1689

Mercure galant, février 1689 (première partie) [tome 2].

2017
Source : Mercure galant, février 1689 (première partie) [tome 2].
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Mercure galant, février 1689 (première partie) [tome 2]. §

Au Roy, sur la Conqueste de Philisbourg §

Mercure galant, février 1689 (première partie) [tome 2], p. 7-12.

 

Le Roy ne fait rien qui ne soit digne d’estre admiré de toute la terre. Vous avez vû jusqu’où sa moderation a esté, lors que pouvant ajoûter conqueste à conqueste, il a renoncé à des avantages qui luy estoient seurs en continuant la guerre, pour avoir celuy de rendre le calme à toute l’Europe. La conduite de ses Ennemis l’a forcé de reprendre les armes. Il n’a qu’à paroistre à la teste de ses Troupes pour se couvrir d’une nouvelle gloire, & il aime mieux la faire tomber sur Monseigneur le Dauphin, qui animé de l’exemple de cet invincible Monarque, ne sçauroit manquer de triompher sous ses ordres. Sa Majesté les donne toûjours avec une telle prudence, que le succés n’en est jamais incertain. C’est ce qui a donné lieu aux Vers que vous allez lire. Mr Blanchard qui en est l’Auteur, en a receu beaucoup de loüanges.

AU ROY,
SUR LA CONQUESTE
de Philisbourg.

 Malgré l’ardeur de ton courage,
Monarque toûjours grand, toûjours victorieux,
Joüissant en repos de tes faits glorieux,
Abandonne ton Fils au beau feu de son âge.
Ta gloire desormais ne peut aller plus loin.
Regle sans te mouvoir, le destin de la France,
Et s’il faut du Batave arrester l’insolence,
Ton intrepide Fils se charge de ce soin.
Voy ce jeune Heros triompher de l’audace
Des Ennemis liguez, jaloux de ta grandeur.
Anime ses desseins, laisse agir son grand cœur,
Les Cesars n’ont rien fait que sa valeur n’efface.
Conduit par ta sagesse, & ton foudre à la main
Ce Heros fait trembler & Batave & Germain,
Et tous ses mouvemens ont dû faire connoistre
Qu’en luy les coups d’essay sont de vrais coups de Maistre.
Aprés ces grands exploits que ne fera-t-il pas ?
 Que ne devons-nous pas attendre
 De ton genie & de son bras ?
 Tout va plier, tout va se rendre.
Tes Ennemis vaincus, rampans, humiliez,
Pour conserver la paix que ta bonté leur donne,
Signeront de leur sang les droits de ta Couronne,
Et des Princes heureux d’estre tes Alliez ;
Mais dans ces grands succés je crains leur impuissance ;
 Ils vont surprendre ta clemence,
Enlever à ton Fils la moisson de Lauriers
Qui flatte sa valeur & tes braves guerriers,
Par la Paix, seul obstacle à sa gloire naissante.
Pour punir les desseins de leur ligue tremblante,
 Laisse agir ton jeune Heros.
Grand Roy, laisse éclater ses actions sublimes ;
 La longue paix & le repos
Sont l’Ecüeil dangereux des Princes magnanimes.

[Reception de M. Bosquillon à l’Academie de Soissons] §

Mercure galant, février 1689 (première partie) [tome 2], p. 12-15.

 

Mr Bosquillon, Auteur de divers Ouvrages que vous avez leus avec plaisir, & entre autres de la traduction d’une Oraison funebre latine de feu Mr le Chancelier, dont je me souviens que je vous ay envoyé de tres-beaux morceaux, est presentement de l’Academie de Soissons. Il y fut receu le premier jour de Decembre de l’année derniere, & le compliment qu’il fit à ceux qui composent cette Illustre Compagnie, receut de grands applaudissemens. Mr l’Abbé de Hericour, qui se trouvoit alors Directeur, luy répondit avec beaucoup d’éloquence & d’honnesteté. Le mesme jour ce nouvel Academicien leut à la Compagnie ce Madrigal de sa composition ; il fut extremement applaudy, & l’on ne s’étonna point qu’il eust esté favorablement receu des Personnes Augustes pour qui il a esté fait.

A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN
Sur ses premieres Conquestes.

 Prince, que vos destins sont beaux !
Le Monarque puissant qui fait trembler la terre
 Remet en vos mains son tonnerre.
 Vous punirez ses injustes Rivaux,
Vous marchez sur ses pas, vous volez à la Gloire,
Vous faites les doux soins de l’aimable VICTOIRE,
Vous sçavez foudroyer le Rampart le plus fort.
Vous bravez les saisons, vous affrontez la mort,
Sur les cœurs des Soldats vous avez tout empire,
Rien ne peut resister à vos genereux coups.
La France vous benit, l’Univers vous admire,
  Et LOUIS est content de vous.

Discours qui n’est composé que de mots d’une seule sillabe §

Mercure galant, février 1689 (première partie) [tome 2], p. 15-27.

 

Il y a quelque-temps que des personnes d’esprit ayant commencé une conversation assez enjoüée, la firent tomber insensiblement sur la quantité de Monosillabes qu’il y a dans nostre Langue. On ajoûta, que quoy que le nombre en soit fort grand, il y auroit peut estre de l’impossibilité à faire un Discours où il n’entrast que de ces sortes de mots. Un homme de la Compagnie fut plus hardy que les autres, & entreprit d’en venir à bout. Il tint parole, & apporta dés le lendemain la Lettre dont je vous envoye une copie. Cette nouveauté a quelque chose de rare, & merite bien que vous en fassiez part à vos Amies. Des Dames qui se trouverent à cette lecture, soûtinrent que cette maniere d’écrire ne pouvoit estre employée pour elles, à cause des mots d’amour, de passion, de tendresse, qui estoient des expressions significatives, ausquelles il seroit facheux de renoncer. Le Champ est ouvert, & ceux qui voudront en faire l’essay sur des matieres galantes, nous apprendront si la chose est aussi difficile qu’on le pretend.

