1688

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4].

2017
Source : Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4]. §

[Epistre en Vers au Roy] §

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4], p. 7-16

 

Je suis persuadé, Madame, que je ne puis commencer cette Lettre d’une maniere plus agreable pour vous, que par l’Epistre en Vers que vous allez lire. Elle est du Pere de Senleque, Prieur Curé de Garnay, Chanoine Regulier de Sainte Geneviéve. Ce que je vous ay déja envoyé du mesme Auteur, qui regardoit la gloire du Roy, a esté si generalement estimé, qu’il a cru devoir encore écrire sur une matiere qui luy avoit si bien réussi. Ce dernier Ouvrage a receu icy de grands applaudissemens, & je ne doute point qu’on ne luy rende la mesme justice dans vostre Province.

AU ROY.

Roy qui fais tout ceder au plaisir d’estre juste,
Qui jeune faisois voir l’âge avancé d’Auguste,
Et qui sçavois dés lors, mieux qu’aucun Roy Chrestien,
Et regner dans nos cœurs, & triompher du tien ;
Il est vray qu’à toy seul tout paroist rendre hommage,
Que les vents contre toy n’osent former d’orage,
Qu’en ta faveur les Murs semblent se renverser,
Que les Monts devant toy sont prests à s’abaisser,
Que mesme les glaçons, loin d’arrester ta gloire,
Souvent servent de Pont à ton Char de Victoire,
Que ton Genie est vaste, & digne de ton Cœur,
Que l’on voit plus-d’un Roy te devoir sa grandeur,
Qu’il n’est point de Heros qui ne fust temeraire,
S’il tentoit la moitié de ce qu’on t’a veu faire,
Et que l’Histoire un jour en dira plus de toy
Qu’aucun Flateur jamais n’en a dit à son Roy ;
Mais qu’admirera-t-elle avec plus de surprise ?
Les Lauriers que ta main a cüeillis pour l’Eglise.
 Jusqu’au-jourd’huy l’Europe a cru que pour dompter
L’Hydre qu’en vain l’Enfer voudroit ressusciter,
Tu ne t’estois servy que d’Edits, de carresses,
De la voix des Docteurs, de pieuses largesses ;
Mais tout cela, grand Roy, n’a qu’éfleuré les cœurs.
Ce qui charma l’esprit de tant de Novateurs,
C’est que depuis trente ans, ils voyoient que ton zele
Redonnoit à l’Eglise une beauté nouvelle.
 Ils te voyoient punir le courageux brutal
Qui lavoit son honneur dans le sang d’un Rival.
Il n’estoit plus d’Impie, & ton pouvoir suprême
Releguoit aux Enfers le Demon du blasphême.
Les Soldats ne brûlant que d’une noble ardeur,
Jamais sous les Drapeaux n’insultoient la pudeur.
Tu faisois distinguer Rome d’avecque Rome,
Et l’interest de Dieu d’avec celuy de l’homme.
Le sçavoir joint au zele, estoit le seul degré
Par où l’on s’élevoit sur le Trône sacré,
Et tes loix arrachoient la Veuve pacifique
Des Ongles ravissans de la Chicane étique.
 L’Eglise avoit encor d’autres traits de beauté,
Dont le Peuple Heretique estoit comme enchanté.
 Des Ecoles de Guerre instruisoient la jeunesse,
A ne croistre pas moins en vertu qu’en adresse ;
Un Cloistre Militaire enfermoit les Guerriers,
Qui ne te pouvoient plus amasser de Lauriers
Et saint Cyr enrichy de tes mains liberales
Offroit à la pudeur un Temple, & des Vestales.
Comment donc l’Heretique estant ainsi charmé,
N’eust-il pas pris plaisir à se voir desarmé ?
Comment, s’estant senty tant de fois l’ame éprise
Des beautez, dont tes soins rajeunissoient l’Eglise,
N’eust-il pas fait rentrer sous les loix de la foy
Son cœur à qui l’orgüeil servoit d’unique Loy ?
 Cet Enfant dégoûté revint à la mammelle.
Cet Apostat fut humble, & redevint fidelle ;
Ce Peuple, que l’Enfer avoit tant aveuglé,
Vit que par sa reforme il s’estoit déreglé.
Il cessa d’eriger sa raison en Concile,
Il n’empoisonna plus le lait de l’Evangile ;
Enfin cet insensé devint sage sous toy,
Et souffrit sur ses yeux le bandeau de la foy.
Ainsi par mille soins, ainsi par mille charmes,
Tu fis ce que cinq Rois n’avoient pû par les armes.
 Aprés un tel succés que peux-tu desirer ?
Est-il rien où ton cœur doive encore aspirer ?
Tu te plaignois de voir que les plus fortes Villes
Ne te coutoient souvent que des assauts faciles ;
Chaque Palme tomboit dés que tu la touchois,
Et tu n’en voulois plus si tu ne l’arrachois,
Le Ciel t’en a montré dont tu n’as pû te plaindre,
Puis qu’on desesperoit de t’y voir mesme atteindre.
Il t’a fait attaquer ces esprits qu’autrefois
On voyoit devenir les Tyrans de nos Rois.
Il t’a fait assieger ces cœurs inaccessibles
Où ton zele a vaincu tant d’erreurs invincibles,
Et sa grace, grand Roy, t’a fait executer
Tout ce qu’à peine un siecle auroit pû projetter.

[Ceremonies observées aux Mariages faits en Pologne] §

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4], p. 16-22

 

Quoy que je vous parle assez rarement de ce qui arrive aux Particuliers des Cours Etrangeres, quelque élevez qu'ils soient par leurs Dignitez & par leur Naissance, ce que j'ay à vous dire de Mr le Comte de Wielopolski, grand Chancelier de Pologne, montre si bien le peu de stabilité des choses du monde, que la sainteté du temps où nous sommes m'oblige à vous le representer comme un exemple de leur insconstance. Ce Comte ayant arresté le mariage de son Fils aisné avec la Fille du Castelan de Cracovie, premier Senateur du Royaume, la ceremonie en fut faite par Mr le Cardinal Radziewski, Archevesque de Gnesne, avec une pompe extraordinaire. Leurs Majestez Polonoises, accompagnées d'une Cavalcade tres-nombreuse, se rendirent au lieu où elle se fit, & Elles y furent conduites par Mr le Comte de Wielopolski. Il y eut ensuite un repas fort somptueux, & l'on servit quatre tables avec une propreté & une abondance à laquelle il eust esté difficile de rien ajoûter. La premiere estoit pour le Roy & la Reine, qui firent l'honneur aux Mariez de les y faire disner. Les quatre Princes leurs Enfans estoient aussi à cette premiere table. Il y en avoit deux autres où les Personnes de la premiere qualité prirent place, & la quatriéme fut pour les Gospodars. C'estoient ceux que le Castelan de Cracovie & sa Femme, Pere & Mere de la Mariée, avoient priez de les assister pour faire les honneurs de leur Maison, selon l'usage receu en Pologne, où l'on invite de semblables aides aux Noces, & à toutes les grandes Assemblées. Les honneurs dont il estoit question en celle-cy, consistoient à se lever de table, & à s'aller prosterner sur les degrez de celle du Roy & de la Reine pour boire à leur santé. Le Roy but ensuite à celle de tous les Conviez, & les Gospodars allerent comme il leur plut choisir des personnes pour continuer de boire à la santé de leurs Majestez, & les porter à se réjoüir. Le Festin, qui dura fort longtemps, fut suivy du Bal, & le Roy commença les danses qu'on appelle Danses de ceremonie, en menant le Marié. La Reine mena ensuite la Mariée. Les Princes & les Princesses, Enfans du Roy, firent la mesme chose, & ces danses durerent jusqu'à trois heures après minuit. Le lendemain tous les Conviez firent leurs presens selon la coutume. Le Roy & la Reine commencerent, & comme chacun fit une harangue en les donnant, & que les Mariez furent obligez de répondre à toutes, la journée se passa presque entiere à recevoir & à haranguer. Le jour suivant, le Roy & la Reine ayant esté prendre la Mariée dans leur Carosse, la conduisirent à la maison de Mr le Comte de Wielopolski, où leurs Majestez furent traitées magnifiquement avec tous les Conviez. Ce Comte donna le Bal, & fit durer ces Festes huit jours, en traitant tous les Parens & tous les Amis. C'est l'usage du Pays, où d'ordinaire en de pareilles occasions on n'abandonne la Mariée au Marié qu'après de grandes fatigues. Peu de jours, aprés il tomba dans une maladie fort dangereuse, dont on espera pendant quelque temps qu'on viendroit à bout de le tirer, mais enfin il mourut la nuit du 14. au 15 de Février. [...]

