1688

Mercure galant, mars 1688 [tome 3].

2017
Source : Mercure galant, mars 1688 [tome 3].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, mars 1688 [tome 3]. §

[Suite des divertissemens du Carnaval] §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 25-33

 

Quoy que nous soyons dans un temps de penitence, je croy vous pouvoir encore parler de plaisirs, puis que la saison n'en estoit pas tout-à-fait passée quand je vous ay envoyé ma derniere Lettre. L'usage estoit autrefois à la Cour, de faire un grand divertissement qui duroit tout le Carnaval. C'estoit ordinairement un grand Balet en Machines meslé de recits, dont le tout ensemble formoit un sujet, comme par exemple, le Balet des Arts, & le Balet de la Nuit. Si ces sortes de Spectacles ne representoient pas tout-à-fait une intrigue comme les Comedies & les Opera, ils faisoient voir tout ce qui convenoit à leur titre. Le Balet de la Nuit faisoit connoistre tout ce qui se passe pendant la nuit ; & les entrées du Balet des Arts estoient composées de Danseurs qui representoient tous les Arts. Ensuite le fameux Moliere introduisit les Comedies meslées d'entrées, & de recits. Ces divertissemens plurent encore davantage que n'avoient fait les Balets. Les Opera succederent à ces sortes de Comedies. Je ne dis rien de ces Spectacles. Ils sont presentement à la mode, & chacun en a la memoire remplie. Cependant depuis quelques années, la Cour n'en fait plus faire pour ses divertissemens du Carnaval, ce n'est pas pour épargner la dépense, mais parce qu'elle a trouvé que le mesme divertissement pendant un mois estoit un plaisir trop uniforme. Ainsi au lieu de ces Opera, elle fait diverses petites Mascarades, qui ne coustent guere moins, mais dont la diversité empeschant que les mesmes plaisirs ne soient continus, les rend plus touchans & plus agreables. C'est ce qu'on a fait depuis trois ou quatre années, & ce qu'on a fait encore dans le dernier Carnaval.

Monsieur le Duc de Chartres, qui fait son sejour ordinaire à Paris, afin de n'estre point détourné de l'étude par mille choses qui peuvent causer de la distraction à la Cour, où il ne va que de temps en temps, pour voir le Roy, & pour se trouver aux Festes & aux Ceremonies d'éclat, a donné le Bal plusieurs fois le mois passé, avec une magnificence digne de son rang. Un nombre infiny de Personnes de la premiere qualité se sont trouvées chaque fois au Palais Royal ; mais rien n'a tant éclaté dans ces somptueuses Festes, que l'esprit & la bonne grace de ce jeune Prince. Ce n'est point sa haute Naissance, mais le témoignage que je dois à la verité qui m'oblige à parler de cette sorte. Il en est peu à son âge qui ayent dit plus de choses dignes d'estre remarquées.

M. le Prince d'Enrichemont a aussi donné un Bal magnifique. La vivacité de son esprit, & sa Naissance sont connuës de tout le monde. Ainsi sans m'étendre sur ce qui regarde sa Personne, je vous diray seulement que quatre Italiens masquez vinrent à ce Bal. Ils tenoient chacun une corbeille, trois desquelles estoient remplies de confitures seches les plus exquises, & la quatriéme, de Vers Italiens à la gloire des Dames Françoises. Ils distribuerent ces confitures & ces Vers à toute l'Assemblée, & leur galanterie fut applaudie de tous ceux qui s'y trouverent.

Le Public s'est aussi donné un Bal magnifique, où deux mille Masques danserent en quatre endroits differens dans le mesme espace de terrein. Cela paroist une Enigme, & a besoin d'explication. Il est juste que je vous la donne. La foule des Masques qui vont au Cours aux Fauxbourg Saint Antoine, dans les derniers jours du Carnaval, se trouva si grande le Mardy-gras, que les Carrosses allerent jusques au Parc de Vincennes. Le jour estoit beau, & quelques Masques étant descendus de Carosse pour se promener à pied, il y en eut d'autres qui les imiterent, de sorte que l'Assemblée devint en peu de temps fort nombreuse sur la pelouse. Le hazard voulut qu'il s'y trouva quelques Violons, & plusieurs Personnes de qualité qui avoient fait apprendre à leurs gens à joüer de cet Instrument, les envoyerent chercher. Cela fut cause qu'au lieu d'un Bal, il s'en forma quatre dans le mesme lieu ; & voilà de quelle maniere le Public s'en est donné un luy mesme.

Air nouveau §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 166-168.Les éléments biographiques reprennent ceux qui concernent l'auteur de l'air du Mercure de février. ILs sont suffisamment précis pour qu'on puisse attribuer cet air au même compositeur, Nicolas Montailly.

L'Air nouveau dont vous allez lire les paroles, est d'un fort habile Maistre, non seulement pour la Musique, mais pour la maniere de chanter, qu'il a apprise de l'illustre Mr de Bacily l'espace de quatre années qu'il a demeuré chez luy. On peut dire qu'un pareil Disciple est digne d'un tel Maistre, qui a composé tant de beaux Airs, & qui a une si parfaite connoissance de la Poësie des chansons, qu'il a remarqué une faute dans une de celles du dernier mois. Vous la corrigerez, s'il vous plaist, & au lieu de ces mots, Je ne vois dans mes fers, vous mettrez, Je n'avois dans mes fers.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Si l'absence pouvoit guerir, doit regarder la page 168.
Si l'absence pouvoit guerir
Les maux que dans un cœur cause un amour extrême,
On ne me verroit pas perir
D'un feu qui nuit & jour me consume, & que j'aime.
Iris, quand une fois on se laisse enflamer
Par les appas inevitables
De vos beaux yeux qui sçavent tout charmer,
Peut-on cesser jamais de les trouver aimables ?
Peut-on cesser de vous aimer ?
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[Epistre en Vers] §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 168-176

 

Je vous envoye une Epistre en Vers, écrite à Mr le Marquis de Dangeau, Protecteur de l’Academie Royale d’Arles, par un Illustre de ce Corps. C’est Mr Sabatier, qui a fait les Epistres Morales que debite le Sr Guerout, & dont vous avez veu un tres-bel éloge dans le Journal des Sçavans.

A MONSIEUR LE MARQUIS
DE DANGEAU.

C’est vainement, Dangeau, que ma Muse severe
M’a depuis quelque temps ordonné de me taire ;
Un grand Roy te choisit pour nostre Protecteur.
Ne dois-je pas parler d’un si rare bonheur ?
Du temps de nos Ayeux la Noblesse ignorante
Ne prenoit aucun soin de devenir sçavante.
Si l’Estude eust alors delassé les Guerriers,
Ils auroient creu flestrir leurs plus riches Lauriers.
Dans ses nobles travaux nostre Monarque Auguste
Nous inspire en ce jour un sentiment plus juste,
Nous ne refusons pas, suivant ses étendars,
Les faveurs d’Apollon, dans le métier de Mars.
Parmi ceux qu’à sa Cour l’on distingue & l’on vante
Tu brilles comme on voit une Estoile éclatante
Répandre ses rayons dans la voûte des Cieux,
De tes vives clartez éclaire icy nos yeux.
L’Invincible Louis te met à nostre teste ;
Pour nostre noble corps quel honneur, quelle feste !
Mais pour un bien si rare, & qui nous est si doux ;
Quel retour ce Grand Roy n’attend-il pas de nous ?
 Dans les soins glorieux que prend un Prince Illustre
Pour joindre à sa grandeur l’éclat d’un nouveau lustre,
Le succés le plus seur dépend du juste choix
Des hommes qu’il destine à remplir les emplois.
S’il sçait de ses Sujets le propre caractere,
Il aura rarement la fortune contraire,
Et ne devra le fruit de ses heureux combats
Qu’au digne choix qu’il fait du chef de ses Soldats.
C’est ainsi que Louis des rives de la Seine
Envoyoit dans ses Camps Condé, Crequi, Turenne ;
Ils n’eussent pas porté ses armes jusqu’au Rhein,
S’il n’eust sceu les choisir pour un si grand dessein ;
Et sans ternir l’honneur qu’on doit à leur memoire
C’est son discernement qui fit naistre leur gloire.
On blasmera toûjours les foibles Empereurs
Dont le choix imprudent causa tant de malheurs ;
Leur foiblesse permit qu’à Rome, & qu’à Bisance,
Un Eunuque exerçast la suprême puissance,
Et qu’on vist au mépris de tant de Nations,
Sous un lasche Afranchi marcher des Legions.
Un de nos jeunes Roys, tout boüillant de courage,
Des Alpes en Hiver penetre le passage,
Traverse l’Apennin comme un fougueux torrent,
D’un Royaume bien-tost devint le Conquerant ;
Mais malgré ses Exploits qui firent trembler Rome,
Pour regler ses projets il se servit d’un homme
Dans l’art de gouverner foible, & mal entendu,
Ce Royaume conquis fut aussi-tost perdu.
Un Monarque prudent doit mettre, quoy qu’il face,
Dans la Guerre & la Paix, un chacun à sa place,
Donner à la vertu le plus noble parti,
Et rendre aux grands emplois le merite assorti.
Dangeau, nostre grand Prince, aussi prudent qu’habile,
Te laisse gouverner la Touraine fertile.
A sa Cour ton haut rang satisfait tes desirs.
Ta solide vertu t’admet à ses plaisirs.
Au milieu de ces lieux ton esprit, ton courage,
Semblent luy demander encor quelque avantage,
Il te fait nostre Chef, & nostre Protecteur.
Cet employ te convient, & nous comble d’honneur.
Si nos prez, si nos champs que le Rosne environne
Font naistre quelques fleurs pour faire une Couronne,
Que nous puissions pour toy richement embellir,
Avec quel soin pressant les irons-nous cueillir !
C’est ainsi qu’en ces champs où coule le Permesse,
Les travaux des neuf Sœurs étalent leur adresse.
Mais ce projet pour nous est plein de vanité,
On doit te couronner pour l’immortalité,
Et les fleurs que l’on cueille en nos vertes prairies,
N’ont pas assez d’éclat, & sont bientost flêtries.
Aussi n’auras-tu pas besoin de leur secours ;
Le bruit de tes vertus qui durera toûjours
Couronnera ton nom d’une gloire immortelle
Sans te servir des soins que t’offre nostre zele.

