droit.

Ces Illuminations faisoient un tres-bel effet. Aussi peut-on dire que les plus habiles Peintres de Paris en ces sortes d'Ouvrages, y avoient mis la main. Tout cela fut fait en un jour.

Toutes les autres Fenestres du devant de l'Hôtel jusqu'au toit, furent éclairées de Flambeaux & de Lanternes peintes. On fit un grand Feu, pendant lequel on tira un tres-grand nombre de Fusées volantes, & autres Artifices. On continua les Réjoüissances dans l'Hôtel, où il y avoit quantité de Personnes de qualité, & une Troupe de Hautbois qui joüa jusqu'à minuit.

Le troisiéme jour, qui fut le Dimanche, on vit les mesmes Illuminations, mais le feu fut plus grand, les Fusées volantes & Artifices en plus grand nombre. Il y avoit des Trompetes & des Timbales qui servoient admirablement à finir l'agreable solemnité de cette Réjoüissance.

 

[Représentation gratis de Persée.]I §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. [120-122].

Chacun faisant paroistre la joye qu’il avoit de la Naissance du nouveau Prince, & se servant pour cela des choses qui regardoient son employ, Mr de Lully a crû devoir donner l’Opéra au Public. On y entroit par un Arc de triomphe, & c’estoit veritablement triompher, que de pouvoir passer par dessous, tant il y avoit de périls à essuyer pour y parvenir. On pourroit dire qu’il y vint un Monde entier. La diférence de ce qui s’est présenté de Peuple à la Comédie & à l’Opéra, quand on luy a donné gratis l’un & l’autre, fait connoistre la grande fortune que le mérite des Ouvrages de Mr de Lully luy fait faire. Comme il est le plus habile qui ait jamais paru en son genre, il est bien juste que le Public le distingue par l’empressement qu’il a de voir ce qu’il fait. Apres la Représentation de Persée, le grand Portique par dessous lequel on estoit entré, & deux Obélisques qui estoient aux deux costez, parurent tout en feu, & un Soleil s’éleva peu à peu au dessus. Ce Soleil estoit composé de plus de mille Lumieres vives, c’est à dire sans estre couvertes. On tira en suite plus de soixante Fusées d’honneur les unes apres les autres, & l’on fit couler jusqu’à minuit une Fontaine de Vin, qui consola plusieurs Personnes de n’avoir pû entrer à l’Opéra.

[Réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne à l'Hôtel des Gobelins à Paris]*II §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 122-140.

 

Dans toutes les occasions, où il a esté question de marquer sa joye pour tout ce qui a regardé la gloire du Roy, Mr le Brun n'a jamais manqué de se distinguer. Vous vous souvenez du Feu d'Artifice qu'il fit faire, & dont je vous envoyay le Dessin gravé, quand Sa Majesté donna la Paix. J'ay à vous parler aujourd'huy d'un autre que vous trouverez beaucoup plus considérable. La nouvelle de la Naissance de Monseigneur le Duc de Bourgogne, ne fut pas plutost venuë aux Gobelins, que tous ceux de cet Hostel Royal, & sur tout Mr le Brun, qui en est le Directeur, voulurent faire connoistre au Public la joye qu'ils en ressentoient, par une Pyramide de feu de quinze pieds de haut, qu'ils allumerent le soir dans la Ruë. On fit couler une Fontaine de Vin jusqu'à minuit. On eut soin de régaler tous ceux qui se présenterent, & on n'y épargna rien de ce qui pouvoit entretenir la réjoüissance. Le lendemain on alluma un autre Feu pareil au premier, & l'on fit les mesmes Régales à tout le monde. Comme cette Feste devoit estre continuée trois jours, on eut le temps d'élever pour le troisiéme une magnifique Décoration devant la Porte de l'Hostel des Gobelins, pour servir à un Feu d'artifice. Cette Décoration, qui estoit de cinquante pieds de haut, & de quarante-deux de large, représentoit la Façade, ou le Portail du Temple de l'Immortalité. Ce Temple, de figure octogone, estoit orné de deux Ordres d'Architecture l'un sur l'autre, le second Corinthien, & avoit trois Portes dans trois didérens pans de l'Octogone. Au dessus de celle du milieu, plus élevée que les autres, estoient les Armes de France dans un Globe soûtenu de Dauphins, accompagné de Trophées , avec des Esclaves. Au dessous estoit le Buste de Monseigneur le Dauphin, & plus bas, les Armes de Monseigneur le Duc de Bourgogne.

Les deux Portes des costez estoient occupées, l'une par la Statuë d'Hercule, l'autre par celle de Minerve, les Pied-d'estaux de marbre, & les Statuës d'or. Ces deux Divinitez estoient mises là comme pour défendre l'entrée du Temple, & ne la laisser libre qu'à ceux qui par leurs vertus se seroient rendus dignes d'y avoir place. C'est ce qui avoit donné lieu d'écrire sur le Pied-d'estal en lettres d'or, du costé d'Hercule, Portae patent virtuti, & du costé de Minerve, Procul hinc profani.

Entre les Pilastres, en quatre endroits diférens, estoient des Ovales ou Cartouches, dans lesquelles il y avoit des Devises faites par Mr l’Abbé Tallemant le jeune, Intendant des Devises & Inscriptions des Edifices Royaux.

La premiere estoit un jeune Lyon, avec ces paroles d’Ovide, Nominibus generosus avitis. Ce jeune Lyon est fier dés sa naissance, & ne se promet pas moins de force & de genérosité qu’ont ceux dont il sort ; ce qui convient assez bien à Monseigneur le Duc de Bourgogne, qui suivra glorieusement les traces de ses Ayeux, & sur tout du Roy, dont il recevra son illustre éducation.

Une Fusée volante faisoit le Corps de la seconde Devise. Elle avoit ces mots pour Ame, Quo non accepto ardore feretur ? Pour dire que de mesme que cette Fusée qui a en soy une matiere combustible, brillera dans l’air dés qu’on y aura mis le feu. Monseigneur le Duc de Bourgogne, qui a dans les veines le Sang illustre de Loüis le Grand, fera briller son nom & ses vertus, quand Sa Majesté y aura adjoûté ses leçons & ses exemples.

La troisiéme estoit un Lys, avec un autre petit Lys fleury sortant de sa tige, & ces mots d’Ovide, Patrij candoris Imago. Ce jeune Lys est la vraye Image de la blancheur du Lys dont il est sorty. Monseigneur le Duc de Bourgogne sera aussi le vray Portrait de la candeur, c’est à dire des vertus de Monseigneur le Dauphin son Pere.

Dans la derniere Devise on voyoit un Aigle montrant le Soleil à son Aiglon. Ces paroles tirées d’Horace luy servoient d’Ame, Dos magna Parentis, pour faire connoistre que comme cet Aigle ne peut donner un plus grand héritage à son Aiglon, que de luy faire contempler le Soleil, dont la lumiere luy communique la force qui le rend le Roy des Oyseaux, Monseigneur le Dauphin ne peut donner au Prince son Fils un héritage plus riche, que de luy donner à contempler son Ayeul, dont le simbole est le Soleil, d’où il puisera toutes les vertus qui le rendront un jour digne d’estre son Petit-Fils.