[Vers sur le départ de M. le Comte & de Madame la Comtesse de Montaigu, aprés avoir fait un long sejour en Bourgogne] §

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4], p. 46-53

 

Milord Comte de Montaigu, & Madame sa Femme, Fille de Milord Herber, aprés avoir fait un long sejour à Beaune en Bourgogne, en sont partis depuis peu de temps, pour aller en Angleterre prendre possession du Gouvernement de la Province de Sussex, que Sa Majesté Britannique a donné nouvellement à Mr de Montaigu. Ils ont si bien sceu charmer les cœurs de toutes les personnes considerables de Beaune & du voisinage, par leur esprit & par leurs manieres, qu’on les y regrete tous les jours. C’est au sujet du départ de Madame la Comtesse de Montaigu que Mr Moreau, Avocat General de la Chambre des Comptes de Dijon, qui a eu part à leur estime, a composé les Vers qui suivent. Vous connoissez par plusieurs Ouvrages que vous avez veus de luy, le talent qu’il a pour la Poësie.

SUR UN DEPART.

 L’aimable Iris nous abandonne,
Tout languit en ces lieux, les Oiseaux dans nos champs,
 Par leurs airs plaintifs & touchans
Expriment la douleur que son départ leur donne ;
Flore dans nos jardins ne produit plus de fleurs,
 Les ris se changent tous en pleurs,
 On n’entend plus dans nos Fontaines
Que les Nymphes s’en plaindre, & l’onde en murmurer,
Et les tristes Zephirs errant parmy les plaines,
  N’en font que soupirer.
***
Les Plaisirs, les Amours, tout nous quitte avec elle.
Ah ! puis qu’il faut qu’Iris se separe de nous,
Allez, tendres Amours, allez, Plaisirs si doux,
 Partez, volez, & suivez cette Belle ;
Vous estes faits pour elle, elle est faite pour vous,
Allez, partez, soyez son escorte fidelle.
 Tandis que sous d’autres climats
Ses yeux sur mille cœurs étendront leur empire,
Pour charmer nos regrets au son de nostre Lyre
Nous chanterons icy ses beautez, ses appas,
 Et tout ce qu’en elle on admire.
***
Tantost nous vanterons son teint vif, éclatant,
Ses beaux yeux dont les traits blessent en un instant
 L’ame à l’amour la plus rebelle ;
La blancheur de ses dents, cette bouche si belle
 Qui répand l’agreable odeur,
 Et fait voir la vive couleur
  D’une rose nouvelle ;
Son beau sein, sa main blanche, & ses bras faits au tour ;
La grace qui toûjours accompagne son geste ;
Son port majestueux, son air libre & modeste,
Qui fait naistre à la fois le respect & l’amour ;
Sa taille sans defaut, sa blancheur sans pareille,
 Et sa voix qui charme l’oreille.
***
Tantost nous vanterons son entretien charmant,
 Son esprit, son discernement,
 Son ame grande & genereuse,
Dans qui l’on voit briller ce noble mouvement
 Qu’inspire une naissance heureuse ;
Sa bonté qui paroist à tous, à tout moment,
 Son accueil toûjours favorable,
 Et cette douceur admirable
Qui donne à sa personne un si grand agrément.
***
Tantost de sa maison nous chanterons la gloire,
Son beau sang ennobly du sang même des Rois,
Ses celebres Ayeux, & les fameux exploits
 Qui les font vivre dans l’Histoire.
***
Enfin nous parlerons de son illustre Epoux,
Nous dirons ce qu’il sent d’estime & de tendresse
Pour cet aimable objet de ses vœux les plus doux ;
Nous vanterons son nom, ses vertus, sa Noblesse,
 Le rang qu’il tient dans une auguste Cour
 Où tout l’appelle, où tout le sollicite,
  De presser son retour
Pour y voir par son Roy couronner son merite.
***
Ainsi tous ces sujets divers
Servant de matiere à nos Vers,
Calmeront les ennuis d’une absence cruelle,
Et si le sort jaloux éloignant cette Belle
Nous ôte encor l’espoir de la voir revenir,
Trop contens, trop heureux de l’avoir possedée,
Et sans cesse occupez de sa charmante idée,
Nous en conserverons au moins le souvenir.

[Prix de l'Arquebuse proposé à cinquante Villes differentes par Mrs de la Ville d'Autun] §

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4], p. 56-67, 75-88, 92-96

 