[Article tres curieux de tout ce qui se passe à Rome aux Ceremonies funebres des Cardinaux] §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 176-183 , 194-201

 

Il vaque presentement un sixiéme lieu dans le Sacré College, par la mort du Cardinal Horace Mattei, arrivée à Rome le 18. de Janvier. Il estoit fort âgé & infirme, & avoit esté Auditeur de Rote & Majordome de sa Sainteté. Il estoit Cardinal Prestre du titre de Saint Laurent, in Panis perna. C'est un Monastere de Religieuses de l'Observance de saint François. Le Pape Innocent XI. l'éleva au Cardinalat à la dernière promotion qui lui fut faite le 2. Septembre 1686. Il portoit échiqueté d'argent & de fable, à la bande d'or brochante sur le tout, au Chef d'or chargé d'un Aigle éployé de fable. Il a laissé ses Freres Heritiers de tous ses biens, & s'il meurt sans enfans, il leur a substitué le Duc de Paganica leur cousin. Son corps a esté inhumé en l'Eglise de Saint François de Ripa, & comme les Ceremonies qui se font à Rome à la mort & aux funerailles des Cardinaux dont assez particulieres pour meriter vostre curiosité, je vais vous dire ce que Mr Chassebras de Cramailles manda là-dessus à l'Illustre Mr Cousin, President en la Cour des Monnoyes, dans le temps que le Cardinal Albizzi mourut. Il estoit alors à Rome, & les Cardinaux estant tous traitez également & sans aucune distinction dans ces pompes funebres, ce qu'il a écrit de l'un, vous instruira pleinement de toutes les Ceremonies de cette nature. Personne n'a jamais esté plus fidelle ny plus exact que l'est Mr Chassebras dans tous les détails qu'il donne, je vous envoye sa Lettre. Quoy qu'elle ne soit pas nouvelle, ce qu'elle contient vous doit tenir lieu de nouveauté, puisqu'elle est remplie de remarques curieuses qui n'ont jamais esté faites.

A MONSIEUR
LE PRESIDENT COUSIN,
De Rome le 14. Octobre 1684.

Nous avons perdu à Rome deux Cardinaux au commencement de ce mois. Ils demeuroient tous deux auprés de S. Pierre dans la mesme ruë, vis à vis l'un de l'autre, & moururent presqu'en un mesme jour. On pourra déjà vous avoir appris leur mort, mais peut-estre ne vous a-t-on pas dit la maniere dont on celebre leurs Obseques. Le premier mourut le Jeudy 5. de ce mois à 21. heures d'Italie, qui est environ trois heures aprés midy suivant l'horloge de France. Il se nommoit François de gl'Albiti ou Albizzi, d'une ancienne Famille de Cesene. Il avoit esté marié, & avoit perdu la veuë depuis quelques années, de sorte qu'il ne sortoit presque plus à cause de son infirmité & de son grand âge qui passoit quatre-vingt-dix ans. Innocent X. le nomma Cardinal Diacre le 2. de Mars 1654, & depuis il fut fait Cardinal Prestre du titre de Sainte Praxede.

Le second déceda le lendemain à une heure avant midy. Il estoit âgé de plus de soixante ans, & né Gentilhomme Venitien. Il s'appelloit Pierre Bassadonna. Il avoit esté Ambassadeur de cette République vers Sa Sainteté, & durant son Ambassade il contracta une étroite amitié avec Clement X. qui n'estoit alors que Prelat, & qui depuis ayant esté elevé au Pontificat le fit Cardinal Diacre le 12. Juin 1673. luy assignant la Diaconie de Sainte Marie in Dominica. Comme l'on fait la mesme ceremonie à la mort de tous les Cardinaux, excepté à celle des quatre grandes Dignitez, le Doyen, le Camerlingue, le Grand Penitencier, & le Vice-Chancelier, où l'on fait de plus qu'aux autres un Convoy en Cavalcade, je vous diray seulement ce qui se fit à M. le Cardinal Albizzi, & aprés j'observeray ce qu'il y eut de difference au second. [...]

 

Sur les trois heures apres midy tous les Cardinaux qui se trouverent dans Rome, commencerent à venir rendre leurs derniers devoirs à leur deffunt Confrere. Ils êtoient en Calotte & en Bonnet rouge, & avoient leur habit de Ceremonie, qui est une grande Cappe ou Manteau violet, dont la queuë de quatre à cinq aulnes de long êtoit portée par un Ecclesiastique vêtu de noir. Chacun estoit précedé de son Massier qui tenoit une grosse Masse d'argent doré à ses armes, & d'un grand nombre de Prelats, & d'autres personnes de qualité qui luy faisoient Cortege. A mesure qu'il arrivoit un Cardinal, quatre Curseurs du Pape qui sont comme des Bedeaux, venoient au devant de luy pour faire ranger la foule du peuple, & le conduisoient au pied du Palque où estoit le corps, & vis-a-vis le petit Autel. Là un Maistre des Ceremonies du Pape en Robe violette, & un Clerc de Chapelle en Surplis luy presentoient le Livre & l'Aspersoir. Apres que le Cardinal avoit recité quelques Versets & l'Oraison, Absolve Domine, debout, nû-teste & sans calotte, il jettoit de l'Eau-benite au Deffunt, & alloit prendre place dans les Chaires du Chœur qui estoient couvertes de drap violet, estant receu à la porte par un autre Maistre des Ceremonies, & par le Prieur du Convent.

Lors qu'il y eut un nombre suffisant de Cardinaux, les quatre Mandians & les Religieux Servites qui s'estoient rendus à l'Eglise long-temps auparavant, commencerent à celebrer les obseques dans une des Chapelles de la Croisée de l'Eglise, chacun de ces Ordres récitant alternativement l'Office qui luy estoit prescrit. Les Franciscains commencerent & chanterent les Vespres, & apres firent les trois Encensemens autour du corps, & luy jetterent autant de fois de l'Eau-benite. Ensuite ils s'en allerent, & cederent la place aux Augustins, qui dirent le premier Nocturne des Matines, & allerent de même encenser trois fois & jetter de l'Eau-benite au Défunt. Les Carmes suivirent & dirent le second Nocturne. Les Servites ou Serteurs de la Vierge Marie, chanterent le troisiéme Nocturne. Les Dominicains dirent les Laudes, & ensuite les Musiciens de la Chapelle du Pape reciterent en Musique le Libera, & firent de pareils Encensemens par où finit la Ceremonie. Ces cinq Ordres ont le privilege d'officier dans les Obseques des Cardinaux, & leurs Generaux & Procureurs Generaux ont seance dans la Chapelle du Pape. Durant le temps de l'Office, les cloches de l'Eglise se firent entendre, mais avec une grande modestie, & un grand silence. Elles sonnoient seulement trois coups de suite, puis demeuroient un long intervalle avant que d'en recommencer trois autres, & continuerent ainsi jusqu'à la fin de l'Office.

Sur le soir, les portes de l'Eglise estant fermées, on mit le corps du défunt Cardinal dans une Biere de bois de Cyprés avec les mesmes habits dont il estoit revestu. Cette Biere fut enfermée dans un Cercueil de plomb, qu'on mit dans une caisse de bois de noyer, puis on le descendit dans la cave. Deux jours aprés l'on attacha son Chapeau à la voûte de l'Eglise, & l'on colla sur les murs autour & en dehors de la mesme Eglise, tous les Ecussons de papier & de carton qui avoient servy à cette pompe funebre, suivant ce qui se pratique à Rome.

Le lendemain Dimanche on fit la mesme ceremonie dans l'Eglise de Saint Marc, où le Cardinal Bassadonna fut inhumé. Cette Eglise est une Paroisse Collegiale enclavée dans le Palais des Ambassadeurs de Venise. On avoit porté le soir son corps dans un Carrosse à deux chevaux avec six flambeaux, suivy de deux autres Carrosses, où estoient quelques Officiers & Domestiques, sans qu'aucun de ces Carrosses ny des Domestiques fust en deüil. On suivit dans ces Obseques le mesme Rituel qu'au Cardinal Albizzi, à la réserve seulement que le Cardinal Bassadonna avoit une Tunique rouge, comme Cardinal Diacre, au lieu que le Cardinal Albizzi en qualité de Prestre, avoit la Chasuble violette.

