Mercure galant, octobre 1688 (seconde partie), Affaires du temps (tome 1).
Mercure galant octobre 1688 (seconde partie), Affaires du temps (tome 1). §
Au Lecteur §
AU LECTEUR.
L’Abondance des matieres qui entrent ordinairement dans le Mercure, a esté si grande ce mois-cy, qu’elle auroit remply quatre volumes, s’il avoit esté possible de les faire, & qu’on n’eust rien reservé. On s’est contenté d’en faire deux. On a mis dans le premier les nouvelles courantes, & qui sont par articles ; mais comme il est difficile de parler des mouvemens qui agitent aujourd’huy l’Europe sans en faire une maniere de corps historique, à cause des divers interests & des intrigues causées par les partialitez, on s’est trouvé obligé de faire un discours suïvy, & non des articles. Il s’est mesme rencontré tant d’enchainement entre tout ce qui se passe aujourd’huy, & ce qui s’est passé depuis la Paix de Nimegue, qu’on a cru le devoir ramasser en peu de paroles, parce qu’on en découvrira mieux les ressorts qui ont donné aux affaires presentes le grand mouvement où nous les voyons. Toutes celles qui regardent cette Partie intitulée les Affaires du Temps, n’ont pu estre enfermées dans un seul Volume ; mais elles seront assurément resserrées en deux, & celuy qui paroistra le premier jour de Decembre contiendra tout ce qui se sera fait jusques à ce jour là, & sera lié en corps historique de la mesme maniere que celuy-cy. Comme il y a beaucoup de choses dans cette Histoire du Temps, qui se trouvent directement opposées aux divers écrits qui paroissent en Hollande tous les mois, presque au nombre de quarante, on pourroit dire qu’on auroit voulu y répondre, mais on déclare qu’on n’en a point eu la pensée. Il est vray qu’on a marqué les endroits où ces écrits se contredisent dans des choses essentielles, & sur lesquelles roulent toutes les affaires d’aujourd’huy, mais on ne s’est pas donné la peine de raisonner sur ce qu’ils contiennent ; puisque les faits qui sont tous à l’avantage du Roy, servent de replique, & qu’il en resulte une réponse tacite contre laquelle on ne peut rien opposer, s’agissant de faits publics. Cet ouvrage, quoy qu’un peu plus vif qu’à l’ordinaire, paroistra modeste, quand on le comparera à l’aigreur de ces sortes d’écrits ; ainsi personne ne doit avoir sujet de se plaindre, bien que de la maniere qu’on écrit par tout aujourd’huy hors en France, rien ne dust fascher, quelque chose qu’on pust dire, puis qu’on ne feroit qu’imiter ceux qui se donnent la liberté d’écrire tout ce qu’ils pensent. Si tout ce que contient ce Volume n’est pas avantageux aux Puissances dont on parle, on doit songer qu’il y a de certains cas où l’on peut parler à la maniere des Avocats, à qui il est permis de citer tout ce qui sert à la défense de leurs Parties. On ne verra rien icy qui sorte de la verité, ny de la liberté qui doit estre permise aux Historiens. Il y a de certains faits publics dont l’Histoire peut parler, & mesme contre ceux avec qui l’on est en paix. C’est un usage de tous les temps, & sans cela l’Histoire ne seroit point Histoire, cela est cause qu’un Auteur en écrivant celle de son Pays, dit ce qui n’est pas à sa gloire, & ne l’épargne pas plus que les autres Etats. A l’égard de ce que la prosperité de la France fait écrire contre elle dans les Pays Etrangers, à cause de la jalousie qu’elle donne à ses Voisins, il se trouve beaucoup de gens qui ne demandent pas mieux que d’y répondre, & qui s’en acquiteroient avec avantage, les Lettres n’estant pas aujourd’huy moins florissantes en France que les Armes ; mais le sage Prince qui la gouverne aime mieux qu’elle soit justifiée par de grandes actions que par de pareilles réponses. La grandeur de son ame s’étend encore plus loin là-dessus, il est Maistre absolu dans ses Etats, & pourroit empescher que les écrits qui les attaquent n’y eussent cours ; mais il les méprise trop pour cela, & rien ne prouve mieux leur fausseté, & la jalousie de gloire que ce grand Monarque excite, que sa moderation sur toutes les choses de cette nature.
On doit prendre garde que toutes les affaires estant dans un grand mouvement, leur situation peut changer à toute heure ; qu’ainsi ce qu’on écrit en commençant une Lettre peut estre changé quand on la finit, & que du jour qu’on acheve un Livre jusqu’à celuy où l’on commence à le débiter, la face des affaires peut encore devenir differente.
[Circonstances de l'élection de Jean, marquis de Bade, à l'archevêché de Trèves]* §
[...] Bien loin de cela, nous avons beaucoup d'exemples de quantité de sujets, qui ayant esté postulez par la plus grande partie du Chapitre, ont esté preferez à ceux qui avoient esté élus par la moindre partie pour les Cathedrales & pour les Metropolitaines d'Allemagne. Il nous suffira icy de marquer Jean, Marquis de Bade, qui fut postulé Archevesque de Tréves par la plus grande partie du Chapitre le 21. Juin 1456. c'est à dire quelques années après le Traité du Concordat Germanique. On le conduisit au grand Autel, au son des Cloches, & il prit possession de l'Eglise & de toutes les dépendances de l'Archevesché de Tréves, malgré les oppositions du Seigneur d'Issembourg, dont la plus petite partie avoit fait l'élection. [...]
[Annonce de l’extraordinaire de décembre]* §
Vous jugez bien par la longueur de cette Lettre, qu’il est temps que je la finisse. Je vous en envoyeray la suite le premier jour de Decembre, & vous assure qu’elle ne sera pas moins curieuse que ce que vous venez de lire. Je suis vostre, &c.