Sur la Corniche du premier Ordre, régnoit une Balustrade d’or, & aux deux extrémitez estoient posées deux Figures, l’une de la Justice, & l’autre de la Pieté. Le milieu plus élevé, portoit une haute Pyramide ornée de Palmes, qui renfermoient plusieurs Actions héroïques de Sa Majesté. Au haut de la Pyramide estoit l’Immortalité, tenant en sa main un Cercle d’or étoilé pour en couronner le Roy, dont le Buste estoit placé au bas sur le devant du Pied-d’estal. On avoit environné ce Pied-d’estal de Trophées, & l’on y voyoit deux Statuës aux deux costez, l’une de la Gloire, & l’autre de la Valeur. Le reste de la Balustrade estoit couvert de Trophées, avec deux grands Ovales qui contenoient deux Bas-reliefs ; dans l’un desquels on avoit représenté Hercule se reposant de ses travaux, & faisant voir sous ses pieds quantité de Monstres défaits. Dans l’autre estoit Minerve, triomphante des Vices. Ces deux Divinitez qui défendoient en bas l’entrée du Temple, donnoient à entendre en ce lieu-là, que ceux qui par leur vertu avoient merité d’y avoir place, joüissoient ensuite d’une parfaite tranquilité ; & c’est ce qui avoit donné lieu d’écrire en lettres d’or sous le Bas-relief d’Hercule, ces mots tirez de Virgile & mis en contresens, Tandem dat cura quietem, pour dire qu’apres beaucoup de travaux, enfin les Héros trouvent de la tranquilité. Sous le Bas-relief de Minerve, on avoit mis ces mots aussi de Virgile, Placidâ pace quiescit, pour montrer que la Vertu, apres avoir esté bien exercée, trouve enfin le repos où elle aspire. Derriere cette Pyramide & ces Trophées, Figures & Bas-reliefs, on voyoit briller le second ordre de ce Temple. Il estoit Corinthien, les Pilastres de Marbre, avec les Bases & les Chapiteaux d’or. Dans le milieu une grande ouverture en arcade estoit presque cachée par la Pyramide, & ce qui l’accompagnoit. Il y avoit deux grands Tableaux dans les deux autres Pans qui estoient plus en veuë. Le premier de ces Tableaux représentoit Jason, qui enleve la Toison d’or ; & l’autre faisoit voir Thesée, Vainqueur du Minotaure.

Le grand Edifice finissoit par une Balustrade, avec de petits Pied-d'E-estaux, d'espace en espace. Sur ces Pied-d'estaux estoient des Vases à l'antique, d'où il sortoit des flâmes. Tous les environs estoient ornez de Tapisserie & de Tableaux, représentant d'un costé les Actions héroïques du Roy ; & de l'autre costé, celles l'Alexandre.

Comme je vous envoye le Dessein gravé de cette représentation, je ne m'attacheray point davantage à le décrire. Pour peu que vous ayez d'application à l'examiner, vous découvrirez fort aisément le soin particulier que Mr le Brun a pris de tout ce Edifice.

Quoy que ce Temple de l'Immortalité parust tres-beau pendant le jour, & que l'on ne pust s'imaginer qu'il y manquast rien de ce qui pouvoit luy donner de l'agrément ; le soir, lors que l'Artifice fit paroistre un Soleil qui s'éleva peu à peu jusques au lieu le plus éminent, & dont les rayons, étendus de toutes parts, allumerent le Feu d'artifice, qui fut précedé du bruit des Boëtes, du son des Trompetes, & du Concert des Violons, le tout reprit un nouvel éclat. Les Illuminations, & les Fusées, avoient esté disposées d'une maniere qui les empeschoit de causer aucun désordre dans l'oeconomie de cette représentation ; & outre les effets que cet Artifice fit en l'air, il servit encor à rendre l'ordonnance de ce Temple plus grand, & plus magnifique qu'elle n'avoit paru tout le jour.

L'on termina cette Feste par un autre Feu de bois en Pyramide pareil aux premiers. Il fut aussi allumé au bruit des Boëtes, & au son des Violons & des Trompetes, & entretenu longtemps pour éclairer une si belle nuit. On tint table ouverte, & l'on fit couler, comme aux deux jours precédens, une Fontaine de Vin, qui ne cessa point jusqu'au lendemain.

[Réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne à Rambouillet]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 129-131.

 

Mr le Prince Adolphe a témoigné par de tres-grandes réjoüissances la part qu'il prenoit à l'allégresse publique. Il est Oncle du Roy de Suede, & logé à Ramboüillet, Maison de plaisance aux environs de Paris, hors la Porte S. Antoine. Un nombre presque infiny de Lumieres éclairoit cette Maison dedans & dehors. Outre un fort grand Feu qui fut allumé devant la Porte, il y en eut un d'artifice, auquel ce Prince, & le Prince son Fils, mirent le feu chacun avec un Flambeau de cire blanche. Quatre Tables furent servies avec beaucoup de magnificence, pour un fort grand nombre de Personnes de qualité. Presque tous les Ministres des Princes Etrangers avoient esté invitez à ce Régale. Tout ce que l'on desservit fut donné au Peuple. Les Hautbois & les Violons se firent entendre pendant le Repas, & la réjoüissance finit par le bruit des Boëtes, & le divertissement des Fusées volantes.

[Autres réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne à Paris]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 131-133.

 

Milord Stafford s'est fait aussi remarquer dans son Quartier par quantité d'Artifice, & par toutes les autres choses qui font connoistre qu'on se réjoüit d'un grand bonheur.

Madame la Princesse Mariane de Wirtemberg n'a pas laissé échapper cette occasion de donner des marques de l'attachement qu'elle a pour la France. Vous sçavez, Madame, qu'il y a plusieurs années qu'elle est à Paris sous la protection de Sa Majesté. Son Hostel, qui est un des plus agreables de toute la Ville, estoit éclairé par une infinité de Bougies qu'on avoit placées le long d'une Galerie & d'une Balustrade qui regne au dessus de la Porte. Des Flambeaux de cire blanche estoient allumez au dessus, & tout autour de la Balustrade. Il y avoit devant cette mesme Porte un Feu d'artifice des mieux entendus. Il dura longtemps, & fut tiré au bruit des Trompetes & des Timbales. Vous jugez bien qu'il y accourut grand monde. Ceux qui eurent soif, pûrent se desaltérer par une Fontaine de Vin qui coula en abondance.

[Compliments du duc de Saint-Aignan.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 144-146.

 

Mr le Duc de S. Aignan estant dans le Chasteau d’Alincourt, que Mr le Maréchal de Villeroy luy avoit presté pour prendre des Eaux de Forges, y reçeut avis, par un Courrier exprés, de l’accouchement de Madame la Dauphine. Il envoya aussitost un Gentilhomme en Cour, pour y témoigner sa joye, & fit sur le champ une Ballade fort galante, qu’il adressa à Madame la Duchesse de Richelieu. A son retour il fit faire un Feu devant son Hostel, & tirer un fort grand nombre de Boëtes. Un des ses Amis luy ayant fait compliment sur la quantité de ces Boëtes, il luy répondit agreablement, que s’il en avoit pû trouver davantage, il y auroit fait mettre le feu, & mesme à celle de Pandore, si elle luy fust tombée entre les mains, ne pouvant se persuader que dans le bonheur dont la France joüissoit, il eust pû sortir de cette Boëte aucun des malheurs dont on dit qu’elle a esté autrefois remplie.

[Réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne à Paris]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 146-148.

 

Le Recteur, & tous ceux qui composent l'Université, n'ont pas esté des derniers à prendre part à l'allégresse commune. Ainsi on a veu la Sorbonne toute illuminée, & l'on a fait de grands Feux dans la Court & devant la Porte de cette magnifique Maison. Le College Royal de Navarre, ceux du Plessis, de Bourgogne, d'Harcourt, & de Beauvais, ont fait aussi paroistre leur joye ; & les Ecoliers de tous ces Colleges ayant jetté beaucoup d'Artifice, & fait diverses réjoüissances aux cris de : Vive le Roy, & Monseigneur le Duc de Bourgogne, on ne peut douter que ces Concerts ne fussent tres-éclatans, estant composez d'un nombre infiny de Voix qui n'avoient point d'autres mesures que l'emportement de leur zele.

[Autres réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne à Paris]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 151-152, 154-161.

 

Les Réjoüissances de Paris n'ont pas esté bornées aux Feux. Les Timbales, les Trompetes, les Violons, les Hautbois, s'y sont fait entendre de toutes parts ; & leur bruit meslé à celuy des Fusées, des Armes à feu, des Boëtes, des Acclamations publiques, & des cris de Vive le Roy, & toute la Maison Royale, formoit ensemble un concert qui ne peut estre entendu dans aucune autre Ville du monde. [...]