[Mort de Jean-Baptiste de Brosses-le-Roy]* §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 202-203

 

Messire Jean-Baptiste de Brosses-le-Roy, Prestre, Docteur de Sorbonne & en Droit Canon, Prieur de Sainte Marie de Clermont, Ordre de Saint Antoine, Diocese de Verdun, & Predicateur ordinaire de la feuë Reine. Il estoit né dans l’Heresie de Calvin, & aprés en avoir fait abjuration, il entra il y a plus de vingt ans chez les Peres de l’Oratoire, où il fut Maistre de Theologie. Il en sortit pour aller prescher dans les meilleures Chaires du Royaume, & s’attacha fortement à travailler à la conversion des Heretiques ; à quoy il réüssit autant par sa pieté que par sa science. Le Clergé, en consideration de ses services, luy avoit donné plusieurs pensions. Il nous a laissé l’Histoire de Cromvvel, Protecteur d’Angleterre, qu’on acheve d’imprimer.

[Epithalame pour le Mariage de M. le Président le Pelletier] §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 210-217

 

Quoy que je n’employe point de Latin dans mes Lettres lors qu’il s’étend au delà de ce qu’il en faut pour le corps d’une Devise, je n’ay pas laissé de vous parler souvent de Mr de Santeüil, Chanoine de Saint Victor. Tout le monde sçait qu’il excelle en Vers Latins, & comme il y a une merveilleuse vivacité de genie dans tous ses Ouvrages, les personnes les plus distinguées par leur esprit se sont toûjours fait un plaisir de les traduire. Ainsi l’Epithalame qu’il a fait pour le mariage de Mr le Pelletier, fils de Mr le Controleur General, & receu en survivance de sa Charge de President au Mortier, ayant esté admiré des Connoisseurs les plus difficiles, on ne doit pas s’estonner s’il a esté mis aussi tost en nostre langue. C’est Mr Petachon qui l’a traduit. Je vous ay déja envoyé plusieurs pieces de sa façon, & particulierement la traduction des Vers que fit le mesme Mr de Santeüil sur la joye que Paris avoit ressentie lors que le Roy alla disner à l’Hostel de Ville. Cet ouvrage fut receu avec de grands applaudissemens.

EPITHALAME.

Viens des Cieux, Chaste Hymen,
Dieu du parfait amour,
Consacrer des Vertus le plus heureux sejour.
Le Palais Pelletier tant de charmes assemble,
Qu’on y voit les Vertus, & les Graces ensemble.
La Candeur, & la Foy, les Plaisirs innocens
Ont droit de t’attirer par leurs attraits puissans.
Le zele des Autels qui rend le Ciel propice,
Ces deux aimables Sœurs, la Paix, & la Justice,
T’appellent dans ce lieu, pour y donner tes loix,
Et les vœux du Public, s’unissent à leurs voix.
De deux parfaits Amans le signalé merite,
Encor plus que nos vœux, pour eux te sollicite.
Tu vois combien d’appas, d’une jeune beauté
Meslent à la pudeur la douce Majesté.
Tu vois comment ses traits font briller mille charmes
Qui forcent son Vainqueur à luy rendre les armes ;
Et tu peux comme un Dieu qui penetre les cœurs
Voir jusque dans son sein la bonté de ses mœurs.
Tu vois combien son ame étale de richesses,
Qui de son cher Amant sont encor plus maistresses.
Je laisse ces trésors par le Monde adorez,
Dont les ambitieux sont toûjours alterez,
Et sur qui la fortune, en aveugle commande.
La vertu d’une Fille, est sa dot la plus grande,
Cet Amant meritoit un objet si charmant ;
L’Amante estoit aussi digne d’un tel Amant.
C’est luy, dont le sçavoir, dans son adolescence,
Etonna les Vieillards, par sa rare éloquence,
Qui défendoit les Droits de l’Auguste Themis,
D’un pere incomparable illustre & digne Fils,
Et de qui les Vertus devançant les années
Rempliront hautement les grandes destinées.
Son Prince en fait l’objet de son plus digne choix,
L’eleve avant le temps sur le Throne des loix :
S’il eust esté besoin, la Justice elle-mesme
En eust fait la demande à ce Juge suprême.
Tu vois qu’elle se plaint, que la lenteur du temps
Retarde son bon-heur, en retardant les ans,
Et croit que pour joüir d’un si grand avantage,
Sa sagesse vaut mieux que la grandeur de l’âge.
Le Pere cederoit son honneur souverain,
Et voudroit couronner ce cher fils de sa main.
Profite de ce temps que son âge te donne,
Et des myrthes d’Amour donne luy la couronne.
Hâte-toy, donc, Hymen, viens serrer les doux nœuds
Des mains que ces Amans te presentent tous deux,
Mais pendant que je parle, Hymen d’un vol rapide
Descend dans ces beaux lieux, vers qui l’Amour le guide.
Et de ces deux Amans, l’un de l’autre Vainqueurs,
Par ses chaines attache & les mains, & les cœurs.

[Action publique de M. l’Abbé de Louvois] §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 219-229

 

Si Mr de Courtenvaux s’est distingué avec tant de gloire par son courage & par sa bravoure, Mr l’Abbé de Louvois son Frere, quoy que dans un âge fort peu avancé, se fait admirer par son esprit & par le progrés surprenant qu’il fait dans les belles Lettres. Ce jeune Abbé, qui n’a pas encore treize ans, répondit publiquement sur tout Homere le 5. de ce mois, dans la Salle de l’Academie des Sciences à la Bibliotheque du Roy, où il demeure en qualité de Bibliothecaire. Le lieu se trouva trop petit pour l’Assemblée qui s’y rencontra, & qui estoit composée de Mr de Louvois, de Mrs les Evesques de Meaux & de Soissons, du Reverend Pere de la Chaise, de plusieurs Abbez, & autres personnes de qualité, & de la plus considerable partie des Sçavans de Paris. Mr l’Abbé de Louvois ouvrit la Conference par un petit discours François, dans lequel il fit voir qu’Homere, malgré la prévention & la prescription de tant de siecles, estoit le Poëte des Enfans ; que les autres Poëtes sembloient n’avoir écrit que pour les hommes déja faits, mais qu’Homere avoit écrit pour tous les âges, & principalement pour cet âge tendre & delicat, qui ne juge des choses que par le plaisir qu’elles luy donnent. Cela fut soutenu avec beaucoup d’esprit, égayé par quantité de traits fort agreables, & prononcé d’un air libre & prevenant. Le jeune Mr de Lamoignon se montra digne des grands hommes dont il est sorty, en proposant quelques difficultez à Mr l’Abbé de Louvois, qui les éclaircit d’une maniere dont tout le monde fut tres-satisfait. Mrs les Evesques de Meaux & de Soissons, & un grand nombre des Sçavans de l’Assemblée en proposerent d’autres, & le jeune Repondant donna une explication litterale de tous les endroits de l’Iliade & de l’Odissée, sur lesquels on voulut le mettre à l’ouverture du livre. Il satisfit à toutes les questions de Grammaire qui luy furent faites, & cita mesme les Poëtes Grecs, Latins & François qui avoient traduit ou imité les endroits d’Homere sur lesquels on l’attaquoit. Pendant trois heures que dura la Conference, Mr l’Abbé de Louvois répondit toûjours avec beaucoup de grace, de vivacité & de jugement. Tout le monde applaudit de bonne foy, & les gens mesme le moins portez à admirer, sortirent charmez. Avant que l’Assemblée se separast, on avoit distribué des Vers Latins sur cette Action, qui furent trouvez parfaitement beaux. Ils estoient de Mr Rollin, Professeur de Rhetorique au College du Plessis, qui a esté choisi pour succeder dans cette Chaire, au celebre Mr Hersan, qui est depuis trois ans auprés de Mr l’Abbé de Louvois. En voicy d’autres dans lesquels vous trouverez le Portrait de ce jeune Abbé. Ils luy furent presentez il y a quelques jours par Mr Bosquillon qui en est l’Auteur, & il les receut d’une maniere tres-obligeante pour luy, & en luy disant modestement, qu’il ne s’y reconnoissoit point, & qu’il regardoit cette Piece, non pas comme le Portrait de ce qu’il estoit, mais comme l’Image de ce qu’il devoit estre.

PORTRAIT
De Mr l’Abbé de Louvois.

Estre au Seigneur par choix dés sa tendre jeunesse ;
Malgré l’éclat des biens & de la qualité,
 Triompher de la vanité,
Avoir dans son printemps une meure sagesse ;
Estre vif, appliqué, docile, ingenieux,
 Delicat & laborieux ;
 Connoistre toute la finesse
De la Langue Romaine & de celle de Grece,
Sentir de leurs Auteurs jusqu’aux moindres beautez,
 Eclaircir leurs difficultez ;
 De la Republique sçavante
  Estre déja l’ornement,
  En faire l’étonnement ;
Estre vanté par ceux que tout le monde vante ;
Penser avec justesse, & parler poliment ;
 A ses devoirs estre attaché, fidelle ;
Estre de sa maison la regle, le modelle ;
Honorer ses Parens, proteger ses Amis ;
 Estre bon Maistre, & Disciple soumis ;
Servir assidûment dans la sainte Milice,
 Quoy que né pour y commander ;
Parmy les moindres Clercs assister à l’Office,
Mais sans vouloir se faire regarder :
Avoir toujours un air sage, simple, modeste,
Et par là seulement se distinguer du reste ;
Ecouter le Seigneur avec attention ;
 Répondre à sa vocation ;
Cultiver le talent avec un soin extrême,
Avoir beaucoup receu, rendre beaucoup de mesme :
 Quand il s’agit de soulager
De malheureux Enfans que presse l’indigence,
Traiter également Citoyen, Etranger,
Leur mettre à tous en main la clef de la science,
 Les loüer, les encourager,
Quand ils ont réussi doubler leur récompense :
Que de grandes vertus ! que de traits éclatans !
C’est pourtant le Portrait d’un homme de douze ans.
 Mais cet homme a LOUVOIS pour Pere,
Le TELLIER pour Ayeul : ce Portrait est sincere.

