1688

Mercure galant, décembre 1688 (seconde partie), Affaires du temps (tome 3).

2017
Source : Mercure galant, décembre 1688 (seconde partie), Affaires du temps (tome 3).
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galantdécembre 1688 (seconde partie), Affaires du temps (tome 3). §

Avis §

Mercure galant, décembre 1688 (seconde partie), Affaires du temps (tome 3), p. I-II

 

AVIS.

Voilà toutes les Affaires du Temps renfermées en trois Volumes. On y voit leur origine, leur progrés & leur suite. Plust au Ciel qu’on y vist aussi leur fin. Les pieces historiques qui concernent toutes ces affaires sont dans ces mesmes Volumes, le reste qui regarde moins la politique que des faits, sur lesquels il n’est pas besoin de raisonner, & qui ne demandent point de replique comme, marches, dénombrement de Troupes & Combats, se trouvera dans le Mercure de ce mois & dans les suivans. La défense de la verité, & la justice du bon party, ont fait parler dans ce Volume d’une maniere qui pourroit paroistre hardie, si ce qu’on y rapporte n’estoit pas constant. D’ailleurs on se sent animé d’un zele qui ne peut estre blasmé quand on parle pour des Testes couronnées, & qu’on le fait avec autant de justice, & avec autant d’autoritez que l’on en trouvera d’alleguées dans ces trois Volumes. Les ennemis de la verité, qui ne sçauroient souffrir de repliques, voudront peut-estre faire passer pour satyre, ce qui ne l’est peint ; ceux qui attaquent avec injures font des satyres, mais des réponses qu’on fait pour l’interest de la verité ne peuvent estre de ce nombre, quelques vigoureuses qu’elles puissent estre. En tout cas on ne croit point qu’aucune Puissance de Hollande se puisse plaindre, puis que c’est un Pays où tout est remply d’écrits injurieux à tous les Potentats de l’Europe, sans parler des Tableaux & des Estampes qui ne les épargnent pas. Ceux qui font des Satyres prennent soin de se cacher, & l’Auteur du Mercure veut bien se faire connoistre, sçachant avec certitude qu’il ne dit que la verité, qu’il ne défend qu’une juste cause, & qu’il ne repousse que des calomnies.

On avertit le public qu’il doit prendre garde à la maniere dont on a refuté la Priere du Ministre Menard. On sçait qu’elle est presque toute composée de paroles de l’Ecriture sainte, & ce n’est pas ce que l’on attaque, mais on la ruine par son fondement, par le mauvais usage & par la mechante application. On s’est seulement attaché à deux choses touchant cette Priere ; l’une à faire voir la contradiction qui se trouve entre elle, & la déliberation des Etats, & l’autre à détruire l’application injurieuse de Josué, de Sennacherib, &c. que les Ministres affectent dans leurs Ouvrages.

[Allégorie sur la Guerre.]* §

Mercure galant, décembre 1688 (seconde partie), Affaires du temps (tome 3), p. 297-306

 

Ce n’est pas d’aujourd’huy que les Hollandois ont affecté de comparer leur Chef à Josué qui fut un Chef du Peuple de Dieu ; outre ses grandes victoires on remarque de luy qu’il défit cinq Rois, qu’il arresta le Soleil, & que les murailles de Jericho tomberent d’elles-mesmes à son arrivée devant cette Ville. Les Ecrivains seditieux & peu sinceres de Hollande ont amusé jusqu’à present les Peuples trop credules avec ces sortes de figures, qui ne serviront qu’à les faire railler, & à faire demander dans toute la posterité en quoy Dieu a déja exploité de grandes choses par la valeur & par la vertu du Prince d’Orange ?

Zorobabel fut le Chef des Juifs aprés leur delivrance de la captivité sous Cirus ; Samson montra la force particulierement dans la défaite des Philistins dont il fut le fleau. Gedeon tira les Israëlites de l’idolâtrie, renversa les Autels prophanes, & défit avec trois cens hommes une Armée fort nombreuse d’Infidelles.

Enfin les Victoires de David, que le Ministre Menard souhaite au Prince d’Orange, éclaterent contre les Philistins & contre les Infidelles. Si ce Ministre seditieux a pris plaisir de choisir ce Prophete Roy pour le symbole de son Prince, à cause que David fut victorieux de son Beau Pere Saül, il doit aussi souffrir qu’on le fasse souvenir, que David bien loin d’attaquer & de vouloir envahir le Royaume de Saül, fuyoit de devant sa face, comme parle l’Ecriture, ne prenoit les armes que par necessité, & pour ne se pas laisser oster la vie de gayeté de cœur ; qu’il eut deux fois entre ses mains la vie de son Beau-Pere, sans vouloir faire le moindre tort à ce Prince, & qu’il couronna toutes ses actions par une douceur que l’Ecriture Sainte canonise.

Je me suis un peu arresté à expliquer ces Allegories pour faire voir que malgré la promesse des Etats, elles prouvent la mauvaise volonté du Prince d’Orange contre les Catholiques.

Mais sans s’amuser à la figure, il faut chercher plûtost la réalité dans les vœux si Chrestiens d’un Ministre furieux, qui souhaite que les saints Anges campent autour du Prince d’Orange, & que Dieu le fasse combattre comme il fit du temps de Sennacherib, pour exterminer tous ces Idolâtres qui voudront s’opposer à ses armes.

Sennacherib estoit un Roy des Assyriens qui fit d’abord de grandes conquestes dans la Palestine & aux environs ; mais dans tous ces avantages il s’élevoit contre Dieu par son impieté, & le deshonoroit par ses blasphêmes. Ce Prince estant irrité contre le Roy de Judée, mit le Siege devant la Ville de Jerusalem. Avant qu’il eust tiré un seul coup de flêche, Dieu envoya un Ange pendant la nuit, qui tua cent quatre-vingt-cinq mille hommes de l’Armée de ce Prince, qui leva le Siege de Jerusalem, & fut tué un peu aprés dans un Temple à Ninive par deux de ses Enfans.

Des comparaisons si outrageantes ne sont-elles pas capables de faire fremir d’horreur tous ceux qui ont le moindre sentiment d’humanité, & de respect pour la Majesté de Dieu imprimée sur le front des Rois ; C’est ainsi que les Ministres seditieux font éclater leur Religion, ou plûtost on reconnoist à ces imprecations, & à ces exemples de feu & de sang le caractere de leurs méchans desseins. Cela ne s’accorde guere avec la fausse promesse des Etats de Hollande, que c’est encore moins pour exterminer la Religion Catholique, puisque le Ministre prie Dieu d’exterminer tous les Idolâtres qui voudront s’opposer aux armes du Prince d’Orange.

Je ne puis quitter cet exemple du Roy Sennacherib, dont les Ennemis du Roy d’Angleterre parlent trop, sans leur dire qu’ils y trouvent leur condamnation, puis que s’ils entendent le Prince d’Orange par le Roy Ezechias, qui fit lever le Siege de Jerusalem à cet impie, l’Ecriture remarque en mesme temps que toutes les armes d’Ezechias, & tout ce qu’il employa pour sa defense, fut de se revestir d’un sac, & de se prosterner devant Dieu dans le Temple, bien loin de soulever des Sujets contre leur legitime Souverain. & de vouloir envahit un Royaume qui ne luy appartenoit pas. Il n’attaquoit point, il se défendoit seulement, & il se défendoit par l’exercice de la penitence, des larmes & des prieres.