DISCOURS
Qui n’est composé que de mots d’une seule sillabe.

Je fus à Saint Cloud, mon Cher, lors que le Duc, que tu sçais qui est le Fils du Fils d’un grand Roy, & qui n’a qu’un peu plus de deux fois six ans, fit un Fort, dont il fit seul le plan, tant il est vif, & sçait tout ce qui est de ce bel Art. Il le prit, par jeu, en trois jours : & il nous a fait voir par ce coup, qu’il a plus de cœur qu’il n’est grand, & que si on le voit un jour dans un vray camp ; sur le bord de la Lys, ou du Rhin, ou du Po, ou vers Saint Jean de Luz, ou vers le Sas de Gand, Horn, Ath, ou Bins. Mars tout Mars qu’il est, n’a pas fait ce que je crois que ce Duc peut dans dix ans ; & si dans ce temps-là il ne bat les Turcs, plus que n’ont fait les gens du Nort à Gran ; & ceux de Saint Marc, sur mer, & à Clim, je veux voir à sec le fond où est mis le Pont neuf.

Quand le Fort fut pris, je vis dans le Camp un dard de bois d’If, à six rangs de cloux d’or, & dont le fer est tres-fin. Je le pris, & je m’en sers quand je vais seul aux champs, & il fut bon pour moy que je l’eus ce jour-là ; car je fus au bout du Pont qui est fort long, & pour le grand chaud qu’il fit tout le jour, je me mis tout nud dans le bain, prés d’un pré plus plein de joug sec, que de vray foin. Je n’y fus pas long temps, que je vis un loup tout gris, vers les murs du bois, qui ne me fit point de peur, quoy qu’il fust fort gros, & qu’il ne fust pas loin de moy. Je sors du bain d’un plein saut, je me vests, & j’y cours à grands pas, mon dard à la main, & mon cor au col ; & je n’eus pas si-tost dit d’un ton haut & clair, Au loup, au loup, & joint ces mots au son de mon cor, qu’il se mit dans les bleds : & dans la peur qu’il eut, il ne vit pas un gros tronc qui le fit choir. Quand je le vis à bas, je le pris par le poil, mes gands aux mains, de peur de ses dens ; & quoy qu’il fust fort, & qu’il fist tout ce qu’il put, je le mis à mort en un clin d’œil, d’un seul coup de mon dard.

Quand il fut mort, je le fis voir à tous ceux de Saint Cloud : on y court de tous les Bourgs qui n’en sont pas loin, & l’on me met dans la main de bon or, & qui est de poids, & des œufs frais dans mon sac, & l’on fait voir par là que j’ay fait un grand gain, & pour eux, & pour moy.

Il n’y a eu que les gens du Roy qui ont soin du bois & des Cerfs, qui m’ont fait un tour qui n’est pas bon, car ils ont mis un des leurs au guet dans un coin, pour voir si ce que j’ay pris est un Loup, ou un Cerf, & ce fou qui ne voit pas trop clair, car il n’a qu’un œil, croit que c’est un Daim. Il me dit donc d’un ton qui ne me plut pas, & tout en feu, Qu’as-tu là ? je crois que c’est un Daim, rens-le, ou tu es mort, car je veux qu’il soit veu de tout ce qu’il y a de gens qui ont de bons yeux.

Je fais voir à tous ceux qui sont dans le bois, que ce qu’il dit est faux, je le mets en ses mains ; il le prend, il le voit, & il n’en est pas pas moins fou pour ce que je dis, & ce qu’il voit : car sur le champ il me rompt six dens d’un grand coup de poing : ce qu’il n’a pas si-tost fait, que je mets mon dard & mon cor à bas, je le prens par les mains, & le bas tant que je tords ses doigts, ses bras, & son col, & je fends si fort son nez, qu’il en sort plus de sang que d’un bœuf quand on le met à mort, & le mal qu’il sent, fait qu’il court à son tour plus fort que le Loup,

Il fait de grands cris, & s’en plaint à tous ceux qu’il voit ; mais on s’en rit, & l’on dit qu’il est le seul qui a tort de ce qu’il m’a fait, & de ce qu’il a pris un Loup pour un Daim, qui a un bois au front, & qu’un Loup n’en a point. Il dit qu’il a eu plus de cent coups sur l’œil dont il voit clair, sur le dos, sur les reins, bref, sur tout le corps, mais on fait le sourd à tant de mots qui font voir ce qu’il est, & si j’ay mal fait, moy qui ne veux que la paix pour tout.

Mais quand il voit que nul ne le plaint, il s’en va au Bourg, où il boit du vin blanc, qu’on dit qui est d’un tres-bon goust, mais qui est si fort, qu’il fait du mal si on le boit pur, & sans qu’on ait pris un peu de pain & de la chair, ou des noix, & il en boit tant qu’il perd le sens, qu’il n’a pas trop bon quand il n’a pas bu ; & quand il est si soû qu’il n’en peut plus, je le mets sur un lit, où il dort en porc tout le jour, & quoy qu’il soit plus gueux qu’un rat, on dit qu’il en boit tous les jours plus de trois pots tout pleins, & qu’il dort au prix, & c’est ce qui fait qu’il est gras à lard, & si l’on n’en a soin, il est plus prés de sa fin que l’on ne croit.