Nous commençons d'entrer dans une Saison où l'on doit rendre un Prix magnifique, si l'on suit l'engagement qui fut pris l'Esté dernier. Comme les choses que l'on n'a point publiées, sont toûjours nouvelles pour tous ceux qui n'en ont point entendu parler, je puis vous faire la relation de cette Feste, qui ne doit pas vous estre moins agreable pour s'estre passée il y a déjà plusieurs mois, puis que je ne vous en ay encore rien mandé. Les particularitez en sont assez remarquables pour meriter vostre curiosité. La Ville d'Autun, qui estoit autrefois la Capitale des Gaules, & la seule qui fust capable de donner de la terreur à Cesar, cherchant à se distinguer dans les exercices qui ont l'apparence de la Guerre, proposa à cinquante Villes de differentes Provinces, un Prix à l'Arquebuse de dix mille francs ; & un autre de deux mille au Pistolet. Mr Dorné, Capitaine choisi par la Jeunesse, écrivit une Lettre circulaire aux Chevaliers, pour les exhorter à prendre part au divertissement qu'il offroit. Cette Lettre eut le succés qu'il en avoit esperé ; & il en auroit eu un plus grand, si la pluspart des Invitez n'eussent esté occupez à l'élection des Magistrats de leurs Villes, qui se faisoit dans ce mesme temps. Cependant le 28. Juin dernier, on vit arriver les Chevaliers de la Ville de Dijon bien montez, en bel ordre, vestus lestement, & ayant chacun des Plumes blanches. Deux Trompettes les precedoient, & les gens de livrées estoient à leur suite. Ils parcoururent deux à deux les principales ruës de la Ville, & le Porte-Etendard estoit seul au troisiéme rang. Ceux de Beaune arriverent le lendemain dans un semblable équipage, ayant des Plumes rouges, & leur livrée de mesme couleur. Ceux de Louën estoient en plus grand nombre que les autres. Ils avoient leurs habits galonnez d'argent d'une même parure, & estoient montez superbement, avec quatre Trompettes, quatre Hautbois, & quatre Fifres à leur teste. Ceux de Châlons, de Nuids, de Montcenis, de Tournu, & de plusieurs autres Villes firent la mesme Cavalcade, & tous se retirerent au Champ de Mars dans les logis qui leur avoient esté destinez. Mr Dorné leur envoya le vin de present, & Mr Rabiot, Conseiller, & nouvellement élu en la Charge de Vierg, leur envoya celuy de la Ville. La chaleur demandoit qu'on leur laissast le temps de se rafraîchir, mais l'impatience genereuse des Autunois porta les principaux d'entre eux à leur aller rendre visite. On entendit dehors par tout le son des Trompettes, des Fifres, des Tambours, des Violons, & des autres Instrumens qui sont capables d'inspirer l'humeur guerriere. Les logis estoient disposez dans le Champ de Mars de telle sorte, que les Chevaliers estoient vis à vis les uns des autres. Ils se visiterent en ceremonie, & les Sergens de Ville avec ceux de la Compagnie de Mr Dorné au nombre de dix huit, commencerent à marcher avec les Tambours pour assembler la Compagnie. Ils estoient vestus d'un grand Juste-au-corps rouge, galonné par tout d'argent, avec des chapeaux bordez de même ; & à mesure qu'ils passoient par les rües, la Jeunesse qui est fort bien faite, & aussi aguerrie qu'en aucun autre lieu du Royaume, s'assembloit en bel ordre, & se trouva au nombre de quatre cens hommes richement armez, avec des habits en broderie d'or & d'argent. Les rubans de la cravate & du chapeau estoient bleus, & les Plumes répondoient à la beauté de cet équipage. Ils allerent prendre l'Enseigne, qu'ils salüerent par une décharge de leur Mousqueterie, & de là ils se rendirent au logis du Capitaine, où ils firent un grand feu. Le Capitaine estant sorty la pique à la main, alla ramasser les Chevaliers de chaque Ville, qui marcherent à sa suite avec leurs Etendards particuliers, se distinguant par un peu de distance, & par la difference de leurs livrées. Le Champ de Mars est situé au milieu de la Ville, & contient un si grand espace, qu'on pourroit bastir une Ville considerable dans son enceinte. Le Vierg estant logé dans l'une des extremitez, on alla le salüer. Un peuple infiny qui estoit accouru de toutes parts, occupoit le Champ, ravi d'admiration pour tant de magnificence. Le Vierg accompagné des autres Magistrats, & précédé par six Sergens de Ville vestus de manteaux rouges, sur les costez desquels estoit un lion en broderie d'or, & armez à leur ordinaire de grandes pertuisanes, se mit à la suite des Chevaliers, & tous en Corps ils allerent à l'Hostel de Mr le Comte de Roussillon, Lieutenant de Roy de la Province, où ils se saluërent par une décharge de leur Mousqueterie, qui fut suivie de celle des Canons de la Ville. Ce Comte marcha aprés cette belle compagnie avec cinquante Gentilshommes les plus lestes de la Province, qui le conduisirent au lieu destiné pour faire l'ouverture du Prix. Ce lieu est renfermé d'une grande muraille bastie à la mosaique, qui regne tout autour d'un grand espace de terre plus long que large, au milieu duquel les Chevaliers d'Autun firent construire il y a quarante ans, un superbe Edifice, au front duquel paroissent cinq Portiques sous lesquels sont cinq voûtes qui soûtiennent un grand Escalier, couvert d'un dôme d'ardoise & de lames de plomb, extremement beau. [...]

 

Le soir estant venu, toutes les loges furent illuminées. Celles des Marchands qui estoient dans l'enfoncement, formoient un objet fort agreable. Les Dames se rendirent en cet endroit, & vingt-quatre Violons & douze Hautbois qui s'accordoient parfaitement bien, s'estant fait entendre par les ordres de Mr le Comte de Roussillon, on fit un grand cercle au milieu de la place, au dedans duquel un des plus considerables des jeunes Gens de la Ville commença le Bal avec une Demoiselle de la campagne qui avoit de grands avantages à la danse. Ils eurent tous deux l'applaudissement de l'Assemblée, qui étoit composée de toutes les Personnes de qualité de l'Autunois, de l'un & de l'autre sexe. Ce Bal ayant finy à deux heures aprés minuit, chacun se retira jusqu'au lendemain, que les Chevaliers des Villes estant venus dans leurs Loges au son des Tambours, des Fifres, des Trompettes & des autres Instrumens, on s'exerça le reste du jour à tirer le Prix. Ceux de Loüen s'aviserent de representer le Roy de Siam, & l'un d'eux vestu à la mode de ce Pays-là, estant monté sur un Char de triomphe, précedé par vingt-quatre Gardes avec de superbes livrées, armez de grandes halebardes fort propres & fort luisantes, & suivy par ses Chevaliers, fit le tour des trente six Loges, au devant desquelles on luy presentoit des Confitures & du vin, qu'il receut avec la gravité d'un Roy qui ne se fait voir que rarement à ses Peuples. Il avoit fait faire un Trône pendant la nuit, & tout le monde accourut pour le voir dans cette pompe. Madame la Marquise de Montjeu étant entrée en sa Tente, il luy jetta son mouchoir, & luy fit dire par son Drogman, qu'il l'estimoit assez pour la mettre dans son Serrail. Il en fit autant à la jeune Demoiselle qui avoit ouvert le Bal le soir précedent, & la nuit estant survenuë, il fit un tour de Ville sur son Char. Il passa devant le College des Jesuites, où les Ecoliers qui s'y trouverent, crierent à haute voix : Vive, vive le Roy de Siam, & il ordonna qu'on leur donnast congé pendant le temps du Prix ; ce que ces Peres luy accorderent fort honnestement. Il voulut ensuite souper en public, & les Musiciens de la Ville luy donnerent un tres-beau Concert pendant ce repas. Le lendemain il monta encore sur son Char de triomphe pour venir en sa Tente, & aprés que toutes les Villes furent assemblées, il se fit conduire chez Mr Dorné, auquel il fit sçavoir par son Interprete, qu'ayant appris les merveilles de la vie du grand Empereur des François, & qu'il estoit l'un de ses principaux Capitaines, il venoit l'inviter de dire à son Prince qu'il avoit quitté son Royaume pour venir admirer ses vertus, & luy presenter ses hommages. Mr Dorné luy répondit que son Empereur estant aussi genereux qu'il l'estoit, ne manqueroit pas de cherir son amitie. On le regala ensuite magnifiquement, & on ordonna à la Jeunesse de luy rendre tous les honneurs qui luy estoient deus. Celle-cy prompte à obeir monta sur de petits chars de triomphe, & sur des chameaux qui se trouverent fortuitement en la Ville ; d'autres monterent sur des chevaux, & tous vestus avec de grandes vestes de brocard d'or à la façon des Armeniens, ayant les uns le Turban en teste, les autres le Bonnet comme les Siamois, allerent le prendre en sa Tente, & le conduisirent en triomphe parmy les ruë [sic], & dans son Palais. Le soir la jeune Demoiselle qui s'estoit déjà fait admirer à la danse, eut un Bal reglé chez Mr le Lieutenant general de la Chancellerie, où tout ce qu'il y avoit de Gens de qualité se trouverent. On y servit de la Limonade en profusion, des Citrons, des Oranges de Portugal, & de toutes sortes de Confitures. Ce Bal finy, il restoit à voir le lendemain qui emporteroit le Prix. Le bonheur accompagna les Chevaliers de Dijon ; le Capitaine fut le victorieux. On luy donna une Medaille d'or d'une tres-grande valeur. Sur l'un des costez estoit l'Effigie du Roy, & sur l'autre les Armes de la Ville d'Autun. On le conduisit en armes en son logis ; on luy envoya les presens de la Ville & du Capitaine, & ce dernier regala encore une fois toute l'Assemblée avec une magnificence & une propreté sans pareille. Pendant les trois jours du Prix, on envoyoit en chaque Loge douze douzaines de bouteilles de vin, des pastez de venaison, des jambons de Mayence, & ce qu'on pouvoit trouver de plus propre à réveiller l'appetit des Chevaliers. Le Vierg tenoit table ouverte, & Mr Dorné donna deux magnifiques Colations aux Dames. Jamais tant de joye n'avoit paru. Jamais on n'avoit veu tant d'ordre dans une Ceremonie, ny tant de splendeur & d'éclat dans les habits, & jamais on n'avoit oüy tant de fois crier, Vive le Roy, qu'on l'entendit pendant tout le temps de ce grand divertissement, qui se termina par un Bal donné chez Mr le Comte d'Aligny, à une belle Demoiselle du voisinage, qui avoit tous les agrémens possibles de la taille, de la beauté, & de la danse pour meriter cet honneur. Le quatriéme jour, les Chevaliers parurent en ordre pour s'en retourner. On les accompagna en armes jusques aux portes & comme ceux de Loüen s'estoient le plus signalez, on les conduisit à une lieuë de la Ville, dans une grande plaine sur leur route, où ils trouverent un magnifique repas sous une Tente de feüillages qu'on avoit fait dresser à ce dessein. M. le Marquis de Montjeu les regala dans sa belle maison de Montjeu, bastie sur une montagne, au haut de laquelle sont deux grands estangs semblables à deux lacs, & des Jets d'eau d'une hauteur incroyable. Il les fit chasser dans son Parc, & leur donna un fort beau Concert.