Il y eut des Masques en beaucoup de lieux, des Bals presque par tout, & l'on pourroit mesme dire que tout Paris estoit comme une Salle de Bal. La plûpart de ceux qui sont Enseignes de la Compagnie de leur Quartier, avoient mis leur Drapeau à leurs Fenestres, & donnoient à boire dessous. Plusieurs jeunes Bourgeois s'estant assemblez, composerent une Compagnie de Mousquetaires, & comme ils sçavoient que les Rubans grisdelin plaisent à Madame la Dauphine, ils en mirent à leurs Chapeaux, à leurs Cravates, & à leurs Noeuds d'épaule, & se promenerent ainsi par la Ville Tambour batant, & le Mousquet sur l'épaule. Les Réjoüissances n'éclatoient guéres moins pendant le jour. Il y avoit des Bals ouverts dés l'apresdînée, & chacun faisoit servir la Collation à ses Amis. Il sembloit que les Divertissemens augmentassent chaque jour. [...]

Les Transports de joye que ceux de la Place Royale ont fait éclater, ne peuvent estre décrits, non plus que l'éclat de ses Lumieres. La simétrie des Maisons donnoit de la régularité à ce Spéctacle de feu, & rien n'estoit plus agréable à la veuë. [...] Il y avoit de petits Canons à l'Hôtel de Richelieu, qui n'ont point cessé de se faire entendre tant qu'ont duré ces Réjoüissances. Vous sçavez qu'il est situé dans cette Place, aussi-bien que les Hôtels de Chaunes, de Duras, & de Dangeau, où l'on a fait des choses extraordinaires. On ne s'est pas moins distingué à l'Hôtel de la Feuïllade, & l'on défonça jusques à sept ou huit muids de Vin à l'Hôtel de Villeroy. Les Festes furent presques égales chez toutes les Personnes de qualité. Les Violons que Mr le Prevost des Marchands avoit envoyez dans le Jardin des Tuilleries, à la Place Royale, & en plusieurs autres endroits de la Ville, n'avoient pas peu contribué à mettre le Peuple en joye ; & ce qui est assez surprenant, c'est que dés les trois premiers jours, des Particuliers firent de tres-beaux Feux d'artifice malgré le peu de temps qu'ils avoient pour les faire préparer. Si l'on considere l'amour que tous les Peuples de France ont pour leur Roy, l'on ne s'étonnera point de toutes ces Réjoüissances, & l'on sera aisément persuadé qu'on les verra toûjours redoubler, pour toutes les choses qui donneront quelque sorte de satisfaction à LOÜIS LE GRAND. Tout ce que je vous puis dire, Madame, c'est que les bons François n'ont pû voir tous ces transports qui partoient du fonds de l'ame, sans que la joye leur ait fait verser des larmes. Je ne vous dis rien dont je n'aye esté témoin.

[Vers de Mlle de Scudéry.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 163-165.

[...] Cette Naissance a fait faire quantité de Vers. Je vous en envoye quelques-uns. En voicy de l’illustre Mademoiselle de Scudéry.

A Monseigneur
LE DUC DE BOURGOGNE.

Venez, heureux Enfant, venez à la lumiere,
Vous allez commencer une illustre carriere,
Et le Soleil qui naist aux bords de l’Orient,
N’a pas à sa naissance un éclat si riant.
Tout brille autour de vous ; les Jeux, les Ris, la Gloire,
Parent vostre Berceau comme un Char de Victoire.
Mais, ô divin Enfant, quand on sort de Héros,
On ne vit pas longtemps dans les bras du Repos.
Hastez-vous ; que le corps, l’esprit, & le courage,
Forcent les Loix du temps, & les Regles de l’âge ;
Passez rapidement les frivoles plaisirs,
Et concevez bientost d’héroïques desirs.
Vous pourrez surpasser tous les Princes du Monde,
De vos premiers Exploits remplir la terre & l’onde,
Digne de vostre Nom estre adoré de tous,
Et voir toûjours LOUIS, bien au dessus de vous,
Eclairer tous vos pas, vous servir de Modele,
Estre du Roy des Roys une Image fidelle,
Le bonheur des François, l’ame de ses Etats,
Et l’exemple eternel de tous les Potentats.

[Sonnets de Boyer et de le Clerc.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 166-170.

 

Les deux Sonnets que vous allez voir, sont de deux Autheurs, à qui leurs Ouvrages ont acquis beaucoup de gloire. Le premier est de Mr Boyer, & le second de Mr le Clerc, tous deux de l’Académie Françoise.

SUR LA NAISSANCE
de Monseigneur
LE DUC DE BOURGOGNE.
Sonnet.

Quel éclat surprenant, quelle clarté nouvelle
Se répand aujourd’huy sur l’Empire François !
Un second Rejetton d’une Race immortelle
Promet à l’Univers mille biens à la fois.
***
Quelle félicité plus parfaite & plus belle
Pouvoit payer LOUIS de ses fameux Exploits !
Fortune, ta faveur, pour tout autre infidelle,
Comble enfin le bonheur du plus grand de nos Roys.
***
C’estoit peu pour LOUIS de vivre dans l’Histoire,
D’éterniser son Nom, de transmettre sa gloire
Aux Siecles à venir dans toute sa splendeur ;
***
Il voit plus d’un appuy de son pouvoir supréme ;
Il voit dés ce moment au dela de luy mesme,
Au dela de son Fils étendre sa grandeur.

A MONSEIGNEUR
ET A MADAME
LA DAUPHINE.
SONNET.

Prince chery du Ciel, Fils du plus grand des Roys,
Qui ne voit que par Luy sa puissance bornée ;
Et Vous, de tous les deux le juste & digne choix,
PRINCESSE, en qui l’on voit la Vertu couronnée ;
***
Glorieux Ornemens de l’Empire François,
Joüissez pleinement de vostre destinée ;
Tout vous rit, tout vous louë, & benit mille fois
Le Jour qui vous soûmit aux Loix de l’Hymenée.
***
Cet objet de nos Vœux, ce Fils si souhaité,
Sembloit encor manquer à la felicité
D’un Roy pour qui le Ciel tous ses trésors déploye ;
***
Mais luy donnant ce Fruit de vostre heureux lien,
Vous venez de le mettre au comble de sa joye ;
Il fit vostre bonheur, Vous achevez le sien.

[Vers de Mr Salbray.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 170-171.

 

Mr Salbray, Valet de Chambre du Roy, a tiré d’heureux présages de ce que le Prince est né le Jeudy, & dans le mois d’Aoust, appellé Auguste par les Latins. Voicy comment il explique sa pensée.

Ce nouveau Prince est né le jour de Jupiter,
C’est le plus beau destin qu’on puisse souhaiter ;
Le Sort, au choix de l’Astre, est favorable & juste,
Puis qu’il doit hériter du Pouvoir souverain.
Pour comble de bonheur, c’est dans le Mois d’Auguste,
D’une heureuse Grandeur le présage est certain.

[Madrigal.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 171.

 

J’adjoûte un Madrigal dont l’Autheur m’est inconnu.

D’un Empire puissant faire tous les souhaits
 Fort longtemps avant que de naître ;
En naissant assurer le bonheur de la Paix,
Se faire aimer en Roy, se faire craindre en Maître,
Dés le Berceau montrer un air de Conquérant,
Promettre un long repos sur la terre & sur l’onde,
C’est imiter Loüis le Grand
 Du premier pas qu’on fait au Monde.

[Vers latins de Cassini.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 172-173.

 

Mr Cassini, de l’Observatoire, a fait de tres-beaux Vers Latins sur cette mesme matiere. Ils font connoistre l’heureuse disposition où estoient les Astres dans le temps de la Naissance de Monseigneur le Duc de Bourgogne, & les grands biens que la France en doit attendre. Mr Delenglet, Professeur Royal de l’Eloquence Latine, en a fait aussi dans la mesme Langue, qu’il adresse au jeune Prince. Ils sont tournez d’une maniere tres-agreable, & fort estimez de tous ceux qui les ont veus.

[Audience du roi.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 176-179.