On m’a dit qu’il y a neuf ou dix jours qu’il est plus doux, qu’il ne boit plus de vin, & qu’il le hait plus que la mort, qu’il est long-temps à jeun les bras en croix, qu’il fait des vœux pour moy, & pour tous ceux de qui il a eu du mal, & à qui il en a fait ; que son cœur est pur dans la foy, & droit dans ce que veut la loy ; qu’il fait tout ce qu’on a pu voir dans les plus grands Saints ; en un mot, qu’il est mort à tout. Il est donc Saint, dis-tu ? Il est vray, fais ce qu’il fait, & tu te mets dans ce rang, & crois-moy, mon Cher, tout à toy.

[L’Art de naviguer] §

Mercure galant, février 1689 (première partie) [tome 2], p. 28-123 [extrait p. 55-56]

 

[...] Ces mesmes Vaisseaux de guerre avoient aussi des Tourelles sur la poupe, d’où la Milice combattoit à coups de dards & de fléches, & jettoit des feux & d’autres machines de guerre dans les Vaisseaux des ennemis, comme dit le mesme Virgile dans la peinture qu’il fait du combat naval de l’Empereur Auguste contre Antoine & Cleopatre.

Paraphrase allegorique aux Victoires de Monseigneur le Dauphin. Du Pseaume LXXI §

Mercure galant, février 1689 (première partie) [tome 2], p. 126-139.

 

Je ne doute point qu’aprés vous estre fait un si grand plaisir des divers Ouvrages que je vous ay envoyez sur les Conquestes de Monseigneur le Dauphin, vous ne soyez extremement satisfaite de celuy que vous allez lire. Il est de Mr l’Abbé de Viani, Prieur de l’Eglise de S. Jean d’Aix, qui l’a adressé à Mr le Duc de Montausier. C’est la Paraphrase Allegorique d’un Pseaume que David composa pour souhaiter à son Fils Salomon, les vertus qui luy estoient necessaires pour bien regner. Vous y verrez un juste rapport à tout ce qui est connu de la pieté & des vertus admirables de nostre Auguste Monarque. C’est une matiere inépuisable, & qui renouvelle de jour en jour.

PARAPHRASE
ALLEGORIQUE
Aux Victoires de Monseigneur
le Dauphin.
Du Pseaume lxxi.

Donne, Seigneur, au Fils du plus grand de nos Rois,
L’amour ferme & constant de tes divines Loix ;
Fais que sans s’écarter de la droite Justice,
Au Pauvre il soit toûjours favorable & propice,
Et que ses Jugemens des Peuples adorez,
Contre l’oppression les rendent assurez.
Fais que ceux qu’un haut Rang attache à sa Personne,
Soûtenant à l’envy le poids de la Couronne,
En fassent respecter l’Auguste Majesté,
Bien moins par leur Valeur que par leur Pieté ;
Et que les Magistrats qui dans leur Rang suprême,
Ont le sacré dépost des droits du Diadême,
Poussez de ton esprit, remplis de leur devoir,
En sçachent ménager le souverain pouvoir ?
Nous verrons dans ces lieux la Valeur, la Puissance,
Faire regner la Paix, la Vertu, l’Abondance.
Nous verrons un grand Roy, le plus grand des Guerriers,
De la main de son Fils recevoir des Lauriers,
Et sentir le transport de cette douce gloire,
Que donne aux Jeunes Cœurs la premiere Victoire.
Nous verrons ce Vainqueur par ses premiers exploits,
Regler des Opprimez les legitimes droits ;
Et par les beaux efforts de sa valeur guerriere
Retablir dans ses biens une Auguste Heritiere.
 C’est en vain, Philisbourg, que ceint de toutes parts,
Par des Marais profonds, par de fermes Remparts,
Tu méprisois les coups de la fiere Tempeste :
De ce jeune Heros tu feras la Conqueste,
Et de ton Defenseur le nom si fort vanté,
Se rendra plus celebre à la posterité,
D’avoir pû quelques jours arrester son audace,
Que d’avoir surmonté les efforts de la Thrace.
 Manhein suivra ta cheute, & son fier Palatin
Fuyant de ses Estats le rigoureux destin,
Aprés avoir causé cette cruelle guerre,
Sentira le premier les éclats du Tonnerre.
 Malgré ses Bastions & ses superbes Forts,
Frankendal tombera sous les nobles efforts
D’un Heros qui suivant sa course glorieuse,
Rangera sous ses Loix & le Rhin & la Meuse.
 En vain, fier Hollandois de sa grandeur jaloux,
Tu te crois dans tes eaux à couvert de ses coups ;
On a sçû te dompter malgré tes fortes Digues,
Et trancher par le Fer tes Traitez & tes Ligues,
Et te donnant la Loy dans tes propres Etats,
Te rendre le mépris de tous les Potentats.
 Qu’infidelle à son Sang, à son Pere perfide,
Ton ingrat Protecteur medite un Parricide ;
Que fier de ces Vaisseaux, plein de vastes projets,
Il arme contre un Roy ses rebelles Sujets ;
Par ses premiers succés s’accoûtumant au crime,
Qu’il traite en supposé l’heritier legitime,
Et de la calomnie empruntant le pinceau,
Qu’il attaque sans honte un Enfant au Berceau,
Le Ciel pour le punir formera des orages ;
Et le Prince animé par tant d’heureux présages,
Ecrasera ce Monstre ennemy de la Foy,
Et sur son Trône Auguste affermira ce Roy.
 Rome de ces hauts faits heureusement surprise,
Voyant dans ce Heros le soutien de l’Eglise,
De tous nos démêlez oubliant le malheur,
De mon Roy, de son Fils benira la Valeur.
 C’est alors que LOUIS au dessus de l’Envie,
Prolongeant par son Fils la gloire de sa Vie,
Formera par ses soins des Princes genereux,
Et se verra revivre encor dans ses Neveux,
Dont la posterité des siécles reverée,
Aura du Firmament l’éternelle durée ;
Et toûjours plus feconde en Héros immortels,
Exposera son Sang en faveur des Autels ;
Et par elle bientost, les Sultans de Bisance,
Malgré tous leurs efforts, & leur vaste puissance,
Verront par les rayons de ce Soleil naissant,
Obscurcir à jamais leur funeste Croissant.
 Ce DAUPHIN que la France & que le Monde admire,
Des Fleuves & des Mers bornera son Empire,
Et ses jaloux craignant la force de son bras,
Baiseront par respect la trace de ses pas.
 Les Flotes de Siam à travers les orages
Porteront leurs Tresors sur nos heureux Rivages,
Et les Barbares Rois des Peuples basanez,
Seront à ses genoux humblement prosternez.
 Le Pirate d’Alger cent fois plus redoutable
Au timide Marchand qu’un écüeil effroyable,
Sous les débris fumans de ses Murs embrasez,
Se reverra puny des maux qu’il a causez.
 Des méchants il sera l’impitoyable Juge,
Des pauvres opprimez il sera le refuge,
Contre leurs ennemis il sera leur apuy ;
Et leur état abject sera grand devant luy.
 L’Indien par son Or viendra le reconnoistre,
Et les Peuples divers voulant l’avoir pour Maistre
Par de riches Tributs obligeront leurs Rois
De venir promptement se soumettre à ses Loix.
 Sous un Regne si saint, si remply de Justice,
La Vertu sous ses pieds fera trembler le Vice.
Nos monts où ne croissoient que d’arides buissons,
Produiront sans travail de fertiles moissons,
Et ceux dont Dieu benit le chaste Mariage,
De Vertueux Enfans auront le doux partage,
Qui repeuplant nos Camps des plus braves soldats,
Deviendront le soûtien de ses vastes Etats.
 Aprés tant de bon-heur, ce Prince incomparable
Aura dans l’Univers une gloire durable.
Ses Ennemis frapez de sa vive splendeur,
Tenteront vainement d’affoiblir sa grandeur,
On le verra briller d’une égale lumiere,
Tant que l’Astre du jour fournira sa carriere.
 Grand Dieu, de qui les Rois ont toute leur grandeur,
Afin qu’un Monde entier t’adore avec ardeur,
Conserve dans LOUIS ton plus parfait ouvrage ;
Conserve en son DAUPHIN sa ressemblante image ;
Par Eux ton sacré Nom des Mortels respecté,
Regnera dans son lustre & dans sa Majesté.
***
 Illustre MONTAUSIER, dont l’ame genereuse
A toûjours protegé la Vertu malheureuse ;
Toy qui receu du Ciel la Candeur, la Bonté,
Et du monde naissant l’antique Probité ;
Quand des Cygnes fameux, qui charment tes oreilles,
De ton jeune Heros annoncent les merveilles,
Daigne encore écouter ce qu’aux bords du Jourdain
Un Saint Roy prononça par un esprit Divin,
Et ne refuse pas de presenter au PRINCE,
Ce tribut qui luy vient du fond d’une Province.