Ce n'estoit pas assez d'avoir tiré le Prix à l'Arquebuse, il falloit aussi pour achever la pompe de cette Feste, qu'on tirast celuy du Pistolet. La Noblesse fit l'ornement de l'Assemblée. Mr le Comte d'Aiguli se mit à la teste des Chevaliers du Charolois, Mr le Comte de Vauteau, qui avoit esté élu de la Noblesse de cette Province là, voulut marcher sous son Etendart, & Mrs de Fontenaille, de Poüilly, le Cler, de Boucherin, & plusieurs autres les accompagnerent. [Suit une description de toutes les compagnies, de leurs livrées et de leurs enseignes.]

 

Quatre trompettes precedoient la marche de chaque Compagnie, & l'ordre estoit tel qu'on pouvoit l'attendre de gens accoûtumez à ne le jamais rompre dans les occasions les plus perilleuses. Ils arriverent aux Tentes que l'on avoit preparées, & aprés une course legere pour saluer les Dames, on arbora les Etendards sur les Tentes qui se trouvoient extremement propres pour la Saison. Mr le Comte d'Aiguli ouvrit le Prix par un coup au noir, & tous les Chevaliers tirerent chacun le leur pour les Dames. En mesme temps Mr Rabiot envoya les presens de vin par les Valets de Ville, & Mr Dorné en fit autant par les Sergens, & par les Tambours de sa Compagnie. On servit ensuite un grand Repas où l'on but à la santé du Roy avec les fanfares des Trompettes, & les décharges de Canons & de Mousquets. Toute la Ville accourut à cette réjoüissance ; on n'entendoit autre chose que des cris de Vive le Roy. Les Chanoines de la Cathedrale envoyerent leur Musique, & les Violons firent un Concert tres-harmonieux. Enfin tout Autun estoit uny dans les vœux qu'il faisoit pour son Auguste Monarque, qui par la paix luy procuroit un si profond repos, & les moyens d'avoir des divertissements si agreables. On proposa aux Chevaliers de nommer chacun sa Dame. Le hazard voulut qu'ils les choisirent avec distinction, & sans que l'un prist celle de l'autre. Le lieu fut éclairé d'une quantité de flambeaux, on dansa sans faire un Bal reglé, & le lendemain on tira le prix en quatre volées qui fut remporté par Mr de Siry de Seranday. C'est un Gentilhomme de bonne mine, & qui n'a pas moins d'esprit que de cœur. Il a servy long-temps dans les Armées de Sa Majesté, en qualité de Capitaine de Chevaux. Il alla faire compliment à la Dame qu'il avoit choisie, comme ayant esté animé par elle pour bien tirer, & il luy donna le Bal où elle parut avec beaucoup d'avantage. La nuit s'estant passée en toutes sortes de divertissemens, on donna parole de rendre le Prix au Printemps prochain. [...]

Air nouveau §

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4], p. 97-98.

Vous avez esté si satisfaite de tous les Airs que je vous ay envoyez de Mr de Montailly, que je ne doute point que vous ne receviez de celuy-cy, qui est encore de sa composition, le mesme plaisir que vous ont donné les autres.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, L'espoir nourrit la constance, doit regarder la page 97.
L'Espoir nourrit la constance,
Et l'amour sans esperance
Ne dureroit pas un jour.
J'aime avec une ardeur extrême,
Mais je veux trouver du retour
Quand j'aime ;
Autrement je suis bien-tost las,
Et la beauté mesme
Sans amour ne me plairoit pas.
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[Mort de M. Louïs Rose de Coye]* §

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4], p. 109-110

 

Messire Loüis Rose de Coye, Secretaire du Cabinet du Roy, & Conseiller au Parlement de Mets. Il a laissé des Enfans de Dame.… de Bailleul, Fille de Messire Loüis de Bailleul, Marquis de Chasteau-Gontier, & President au Mortier au Parlement de Paris, & petite-Fille de Messire Nicolas de Bailleul, aussi President au Mortier dans le même Parlement, & Surintendant des Finances de France. M. de Coye estoit Fils de Messire Toussaint Rose, President en la Chambre des Comptes de Paris, & Secretaire du Cabinet du Roy. C’est un homme d’un merite tres distingué ; vous sçavez qu’il est de l’Academie Françoise.

[Mort de Madeleine Danguechin]* §

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4], p. 110-111

 

Dame Madeleine Danguechin. Elle estoit Veuve de Messire Paul Hay, Marquis du Chatelet, Conseiller d’Etat ordinaire, qui estoit de l’Academie Françoise, & d’une ancienne Famille de Bretagne. La Famille des Danguechin a donné divers Officiers au Parlement, & plusieurs Procureurs Generaux à la Cour des Aides de Paris, & porte d’argent à trois testes de Corbeaux de sable.