 

On a chanté plusieurs fois à Versailles le Te Deum en Musique. La plûpart des Maistres en ont composé, & ont suplié le Roy de leur faire la grace de les entendre, ce qu’il a eu la bonté de leur accorder. Ce Monarque n’a point voulu que les Corps luy vinssent faire Compliment sur la Naissance de Monseigneur le Duc de Bourgogne. Ainsi tous les Chefs, & plusieurs autres, luy en ont fait chacun en particulier. Quant aux Ambassadeurs, & autres Ministres des Princes Etrangers, Sa Majesté n’a pû leur refuser l’Audience qu’ils luy ont fait demander. Ils l’ont euë dans le grand Apartement de Versailles, avec les Cerémonies accoûtumées, c’est à dire, que tous les Corps qui servent de Garde au Roy, estoient en haye. Ces Ministres passerent par le magnifique Escalier, qui doit toutes ses beautez à Mr le Brun, & dont je vous envoyay une Description si-tost qu’il fut achevé. Le Roy estoit assis dans son Trône d’argent. Ceux qui occupoient les premieres Places aupres de ce Prince, estoient d’un costé, Mr le Duc de Boüillon, Grand Chambellan, Mr le Duc de Créquy, & Mr le Prince de Marsillac ; & de l’autre, Mr le Duc d’Aumont, Mr le Duc de S. Aignan, & Mr le Marquis de Gesvres.

[M. le Dauphin prend le divertissement de la chasse]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 184-187.

 

Monseigneur le Dauphin, qui ne s'estoit presque point éloigné de Madame la Dauphine, depuis son accouchement, voulut prendre le divertissement de la Chasse le Lundy 17. de ce mois. Ce Prince arriva dés six heures du matin au bout du Fauxbourg S. Antoine. Il y monta à cheval, & fit en suite le tour du Parc de S. Mandé, où il tua six ou sept Levraux, & plus de quarante Perdreaux. Il se rendit de là à Vincennes, & dîna dans la grande Salle. Quinze ou vingt Personnes du premier rang, eurent l'honneur de dîner avec luy. Monseigneur le Prince de Conty, Mr le Grand, Mr le Prince de Conigsmark, Mrs les Maréchaux de Schomberg & de Belfond, & Mr le Comte de Lausun, estoient de ce nombre. Apres le dîné, ce Prince alla à la Ménagerie de Vincennes, & y vit combatre plusieurs Animaux les uns contre les autres. Des Chiens combatirent d'abord contre un Ours, & ensuite contre un Taureau. Ce combat fut suivy de celuy d'une Vache, contre la Tygresse donnée à Sa Majesté par les Ambassadeurs du Roy de Maroc. La Vache vainquit, & eut le mesme avantage contre une Lionne, & puis contre un Tygre. Apres cela, on la fit combatre contre un Lyon. Elle l'attaqua, & quoy qu'il luy eust dépoüillé la hanche, & qu'elle en fust demeurée boiteuse, elle ne laissa pas de le vaincre, aussi-bien qu'un Loup, qu'elle combatit encor. On la fit retirer, & l'on amena un Levrier de Mr le Grand Louvetier, pour combatre contre le Loup. Le Levrier fit merveilles. Il mordoit sans cesse les jarets du Loup, & le coleta à vingt reprises. Le lendemain, Monseigneur vint à la Foire de S. Laurens, & alla en suite voir la Réprésentation de l'Andromede de Mr de Corneille l'aîné. Je vous ay parlé de cette Piece, dont les beautez attirent toûjours grand monde. Les mouvemens des Machines qui en font les ornemens, sont d'une entiere justesse, & Monseigneur le Dauphin en parut tres-satisfait.

[Réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne à Versailles]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 188-194.

 

Pendant qu'on faisoit au Roy des Complimens à Versailles, de la part des Princes de toute l'Europe, on remercioit Dieu dans les Eglises de Paris, des prospéritez continuelles dont il luy plaist de combler la France. Ce fut un desir si empressé de luy rendre graces, qu'on prévint dans quelques-unes le Mandement de Mr l'Archevêque, en chantant le Te Deum sans en avoir reçeu l'ordre. Comme il devoit estre solemnel, ceux qui l'avoient déjà chanté, le recommencement [sic], apres que le Mandement eut esté donné. Le jour que l'Eglise de Paris s'acquita de ce devoir, Mr l'Archevesque qui avoit déjà fait plusieurs libéralitez, les redoubla. Le devant de son Palais fut tout couvert de Lumieres, & l'on tira un Feu, dont on admira les Fusées volantes. Huit Muids de Vin furent défoncez, & l'on en donna à tout le monde. Ce Prélat avoit ordonné à ses Officiers de distribuer en mesme temps une somme d'argent au Peuple. Toutes les Paroisses de Paris se sont distinguées à l'envy le jour qu'elles ont chanté le Te Deum. La plûpart en avoient fait composer un en Musique, & presque dans toutes on a entendu retentir le bruit de diférens Instrumens.

Le 15. et le 16. de ce mois, furent choisis pour cette Cerémonie. On illumina le Portail & les Clochers. On fit des Feux devant la Porte de chaque Paroisse, & l'on tira des Fusées volantes en beaucoup d'endroits.

Les Communautez Religieuses n'ont pas oublié de marquer leur zele. Voicy ce qu'un Particulier a écrit à son Amy sur le Te Deum de S. Victor.

 

A MONSIEUR DE ***

 

Il faut, Monsieur, que je vous entretienne de ce qui s'est passé à S. Victor pour la Naissance de Monseigneur le Duc de Bourgogne le 10. de ce Mois, sur les six heures & demie du soir.

Messieurs les Chanoines de cette Abbaye Royale, voulant à l'envy témoigner leur zele & leur joye sur la Naissance de ce Prince, firent chanter dans leur Choeur un Te Deum en Musique par quatre-vingts Voix, accompagnées de Clavessins, Théorbes, Basses de Violes, Violons, & Basson. Il fut entonné par Mr de la Lane, Grand Prieur de cette Abbaye ; & Mr Minoret Maistre de la Musique de S. Germain l'Auxerrois, dont le mérite est connu de tous ceux qui ont le goust fin pour la belle Musique, les conduisoit. Il s'y trouva un si grand nombre de Personnes de qualité, qu'on eut bien de la peine à trouver place pour les Joüeurs d'Instrumens, & pour les Musiciens.

 

Tant de beautez, tant de merveilles

Que l'on voyoit dans ces beaux lieux,

D'un costé, charmoient par les yeux,

Et de l'autre, par les oreilles.

 

Avant, & apres le Te Deum, on fit plusieurs Décharges d'une centaine de Boëtes, qui estoient rangées derriere l'Eglise, tandis que devant la Porte vingt-quatre Tambours & des Fifres, conduits par le Tambour Major, batoient continuellement, & que les deux Compagnies des Gardes du Fauxbourg, d'un autre costé, faisoient sans cesse des décharges de Mousquet. Le Carillon des Cloches répondoit à tout cela.

 

Ce bruit tonnant de tous costez,

Accompagné de cris de joye,

Dans les Lieux les plus écartez

Témoignoit que le Ciel envoye

Un Petit-Fils

Au Grand LOUIS.

[Vers sur une cérémonie donnée à Saint-Victor.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 190-198.

 

Les Communautez Religieuses n’ont pas oublié de marquer leur zele. Voicy ce qu’un Particulier a écrit à son Amy sur le Te Deum de S. Victor.

A MONSIEUR DE ***

Il faut, Monsieur, que je vous entretienne de ce qui s’est passé à S. Victor pour la Naissance de Monseigneur le Duc de Bourgogne le 10. de ce Mois, sur les six heures & demie du soir.

Messieurs les Chanoines de cette Abbaye Royale, voulant à l’envy témoigner leur zele & leur joye sur la Naissance de ce Prince, firent chanter dans leur Chœur un Te Deum en Musique par quatre-vingts Voix, accompagnées de Clavessins, Théorbes, Basses de Violes, Violons, & Basson. Il fut entonné par Mr de la Lane, Grand Prieur de cette Abbaye ; & Mr Minoret Maistre de la Musique de S. Germain l’Auxerrois, dont le mérite est connu de tous ceux qui ont le goust fin pour la belle Musique, les conduisoit. Il s’y trouva un si grand nombre de Personnes de qualité, qu’on eut bien de la peine à trouver place pour les Joüeurs d’Instrumens, & pour les Musiciens.

Tant de beautez, tant de merveilles
Que l’on voyoit dans ces beaux lieux,
D’un costé, charmoient par les yeux,
Et de l’autre, par les oreilles.

 

Avant, & apres le Te Deum, on fit plusieurs Décharges d’une centaine de Boëtes, qui estoient rangées derriere l’Eglise, tandis que devant la Porte vingt-quatre Tambours & des Fiffres, conduits par le Tambour Major, batoient continuellement, & que les deux Compagnies des Gardes du Fauxbourg, d’un autre costé, faisoient sans cesse des décharges de Mousquet. Le Carillon des Cloches répondoit à tout cela.