[Reception de M. de Cailliere & de M. l’Abbé Renaudot à l’Academie Françoise] §

Mercure galant, février 1689 (première partie) [tome 2], p. 139-145.

 

Le Lundy 7. de ce mois, Mr de Cailliere, & Mr l’Abbé Renaudot furent receus à l’Academie Françoise ; le premier, en la place de Mr Quinault, & le second, en celle de Mr Doujat ; & comme ils succedoient à deux grands hommes, dont le merite reconnu de tout le monde, leur fournissoit une tres-belle matiere, & que d’ailleurs ils avoient à soutenir le choix que l’Academie avoit fait d’eux dans un temps où elle avoit l’entiere liberté de ses suffrages, il vous est facile de penser de quelle beauté furent les Discours qu’ils firent pour remercier cette illustre Compagnie de les avoir admis dans son Corps. Mr Charpentier, qui comme Doyen se trouva chargé de la parole, au defaut de Mr de Villayer, Directeur, & de Mr Racine, Chancelier, qui ne purent se trouver à cette Assemblée, leur répondit avec une éloquence qui ne surprit point, parce qu’elle luy est ordinaire, mais qui ne laissa pas de luy attirer beaucoup d’applaudissemens. Comme il est à présumer que ces trois Discours seront bien-tost donnez au Public, selon la coutume, je ne vous rapporteray aucun des endroits que l’on en a retenus, de peur de les affoiblir par le changement des termes, qu’il seroit au moins fort difficile de mettre dans le mesme arrangement. Cette Seance finit par la lecture de quelques Ouvrages particuliers. Mr de Benserade leut des Vers qu’il avoit faits sur la prise de Philisbourg ; Mr le Clerc, un Sonnet sur ce que l’homme est capable d’entreprendre ; Mr l’Abbé Regnier, une Version en Prose Françoise, de son excellent Panegyrique du Roy en Vers Latins, & Mr l’Abbé de la Vau, des Vers François de Mr Boyer, pour mettre au dessous d’une Statuë de Sa Majesté.

Quant aux deux nouveaux Academiciens, Mr de Cailliere, dont le Pere estoit Gouverneur de Cherbourg, a esté employé en Savoye, en Baviere, & en Pologne. Il a beaucoup d’Amis, & sçait les belles Lettres autant que les peut sçavoir un homme du monde qui n’en fait point profession, ou du moins si peu, qu’il n’y a que le zele qu’il a pour le Roy qui ait pû l’obliger à se rendre Auteur, mais la vie de ce Monarque est si remplie de merveilles, que ceux qui ne se sont jamais mêlez d’écrire, se sont trouvez habiles pour le loüer.