[Lettre de M. de Comiers, touchant la Conduite, & Elevation des Eaux, & tout ce qui concerne les Jets d’eau] §

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4], p. 115-116, 135-136, 167-168

 

Je vous envoyay il y a deux mois une Lettre fort curieuse du fameux Mr Bernier. Elle a trouvé des Admirateurs & des Critiques, mais ces derniers ne l’attaquent point en toutes ses parties, ils en combattent seulement quelques-unes, & ils le font de cette maniere honneste, qui fait souvent plaisir à ceux qui sont attaquez, puis qu’elle leur donne lieu de faire paroistre ce qu’ils sçavent. Ainsi l’on peut dire que les querelles qui arrivent entre les gens de Lettres, sont presque toûjours à l’avantage, & des Aggresseurs, & de ceux qui se défendent, ces sortes de differends estant pour les uns & pour les autres de favorables occasions de faire briller leurs differentes lumieres. Ce que je vous envoye est du celebre M. de Comiers, dont l’érudition est connuë, & qui est estimé de tous les Sçavans de l’Europe. [...]

 

Je fais icy une petite reflexion, qui est que les Eaux de la Riviere d’Ourgue ont toûjours passé sous les Ponts de Paris, mais aprés s’estre meslées aux Eaux de la Marne & de la Seine. Le dessein de Mr Riquet estoit de la conduire par un Canal artificiel au pied du Trône ou Arc de triomphe, superbe par la Statuë de LOUIS LE GRAND, auquel sujet j’ay fait ces distiques.

Quis super ? est Mavors magni sub imagine Regis,
 Testatur Facies, magnaque facta probant.
Le grand Dieu des Combats anime ce grand Roy,
Son grand air le fait voir, ses grands faits en font foy.

[...]

Enfin pour finir j’employe la Devise de la Societé Royale d’Angleterre, qui a pour corps une table blanche d’attente, & pour ame ces trois mots, Nullius in verba ; qu’il ne faut croire legerement aux Philosophes Geometres sur leur parole, puis qu’ils ne peuvent demeurer d’accord entr’eux, quoy qu’aprés tant de siecles ils ayent fait si grand bruit dans l’Ecole, que les Passans croyoient que,

Omnia, mors, miles, sanguis & ignis erat.
C’est une guerre sans pareille,
Les Armes sont de grands Ergos,
Qui frappant l’air & les Echos
Blessent le poumon & l’oreille.

[Essay de Pastorale pour un Concert] §

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4], p. 176-187

 

Vous connoistrez par le sujet dont traitent les Vers que je vous envoye sous le titre d'Essay de Pastorale, qu'il y a déjà du temps qu'ils ont esté faits. Vous ne laisserez pourtant pas de les lire comme nouveaux, & ils le sont en effet puis qu'ils n'ont point encore esté veus.

ESSAY
DE PASTORALE,
Pour un Concert à Madame la Dauphine.

La Scene est dans les Campagnes de Versailles.

L'HIMEN ET L'AMOUR.

L'AMOUR.

C'est icy des Bergers le commun rendez-vous ;
 Icy chaque troupeau s'assemble.

L'HIMEN.

Ce lieu dans le dessein de nous unir ensemble,
 Me paroist fait pour nous.

L'AMOUR.

Ce Heros si connu qui sçait regner & plaire,
 Aime & protege ce sejour ;
 Je crois que l'Himen & l'Amour
 Pourront s'y satisfaire.

L'HIMEN.

 Celle dont les Dieux ont fait choix,
 Pour estre la source feconde,
 De tant de Heros & de Roys,
Qui porteront l'Empire des François,
Jusqu'aux extremitez du monde,
 Se laisse admirer quelquefois
 Dans ces campagnes & ces bois.

L'AMOUR.

Je sçay qu'en ce Palais cette Epouse charmante,
De son aimable Epoux attend l'heureux retour ;
 Mais helas ! pendant cette attente
 Que peuvent l'Himen & l'Amour ?

L'HIMEN.

Le jeune demy-Dieu que le ciel a fait naître,
Et l'agreable espoir de voir bien-tost paraître,
 L'Auguste Frere qui le suit,
Font les plus doux momens du jour & de la nuit,
 De cette admirable Princesse.

L'AMOUR.

 De peur que l'ennuy ne la presse
 Assemblons les ris & les jeux.
 Unissons nos conquestes,
 Faisons naître des Festes,
 Ecoutons tous les vœux
 Des Bergers amoureux.
 Unissons nos conquestes
 Meslons nous avec eux.
 Unissons nos conquestes
 Pressons les instans
 Qui les rendent contens.
 Unissons nos conquestes,
 Faisons naître des Festes.

Tous deux.

Bergers, honorez l'heureux jour
Qui joint l'Himen avec l'Amour.
Celebrez l'heureuse journée
Qui joint l'Amour à l'Himenée ;
Dans ce doux & charmant sejour,
La paix entr'eux s'est terminée.

Un choeur de Bergers & de Bergeres repete.

Bergers, honorons l'heureux jour, &c.

Un Berger & deux Bergeres.

 Le concert des Oiseaux,
 Des Zephirs & des eaux
 Allume dans nos ames,
 Mille innocentes flâmes.

Deux Bergers & deux Bergeres.

  De nouvelles ardeurs
  Ont embrazé nos coeurs ;
Allons sous ce feüillage sombre
Joüir du silence & de l'ombre.

Deux Bergers.

Quand l'Himen & l'Amour ont resolu d'agir,
 On ne doit plus rougir
Des tendres sentimens que la nature inspire ;
 Tout ce qu'on voit soupire.

Deux Bergeres.

 Quelles émotions,
 Dans nos coeurs qui s'agitent
 Par tant d'illusions
 A l'amour nous incitent !
Quand l'Himen & l'Amour ont resolu d'agir
 On ne doit plus rougir, &c.

Deux Bergers.

Quand l'Himen & l'Amour, &c.
 Peut-on resister aux amours
 Quand l'Himen vient à leur secours.

Deux Bergeres repetent.

Quand l'Himen, &c.

Deux Bergers, & deux Bergeres

Peut-on resister, &c.
Le Choeur reprend.
 Peut-on resister, &c.

L'Himen & l'Amour.

 De ces beaux Pâturages,
 Fortunez habitans,
 De mille soins reconnoissans
 Goûtez les tendres témoignages.

Deux Bergers & deux Bergeres.

 Dieux, comment pourrons-nous
Vous rendre les honneurs qui sont dignes de vous ?

Le Choeur repete.

 Dieux comment, &c.

L'Amour & l'Himen.

 L'Himen / L'Amour aisement se contente
 Il ne demande que vos vœux ;
 Il veut toûjours vous rendre heureux
 Pourvû que le coeur y consente.

Le Choeur repete.

 L'Himen / L'Amour aisement se contente, &c.
 Que dans tous les lieux d'alentour,
 Retentissent les noms & d'Himen & d'Amour.

Les Bergers & Bergeres.

 Que dans tous les lieux....

Le Choeur reprend.

 Que dans tous les lieux....

L'Himen.

 Que sur ce climat l'abondance
Puisse à jamais verser sa plus riche influance.

L'Amour.

 Que toûjours de nouveaux plaisirs,
 Previennent jusqu'à vos desirs.

L'Himen & l'Amour.