Ce bruit tonnant de tous costez,
Accompagné de cris de joye,
Dans les Lieux les plus écartez
Témoignoit que le Ciel envoye
 Un Petit-Fils
 Au Grand LOUIS.

 

Ce qui ne contribua pas peu à animer les Soldats à tant de joye, c’est que comme ils formoient une haye dans la grande Court de l’Abbaye, on eut soin d’en former une autre derriere eux, avec quantité de Sceaux pleins de Vin.

  Ils en bûrent abondamment,
 Et la plûpart en ayant dans la teste,
Firent voir que Bacchus se mettant d’une Feste,
  En rend le plaisir plus charmant.

 

La Cerémonie estant faite, & leurs Mousquets ne pouvant plus tirer, on leur fit porter à souper dans le mesme Lieu, & ils y furent si bien régalez,

 Que chacun de Vin entesté,
  Avec sa rouge trogne,
 D’avoir bû trop à la santé
 De Monsieur le Duc de Bourgogne,
 S’en retournoit en chancelant,
  Comme fait un Yvrogne,
   Toûjours dançant,
   Toûjours chantant,
 Quand quitteray-je ma besogne,
Monseigneur le Dauphin, pour en refaire autant ?

 

Le jour estant finy, pendant lequel on avoit fait à la Porte de l’Abbaye une aumône de Pain & de Vin à tous ceux qui s’estoient présentez pour la recevoir, on mit des Lanternes allumées aux Fenestres de dessus la Ruë, & on fit allumer devant la Porte un grand Feu qui dura jusqu’au lendemain. La Jeunesse du Fauxbourg y vint faire des décharges de Pistolet & de Fuzil ; & comme Bacchus avoit esté de la Feste, pour la rendre plus belle, il sembla que l’Amour s’y voulut aussi mesler. Tout le monde du voisinage se mit sur sa Porte, & témoigna par de sensibles effets, qu’il prenoit beaucoup de part à la joye publique.

 Une Nymphe dont la beauté
 Ravit des cœurs la liberté,
 D’une grace si naturelle
Distribua par tout des rafraîchissemens,
 Que chacun ressentit pour elle
D’un amoureux transport les premiers mouvemens.

 

Voila, Monsieur, ce que j’ay veu, comme estant voisin de cette Abbaye. Je vous en envoye la Relation, à laquelle vous voudrez bien que j’adjoûte ce Madrigal pour Monseigneur le Duc de Bourgogne.

Toy, qui nais aujourd’huy pour le bien de la France,
Toy, qui causes par tout tant de réjoüissance,
 Des Lys aimable Rejetton ;
 Que le Ciel, qui sçait tout bien faire,
Te donne la vertu de ton Papa mignon,
 Et la valeur de ton Grand Pere !

[Réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne par différentes communautés religieuses de Paris]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 199-215.

 

Les Peres Carmes, appellez Billettes, ayant appris cette Naissance par la nouvelle qui s'en répandit dans tout Paris, pendant qu'ils estoient à Matines le jour de la Feste de S. Albert, Patron de cet Ordre, le Pere Prieur ordonna au mesme instant qu'on en rendist graces à Dieu, & obligea les Religieux à redoubler leurs Prieres. Les jours suivans il fit distribuer des Aumônes extraordinaires, allumer des Feux le soir, & éclairer toutes les Fenestres du Convent par des Lanternes aux Armes du Roy, de la Reyne, de Monseigneur le Dauphin, de Madame la Dauphine, & de Monseigneur le Duc de Bourgogne. Lors qu'il eut reçeu le Mandement pour chanter le Te Deum, il prépara sa Communauté à des Prieres de Quarante heures, dont l'ouverture fut faite au son des Cloches & des Orgues, le lendemain, Feste de l'Assomption de Nostre-Dame. On fit chaque jour la Procession apres Vespres, & le Te Deum fut chanté avec toute la devotion possible en présence d'un nombre infiny de Peuple. L'Eglise estoit parée de tres-riches ornemens, & de plusieurs Lustres remplis de Bougies. Il y avoit de grands Luminaires sur tous les Autels, & tant de clartez ensemble faisoient un tres bel effet. Ces Peres chanterent plusieurs fois le Pseaume Domine in virtute tua loetabitur Rex, parce qu'il renferme toutes les grandes Benédictions, que Dieu répand sur les Roys.

Les Carmes du grand Convent ont aussi fait voir la part qu'ils prenoient au bonheur public, par le Te Deum qu'ils ont chanté de la maniere la plus solemnelle. Les Orgues & les Trompetes estoient meslez à leur Chant, & ce meslange le rendoit tres-agreable. Le soir ils firent dans leur Court un Feu d'artifice, qui fut allumé en Cerémonie. Il y avoit des Lumieres à toutes les Fenestres de leurs Chambres, & sept Trompetes ne cesserent point de se faire entendre pendant qu'on tira le Feu. Ce qu'il y a de plus remarquable dans ce que firent ces Religieux, c'est qu'ils furent les premiers qui donnerent ces témoignages publics de leur joye.

Les Théatins n'ont pas esté des derniers à marquer celle qu'ils ont ressentie. Outre les raisons generales qui les y portoient, ils en ont eu de particulieres. Monseigneur le Duc de Bourgogne est venu au monde la veille de la Feste de S. Gaëtant leur Fondateur, pour qui Madame la Dauphine a une devotion particuliere, qu'on peut dire qu'elle a sucée avec le lait, puisqu'elle luy a esté inspirée par feuë Madame la Duchesse de Baviere sa Mere, Fondatrice du magnifique Convent qu'ils ont à Munic, dont l'Eglise porte le nom de ce Saint. Cette Duchesse regardoit la Princesse sa Fille, comme un don que le Ciel luy avoit fait par les Prieres de S. Gaëtan. Aussi pendant sa grossesse elle envoya des Statuës d'argent par tous les Convents des Théatins. Ces Peres n'eurent pas plûtost appris l'heureux accouchement de Madame la Dauphine, qu'ils chanterent en action de graces une grande Messe solemnelle, avec les superbes Ornemens que leur a donnez cette Princesse. Toutes les Fenestres de leur Maison furent éclairées pendant quatre jours d'une infinité de Lumieres. Au milieu de leur Balcon qui en estoit tout remply, on voyoit les Armes de Monseigneur, & de Madame la Dauphine, qui servoient d'appuy à un Soleil, avec cette Inscription, Magnus foecunditatis Pater. Ils firent allumer des Feux devant leur Porte, & tirer en l'air des Fusées volantes. Le Dimanche 16. de ce mois, le Pere Aléxis du Buc, dont je vous ay parlé tant de fois, reçeut l'abjuration d'un Gentilhomme Allemand. A l'issuë de sa Controverse, il exhorta tous ses Auditeurs qui estoient en tres-grand nombre, à demander à Dieu pour Monseigneur le Duc de Bourgogne, une longue vie, la pieté de Saint Loüis, toutes les vertus de ses augustes Ayeux, & le zele pour l'extirpation de l'Hérésie, qui fait le caractere particulier de LOÜIS LE GRAND. En suite il entonna le Te Deum suivant les ordres de Mr l'Archevesque.

Les Chanoines Réguliers de S. Augustin de l'Ordre de Saint Antoine, dont le Supérieur de Paris est Frere de Mr l'Abbé de Maulevrier Langeron, Aûmônier de Madame la Dauphine, firent la mesme cerémonie du Te Deum le Mardy 11. de ce mois. Il fut chanté avec une tres-belle Symphonie, & suivy de la décharge d'un fort grand nombre de Boëtes, de plusieurs Fusées, & Lances à feu, des Fanfares de plusieurs Trompetes, & de l'Illumination du Clocher, qui demeura éclairé toute la nuit. On y voyoit les Etendards de France, de Dauphiné, de Baviere, & de Bourgogne. Le Balcon de la Ruë Saint Antoine fut aussi éclairé ; & tout le Quartier prenant part à cette Feste, toutes les Fenetres du voisinage furent remplies de Lumieres. Le lendemain 12. il y eut une Messe solemnelle, qui fut celebrée par le Seigneur de S. Mandez, Oncle de Mr le Président de l'Arche, âgé de quatre-vingt-dix ans, à qui la joye de la Naissance du Prince avoit donné de nouvelles forces. Ensuite on entendit la décharge de deux douzaines de Boëtes, & l'on vit couler une Fontaine de Vin, qui fit boire tout le Peuple à la santé du Roy, & de Monseigneur le Duc de Bourgogne, pendant que les Trompetes continuoient leurs Fanfares.