Mr l’Abbé Renaudot est Petit-fils du fameux Theophraste Renaudot, qui a inventé la Gazette. Il travaille à cet Ouvrage, qui est d’autant plus difficile, que les Nouvelles y devant toujours estre resserrées à cause du peu d’étenduë qu’on a pour en parler, ceux qui y travaillent ne peuvent leur donner de tour où leur éloquence ait de l’étenduë. Ils peuvent encore bien moins y employer les raisonnemens, pour faire paroistre leur esprit. Les grands soins que Mr l’Abbé Renaudot donne à cet Ouvrage, sont cause que le Public n’en a jamais eu de luy d’une autre nature.

[Histoire] §

Mercure galant, février 1689 (première partie) [tome 2], p. 145-172.

 

Il y a souvent de la bizarrerie dans nos sentimens, & ce qui a rompu depuis peu un mariage qui estoit tout prest de se conclurre, en est une preuve assez extraordinaire. Une Demoiselle, tout-à-fait maistresse de ses volontez par la complaisance que sa Mere avoit pour elle, se voyoit recherchée de tous costez. Ses manieres engageantes & honnestes charmoient tous ceux qui la connoissoient ; elle estoit jeune & brillante, & comme les moindres choses paroissent spirituelles quand elles sont dites par une jolie personne, l’enjoüement de son humeur passoit pour vivacité d’esprit, & pour peu qu’elle parlast, elle donnoit un grand agrément à la conversation. Elle avoit perdu son Pere dés ses premieres années, & sa Mere ne se trouvant pas encore dans un âge extremement avancé, conservoit toujours du goust pour le monde, & voyoit avec plaisir que sa Fille luy attirast bonne compagnie. Son interest n’estoit pas de la marier si-tost. Elle jugeoit bien que dés qu’elle ne l’auroit plus avec elle, les visites cesseroient, & qu’en se hâtant de choisir un Gendre, elle chasseroit tous ceux qui s’empressoient à la divertir. Ainsi la Belle trouvant dans tous les Amans qui se declaroient, quelque defaut qui l’en dégoûtoit, estoit plûtost applaudie que combattuë par sa Mere, qui luy conseilloit toujours de se défier des mouvemens de son cœur, & de n’écouter que sa raison, quand elle voudroit penser à un établissement. Elle estoit d’ailleurs naturellement assez incapable de s’attacher, & si elle avoit quelque panchant, c’estoit pour les gens d’Epée en general ; un homme de Robe luy estoit insupportable, & elle n’en voyoit point qu’elle n’éloignast par sa froideur. Il arriva cependant qu’un homme de ce caractere entreprit de vaincre cette aversion. Il avoit beaucoup d’esprit & de bien, & estoit Conseiller dans un Parlement des plus éloignez. Une affaire d’un mediocre interest qu’il estoit venu terminer avec des Particuliers, le retenant à Paris depuis quatre mois, il luy prit envie de courir le Bal avec un de ses Amis au commencement du Carnaval. Ils se déguiserent fort proprement, & aprés avoir esté en plusieurs endroits, il finirent par une Assemblée où la Belle estoit. Le Conseiller fut frapé d’abord de ce qu’il vit de piquant en sa personne. La parure luy avoit donné des beautez nouvelles & ne trouvant rien plus digne de l’occuper le reste du soir, il s’approcha d’elle aprés que son Amy luy eut dit qui elle estoit. Il l’entretint fort longtemps, & s’il fut content de son esprit, elle ne le fut pas moins de la maniere delicate & fine dont il tourna mille choses obligeantes que l’honnesteté, ou plutost un commencement d’amour luy faisoit dire. La Belle qui s’en trouvoit agreablement flatée, aprés avoir soutenu avec beaucoup d’enjoüement une conversation de plus d’une heure, eut envie de voir à qui elle avoit affaire. Elle luy dit plaisamment qu’il suffisoit d’estre Fille pour se montrer curieuse, & le pressa tellement d’oster son masque, qu’il fut obligé de la satisfaire Il estoit bien fait, & son visage avoit je ne sçay quoy de noble qui prevenoit tout le monde en sa faveur. Comme il luy estoit entierement inconnu, elle voulut sçavoir davantage, & son accent luy marquant qu’il estoit d’une Province éloignée, elle le pria de luy apprendre ce qui l’avoit fait venir à Paris, & s’il avoit à y demeurer long-temps. Il l’asseura qu’il iroit chez elle luy en rendre compte, & il en obtint la permission. Lors qu’il fut sorty du Bal, il fit force questions à son Amy sur la conduite & sur le bien de la Demoiselle. Il n’entendit rien que d’avantageux de l’un & de l’autre, & cet Amy le voyant dans quelque dessein de se faire une affaire serieuse de l’attachement qu’il auroit pour elle, l’avertit du peu de succés qu’il en devoit esperer par le dégoust qu’elle avoit toûjours fait voir pour les gens de Robe. Le Conseiller crut qu’avec un peu de ménagement il viendroit à bout de cet obstacle, & que s’il pouvoit, en habit de Cavalier, luy faire prendre pour luy quelque favorable impression, la connoissance qu’elle auroit ensuite de la verité, ne détruiroit point les sentimens qu’il auroit fait naistre. Dans cette pensée il prit un Juste-au-corps fort brodé, un Chapeau avec des plumes, & ce qui pouvoit convenir le mieux à un Cavalier ; & comme il avoit un Frere qui avoit suivy la profession des armes, & qu’ils estoient assez ressemblans de traits & de taille, il résolut de passer pour luy. Dans cet équipage il alla rendre visite à la Belle, & en fut receu avec tout l’accueil que la bien-seance luy pouvoit permettre. Il fit connoistre d’abord la Maison dont il étoit, dit qu’il avoit un Aîné receu Conseiller depuis six ans, & que pour luy, ayant pris employ parmy les Troupes dans sa plus grande jeunesse, il n’avoit encore soupiré que pour la gloire, mais qu’il craignoit bien que son cœur ne fust forcé de changer d’objet. Cette douceur ne fut pas perduë. On la releva d’une maniere qui luy fit connoistre que ses assiduitez ne déplairoient pas. Il en eut beaucoup pour cette aimable personne, qui en peu de temps le rendit fort amoureux. Il se déclara, & luy offrit tous les avantages qu’elle pouvoit esperer d’une personne qui avoit un bien considerable. Quoy qu’elle ne le regardast que comme Cadet, elle avoit lieu d’estre satisfaite, puis que par les informations qu’elle avoit fait faire fort soigneusement dans la Province, il estoit constant que ce Cadet joüissoit de plus de vingt mille livres de rente, ce qui estoit tres-accommodant. Une seule chose luy causoit de l’embarras. Toutes les Lettres qui parloient du Cavalier, luy apprenoient que le plaisir de paroistre luy avoit toûjours fait faire une fort grosse dépense, & si d’un costé elle ne pouvoit blâmer un panchant si noble, elle apprehendoit de l’autre, que pour soûtenir la mesme dépense, il ne s’avisast de la releguer dans quelque Terre où elle seroit reduite à vivre fort resserrée. Elle sçavoit que quantité d’Officiers en usent de cette sorte. Ils mettent leurs Femmes sur le petit-pied, tandis qu’ils consument la plus