Ne vous étonnez pas si d'un estind [sic] si doux,
Les plus fameux Hameaux vont devenir jaloux.
 Un jour les Divinitez mesmes
 Quitteront le sejour des Cieux
 Et leurs grandeurs suprêmes,
Pour venir avec vous habiter en ces lieux.

Deux Bergers & deux Bergeres.

 O plaisirs ! ô douceurs extrêmes !
 Que dans tous les lieux d'alentour,
 Retentissent les noms & d'Himen & d'Amour.

Choeur.

 Que dans tous les lieux, &c.

Un Berger & une Bergere.

 Mais quel trouble s'excite !
 Tout s'émeut, tout s'agite.
 Quels soudains mouvemens
 Redoublent nos contentemens !

Une Bergere.

Mille naissantes fleurs embellissant la Terre,
Des lieux les plus deserts font un riche parterre.

Un Berger.

 D'un murmure agreable & nouveau,
 J'entens couler ce doux ruisseau.

Une Bergere.

D'un feüillage plus vert tous les arbres se parent.

Tous ensemble.

 A l'abord du plus grand des Dieux,
 Tant de nouveautez se préparent,
Ou Loüis de retour arrive dans ces lieux.
 Quelques Divinitez puissantes
Forment en sa faveur ces beautez étonnantes.

Le Choeur repete.

 A l'abord du plus grand, &c.

Bergers & Bergeres.

 Ah, réjoüissons-nous,
 N'ayons plus de tristesse.
 Nostre grande Princesse
 Va recevoir son Epoux.
 N'en soyons plus en peine,
 Le Vainqueur le ramene.

Le Choeur.

Qu'on n'entende par tout que chants melodieux,
De voix & d'instrumens que les airs retentissent,
Que les jeux & les ris, que les amours s'unissent,
Que nos concerts s'elevent jusqu'aux Cieux.

Bergers.

 Avant la fin du jour
Nous verrons de ces lieux le Maistre de retour.

Choeur.

Qu'on n'entende, &c.

[Histoire] §

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4], p. 255-275

 

Un vieux Gentilhomme tres-riche, venu à Paris pour quelques affaires, entendit parler d’une Heritiere de quinze à seize ans, qu’on faisoit passer pour un party fort considerable. Son Pere ayant amassé beaucoup de bien en divers emplois qu’il avoit eus, l’avoit laissée par sa mort sous la Tutelle d’un Oncle qui n’estoit pas dans une grande opulence. La Demoiselle n’avoit aucun agrément dans sa personne ; l’esprit luy manquoit aussi bien que la beauté, & il n’y avoit à considerer en elle que les avantages d’une grande dot, mais les richesses tenant toûjours lieu de veritable merite, elle ne laissoit pas d’estre recherchée par des Personnes d’une assez haute naissance pour obliger son Tuteur à balancer sur le choix. Le Gentilhomme qui n’avoit qu’un Fils qu’il eust bien voulu arrester auprés de luy au retour d’un voyage d’Italie qu’il venoit de faire, songea à le marier, & ce qu’on luy dit des grands biens de l’Heritiere luy ayant fait voir dans cette alliance un établissement fort avantageux, il fit connoissance avec le Tuteur, & luy proposa le mariage. Le Tuteur luy répondit qu’il avoit déja des engagemens qu’il ne pourroit rompre sans beaucoup de peine, & ces obstacles ayant redoublé son empressement, le Gentilhomme luy fit quelques offres qui commencerent à le faire entrer dans ses interests. Comme il avoit à menager son esprit, il alloit le voir souvent, & il ne luy rendit pas beaucoup de visites sans remarquer une Fille unique qu’il avoit, & que la nature sembloit avoir pris soin de recompenser de l’injustice que la fortune luy avoit faite. Elle estoit belle, brillante, enjoüée, & les grands défauts de sa Parente servoient à faire éclater toutes les graces qui l’accompagnoient. Le Gentilhomme qui n’estoit veuf que depuis trois ans, & qui n’en avoit point encore soixante, ne put resister à tant de charmes. Il sentit son cœur touché, & l’interest de son Fils servant de pretexte à sa foiblesse, il crut qu’il gagneroit plus aisément le Tuteur sur le mariage dont il estoit question, s’il luy promettoit d’épouser sa Fille. Il luy découvrit ce qui luy estoit tombé en pensée, & en mesme temps il le pria de luy garder le secret, ne voulant pas mesme qu’il ne parlast à sa Fille, jusqu’à ce que le mariage de son Fils estant consommé, il fust en pouvoir d’executer ce que l’amour luy faisoit promettre. Le Tuteur voyant dans ce qu’il luy proposoit de grands avantages pour sa Fille, prit de luy des asseurances qui devoient l’indemniser s’il luy manquoit de parole, & luy dit ensuite qu’il n’avoit qu’à faire venir son Fils, & qu’il n’auroit pas de peine à obliger sa Pupille de se déclarer en sa faveur. Le Gentilhomme partit fort remply d’amour, & fit valoir à son Fils ce qu’il avoit fait pour son établissement. Sa passion le pressant de haster l’affaire, puisque sa conclusion devoit le mettre en estat de travailler à se rendre heureux, il luy dit qu’il n’y avoit point de temps à perdre, parce que la Demoiselle, qu’il ne luy peignit ny belle ny laide, avoit des Amans de consequence ; & qu’il devoit craindre qu’on ne la donnast au plus empressé. Le Cavalier qui n’avoit rien dans le cœur, se fit d’abord une idée assez agreable, & assez satisfaisante des grands biens de l’Heritiere, & n’envisageant que de belles Terres, il s’imagina qu’il n’estoit pas necessaire d’avoir de l’amour pour estre heureux en se mariant. Il remercia son Pere des soins qu’il prenoit pour ses avantages, & vint à Paris pour en recueillir le fruit, mais il n’eut pas si tost veu la Demoiselle qu’il s’en trouva dégoûté, & il le fut encore beaucoup plus lors qu’il l’eut entretenuë. L’opposition des agrémens tant du corps que de l’esprit qui faisoient briller sa belle Parente, contribua fort à ce dégoût. Plus il la vit, plus son merite fit d’impression sur luy. L’engagement où son Pere l’avoit mis servant à autoriser ses visites assiduës, il ne voulut point le rompre pour n’estre pas obligé de renoncer au plaisir de voir ce qui le touchoit sensiblement. Il dit mille choses obligeantes à cette aimable Personne, & ayant connu par ses manieres que les dispositions de son cœur luy estoient tres-favorables, il s’abandonna si fort à sa passion, qu’il ne songea plus qu’à la satisfaire. Il dit au Tuteur qu’il luy rendoit sa parole à l’égard de l’Heritiere, & qu’il esperoit qu’il ne seroit pas blessé de la sincere declaration qu’il luy faisoit, puis que c’estoit pour luy demander sa Fille, dont il preferoit la possession à tous les tresors du monde Le Tuteur receut une proposition si avantageuse, avec beaucoup de marques de reconnoissance, mais ce qu’il avoit déja resolu ne le laissant pas en pouvoir de l’accepter, il dit au Chevalier qu’estant en parole avec son Pere pour le mariage de sa Pupille, il ne pouvoit sans engager son honneur, luy donner sujet de l’accuser d’avoir corrompu ses sentimens, en autorisant une passion qui estoit contraire à ses interests ; que sa Fille n’avoit presque point de bien, & qu’un peu de beauté & de jeunesse ne devoit point l’emporter sur ce qu’on cherchoit dans un mariage préferablement à toutes choses. Ces remontrances ne firent aucun effet sur l’esprit du Cavalier. Il protesta que s’il s’obstinoit à luy refuser sa Fille, il renonceroit à se marier ; & aprés s’estre assuré du cœur de la Belle par les sermens qu’il luy fit d’une constance & d’une fidelité inviolable, il alla trouver son Pere, esperant assez de sa tendresse pour se flater qu’il le feroit consentir à son bonheur. Le Gentilhomme ne le vit pas plûtost de retour, qu’il luy demanda s’il avoit mis toutes choses en estat, & s’il falloit qu’il partist pour venir signer le Contrat de mariage. Le Cavalier ne luy cacha point ses sentimens, & aprés luy avoir exageré l’éloignement qu’il avoit pour l’Heritiere, avec laquelle il ne pourroit vivre que tres malheureux, il luy avoüa qu’il estoit charmé de sa Parente, & qu’il luy devoit tout le bonheur de sa vie s’il luy permettoit de l’épouser. Le Gentilhomme qui ne pouvoit se resoudre à condamner ce qu’il pretendoit faire approuver pour luy-mesme, dit à son Fils qu’il estoit vray que cette Parente estoit assez belle & assez bienfaite pour faire excuser une violente passion, mais qu’il ne devoit regarder que sa fortune ; que le mariage de l’Heritiere le pouvoit conduire aux grandes Charges, & que d’ailleurs ayant donné sa parole, c’estoit à luy à la dégager. Aprés un long entretien, le Cavalier voyant qu’il continuoit toûjours à luy faire une espece d’obligation indispensable de dégager sa parole, luy dit qu’il pouvoit demander l’Heritiere pour luy-mesme, puis qu’il estoit encore dans un âge qui luy permettoit un second engagement, l’asseurant que le Tuteur en reconnoissance du consentement qu’il donneroit à son mariage avec sa Fille, disposeroit aisément sa Pupille à l’épouser. Le Gentilhomme qui ne vouloit pas se découvrir, répondit qu’il se rendroit ridicule de pretendre qu’à son âge il pust se faire écouter d’une personne qui pouvoit choisir dans un grand nombre d’Amans, & traitant toûjours son Fils fort honnestement, il le pria de se faire quelque effort, & de songer serieusement que la plus belle personne estoit sujette à des changemens facheux, au lieu que le bien estoit solide, & qu’il faisoit parvenir à tous les honneurs qui pouvoient flater l’ambition. Le Cavalier ayant perdu tout espoir de le voir changer de sentimens, feignit de partir dans le dessein de se vaincre ; mais en effet il retourna auprés de la Belle, plus resolu que jamais de luy prouver son amour par tout ce qui l’en pourroit convaincre, en attendant que le temps eust mis les choses dans une autre situation qu’elles n’estoient. Cela devoit arriver quand l’Heritiere seroit mariée. Il pria son Tuteur d’en disposer pour tel party qu’il voudroit, & s’acquit entierement son estime par la generosité qu’il eut de luy jurer de nouveau qu’il partageroit sa fortune avec sa Fille quand il en seroit le Maistre. Cet excés d’amour fut bien-tost recompensé. L’Heritiere qui n’estoit pas d’un fort bon temperament, tomba dangereusement malade. Les plus experts Medecins furent appellez, & malgré tout le secours de leur art, elle mourut en fort peu de jours. Il n’y avoit pas sujet d’en estre faché. Elle n’avoit nulles bonnes qualitez, & son Tuteur estant Frere de son Pere, les grands biens qu’elle laissoit regardoient sa Fille. Beaucoup d’esprit, de jeunesse & de beauté soutenant cet avantage, on luy fit la cour de toutes parts, mais ceux qui ne l’avoient point considerée quand tout son merite estoit renfermé dans sa personne, ne furent point écoutez. Son Pere se fit un honneur de reconnoistre les manieres desinteressées du Cavalier. Tout ce qui l’embarrassoit estoit l’amour qu’il sçavoit que le Gentilhomme avoit pour sa Fille. Il n’en dit rien à son Fils, qui n’étant point informé de son secret, se tint asseuré d’obtenir son agrément, puis qu’il s’agissoit du mesme bien, & d’une personne plus aimable. Son amour l’obligeant à s’empresser de luy aller rendre compte de tout ce qui se passoit, il l’aborda d’un air satisfait, & fut surpris de le trouver fort mélancolique. Le Gentilhomme ne pouvant se déguiser la bassesse qu’il feroit s’il levoit le masque pour le traverser dans une pretention si legitime, cacha son chagrin sous un faux mal dont il se plaignit, & témoigna cependant qu’il estoit bien-aise que les choses eussent tourné si heureusement pour luy. Quand le temps du mariage fut arrivé, il luy donna tout le pouvoir dont il eut besoin, & se dispensa d’estre present à cette ceremonie. Elle se fit avec une entiere joye des deux Amans. Ils sont toûjours charmez l’un de l’autre, & leur union ne peut estre plus parfaite.