[Réjoüissances faites à Mets] §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 237-238

 

On écrit de Mets que le Carnaval y a continué jusqu'au premier Jeudy de Carême, jour du renouvellement de l'Hostel de Ville, par la promotion au Maistre Echevinat de Messire Pierre Philippe Pantaleon, Lieutenant General du Presidial. La joye des Habitans fut si grande, qu'ils ne purent s'empescher de la marquer par des feux qu'ils allumerent presque dans toutes les ruës avec des acclamations inconcevables. Les Conseillers du Siege donnerent un magnifique Repas au bruit des Timbales & des Trompettes. Tout se réjoüissoit ce jour-là, les uns par les cris, les autres par des Festins & des Concerts d'Instrumens. [...]

[Nouvelle Histoire de Siam] §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 247-249

 

Je vous ay trop souvent parlé de Siam, pour ne vous pas dire à l’occasion de ces deux Princes qui en viennent, que le Sr Barbin debite depuis peu un Livre qui traite de ce Royaume. Il a pour titre, Histoire naturelle & Politique du Royaume de Siam, & contient la situation & la nature du Pays, les mœurs, les loix, les coûtumes, & la Religion des Habitans, avec tout ce qui regarde le Roy qui regne à present, & ce qu’il y a de plus particulier dans la Cour de ce Royaume. Je laisse à Mrs du Journal des Sçavans à vous en parler d’une maniere plus ample Le peu que je vous en dis suffit pour vous faire voir qu’on a approfondy la matiere, & que tout ce qui a esté écrit de cet Estat ayant pleu en France, on n’en veut rien laisser ignorer.

[Tout ce qui s’est passé à l’Academie Françoise le jour de la Reception de M. Testu, avec les Discours qui y ont esté prononcez] §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 249-303

 

La mort de Mr de Mesmes ayant laissé une place vacante à l’Academie Françoise, Monsieur fit l’honneur à ceux dont est composé ce Corps Illustre, de leur marquer l’estime qu’il a pour eux, en leur envoyant un Gentilhomme pendant une de leurs Assemblées, pour leur demander cette place en faveur de Mr l’Abbé Testu-Mauroy, Precepteur de Mademoiselle. Le Gentilhomme qui estoit chargé de cette commission, aprés avoir expliqué en des termes tres-avantageux à la Compagnie, la maniere honneste dont il plaisoit à Monsieur d’user dans cette demande, ajoûta que Mademoiselle y prenoit beaucoup de part, & qu’ils ne pouvoient rien faire de plus agreable à cette Princesse que de recevoir parmy eux celuy qu’il venoit de leur nommer. Mr Daucourt, qui estoit alors Chancelier de l’Academie, répondit qu’on auroit égard à la recommandation de Monsieur, avec le profond respect qui étoit deu à un si grand Prince. Ainsi le temps de l’Election estant arrivé, on n’eut point à balancer sur la resolution qu’on devoit prendre. Le choix de Monsieur répondoit suffisamment du merite du Sujet, & il n’y eut personne qui ne fust persuadé qu’un homme que Son Altesse Royale avoit assez estimé pour le mettre, & pour le tenir depuis tant d’années auprés des Princesses ses Filles, ne pouvoit manquer d’avoir toutes les qualitez necessaires à un bon Academicien. Mr l’Abbé Testu-Mauroy fut donc éleu pour remplir la place qui estoit vacante. Tout le monde sçait qu’il a esté Aumônier ordinaire de Madame & de feu Madame. On ne peut rien ajoûter au zele qu’il a pour tout ce qui regarde le service de Monsieur, & la vivacité de son esprit est connuë par le soin qu’il a eu de l’éducation de Madame la Duchesse Royale de Savoye, aussi estimée par sa sagesse & par tout ce qu’elle sçait, que par la grandeur de sa naissance. Il a presentement le mesme soin de Mademoiselle. Quoy qu’elle n’ait encore qu’onze ans & quelques mois, il luy montre en mesme temps plusieurs sortes de Sciences, qu’elle conçoit toutes, & qu’elle apprend également bien, ce qui n’est pas seulement l’effet de l’art dont Mr l’Abbé Testu se sert pour luy en donner la connoissance ; mais encore de la force & de la penetration de l’esprit de cette Princesse, qui pour son âge est fort au dessus de tout ce que je pourrois vous en dire. En effet, on peut asseurer que c’est un prodige, sans qu’à son égard prodige doive estre pris pour une maniere de parler qui exagere. Le Lundy 8. de ce mois, fut le jour choisy pour la reception de ce nouvel Academicien, & il fit son remerciement en ces termes à Mrs de l’Academie.

Messieurs,

Voicy le jour heureux où il m’est permis d’entrer dans le Temple de Minerve, de participer aux Misteres des Muses, & de me voir dans le Sanctuaire de l’Eloquence. Voicy la premiere fois que je puis sans prophanation, envisager en vos personnes, ses plus fidelles Ministres, me regler selon vos loix, & écouter vos oracles. Jour plein de gloire ; jour remarquable entre tous les jours de ma vie ; jour qui remplit mes desirs, & qui couronne mes esperances.

Que cet honneur doive s’attribuer purement à vostre grace, Messieurs, & non pas à mon merite, ce sera toûjours le sentiment de ceux, qui sçauront connoistre la grandeur de vostre bienfait, & celle de mes defauts.

Car de quel droit oserois-je pretendre d’estre admis parmy tant de celebres Personnages, dont les doctes veilles, & les rares écrits transmettent l’art de bien penser, de bien parler, & de bien écrire, à une longue posterité, qui conservent dans sa pureté une Langue, que nostre grand Roy parle mieux qu’aucun homme de son Royaume ; qu’il a renduë par ses étonnantes Conquestes, la Langue generale de l’Europe, qui sert si utilement à écrire les faits incroyables, que sa sagesse luy a fait entreprendre, & que son courage luy a fait executer ; en un mot, la Langue, dont vous vous servez si heureusement, Messieurs, à l’avantage de nostre Nation, & à la gloire de nostre Auguste Monarque ?

Certes, quand je me voy placé entre tant d’excellens Ecrivains, tant de fameux Orateurs, tant de Poëtes illustres, qui disposent si sagement de l’immortalité, qui est le partage des plus grands Hommes ; quand je me represente l’égalité judicieuse qui est établie entre les membres de vostre illustre Corps ; quand je conçoy qu’elle fait oublier, du moins pour un temps, la difference de la fortune des hommes, les prérogatives du sang, les avantages des premieres Dignitez de l’Eglise, & de l’Estat, & que je remarque, que de toutes les Assemblées qui sont au monde, le Corps de la Religion, & celuy de l’Academie, sont les seuls dont les membres sont si heureusement confondus, je ne puis que je ne m’écrie, en admirant cette surprenante égalité, qui suis-je, pour me voir entre tous ces grands Hommes ? Et veritablement, Messieurs, le rang que tenoit parmy vous feu M. le President de Mesmes, pouvoit estre deferé à un Sujet plus digne que je ne suis de luy succeder. Sa famille peut-estre nommée comme celle de Boëce, une veine de pourpre, & le Seminaire de la premiere Magistrature. Son nom, que je ne puis prononçer sans renouveller vostre douleur, est également venerable dans le premier Senat du monde, & chez les Nations Etrangeres. L’integrité, la fermeté & la penetration estoient ses vertus de Tribunal ; le zele, la politesse, & la discretion, estoient ses talens de la Cour ; l’amour des Lettres & des Sçavans ; la douceur & l’honnesteté estoient ses qualitez de l’Academie. La perte du Senat, vient d’estre reparée en la Personne de son digne Fils ; mais, comment reparer en la mienne, celle que vous avez faite ? Si vos graces, Messieurs, estoient de la nature de celles du Ciel, qui changent les suiets qu’elles enrichissent, je deviendrois tel, que vous n’auriez point de regret à vostre choix ; je ne serois pas en peine de vous remercier de l’honneur que vous me deferez ; & lors que je sens en moy le concours mutuel de la joye & du respect, je ne me trouverois pas entre la crainte & la temerité. Car s’il ne s’agissoit que de répondre à vostre grace, par une tendre reconnoissance, je pourrois satisfaire à ce juste devoir, mais je me voy dans l’obligation de m’en expliquer publiquement, c’est à dire, dans le peril de passer pour ingrat, ou de paroistre peu disert.

Car quel discours peut meriter, je ne dis pas vostre approbation, Messieurs, mais vostre seule attention, fust-il digne de l’applaudissement des autres hommes, si vous n’oubliez dans ce moment, que vous estes les depositaires de l’éloquence, & que la force aussi bien que la politesse de nostre Langue, sont des talens qui vous sont naturels, tandis qu’ils sont aux autres le fruit de l’art, & d’une application laborieuse ?