grande partie de leur bien à servir le Roy avec éclat, & si quelquefois un Gouvernement les en indemnise, leurs plus beaux jours sont passez quand elles partagent la bonne fortune qui arrive à leurs Maris, & en l’attendant elles menent une vie fort desagreable. Malgré toute la justice que la Belle estoit forcée de rendre au merite de son Amant, son cœur estoit toûjours tout à elle, & l’amour n’ayant point de part au choix qu’elle devoit faire pour son établissement, ne combatit point ces reflexions. Elles l’emporterent sur son panchant naturel, & luy firent prendre une resolution dont on ne l’auroit jamais creüe capable. Ce fut d’exiger du pretendu Cavalier qu’elle voyoit si rempli d’amour, de luy prouver l’entiere soumission qu’il juroit avoir à ses volontez, en renonçant à l’épée, & choisissant une Charge dans la Robe, qui l’empescheroit de continuer les grandes depenses qu’il avoit accoustumé de faire à l’Armée. Elle ne pouvoit se figurer qu’il y eust aucune honte pour elle dans ce changement de goust, puis qu’on ne pourroit luy reprocher que ce fust l’amour qui l’y eust reduite, & qu’on verroit au contraire qu’elle auroit eu assez de pouvoit pour metamorphoser un homme de guerre, ce qui devoit estre un grand triomphe pour sa vanité. Elle demanda l’avis de sa Mere, qui ne manqua pas de la confirmer dans ce dessein, ne doutant point que la proposition ne fust rejettée par son Amant, & que son refus ne rompist le mariage. Le mesme jour, elle s’expliqua avec le faux Cavalier qui la pressoit toûjours de conclure, & ne voulant pas luy laisser voir qu’une raison d’interest fust cause de ce qu’elle avoit à luy demander, elle luy dit d’une maniere flateuse, qu’il estoit si bien venu à bout de toucher son cœur, qu’il y avoit mis des sentimens trop tendres pour luy, & qu’il luy estoit impossible de consentir à le laisser dans un employ dangereux qui l’obligeoit d’exposer sa vie à tous momens ; qu’ainsi c’étoit à luy à examiner s’il l’aimoit assez pour la vouloir acheter aux despens d’un peu de gloire, parce qu’à moins qu’elle ne le vist revestu de quelque Charge qui l’arrestant auprés d’elle, luy donnast lieu de vivre en repos, elle ne pouvoit se resoudre à l’épouser. Imaginez-vous combien le Conseiller eut de joye. Il se voyoit hors de l’embarras où le mettoit la necessité de declarer qu’il n’estoit point un homme d’épée ; il avoit d’ailleurs le plaisir de connoistre par la crainte de la Belle qu’elle avoit le cœur veritablement touché, puis qu’elle n’auroit pas pris tant d’interest à la conservation de sa vie, si elle n’eust eu de la tendresse pour luy. Il l’asseura qu’elle pouvoit ordonner de sa fortune, & que l’avantage de luy plaire estoit le seul qu’il envisageoit. Une complaisance si aveugle qui est la marque d’un excés d’amour, la flata sensiblement. Elle s’en fit un honneur, & sceut bon gré à ses charmes de la victoire qu’ils luy faisoient obtenir. Cependant comme elle vouloit autre chose que des paroles, & que les effets seuls luy pouvoient répondre de tout le pouvoir qu’elle avoit sur son Amant, elle le pria de voir ce qui le pouvoit accommoder dans la Robe, afin de luy oster la tentation où il pourroit estre, aprés l’avoir épousée, de ne point changer de profession. Tout ce qu’elle luy dit là-dessus pendant huit jours, fut si fort & si pressans, qu’il ne crut aucun peril à luy dire que rien ne devoit retarder leur mariage, puis qu’il estoit ce qu’elle vouloit qu’il fust. En suite il luy expliqua la tromperie que son amour luy avoit fait faire, lors qu’on avoit voulu luy persuader qu’elle ne pouvoit souffrir que les gens d’épée, & il accompagna tout ce qu’il luy dit pour excuser son deguisement, de tant de marques d’une vive passion, qu’il ne douta point que la faute dont il demandoit pardon, ne fust oubliée sans peine par le motif qui l’avoit causée. Il en arriva pourtant tout autrement. La Belle rougit, demeura resveuse, & pria le Conseiller de luy donner le reste du jour pour demesler divers sentimens, qui se detruisoient les uns les autres, & qu’elle ne connoissoit pas assez elle-mesme. Ainsi il fut obligé de la quitter sans sçavoir à quoy devoit aboutir sa resverie. Elle demeura dans de cruelles agitations. Un Cavalier devenu homme de Robe par le pouvoir qu’elle auroit pris sur ses volontez, luy parut fort different de celuy que son propre choix avoit attaché à cette profession. Elle se representa combien il devoit luy estre honteux qu’on pust dire dans le monde que l’amour ou l’interest, & peut-estre tous les deux ensemble, l’auroient obligée à changer de sentimens, aprés l’éloignement qu’elle avoit toujours fait voir pour toutes les personnes de Magistrature. D’ailleurs, son Amant l’avoit trompée, & il luy sembla qu’elle ne pouvoit sans abaissement se rendre la recompense de sa tromperie. Mille autres choses luy passerent dans l’esprit. Un homme qui avoit eu l’adresse de se déguiser si bien, devoit manquer de sincerité en toutes choses, & elle voyoit à craindre que sa passion estant usée par le mariage, ce qui n’arrive que trop ordinairement, il ne fust tout autre qu’il ne s’estoit fait connoistre. Le plus chagrinant de tout, c’estoit de s’estre vantée qu’elle luy faisoit changer d’inclination, en le reduisant à quitter les armes, & que ce fust elle qui parust en avoir changé pour luy. C’estoit un affront qu’elle voulut s’épargner, & ces differentes considerations luy en firent prendre le dessein si fortement, que son Amant luy ayant demandé le lendemain ce qu’elle avoit resolu, elle ne balança point à luy répondre, qu’elle feroit toujours gloire d’estre son Amie, mais que jamais elle ne seroit sa Femme. Les raisons qui la portoient à ce changement, furent ensuite expliquées. Le Conseiller crut d’abord qu’elle vouloit l’éprouver, & il ne pouvoit comprendre qu’elle eust souhaité le voir dans l’estat où estoit, & qu’elle pust luy en faire un crime. Elle renonçoit à un Party fort avantageux, & ne pouvoit se mettre au dessus d’une formalité ridicule. Il y avoit en cela beaucoup de caprice, & quand il vit qu’elle y persistoit obstinément, malgré tout l’amour qu’il avoit pour elle, il fit agir sa raison pour s’en guerir. Il crut mesme que ce luy estoit une espece de bonheur de n’avoir point à passer sa vie avec une personne capable d’une bizarrerie aussi forte que celle qui l’obligeoit à cette rupture. Il prit congé d’elle pour s’en retourner dans sa Province, & la laissa dans l’entiere liberté de faire tel choix qu’elle voudroit. Il ne laissa pas de souffrir beaucoup, parce qu’il n’est pas aisé de se défaire d’une forte passion. Heureux celuy qui peut en sauver son cœur, & qui ne sçait point par experience que les douceurs de l’amour ne sont la pluspart qu’imaginaires.