Air nouveau §

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4], p. 275-276.

Les beaux jours qui ont enfin commencé, m'engagent à vous envoyer un Printemps qui n'a esté fait que depuis trois jours. Vous connoistrez aisément qu'il est d'un habile Maistre.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Ne me parlez point du Printemps,, doit regarder la page 276.
 Ne me parlez point du Printemps,
L’absence m’a privé de l’Objet que j’adore.
 Les Fleurs qui commencent d’éclore
 Peuvent plaire à des yeux contens,
 Mais les frimats pour moy durent encore.
 Ne me parlez point du Printemps,
L’absence m’a privé de l’objet que j’adore.
images/1688-04a_275.JPG

[Parfaite connoissance des Fleurs] §

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4], p. 276-278.

A propos de Printemps, j’ay à vous faire present d’un Livre, qui non seulement vous en fera souvenir, mais qui le rendra present à vos yeux toutes les fois que vous le lirez. Il n’en faut pas davantage pour celles qui ont l’imagination aussi vive que vous l’avez. Ce Livre est intitulé, La Connoissance, & Culture parfaite des Tulipes rares, des Anemones extraordinaires, des Oeillets fins, & des belles Oreilles d’Ours panachées. On croit qu’il est de M. de Valnay, Contrôleur de la Maison du Roy. Il enseigne le moyen de connoistre la beauté de toutes ces Fleurs, la terre qui leur est propre, comment il les faut gouverner depuis qu’elles sont en terre jusques à la fleur, & mille choses curieuses sur ce sujet, & tres utiles à ceux qui aiment les Fleurs. L’on trouve aussi dans ce mesme Livre l’histoire de toutes les Fleurs dont il parle, leur origine, & quand & comment on a commencé à en voir en France.

[Madrigal] §

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4], p. 278-280

 

Si les Fleurs plaisent à la veuë dans les Parterres, & si la pluspart flatent l’odorat, elles ont encore un autre avantage. Les belles Personnes s’en servent pour se parer, & il semble qu’elles donnent plus de brillant à leur teint. C’est cet usage qui a donné lieu à ce Madrigal.