Et ce qui augmente la difficulté du devoir dont je voudrois m’acquitter, c’est que je me represente que je n’ay pas seulement à parler devant vous, mais que je suis environné des Genies du grand Armand & du sage Seguier, qui ont protegé vostre sçavante Compagnie, de sorte que je suis reduit à craindre, & ce que je voy, & ce que je ne voy pas ; car je me suis bien apperceu d’abord que je suis entré dans ce lieu, qu’il y a quelque chose de plus qu’humain qui y réside : & que seroit-ce, sinon les Genies de ces deux Personnages presque divins, qui vous assistent invisiblement dans la distribution que vous faites de l’immortalité ; tous deux au dessus des Eloges qui leur ont esté donnez pendant leur vie, & qui ne sçauroient estre mieux loüez aprés leur mort, que par l’honneur que leur a fait ce grand Roy que voila, de se declarer leur Successeur dans la protection de l’Academie ?

Ah ! que cette gloire redouble le respect que j’ay eu toute ma vie pour vostre illustre Corps ! Et je ne vous puis dissimuler, Messieurs, que lors que j’ay le plus passionnément souhaité de me voir un de ses membres, j’en ay esté retenu par une pudeur digne de son prix.

Car bien que j’aye consumé un bon nombre de mes meilleures années à l’instruction de deux des plus grandes Princesses de la terre, dont l’une fait déja la felicité de ses Etats, quoy qu’en la personne de l’autre je cultive un esprit qui va plus loin que mes desirs, de qui je puis dire ce que disoit. S. Augustin de celuy de son Fils, qu’il me cause un étonnement qui va jusqu’à la frayeur, l’esprit, dis-je, d’une Princesse, dont les inclinations toutes royales, animées d’un certain air de majesté, luy donnent droit d’aspirer ; que sçais-je ? sans doute au choix des Couronnes de l’Europe ; en un mot, quoy que ces soins éclatans me pussent faire pretendre aux honneurs qui resultent des belles Lettres, je n’aurois neanmoins jamais osé demander d’estre receu dans vos Assemblées, si le Vainqueur de Cassel n’eust daigné m’en ouvrir la porte de la mesme main dont il a si glorieusement triomphé des Ennemis de la France.

Ouy, Messieurs, c’est Monsieur qui a animé vostre choix, & le comble de mon bonheur a permis que je luy doive la place que vous m’accordez, afin que je ne possede nul avantage, dont je ne luy sois redevable.

Et pourquoy me dispenserois-je de cette loy, moy qui suis sa créature, tandis que l’Etat mesme luy doit son repos ? car si ce repos consiste dans l’amour & dans l’obeissance des Sujets envers leur Souverain, n’est-ce pas luy qui montre par son exemple aux Princes comme aux Peuples, le respect, l’obeissance, & la tendresse qu’ils doivent au Roy, mais encore, qui en fait la principale maxime de l’éducation si importante de ce Fils precieux, qui est si-tost devenu le favory de la raison ? Qui a porté plus loin que Monsieur, & en si peu de temps, la bonne fortune de l’Etat, & ce qui est rare, la modestie d’un Vainqueur ? Qui de ceux qui l’ont vû triomphant, l’a jamais oüy parler de ses victoires ? Tout comblé de gloire, tout chargé de triomphes, autant au dessus des plus grands Princes par l’excellence de sa Personne, que par son auguste Naissance, ne confond-il pas toutes ses qualitez heroïques dans les deux caracteres du plus excellent Frere, & du plus fidelle Sujet qui fut jamais ? Rare exemple certes, & digne de l’admiration des siecles à venir ! C’est ce sage Frere qui apprend leur devoir à tous les Ordres du Royaume : & ce sont ceux-cy qui l’enseignent aprés luy aux autres Nations de la terre.

Car sans parler des droits du Trône, l’amour & l’obeissance de toute la France pour la Personne du Roy vont aujourd’huy si loin, que ses Peuples qui le tiennent pour une seconde Divinité, estiment que leur amour, & leur fidelité sont pour eux une seconde Religion, & qu’ils ne sçauroient manquer à leur devoir sans commettre un second sacrilege.

Ah, si le peu de temps qui est prescrit à mon Discours me permettoit de parler amplement de ce grand Roy, les delices de ses Peuples, combien d’exploits incroyables qui se presentent en foule à mon esprit, entreroient dans son Eloge ! Le nombre surprenant & la rapidité de ses Conquestes, la sagesse de ses Conseils, le bonheur de ses entreprises, le genereux usage qu’il a fait de ses Victoires, son autorité par tout si reconnuë, & si redoutée, ses Troupes si bien disciplinées, leurs Chefs si passionnez pour sa gloire, les vaincus si soûmis, les vainqueurs si moderez, le bonheur de ses Peuples si envié, tant de Villes heureuses de s’estre renduës, tant d’Etats tranquilles sous sa protection, & ce qui le touche plus que le reste, la Religion triomphante, l’Heresie entierement détruite, la pieté sur le Trône ; grand Dieu, quelle richesse, quelle abondance pour un Eloge !

Je m’assure, Messieurs, que ces fidelles Ecrivains des prodiges de sa vie, vos illustres Confreres, qui ont entre leurs mains le précieux depost de sa gloire, n’en oublieront pas la moindre circonstance, mais je doute que la Posterité ajoûte une foy sincere à leurs Ecrits.

Non, elle ne croira jamais qu’un seul Roy en ait pû tant accomplir ; & comme la Fable attribue les travaux d’Hercule à un seul Heros, quoy que ce soient les actions de plusieurs qui ont eu le mesme nom, aussi ceux qui liront l’Histoire de nos jours, ne pourront croire qu’un seul de nos Rois ait fait ce nombre prodigieux de merveilles que nous avons veuës, & attribueront, en renversant l’ordre des temps, à treize de nos Monarques qui ont porté le nom de Loüis, ce qui n’appartient qu’au Regne & à la Personne de Loüis le Grand.

Regne glorieux, puisses-tu durer autant que nos desirs. Roy incomparable, puissiez-vous vivre autant que vostre gloire. Heureuse condition de nostre Langue, de pouvoir vous loüer sans flaterie ! Plus heureuse celle de nos cœurs, de pouvoir vous aimer sans moderation.

Quelle obligation ne vous ay-je pas, Messieurs, de m’associer à vos rares ouvrages, qui tendent tous à l’immortalité de son nom ? Certes je ne comprens que trop pour mes forces le prix de vostre bienfait, qui n’a rien d’égal que la necessité qu’il m’impose de justifier vostre choix ; devoir à la verité pour moy également difficile & indispensable ; car je reconnois les bornes de mes lumieres. Mais comme tous les Astres qui sont attachez à un mesme Ciel n’ont pas une égale vertu, ny la mesme splendeur, je ne présumeray jamais que mon peu d’érudition puisse approcher de vos sublimes connoissances, trop heureux si ne pouvant plus dignement répondre à la grace que me fait aujourd’huy vostre illustre Compagnie, il n’y a aucun de ceux qui la composent, qui ne soit persuadé que je la reçois avec un respect & une reconnoissance qui dureront autant que la grace mesme.

Mr Daucourt, Chancelier de la Compagnie, répondit ainsi à Mr l’Abbé Testu.

Monsieur,

Vous venez sous d’heureux auspices reparer la perte que nous avons faite, & qui nous est extrémement sensible ; mais plus l’Academie Françoise regrete feu Monsieur de Mesmes, plus elle honore sa memoire, plus aussi elle marque la consideration qu’elle a pour vous, en vous recevant à la place d’une personne qui luy estoit si chere par toutes sortes de raisons.

Il a porté dignement dans la Cour des Pairs la pourpre & l’hermine qu’il avoit heritée de ses Ancestres, & ce qui doit nous toucher davantage, il a creu faire honneur à la Charge de President au Mortier, d’y ajoûter le nom d’Academicien, & d’entrer dans une Compagnie de Gens de Lettres où personne n’a droit de presider, & où il n’y a point de place distinguée pour les Dignitez les plus éminentes.

Ce sentiment est une des preuves de la solidité d’esprit que doit avoir un homme pour estre digne de juger les autres ; car on voit par là que ne se laissant point ébloüir à l’éclat exterieur, & ne faisant point acception de personnes, il peut en suivant la seule raison preferer le merite des Lettres aux avantages de la fortune.

Qui ne sçait aussi que ce noble sentiment est le caractere naturel de toutes les belles Ames, qui sont nées pour la gloire de leur Patrie ; & qu’au contraire un Esprit qui méprise les Lettres n’est point capable d’aimer la vertu, parce qu’il n’est rien que la vertu considere tant parmy les hommes, que cette reputation immortelle que les Lettres seules peuvent donner ?

Combien donc a esté heureuse la naissance de M. de Mesmes, puis que cet amour des Lettres qui a fait les plus grands hommes dans tous les temps, a esté en luy comme une vertu hereditaire, & comme une impression du sang qu’il a receu de ses illustres Ayeux !

Car depuis que cette Maison sortie d’une ancienne Noblesse d’Ecosse, eut passé en France, & qu’elle eut commencé sous le Regne de Loüis XII. à joindre aux avantages de la Naissance l’étude & la connoissance des Lettres, elle a toûjours eu jusqu’à nous, des hommes celebres qu’un merite extraordinaire a élevez aux premieres Magistratures, & aux plus importans Emplois. C’est une foule de Maistres des Requestes, de Lieutenans Civils, de Conseillers d’Etat, de Presidens au Mortier, & ce qui est encore plus loüable, une continuelle succession d’Ambassadeurs.