Air nouveau §

Mercure galant, février 1689 (première partie) [tome 2], p. 172-173.

C'est là-dessus qu'on a fait les Vers que vous allez lire ; ils ont esté mis en air par un de nos plus sçavans Musiciens.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Amour tous tes plaisirs ne sont qu'imaginaires, doit regarder la page 172.
Amour, tous tes plaisirs ne sont qu'imaginaires,
 Ne viens point surprendre mon coeur
 Sous tes esperances legeres.
 Si tu devenois son vainqueur,
Il ne seroit jamais dans un estat paisible,
Tu luy verrois former mille importuns desirs,
Et tu le trouverois peut-estre plus sensible,
 A tes peines qu'à tes plaisirs.
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[Mariage du Prince de Toscane & de la Princesse de Baviere] §

Mercure galant, février 1689 (première partie) [tome 2], p. 173-175, 184-190, 198-213, 217-226.

 

Vous avez sceu le mariage du prince de Toscane, Fils du Grand Duc de Florence, avec la Princesse Yoland Beatrix, Soeur de Mr l'Electeur de Baviere, & de Madame la Dauphine ; il faut vous en dire les particularitez. Le Marquis Corsini, Grand Veneur & Ministre d'Estat, ayant esté envoyé en qualité d'Ambassadeur Extraodinaire, pour faire la demande de cette Princesse, arriva le 17. Novembre à Sentilm, éloigné d'un mille de Munic, où le Comte Kamauser, Chevalier de la Clef d'or, Conseiller d'Estat du Prince Clement de Baviere, & Commissaire delegué, se rendit le mesme jour avec dix Carosses. Ce Comte ayant avec luy trois Ecuyers de Son Altesse Electorale de Baviere, fut receu par l'ambassadeur au haut degré. [...]