 Charmantes Fleurs, quittez ces lieux,
 Un Dieu, le plus puissant des Dieux,
 Vous destine à Climene.
Dés que vous paroistrez vous plairez à ses yeux ;
 Sans exciter son couroux ny sa haine,
 Vous baiserez sa belle main,
 Vous vous placerez sur son sein.
Quoy donc ? à ce recit vous demeurez paisibles,
Les destins ennemis vous ont fait insensibles ;
Charmantes Fleurs, helas ! que n’avez-vous mon cœur,
 Ou que n’ay-je vostre bonheur ?

[Mort de M. de Charleval et discours sur le livre des Dialogues Satyriques et Moraux]* §

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4], p. 297-306

 

Nous avons perdu icy dans le mesme temps Messire Charles de Faucon Seigneur de Charleval. C’estoit un homme d’un fort grand merite, & qui joignoit à une delicatesse d’esprit admirable toutes les lumieres qui peuvent donner le vray goust des bonnes choses. Il estoit Oncle de Mr de Faucon de Ris, premier President au Parlement de Normandie, & quoy qu’il soit mort dans un âge fort avancé, tout le monde demeure d’accord qu’il est mort trop tost. Vous trouverez la peinture de son esprit dans l’Epitaphe que vous allez lire.

  Cy gist qui n’eut jamais d’égal
 En don de plaire, en politesse,
 Dont l’esprit estoit un Canal
 D’où couloit la délicatesse ;
 Qui sur les rives du Permesse
 N’avoit qu’Apollon pour Rival,
Et dont la mort fait perdre aux Muses bien du lustre.
Tu demandes, Passant, le nom de cet Illustre,
Ne vois-tu pas qu’il faut que ce soit Charleval ?

Ce Madrigal est de Mr Petit de Roüen, Autheur des Dialogues Satyriques & Moraux, dont le sieur Guerout commence à debiter le second Volume. J’ay leu avec beaucoup de plaisir le Dialogue que je vous ay mandé qui vous plairoit, parce qu’il regarde des personnes que vous estimez. C’est tout ce que j’en sçavois alors. Il est entre le Public & l’Academie Françoise, & contient sans aucune injure, & d’une maniere fort honneste, toutes les raisons qui ont empesché jusques à present Mrs de l’Academie de donner leur Dictionnaire au Public, contre ce que Mr l’Abbé de Furetiere en a dit dans ses Factums. L’autheur paroist bien instruit de la verité du fait, & justifie la lenteur de ce travail, par le témoignage mesme de feu Mr Colbert, qui estant venu prendre sa place dans la Compagnie, en sortit fort persuadé qu’il estoit impossible d’aller plus viste, à cause du grand examen qu’on est obligé de faire sur chaque mot. Il fait connoistre qu’on n’a proprement commencé à s’appliquer de la bonne sorte à cet ouvrage, que depuis que ce grand Ministre y a eu attention, & rapporte ce qui s’est passé chez Mr le premier President, lors qu’on y a convaincu Mr l’Abbé de Furetiere d’avoir toûjours cherché à s’approprier ce qui appartenoit veritablement au Dictionnaire de l’Academie. Outre ce Dialogue qui répond à la pluspart des Objections de cet Abbé, il y en a neuf autres dans cette seconde partie de Mr Petit, dont je vais vous expliquer le sujet.

I. Dial. Que l’Usage est une chose pernicieuse, si on ne le soumet à la raison, & qu’il n’y en a aucune assez forte pour autoriser le luxe.

II. Que l’Epée doit estre preferée à la Robe.

III. Que bien que l’or soit en proye aux larrons, il ne laisse pas d’estre le plus à craindre & le plus grand de tous les larrons.

IV. Que la reputation d’une belle Prude auprés de qui un seul homme se rend assidu, ne court pas moins de risque que celle d’une Coquette environnée d’une foule d’Adorateurs.

V. Qu’un Directeur qui ne donne son temps qu’aux Dames de qualité, songe moins à travailler pour la gloire de Dieu que pour la sienne.

VI. Que tout Auteur qui donne ses Ouvrages au public, doit se preparer sans chagrin aux attaques de la Critique.

VII. Que les Auteurs anciens doivent estre preferez aux modernes, & particulierement Homere ; & mesme que peu des modernes auront l’avantage de vieillir, & d’être du nombre de l’élite des Anciens qui sont toûjours jeunes, & à la mode.

VIII. Que les sciences curieuses, quelque hautes qu’elles soient, ne valent pas la peine qu’on se donne pour les acquerir ; qu’elles accablent l’esprit, & ruinent le corps, & que la plus belle & la plus seure de toutes, & qui nous apprend à vivre tranquillement, se puise dans le Livre du bon sens, qui vaut incomparablement mieux que tous les Livres ensemble des plus grandes Bibliotheques.

IX. Que pour faire une grande fortune, il faut s’accommoder aux fausses maximes du Siecle, dont la premiere & la principale est de secoüer le joug de la conscience & de la raison.

[Petits opéras pour Mme la Dauphine]* §

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4], p. 308-309

 

Comme Madame la Dauphine aime beaucoup la Musique, qu'elle s'y connoist parfaitement, qu'elle a la voix belle, & qu'elle chante mesme en partie, chacun s'empresse à travailler pour la divertir. C'est ce qui est cause qu'il y a eu souvent à Versailles de petits concerts en forme d'Opera, sans habits & sans theatre. Les deux derniers dont la Cour a eu le divertissement, sont de M. Moreau & de M. Matho. Ils ont paru tous deux fort agreables, & on y a trouvé de fort belles choses. Vous devez estre persuadée que M. Matho est tres-habile, puis qu'il a esté choisi pour montrer à chanter à cette Princesse.

Le Libraire au Lecteur §

Mercure galant, avril 1688 (première partie) [tome 4], p. 344-347

 

LE LIBRAIRE
au Lecteur.

Le Lecteur trouvera une seconde partie jointe à ce Volume, intitulée, Histoire de Mahomet IV. dépossedé, où l’on voit beaucoup de choses concernant l’Empire Othoman, avec le Portrait des inclinations du Sultan déposé, son Horoscope ; les descriptions de toutes les Revoltes des Janissaires sous vingt-trois Empereurs Turcs ; tout ce qui s’est passé de plus particulier à la Porte pour déposer Mahomet IV. & élever Soliman III. sur le Trône ; une exacte description de son Couronnement ; la continuation des Troubles depuis cette Ceremonie, avec plusieurs autres choses curieuses. Il est resté tant de choses à l’Auteur touchant les Mouvemens arrivez à Constantinople, qu’il en donnera encore un second Volume au Public, qui servira de seconde partie au Mercure prochain, qui sera celuy de Juin, & que je ne separeray point, non plus que celuy-cy. Quoy qu’il ait la pluspart des Relations qui ont esté envoyées de Constantinople, comme il peut neanmoins luy en manquer encore quelques-unes, je recevray pour luy toutes celles qu’on me voudra adresser, & le Public sera obligé à ceux qui en envoyeront, puis que cela donnera lieu de faire un corps plus parfait de l’Histoire de cette grande Rebellion. Les Relations les plus steriles peuvent fournir quelques lignes qui ne se trouvent pas dans les plus exactes. L’Auteur en a souvent fait l’épreuve, ayant trouvé des circonstances nouvelles dans trente Relations d’une mesme affaire. Ainsi ceux qui en ont, sont priez d’en envoyer, quand mesme ils ne les croiroient pas considerables en comparaison de celles qui leur paroissent plus amples, & qui courent dans le monde.