On en voit qui sous les Rois François I. Henry II. & Charles IX. dans les temps les plus difficiles, ont esté envoyez en Allemagne, en Suisse, en Espagne, en Italie, à Rome. On en voit sous le dernier Regne dans tous les Etats du Nort. On en voit ensuite dans la fameuse Assemblée de Munster, où fut fait cet important Traité dont la sagesse du Roy tire tous les jours de si grands avantages. Et n’avons-nous pas encore aujourd’huy un Ambassadeur de ce mesme nom, & qui soûtient si dignement son Caractere & sa Mission auprés des Etats de Hollande, où la Politique est aussi habile qu’en aucun endroit du Monde ?

Une si belle succession dans cette Famille, n’est pas le droit d’un même sang, mais l’effet d’une même vertu, & principalement du merite des Lettres, qui est le plus propre aux Ambassades, & le plus capable de traiter avec les Etrangers, parce que les Lettres ne sont étrangeres nulle part, estant, pour ainsi dire, de tous les temps & de tous les Pays.

Mais il y a dans la Maison des de Mesmes une autre succession qui en releve encore l’éclat ; c’est la suite continuelle de tant de gens de Lettres qu’on y a vûs successivement depuis le celebre Passerat jusqu’au celebre Voiture, & qui tous y ont esté comme adoptez ; car je puis nommer une espece d’adoption l’amitié & la tendresse avec laquelle ils y ont esté receus. On les consideroit dans cette Famille comme s’ils avoient esté du mesme sang, parce qu’ils avoient le même esprit ; & on leur y faisoit de si grands avantages, que plusieurs ont écrit que c’estoient des Patrimoines plutost que des presens.

Monsieur de Mesmes, que nous avons perdu, estoit le digne heritier de tant d’Illustres & Sçavans Protecteurs des Lettres. Il avoit comme eux cet esprit & ce cœur dont la passion dominante a esté de servir leur Prince, & d’aimer la vertu. C’est pourquoy son zele extraordinaire pour le Roy, n’estant pas satisfait de ne le servir que dans le Parlement de Paris, & croyant que c’estoit le servir encore de trop loin pour un Sujet qui ne trouvoit rien de plus souhaitable au monde, que de le voir & de l’approcher, il voulut par cette raison devenir son Domestique en devenant son Lecteur, il eut de l’ambition pour cette Charge de Litterature, parce qu’avec le droit de lire devant le Roy, il y trouvoit encore l’avantage de l’entendre, & le plaisir de l’admirer.

Monsieur de Mesmes estant de ce caractere d’esprit, ne pouvoit pas manquer d’avoir de l’estime pour l’Academie Françoise ; il avoit aussi toûjours eu, avant que d’y entrer, une amitié particuliere avec plusieurs Academiciens, & leur avoit témoigné en diverses rencontres, qu’il tiendroit à honneur d’estre leur Confrere. Un sentiment si loüable joint à un merite si universellement reconnu, le fit recevoir dans cette Compagnie, où il apporta avec la pourpre de President, & le cordon de l’Ordre, toutes les vertus de l’ancienne & sçavante Famille dont il est sorty. Il aimoit nos exercices academiques, & se faisoit un plaisir d’y venir aussi souvent que le pouvoient permettre les pressantes & importantes fonctions de sa Charge. Il n’y a personne de nous qui n’ait eu la joye de l’y voir plusieurs fois, & il y a parlé sur differens sujets, suivant que dans l’ordre du Dictionnaire les mots annoncent les choses : il y a parlé, dis-je, avec la sagesse des plus grands Magistrats, la politique des plus habiles Ambassadeurs, & avec tous les autres talens d’esprit de ses illustres Ancestres.

J’ay quelque honte aprés cela, Messieurs, de me voir si au dessous des excellens Ecrivains qui ont fait leur éloge, & honoré leur tombeau ; mais je puis me rassurer par une circonstance que je vais dire, & qui est d’elle-mesme un Eloge si achevé, que la plus haute éloquence ne sçauroit l’égaler. C’est, Messieurs, que LOUIS LE GRAND, ce Prince si au dessus de tout ce qu’ont vû les Grecs & les Romains, a aimé, estimé, & regreté feu M. de Mesmes. Il l’a témoigné publiquement en luy donnant son Fils pour son Successeur par une bonté toute royale, & qui est la plus grande marque d’estime que Mr de Mesmes auroit pu souhaiter, quoy que prévenu par une mort trop prompte, il ne l’ait pas seulement demandée. Que dire à present, Messieurs, & qui ne sçait que l’estime d’un si grand Prince est le suprême degré d’honneur pour un Sujet, que c’est l’Eloge le plus magnifique & le plus durable que l’on puisse faire de son merite, de son zele, de sa fidelité, & de ses services ?

Pour vous, Monsieur, qui luy succedez en la place d’Academicien, vous avez un merite Academique qui ébloüit également l’esprit & les yeux. C’est l’heureuse éducation de deux Princesses les plus accomplies que l’on puisse voir ; l’une qui est Duchesse de Savoye, fait l’honneur de la France au delà des Alpes, en faisant le bonheur du Prince son Epoux, & des Etats qui luy obeissent. L’autre qui à cause de sa tendre jeunesse, ne regne encore sur aucun Etat, regne déja sur tous les cœurs, & charme tous les esprits par la beauté naturelle du sien, & par les belles connoissances dont vous l’avez enrichie.

Il est impossible d’exprimer les sentimens extraordinaires que l’Academie a conceus de vous par le rapport heureux que vous avez à ces royales Personnes ; & si l’on veut en avoir quelque idée, il faut s’imaginer comment les Muses mesmes recevroient un homme qui leur seroit presenté par les Graces.

Nous voyons aussi que le Prince qui vous a confié ces deux belles Ames, plus précieuses que toutes les Couronnes, vous accorde si publiquement l’honneur de sa protection & de son estime, qu’il a bien voulu en faire assurer l’Academie, lors qu’elle estoit assemblée ; en quoy il a fait pour vous une chose qui n’avoit point encore esté faite pour personne, & qui est une preuve infaillible du merite extraordinaire qu’il a trouvé en vous.

Et qui peut mieux juger du merite, & mesme du merite Academique, qu’un Prince qui a donné aux Lettres un des plus beaux sujets d’Histoire qu’elles ayent jamais eu, qu’un Prince Frere unique du Roy, & qui ayant tous les avantages de sa Naissance, & toutes les vertus de son Sang, s’est encore acquis l’honneur de la fameuse Victoire de Cassel, qu’il a remportée en combattant luy-mesme en personne, & dont il augmente chaque jour l’éclat & la gloire, par le merite d’une fidelité inviolable, en montrant à tous les autres Sujets du Roy comment il faut obeyr, aprés leur avoir montré si glorieusement comment il faut combattre & vaincre ?

C’est ce mesme Prince qui a rendu de vous, Monsieur, un témoignage si public & si avantageux, que l’Academie en estant toute remplie & comme inspirée, vouloit y répondre d’une maniere extraordinaire, en vous nommant d’une commune voix par une acclamation publique, & sans s’assujettir à la lenteur du scrutin, ce qui sans doute auroit esté fait, si quelqu’un n’avoit representé qu’on ne devoit pas avoir moins d’égard à vostre modestie, qu’à un si grand témoignage de vostre merite.

Nous ne doutons point, Monsieur, que vous ne le souteniez avec honneur, & nous voyons déja par la beauté de vostre discours, que l’Academie acquiert aujourd’huy en vous un Sujet dont elle peut contribuer beaucoup à l’acquitter de ce qu’elle doit à Loüis le Grand, son Auguste Protecteur.

Nostre obligation en general est de former un langage qui puisse exprimer avec dignité la gloire de ses grandes actions, mais c’est ce que nous ne ferons jamais parfaitement, quelque obligation que nous ayons de le faire, & quelque soin que nous prenions d’y réussir. Sa gloire est déja trop grande pour estre exprimée, & chaque jour elle augmente encore par l’éclat des plus heroïques vertus, qui sont en luy dans un degré d’éminence où elles n’avoient jamais esté veuës.

Je ne parle point de cette valeur extrême qui n’a fait que des prodiges, tant qu’elle a esté forcée d’agir, & qui enfin a cedé heureusement à une moderation encore plus glorieuse, & plus digne d’un esprit souverain qui est né pour rendre les hommes heureux en leur commandant.

Dés qu’il eut resolu de donner la paix à ses Ennemis pour le bien de la Chrestienté, ils furent tous obligez de l’accepter, quelque resolution qu’ils eussent prise de n’y point consentir ; & c’est ce qui fait voir en luy cette superiorité de Genie, contre laquelle les autres esprits s’emeuvent & s’irritent inutilement.

La Paix fut faire comme il l’avoit resolu, & aux mesmes conditions qu’il avoit écrites en deux mots à ses Ministres. En vain l’on delibera pendant plusieurs mois, en vain l’on chercha tous les détours des negociations, il fallut enfin revenir & s’arrêter à ce qu’il avoit écrit, comme au dernier terme de la raison & de la sagesse politique.