Les Peres de la Mercy prés l'Hostel de Guise, se distinguerent le Dimanche 23. de ce mois par trois décharges de Boëtes, & par des Feux d'artifice d'une invention particuliere ; mais sur tout par le Te Deum, que la Musique du Roy chanta dans leur Eglise. Mademoiselle de Guise y assista, avec un tres-grand nombre de Personnes de la premiere qualité.

Je vous donne les détails entiers de ces six Communautez, parce que les Relations publiques n'ont rien dit de quelques-unes, & qu'elles ont oublié beaucoup de circonstances des autres. Je ne vous diray qu'un mot des autres Convents dont elles ont parlé amplement.

Ceux qui ont chanté le Te Deum en Musique, & qui ont fait des Illuminations & des Feux, sont les Jesuites de la Maison Professe de la Ruë S. Antoine, les Religieuses de l'Assomption, & celles de la Conception de la Ruë S. Honoré. Ces dernieres avoient fait des Prieres pour Madame la Dauphine, plus d'un mois avant ses Couches.

Les Convents qui ont adjoûté aux Illuminations & aux Feux, les Trompetes, les Timbales, les Fusées volantes, & autre Artifice, sont les Maisons de l'Oratoire, les Augustins Déchaussez, les Jacobins du Faubourg S. Germain, les Jacobins de la Ruë S. Jacques, & les Grands Augustins. Les Jacobins de la Ruë S. Honoré, outre l'Artifice, firent entendre le bruit de quelques petites Pieces de Canon. Il ne se peut rien de plus devot, ny de plus éclatant pour l'Artifice, que ce que firent les Capucins de la mesme Ruë S. Honoré. Ces Peres ont aussi chanté un Te Deum dans la Court des Capucines, apres y avoir allumé un Feu au son des Trompetes & des Timbales. Quelques jours apres, on vit briller quantité d'Artifice dans la Court, & dans le Jardin des Freres de ce mesme Monastere. Il y eut une Simphonie de toutes sortes d'Instrumens sur la Porte de l'Eglise. Des Pyramides de Lampes mêlées avec des Lanternes, ornoient celle de la Ruë, & de pareilles Lumieres éclairoient toutes les Fenestres du Convent. Le Frere Loüis du Mans avoit voulu témoigner par là combien il a de reconnoissance de tous les bienfaits qu'il reçoit de la Cour.

Les Peres Feüillans, les Religieux de S? Germain des Prez, & les Mathirins, outre l'Artifice & les Illuminations, distribuerent du Pain & du Vin ; & à l'Abbaye de Sainte Genevieve du Mont, on fit des aumônes à tous les Pauvres qui se présenterent. Ils vinrent au nombre de plus de huit cens.

 

Tous les Religieux des Convents dont je viens de vous parler, ont chanté le Te Deum, chacun un Cierge à la main, & y ont adjoûté l'Exaudiat. On a fait la mesme chose dans tous les autres Convents. Il me seroit inutile de vous les nommer.

[Réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne à Paris]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 215-217.

 

Plusieurs Corps ont fait aussi chanter le Te Deum ; les Secrétaires du Roy, aux Celestins ; les Avocats aux Conseils de Sa Majesté, aux Grands Augustins, (la Musique estoit de Mr Minoret, Maistre de Musique de Saint Germain l'Auxerrois ;) & les Conseillers du Roy Notaires au Chastelet de Paris, en leur Chapelle, dans la Salle du Présidial du Nouveau Châtelet. Ce Te Deum estoit aussi en Musique. Mrs les Lieutenants Criminel, Civil, & Particulier, y assiterent. Les Syndics Genéraux des Marchands Privilégiez de la Maison du Roy, firent celébrer une grande Messe avec beaucoup de solemnité le 25. de ce mois, jour de la Feste de S. Loüis. Ils choisirent pour cela l'Eglise des Filles Penitentes. Apres la Messe, on chanta le Te Deum, dont la Musique estoit admirable. Mr le Lieutenant General, Mr le Procureur du Roy, & plusieurs Officiers de la Prevosté de l'Hostel du Roy, s'y trouverent. Le Te Deum fut suivy d'un Concert de Trompetes, de Timbales, de Violons, de Hautbois, & de plusieurs autres Instrumens.

[Réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne à Dijon]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 223-232.

 

Quoy que les grandes Nouvelles soient sçeuës par tout en fort peu de temps, il semble que les Intéressez les apprennent toûjours plutost que les autres. Ainsi l'on ne doit pas s'étonner si celle de la Naissance de Monseigneur le Duc de Bourgogne a esté portée à Dijon avec toute la vîtesse possible. On doit encore estre moins surpris de l'empressement que cette Ville a montré, pour faire éclater sa joye par toutes les marques que ses Habitans en pouvoient donner. L'honneur que toute la Province reçoit de ce qu'un si grand Prince porte son nom, luy est trop cher, pour ne pas le ressentir tres-vivement. Aussi me crois-je obligé de vous parler d'elle dés aujourd'huy, préferablement à toutes les autres Provinces. Si-tost qu'on y eut appris que Madame la Dauphine estoit accouchée d'un Prince que le Roy avoit nommé Duc de Bourgogne, le Maire, ou Vicomte Majeur de Dijon, fit publier que chaque Habitant eust à faire des Feux devant sa Porte. Ses ordres furent exécutez bien au dela de ce qu'ils portoient. Outre les Feux ordinaire, on en fit plusieurs d'artifice. On mit des Bougies & des Chandelles sur toutes les Fenestres, des Chandeliers de Salles à l'entrée des Maisons, des Flambeaux ardens jusqu'au faistes des Clochers, des Tours, & des Terrasses de maniere que toute la Ville sembloit estre en feu, & faisoit voir un jour éclatant aux plus sombres heures de la nuit. Le lendemain, toutes les Compagnies de Judicature & de Finances, assisterent en Corps au Te Deum, qui fut chanté en Musique à la Sainte Chapelle du Roy, avec un appareil & une solemnité dignes du Sujet. Pendant la cerémonie, les Canons du Chasteau, qui s'estoient déjà fait entendre le jour précedent, se mêlerent encor avec l'harmonie des Cloches de la Sainte Chapelle, qui sont un des plus agreables Carrillons de tout le Royaume. Le Te Deum estant achevé, on s'abandonna tout de nouveau à la joye. Toutes les Cloches sonnerent. On fit des Feux par tout dans la Ville & dans les Fauxbourgs. On dressa des Tables dans les Ruës, & l'on y bût la santé du Roy, de la Reyne, de Monseigneur le Dauphin, de Madame la Dauphine, & de Monseigneur le Duc de Bourgogne. Plusieurs Dixaines de chaque Quartier marcherent en armes au son des Tambours, des Fifres, & des Hautbois, & firent de fréquentes Décharges. Un grand nombre d'Hommes & de Femmes, dont quelques-uns estoient déguisez d'une maniere grotesque en forme de Mascarade, dançoient au milieu des Ruës, & faisoient autour des Feux cent Figures agreables. Des Fontaines de Vin couloient en plusieurs endroits, & sur tout aupres de l'Hostel de Ville. On distribuoit dans les Places publiques, toutes sortes de Liqueurs; & les plus austeres quittoient leur severité, pour prendre part aux plaisirs publics. Le troisiéme jour, on renchérit sur ce qui avoit esté fait, & la Compagnie des Chevaliers du Jeu de l'Harquebuse s'en mesla. Elle alla en armes jusqu'au dessus de la Terrasse du Logis du Roy, mit le feu à quantité de Fusées volantes, & donna le divertissement de plusieurs autres Feux d'artifice, avec une Décharge redoublée qu'elle fit du haut de ce superbe Chasteau, qui passe en élevation les plus hauts Clochers. Quelques Habitans représenterent les Armes de Monseigneur le Dauphin en caractéres lumineux. On trouvoit en vingt ou trente endroits de la Ville divers Echafauts, où les uns bûvoient, & les autres faisoient retentir toute sorte d'Instrumens. Un Bacchus assis sur un Tonneau, tenant une Bouteille d'une main, & de l'autre, un Verre, estoit porté sur les épaules de quatre Hommes, & suivy d'une infinité de Gens de tout sexe & de toute condition, qui entonnant des Chansons à boire, renouveloient agreablement les anciennes Festes de ce Dieu. Parmy ceux qui donnerent de plus grandes marques de leur joye & de leur zele, Mr du Guay, Premier Président de la Chambre des Comptes de Bourgogne & de Bresse, se distingua. Il y eut un Feu tres-élevé devant sa Porte, des Illuminations à toutes ses Fenestres, & des décharges continuelles d'Armes à feu pendant cinq ou six heures, le Lundy 10. du mois, & les deux jours suivans. Il fit aussi distribuer durant ces trois soirs plusieurs Muids de Vin au Peuple.

[Réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne à Strasbourg]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 234-238.

 

J'avois résolu de ne vous parler dans cette Lettre que de Paris, & de la Province de Bourgogne, dont le Prince nouvellement né porte le nom ; mais il y a quelque chose de si nouveau dans ce qui s'est passé à Strasbourg, que je ne puis diférer à vous l'apprendre. Le zele de ses Habitans n'a pas seulement paru dans la promptitude qu'ils ont apportée à montrer leur joye, mais encor dans la maniere dont ils ont marqué qu'ils la ressentoient. Quoy qu'ils soient fort éloignez, leurs Réjoüissances ont esté faites aussitost que celles de beaucoup de Villes, qui sont en deça, & il a esté aisé de voir par l'éclat qu'elles ont eu, qu'ils ne se repentent point des soûmissions qu'ils ont renduës au Roy comme à leur Maistre. Leur repos n'est plus troublé, & comme c'est vivre heureux que de n'avoir point d'inquiétude, ils ont lieu de se vanter d'un parfait bonheur. Le Jeudy 13. dés six heures du matin, le Magistrat fit sonner toutes les Cloches de la Ville, pour faire connoistre au Peuple qu'il estoit né un Prince à la France. Une heure apres on en rendit graces à Dieu solemnellement dans la Cathédrale, & dans toutes les Eglises Protestantes ; apres quoy les Trompetes, les Hautbois & les Timbales, se firent entendre du haut de la Tour de la grande Eglise. Il y eut devant la Maison de Ville plusieurs Fontaines de Vin. On tira au Blanc & à l'Oyseau, & un fort grand nombre de Personnes de qualité disputa les Prix. Mr de Chamilly Gouverneur de la Ville, gagna le premier. Le Magistrat, apres avoir donné le Jeu de l'Oyseau, régala les Dames d'un tres-beau Concert de toute sorte d'Instrumens. Il fut suivy d'une magnifique Collation, à laquelle succeda un Feu d'artifice qui dura deux heures. [...]

[Anagramme.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 242-243.

 

Mr Louvart, de Roye en Picardie, a fait une Anagramme fort particuliere sur le Nom de Monseigneur le Dauphin.

Loüis, Dauphin de Viennois, Fils de Loüis quatorziéme, Roy de France & de Navarre.

En changeant deux lettres, il y a trouvé ces mots.

Prince qui as la foy, Dieu te donnera un Fils le sixiéme d’Aoust à onze heures du soir.

[Sonnets de Boursault et de Richebourg.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 243-247.

 

Mr Boursault a fait le premier des deux Sonnets que je vous envoye encor sur cette Naissance. Le second est de Mr Richebourg.

AU ROY,
Sur la Naissance de Monseigneur
le Duc de Bourgogne.
SONNET.

Grand Roy, sur qui le Ciel répand grace sur grace,
Il ne manque plus rien à ta félicité ;
Pour assurer le Monde à ta Postérité,
D’un nouveau Conquérant il augmente ta Race.
***
Il est né ce Héros, qui doit vanger la Thrace
Du plus superbe joug qu’elle ait jamais porté ;
Terrasser l’Héresie, & l’Infidelité,
Et suivre le Sentier que ta Valeur luy trace.
***
Quel Prince sur la Terre est plus heureux que Toy !
L’Europe avec respect obeït à ta Loy,
Et par tout à ta gloire on éleve des Temples.
***
Si les Siecles futurs doutent de tes hauts Faits,
Tes augustes Enfans, instruits par tes exemples,
Pour les desabuser, feront ce que tu fais.

A MADAME
LA DAUPHINE.
Sonnet.

Merveille de nos jours, adorable VICTOIRE,
Dont la fécondité fait l’espoir des François ;
D’un Monarque sans pair, illustre, & digne choix ;
Que ce jour a pour Vous de charmes, & de gloire !
***
Qu’il va donner de lustre à l’éclatante Histoire
Qui vous appellera la Mere de cent Roys !
Pour chanter vos grandeurs, que nous allons de fois
Implorer le secours des Filles de Mémoire !
***
Un Prince, un Héritier du Pouvoir Souverain,
Heureusement conçeu dans vostre auguste Soin,
Aux yeux de l’Univers vient de prendre naissance.
***
Que d’Exploits surprenans, que de Faits inoüis,
Quand une mesme ardeur fera voir à la France,
Et le Fils, & le Pere, aux costez de LOUIS !

[Madrigal.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 247-248.

 

Je réserve pour une autre fois un fort grand nombre de Vers qui m’ont esté envoyez sur le mesme sujet, & vous n’aurez plus que ce Madrigal dans cette Relation.

SUR L’HEUREUX
accouchement de Madame
LA DAUPHINE.

Ce Prince plus beau que le jour,
Qui selon nos vœux vient de naître,
Sur son front fait déja parêtre
Que nous le verrons tour-à-tour,
Suivant les nobles pas de ceux dont il tient l’estre,
Et le Dieu de la Guerre, & le Dieu de l’Amour.

[Réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne à Paris]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 248, 250-251, 260-261, 265-268, 270-271, 307-309, 319-321.

 

Enfin, Madame, il faut vous parler de ce qui se passa icy le Mardy 25. de mois jour de la Feste de S. Loüis. Depuis quatre heures de l'apresdinée de ce jour jusqu'à minuit, le Peuple devoit avoir trois Divertissemens, sçavoir, des Joûtes sur l'eau, avec le Jeu de l'Oyson, un Feu d'artifice aussi sur l'eau, & une Illumination aux Galeries du Louvre [...].

Je feray trois Articles de ces Divertissemens, quand j'auray décrit le Lieu qui leur a servy de Scene. On doit demeurer d'accord qu'il seroit fort mal-aisé d'en trouver un dans aucune autre Ville du Monde qui eust les mesmes beautez, si l'on fait refléxion sur ses quatre faces. La premiere représente le Palais des Tuilleries, les Galeries du Louvre, hautes de trois étages, toute la face d'une Aîle de ce Chasteau, & un Quay avec une belle suite de Maisons. On découvre de la seconde, un tres-bel Hôtel qui est celuy de Conty, la face de l'Eglise & du College des Quatre-Nations, & plusieurs grands Hôtels. La troisiéme fait voir un Pont de Pierre d'une fort grande largeur [...].

Sur les quatre heures apres midy, pendant que le Peuple s'assembloit encor, & que venant à grands flots, comme les Torrens les plus étendus par les plus larges Avenuës, il se répandoit dans tous les endroits où il pouvoit trouver place. Les Maîtres Passeurs du Port S. Nicolas, & de la Grenoüillere, accompagnez de quelques Débardeurs, le tout au nombre de trente, arriverent au son des Tambours & des Trompetes, sur le bord de l'eau qui regarde le petit Guicher des Galeries du Louvre. [Suit la description de la joute navale.] [...]

Ce Divertissement avoit déjà duré environ une heure, lors que Monseigneur le Dauphin arriva. Il fut reçeu à la descente de son Carrosse par Mr le Duc de Créquy, & il entra dans l'Hôtel de ce Duc au bruit de vingt-quatre Violons, & de plusieurs autres Instrumens qui estoient sur un Echafaut à costé de la grande Porte de l'Hôtel de Créquy, & qui pouvoient estre entendus de la Ruë, & de la Terrasse où la Place de ce Prince estoit préparée, parce qu'ils estoient au dessous.