Mais ce qu’il y a de plus admirable dans cette Paix si heureuse pour tout le monde Chrestien, c’est de voir que si elle subsiste encore aujourd’huy, c’est parce que le mesme Genie qui l’a faite, a toûjours agy avec la mesme force pour la conserver ; & comme on verroit tomber en confusion toute la machine de la Nature, si les Spheres celestes perdoient quelque chose de la rapidité de leur mouvement, on verroit aussi tout ce grand Ouvrage de la Paix composé de tant de parties contraires, se détruire en peu de jours, si le Roy laissoit ralentir ses soins & sa prévoyance.

Mais avec quelle force, avec quelle attention n’agit-il pas continuellement dans le repos public dont il est la seule cause ? Et n’avons-nous pas vû avec le dernier étonnement, que la violence mesme d’un mal tres-sensible, & qui dura plusieurs mois, ne put l’empêcher un seul jour d’estre present à son Conseil ?

C’est ainsi que depuis vingt-sept ans il a une application infatigable à toutes les affaires de son Royaume, de quelque nature qu’elles soient, affaires d’Etat, de Finance, de Commerce, de Police, de Justice, & de Religion. C’est ainsi que par une continuelle experience, jointe au plus heureux naturel qui fut jamais, il a formé cette prudence consommée qui étonne ses Ministres en les instruisant, & qui a fait réussir tous ces desseins prodigieux que la prudence ordinaire n’osoit pas seulement concevoir. C’est ainsi que par une longue suite d’évenemens, il est enfin parvenu à celuy qui est le couronnement de tous les autres, & le comble de la gloire pour un Prince Chrestien.

On ne peut entendre par là que l’extirpation de l’Heresie, ce triomphe de toutes les vertus royales animées par la pieté ; triomphe d’autant plus glorieux au Vainqueur, qu’il est le salut mesme des vaincus ; & que sans combat & sans carnage il a ramené heureusement à l’Eglise plus d’un million d’ames, par un prodige aussi grand que celuy qui tira autrefois plus de six cens mille hommes de la servitude d’Egypte. Et ne devons-nous pas dire aujourd’huy ce qui fut dit alors, que c’est là veritablement le doigt de Dieu ? Ouy, c’est le doigt de Dieu qui a conduit & soutenu notre Auguste Prince dans une expedition si heureuse & si Chrestienne, pour laquelle l’Histoire de l’Eglise le mettra au dessus des Constantins & des Theodoses, comme la Renommée pour tant d’autres actions l’a déja mis tant de fois au dessus des Alexandres & des Cesars.

Je ne vous dis rien de l’applaudissement que receurent ces deux Discours. Vous estes trop éclairée pour n’en pas connoistre toutes les beautez. Le nouvel Academicien receut beaucoup de loüanges, & l’on trouva que Mr Daucourt qui a déja paru avec gloire en plusieurs occasions, s’estoit montré digne en celle-cy d’estre à la teste d’une Compagnie aussi celebre que l’Academie Françoise. Lors qu’il eut finy, Mr Doujat qui en est Doyen, pria Mr l’Abbé de Lavau de lire pour luy quelques Portraits qu’il a faits en Vers des anciens Patriarches. Il s’en acquita avec cette grace qui ne laisse rien échaper de ce qu’il y a de beau dans les ouvrages dont il veut bien faire la lecture. Il fit succeder à ces Portraits la traduction du second Chapitre de la Sapience de Salomon, faite par Mr Perrault. Elle fut extremement applaudie, aussi-bien que la Paraphrase en Vers de quatre Pseaumes que leut Mr de Benserade. Aprés cela, Mr l’Abbé Tallemant l’Aisné fit part à la Compagnie d’un Sonnet qu’il fit pour Monsieur, dans le temps de la fameuse Bataille de Cassel, & Mr le Clerc ferma la Seance par la lecture d’une traduction du De profundis.

[Medailles d’or du Roy, proposées pour prix de l’Eloquence & de la Poësie Françoise par l’Academie de Villefranche] §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 304-305

 

L’Academie de Ville-franche en Beaujolois donnera deux Médailles d’or du Roy à ceux qui auront le mieux réüssi dans l’Eloquence & dans la Poësie Françoise. Le sujet de la Prose est, que les Academies de belles Lettres sont non seulement établies pour apprendre à bien parler, mais encore pour apprendre à bien vivre. Le Discours ne sera au plus que d’une demy-heure de lecture. Le sujet des Vers qui n’excederont pas le nombre de cent, & qui finiront par une courte Priere pour le Roy, est l’Empire de LOUIS LE GRAND sur les Mers. On ne recevra de Pieces que jusqu’au dernier de Juin prochain, & l’on prie ceux qui en auront fait, de les adresser à Mr de Bessié, Secretaire perpetuel de cette Academie, d’en payer le port, & de n’y point mettre de noms, mais une Devise à la gloire de Sa Majesté. Toutes personnes seront bien receuës à travailler, excepté les vingt de l’Academie, qui seront les Juges. La distribution de ces Prix se fera le 25. d’Aoust, jour de Saint Loüis.

[Mort de Mademoiselle de Guise] §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 305-306

 

Le 3. de ce mois, tres-haute, tres-puissante, & tres-illustre Princesse, Mademoiselle Marie de Lorraine, Duchesse de Guise & de Joyeuse, Pair de France, Princesse de Joinville, Senechalle Hereditaire de Champagne, mourut à Paris dans son Hostel, âgée de 72. ans six mois, dix-sept jours. Son Corps qui n'a point esté ouvert par l'expresse défense qu'elle en avoit faite, a esté porté à l'Eglise des Capucines, où Madame sa Mere a esté enterrée en habit de Religieuse. Elle a vêcu avec une magnificence digne du Sang dont elle sortoit. Elle faisoit du bien à beaucoup de monde, recompensoit genereusement le moindre service, & faisant toutes choses avec grandeur, elle avoit jusqu'à sa Musique entretenuë. Cette Musique estoit si bonne qu'on peut dire que celle de plusieurs grands Souverains n'en approche pas. [...]

[Procession pour la Reduction de Paris] §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 316-317

 

Le Lundy 22. de ce mois Mrs les Prevost [sic] des Marchands, Eschevins & Officiers de la Ville s'estant rendus en l'Eglise Metropolitaine revestus de leurs Robes de Ceremonie, le Clergé de cette Eglise alla suivant la Coustume, pour la Reduction de Paris, à l'obéissance du Roy Henry IV. en Procession aux Augustins du Grand Convent, où Mr le Duc de Gesvres, Gouverneur de cette Ville, se trouva avec les Compagnies superieures. La Messe y fut celebrée par Mr l'Abbé de la Mothe Archidiacre, en absence de Mr l'Archevesque, & chantée par la Musique de Nostre-Dame où se rendirent ce jour-là, toutes les Processions des Paroisses de Paris, ainsi que les quatre Mandians qui assisterent à la Procession Generale qu'on fit aux grands Augustins.

[Opera representé au College de Loüis le Grand] §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 317-322

 

J'ay à vous parler de trois Opera. L'un fut representé aux Jesuites le 28. du mois passé. Comme cela pourra vous surprendre, je m'explique. Le College de Louis le Grand estant remply de Pensionnaires de la premiere qualité, & qui n'en sortent que pour posseder les premieres Dignitez de l'Estat, dans l'Eglise, dans l'Epée & dans la Robe, il est necessaire que cette jeunesse s'accoutume à prendre la hardiesse & le bon air qui sont necessaires pour parler en public. C'est dans cette veuë que les Jesuites se donnent la peine de l'exercer en faisant representer deux Tragedies tous les ans. Ils donnent l'une sur la fin de chaque Esté, un peu avant que les Vacances commencent, & elle est representée dans la court du College, parce que la saison est encore belle. Celle qui paroist sur les derniers jours du Carnaval, se represente dans une des Classes, par les Ecoliers de la Seconde. Ces Tragedies n'estoient autrefois mêlées que de Balets, parce que la danse est fort necessaire pour donner de la bonne grace, & rendre le corps agile ; mais depuis que la Musique est en regne, on a trouvé à propos d'y en mêler, afin de rendre ces divertissemens complets. On a encore plus fait cette année, & outre la Tragedie de Saül qui a esté representée en Vers Latins, il y en avoit une en Vers François, intitulée David et Jonathas, & comme ces Vers ont esté mis en Musique, c'est avec raison qu'on a donné le nom d'Opera à cet Ouvrage. On ne peut recevoir de plus grands applaudissemens qu'il en a eu, soit dans les Repetitions, soit dans la Representation. Aussi la Musique estoit-elle de Mr Charpentier, dont les Ouvrages ont toûjours eu un tres-grand succés. La Comédie de Circé, & celles du Malade imaginaire, & de L'Inconnu, dont il a fait la Musique, ainsi que de plusieurs autres, en font foy. On peut dire que si ce qu'il a fait dans ces Ouvrages a trouvé tant d'Approbateurs, ils auroient encore plû davantage, s'il avoit eu de plus belles voix & en plus grand nombre pour les executer. Il a long-temps travaillé pour la Musique de Monseigneur le Dauphin, lors que ce Prince avoit tous les jours une Messe particuliere, ses exercices l'empeschant de se trouver à celle du Roy. Les récompenses qu'il en receuës marquent la satisfaction qu'on en avoit. Il a long-temps demeuré à l'Hostel de Guise, & a fait des choses pour la Musique de Mademoiselle de Guise qui ont esté beaucoup estimées des plus habiles Connoisseurs. Il compose parfaitement bien en Italien, & les Vers Italiens qui sont dans les Pieces que je viens de vous nommer, en sont une preuve. Aussi a-t-il appris la Musique à Rome sous le Charissimi, qui estoit le Maistre de Musique d'Italie le plus estimé, & sous qui feu M. de Lully a aussi étudié ce bel Art. Les Vers de cet Opera de M. Charpentier, sont de la composition du Pere Chamillard, & imprimez dans le livre qui fut distribué le jour de la representation de cet Ouvrage. Il ne faut que les lire pour connoistre que ce Pere n'entend pas moins la delicatesse de la Poësie Françoise, que de la Latine.

[Opera de Lyon] §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 322-323

 

Le second Opera dont il faut que je vous parle, n'est pas nouveau, puis que c'est celuy de Phaëton. Je vous ay déjà dit que c'estoit le premier qu'on devoit representer à Lyon, où l'on a étably une Academie d'Opera. Il a esté joüé pendant tout le Carnaval avec un succés si extraordinaire, qu'on l'est venu voir de quarante lieuës à la ronde. Les décorations, les voix, les danses, les habits, tout a répondu à la beauté de la Musique, & on a beaucoup d'obligation à ceux qui pour la gloire de leur Patrie ont bien voulu hazarder cette depense. Cet etablissement paroist si solide, qu'il n'y a point à douter qu'il ne subsiste toûjours ; & comme tout ce qui se fait dans le Royaume surpasse tout ce qu'on peut voir de beau, en quelque lieu du monde que ce soit, les Etrangers qui y entreront du costé de Lion, seront surpris, & pourront juger par ce magnifique spectacle, de la grandeur de la France. Le Public ayant demandé l'Opera de Bellerophon à ceux qui ont fait cet établissement, ils y font travailler avec autant d'empressement que de dépense, pour le donner incontinent aprés les Festes de Pasques. L'on assure qu'il y aura encore plus de magnificence dans cet Opera, que dans Phaëton.

[Flore & Zephire. Opera] §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 323-324

 

Je passe au troisiéme Opera qu'on represente icy depuis quelques jours. Il est en trois Actes, & intitulé Flore & Zephire. Les paroles sont de M. du Boulay, Secretaire de M. le Grand Prieur, & il a esté mis en Musique par deux des Fils de feu M. de Lully. Cet Opera où les Enfans de cet excellent homme ont travaillé, a esté representé jour pour jour au bout de l'année de son decés. Le Prologue & le premier Acte, ont esté mis en Musique par M. de Lully le Cadet, Surintendant de la Musique du Roy, & M. de Lully l'Aisné a fait la Musique du second Acte, & du troisiéme à la reserve du divertissement, & de la Scene qui le precede, qui sont encore de M. de Lully le Cadet. Comme le succés d'un Ouvrage fait son éloge, je ne vous dis rien de cet Opera.

[Mary jaloux] §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 324-327

 

Vous me demandez ce qu’on pense icy de l’Histoire du Mary Jaloux que je vous ay envoyée. Ce Livre a surpris beaucoup de gens ; à peine ceux qui sçavent un peu le monde en ont-ils lû quelques pages, qu’ils croyent en avoir découvert le mistere, mais ensuite ils le trouvent plus difficile à développer. Il est vray que ce qu’on y lit d’abord a de l’air de mille choses qui se sont passées depuis quelque temps, & qui ont fait assez de bruit pour n’estre pas ignorées ; mais pour peu qu’on avance dans la lecture de cet Ouvrage, la suite détruit les idées qu’on avoit prises, & on trouve une diversité qui attache, & des caracteres touchez d’une maniere qui plaist. On entre ensuite dans l’Histoire du Mary Jaloux, qui est toute remplie d’incidents, dont les plus serieux disent qu’ils ne se peuvent empescher de rire. On convient enfin que ce Livre est naturellement, & purement écrit, qu’il est bien conduit, que la lecture en est agreable, & ceux mesmes qui n’approuvent rien, ou peu de chose, demeurent d’accord, que quand on l’a commencée, il est mal-aisé de la quitter. Voilà sincerement ce que pense le public distingué. La Personne à qui nous le devons m’étant inconnuë, nul panchant ne me fait parler ainsi que l’amour que j’ay pour la verité. C’est Madame Gilot qui nous a déja donné l’Arioste Moderne, & plusieurs autres Ouvrages qu’on y a toûjours leus avec plaisir. Cependant je ne sçaurois m’empescher de faire icy une reflexion, qui est, que nous ne voyons rien partir de la plume d’une personne de vostre sexe, où il n’y ait plus de bon que de mauvais, tant il est vray que lors qu’une Femme s’est mise une fois au dessus de certaines bornes, où l’on veut que l’esprit du sexe soit renfermé, ce qu’elle en fait voir éclate beaucoup au dessus de celuy des hommes, qui entreprennent des choses de la mesme nature.

[Livres nouveaux] §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 327-331

 

On vous a dit vray, Madame. Le Pere Menestrier a fait un Livre de la Chevalerie ancienne & moderne, avec la maniere d’en faire les preuves pour tous les Ordres de Chevalerie. On y voit ce que c’est que Chevalerie, & quels sont les privileges attachez à la dignité de Chevalier, ce que c’estoit anciennement que se faire armer Chevalier, ce que c’estoit que les Chevaliers Bonnerets, Chevaliers servants, Heraults & poursuivants d’Armes, Chevaliers de la Table Ronde, Chevaliers és Loix, Confrairie de Gentilshommes Chevaliers, les sermens de Chevalerie, les ceremonies Ecclesiastiques pour armer les Chevaliers, les Religions Militaires, ce que c’est que l’Ordre de Saint Jean de Jerusalem, communement dit de Malthe, les preuves de Noblesse qu’il faut faire pour y estre admis, les usages des diverses Langues pour les preuves de Noblesse, les preuves de Noblesse pour les Chevaliers des Langues de Castille & d’Arragon, celles qui se font en Allemagne pour les Chevaliers de Saint Jean de Jerusalem, ainsi que celles qui se font en France pour estre receu Chevalier du mesme Ordre. Ceux de vos Amis qui auront besoin de ce Livre, le trouveront chez le Sr Guerout Libraire, Court-neuve du Palais, qui commence à débiter un autre Livre nouveau, intitulé, le Secretaire Turc. Il contient la maniere de faire entendre tout ce que l’on veut signifier, par le moyen des Selams. C’est un art d’écrire sans papier ny encre. Il y a un Catalogue des choses qu’on peut souhaiter d’exprimer dans un commerce de correspondance, avec un Dictionnaire de ce qui a rapport à ce Catalogue. Cela est d’un grand usage en Turquie, où l’on a fort rarement la facilité de se voir & de se parler. L’Autheur raconte une Histoire qui s’est passée à Constantinople, pendant le séjour qu’il y a fait, & les Selams y ont part. Il ajoûte à cela quantité de choses tres curieuses, touchant le Serrail, qui ne nous estoient encore qu’imparfaitement connuës. On peut l’en croire, puis qu’il les a particulierement observées, ayant esté fort long temps Secretaire d’un Ambassadeur de France à la Porte. C’est Mr du Vignau qui nous a donné depuis six mois un Ouvrage fort estimé, sous le titre de Etat de la Puissance Ottomane, avec les causes de son accroissement, & celles de sa décadence. Le Sr Guerout vend aussi ce Livre.

Je vous envoyeray dans fort peu de temps la seconde partie des Dialogues Satyriques & Moraux. L’impression en a esté retardée de quinze jours. Selon ce que l’on m’a dit du Dialogue particulier que je vous ay fait attendre, vous en serez satisfaite, & vous le lirez avec beaucoup de plaisir. On m’a demandé le secret sur la matiere, & cela m’oblige à le garder.

Air nouveau §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 343-344.

Ce second Air dont vous allez lire les paroles est de M. l'Abbé, Maistre à Chanter à Roüen, dont vous connoissez le genie par plusieurs Airs que je vous ay deja envoyez de luy.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par Lassé des rigueurs de Climene, doit regarder la page 344.
Lassé des rigueurs de Climene,
J'avois voulu gouster les douceurs de Bachus ;
Mais je m'apperçois que son jus
Ne me cause pas moins de peine.
Quand j'en bois trop dans un repas
Il me renverse la cervelle,
Je vois tout trouble, je chancelle,
La terre tremble sous mes pas,
Ah, qu'en vuidant les pots, les verres, & les plats
Bacchus me vange mal d'une Beauté cruelle !
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Le Libraire au Lecteur §

Mercure galant, mars 1688 [tome 3], p. 347I-[348]

 

LE LIBRAIRE AU LECTEUR.

Je donne avis que le Mercure aura le mois prochain deux parties. La seconde sera l’Histoire des Troubles nouvellement arrivez dans l’Empire Othoman, & tout ce qui s’est passé de plus secret à la Porte pour déposseder Mahomet IV. & pour élever Solyman son frere sur le Trône. Cet Ouvrage sera purement historique, & contiendra des Faits dont aucune Nouvelle publique n’a parlé, & qui sont mesme encore inconnus, les Relations de Constantinople qui en parlent n’ayant point esté veuës. J’avertis le Lecteur que je ne separeray point ces deux Volumes, & je suis persuadé que je fais plaisir aux Curieux de la Campagne, qui se plaignent souvent que leurs Amis qu’ils ont prié de leur envoyer le Mercure, ne leur envoyent pus les secondes Parties, qui sont toujours sur des évenemens importans, & qui ne peuvent aller tout au plus qu’à quatre l’année.