Monsieur estoit placé sur le Balcon du Cabinet du grand Apartement bas du Louvre. Ce Cabinet est orné de Glaces de tres-belles Peintures, & l'or y éclate de toutes parts. Le Balcon s'ouvre par deux grandes Portes vitrées. Ainsi l'on peut voir du Cabinet, comme si l'on estoit dans le Balcon. Mr le Prevost des Marchands avoit fait mettre des Violons sur un Echafaut dressé au dessous. Il y en avoit encor par son ordre en plusieurs autres endroits, aussi-bien que des Flûtes, des Hautbois, des Timbales, & des Trompetes. Quand Monseigneur le Dauphin se fust assis sous le Dais, où l'on avoit placé son Fauteüil, on luy donna le divertissement des Joûtes pendant une demie-heure. Le Jeu de l'Oyson commença ensuite. Tous les Prétendans à la victoire monterent sur l'Echafaut dont je vous ay parlé, & cet Echafaut voguant au bruit des Timbales & des Trompetes, passant & repassant à force de rames sous la Corde où l'on avoit attaché l'Oyson, ceux qui vouloient avoir la gloire d'en arracher quelque piece, demeuroient suspendus à cette Corde, pendant que l'Echafaut continuoit de voguer. [...]

La présence de Monseigneur le Dauphin les excita tellement, que ce Jeu dura beaucoup moins que de coûtume. Deux emporterent des pieces de l'Oye, & le troisiéme eut le Corps ; & comme c'est le morceau auquel le triomphe est attaché, le combat cessa, & tous ceux qui estoient sur l'Echafaut se jetterent dans l'eau la teste la premiere, comme s'ils eussent voulu se cacher de honte. Mr le Dauphin sortit alors de dessus la Terrasse, & alla dans les Apartemens de l'Hôtel de Créquy. Ils estoient tres-magnifiquement meublez, & l'on n'y voyoit par tout que Tables, & Lustres d'argent. Il y eut Bal, & apres le Bal une Collation magnifique. [...]

Les Jésuites du College de Clermont, qui en toute sorte d'occasions font leur plus sensible joye de marquer le zele qu'ils ont pour Sa Majesté, ont fait voir dans celle-cy la part qu'ils prenoient aux Réjoüissances publiques, par une solemnité des plus éclatantes. [...]

Ces Peres ayant prévû que le Spéctacle de l'eau dont je viens de vous parler, attireroit tout Paris le lendemain, choisirent le Mercredy 26. pour la grande Feste qu'ils avoient fait préparer. La Court estoit remplie d'Ornemens dans ses quatre faces. [...]

La Court estant presque toute remplie de Spéctateurs, & le jour commençant à s'abaisser, les Trompetes & les Timbales firent connoistre qu'on alloit chanter le Te Deum, les Musiciens estoient sur un Théatre dressé au milieu de la Face où est l'Eglise. Il estoit orné de Tapisseries, & éclairé par plusieurs Lustres de Cristal que l'on avoit suspendus. Ce Te Deum fut chanté à divers Choeurs de Musique, & meslé d'une Symphonie tres-agreable de Violons, de Hautbois, & de plusieurs autres Instrumens. On y ajoûta le Domine salvum fac Regem, aussi en Musique. Tandis qu'une tres-grande Assemblée donnoit son attention aux Musiciens, toute la Court fut illuminée. Trois Lanternes peintes de Soleils, de Dauphins, & d'Armoiries estoient à chaque Fenestre, & dans chaque face, on vit presque en un moment trois étages éclairez. Quantité de Pots-à-feu estoient placez sur les Cheminées, & la flame qu'ils jettoient pouvoit estre veuë de loin. Apres que la Musique eut finy, des Trompetes qui se répondoient du haut de deux Pavillons opposez, divertirent fort tous ceux qui estoient venus pour ce Spectacle. Plus de trente Boëtes furent tirées dans une autres Court, pendant que les Trompetes joüoient, & l'on fit succeder à cette décharge l'éclat lumineux d'un fort grand nombre de Fusées volantes. [...]

[Devises au Collège de Clermont.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 311-312.

[...] Les plus celébres Historiens du Royaume représentez aussi en Termes, portoient la grande Corniche, où l’on voyoit les Médailles de nos Roys. Vingt-deux Devises, & autant d’Inscriptions tirées des anciens Poëtes, estoient dans des Bordures dorées. Toutes ces diversitez occuperent agreablement les Curieux, pendant deux jours qu’elles furent exposées.

[Réjouissances pour la naissance du duc de Bourgogne à Paris]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 322-324, 329-331.

 

Mrs de la Faculté de Droit, qui avoient témoigné leur joye pour la Naissance du Prince, par des Feux & des Illuminations le soir des 7. 8. & 9. de ce mois, ont crû que pendant que tous les Corps tâchoient à l'envy de faire éclater leur zele, il estoit de leur devoir de donner des marques particulieres de leur reconnoissance, pour les graces que le Roy leur a faites depuis peu, par le Rétablissement de la Profession du Droit Civil dans leur Ecole. Ainsi le 27. les Docteurs Régens, en leur Habit de Cerémonie, & les Docteurs Agregez, s'estant rendus le soir dans le Choeur de l'Eglise de S. Jean de Latran, Lieu que leurs Predecesseurs ont choisy pour les Festes de Religion, y firent chanter un Te Deum en Musique. Il fut suivy d'une distribution de Pain & de Vin, & d'aumônes à tous les Pauvres qui se présenterent. Il y avoit un Théatre dressé pour un Feu de joye devant la Maison de la Faculté. Ce Théatre soûtenoit un Obelisque, sur le haut duquel il y avoit un Soleil suporté d'un Croissant, avec ces mots du Pseaume 71. Permanebit cum sole & ante Lunam. [...]

Quoy que le Theatre préparé pour ce Feu de joye fust en état dés le matin du 27. le mauvais temps en fit remettre le Spectacle au lendemain. Ainsi le 28. sur les huit heures du soir, tout le devant des Ecoles, qui avec l'autre costé de la Ruë avoit esté tapissé deux jours, parut éclairé de cinq cens Lampes, dont l'effet fut admirable, & aussi-tost la Machine du Théatre illuminée de la mesme sorte, fit voir dans leur jour toutes les Figures qui y estoient peintes, avec les Inscriptions & les demy Vers qui en donnoient l'explication. Les Trompetes & les Timbales accompagnerent ensuite le bruit & l'éclat des Fusées volantes, & des autres Feux d'artifice qui se firent voir & entendre, partie dans la Ruë, partie dans la Court de la Commanderie de S. Jean de Latran, où l'on fut contraint de tirer les plus beaux & les plus gros, pour éviter le péril de quelque incendie qu'ils eussent pû causer, dans une Ruë aussi étroite que celle de S. Jean de Beauvais.

[Annonce du volume suivant.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 332-334.

 

Aujourd’huy, Lundy dernier jour du mois, la Communauté des Procureurs doit faire tirer un Feu d’artifice. Je vous en réserve la description pour le mois prochain, aussi-bien que celle des Réjoüissances qui ont esté faites dans les Provinces, pour la Naissance de Monseigneur le Duc de Bourgogne. Les Particularitez de toutes les Festes que cette Naissance a fait faire icy, remplissant toute ma Lettre, je suis contraint de remettre à une autre fois diverses Nouvelles que j’avois à vous apprendre. Je remets aussi l’Explication des deux dernieres Enigmes, & les noms de ceux qui en ont trouvé le sens. Tout cela sera dans ma Lettre de Septembre. Quant aux noms de ceux qui expliqueront les deux nouvelles que je vous envoye présentement, ils seront mis dans ma dix neufiéme Lettre Extraordinaire, qui paroîtra le 15. Octobre.

[Sur le livre Le Napolitain.]* §

Mercure galant, août 1682 [tome 8], p. 337.

 

Adieu, Madame. Je vous envoye le Napolitain, que le Sr Blageart debite depuis quelques jours, & suis vostre, &c.