 

Le 21. les Epousailles se firent dans la Chapelle qui est au bout de la grande Salle. Aprés les Cavaliers de la Cour, marchoit son A.E. ayant l'Ambassadeur à sa droite, & le Prince de Neubourg à sa gauche. Madame l'Electrice & la Princesse de Baviere suivoient accompagnées de toutes les Dames. Les Archers estoient rangez par les Corridors, avec des livrées neuves d'un drap bleu, galonné d'argent. Le Prince Clement se trouva à la porte de la Chapelle en habit de ceremonie, & donna de l'eau benite aux Princes & à son Excellence. Il avoit avec luy l'Evesque suffragant de Praissing en habits Pontificaux, qui donna trois coups d'encensoir à leurs Altesses, & deux à l'Ambassadeur. Ce Prelat fit la fonction de la ceremonie de l'anneau. Du costé de l'Evangile leurs Altesses Electorales avoient deux Fauteüils sur une estrade assez élevée. La Princesse, ayant le Prince de Neubourg à sa gauche, estoit vis-à-vis de l'Autel, & du costé de l'Epistre on voyoit l'Ambassadeur entre la Princesse & le Prince Clement, mais reculé deux pas en arriere. Il avoit un tapis, & un carreau avec une chaise de velours noir ; toutes les autres estoient de velours rouge. On chanta le Te Deum, & la ceremonie estant achevée, la Princesse se retira dans son appartement, où tous les Princes l'allerent complimenter ainsi que l'Ambassadeur. On soupa dans la mesme Salle où cette ceremonie avoit esté faite. La Princesse de Baviere eut la premiere place, puis l'Electeur, l'Electrice, le Prince Clement & le Prince de Neubourg. L'Ambassadeur fut present à une partie de ce repas, demeurant toûjours couvert, & fut traité ensuite magnifiquement. Vingt personnes des plus qualifiées prirent place à la table, & entre autres le premier Ministre & le Maistre de Chambre de Mr l'Electeur. Il fut servi par un Ecuyer & par des Pages, & les Gens de livrée servirent les autres. Il y eut le soir une Serenade. Le Theatre qu'on avoit élevé pour cette feste, estoit dans un petit jardin du Palais où l'on avoit dressé une tente, remplie de feüilles d'or, & illuminée d'une infinité de flambeaux & de divers lustres de Cristal. Au dessus estoient deux loges pour cent Musiciens qui chanterent tout ce qui pouvoit convenir au sujet de cette Feste.

Le 23. on eut le plaisir du Carrousel. Il commença par un excellent concert de Musique. La Decoration du Theatre où il fut fait, representoit le Jardin des Hesperides. Mr l'Electeur & le Prince Clement y parurent ensemble avec beaucoup d'avantage, le premier montrant tant d'adresse & de bravoure en l'exercice du dard, de la lance, du pistolet & de l'épée, qu'il fut aisé de juger combien ce Prince est redoutable à ses Ennemis lors qu'il est en campagne. Il y eut bal au Palais le soir de ce mesme jour. Mr l'Electeur l'ouvrit avec la Princesse de Toscane. Madame l'Electrice dansa aussi, mais fort peu à cause de sa grossesse. [...]

 

[...] Le premier jour de Decembre, la Reine Doüairiere de Pologne & [la] Princesse [de Baviere], demeurerent au Palais, où il y eut Bal aprés soupé. La Princesse dansa avec les deux petits Princes, & le soupé fut servy ensuite dans l'appartement de la Reine. Le lendemain elle monta dans le Carosse de Sa Majesté, qui la conduisit à un mille de la Ville. Ce Carrosse estoit precedé de seize autres remplis de Seigneurs & de Dames de la Cour. La Milice estoit rangée de la mesme sorte qu'au jour de l'entrée de la Princesse. On tira encore tout le Canon de la Ville, & lors que la Reine l'eut quittée au commencement de la Montagne, elle entra en Litiere, & continua sa route à Motter, puis à Sterzing. Le 6. elle arrive à Bolzano, dont le Gouverneur vint la recevoir à un mille avec trois Carrosses remplis de Seigneurs, & quantité de Milice qui environna sa Litiere, & la conduisit jusqu'au lieu où elle devoit loger. Elle y fut receuë au bruit d'une décharge de Boëtes. Le mauvais temps l'obligea de s'y arrêter le 7. Elle se fit apporter quantité de choses de la Foire qui se tenoit ce jour là, & fit des presens à la Marquise Bichi, & aux autres Dames, qui luy luy avoient esté envoyées par le Grand Duc, de ce qui pouvoit leur estre propre. Le 8. jour de la Conception, [la Princesse de Tocane] fit ses devotions dans la Chapelle du Palais, & partit l'aprésdînée. Le Gouverneur qui l'a fit salüer en sortant d'une pareille décharge de Mousqueterie & de Boëtes, l'ayant accompagnée jusqu'à deux milles de là, luy laissa continuer son voyage. Le 10. elle arriva à Trente, & fut aussitost complimentée de la part de l'Evesque du lieu, qui luy envoya un regale de quarante bassins de toutes sortes de rafraischissements. Le 11. au soir en passant devant une Forteresse qu'on appelle Beseno, elle fut saluée de plusieurs coups de Canon, & receut les mêmes honneurs en entrant à Rovereto, où elle fut logée au Palais de l'Empereur. Le Comte Kinighil, Commissaire de Sa Majesté Imperiale & le Dépositaire Imperial, la complimenterent à Borghetto, & elle trouva sur toute la route un tres-grand concours de Peuple. Le Marquis Carlotti la regala splendidement à Caprino, & à un mille hors de Verone, cette Princesse rencontra la Marquise Canossa, la Comtesse Monti, la Comtesse Verita avec sa Fille qui venoient la saluer, suivies de plusieurs autres Carosses remplis de Seigneurs, parmy lesquels estoit le Marquis Allegri, envoyé par la Republique pour luy faire compliment. Elle trouva les Milices des Gardes sous les armes à la porte de la Ville, & une foule de Peuple dans toutes les ruës. Le Palais du Marquis Carlotti, où elle alla descendre, estoit plein de Dames qui l'attendoient, magnifiquement parées. Les Recteurs envoyerent à ce Marquis un regale de rafraichissemens pour cette Princesse, qui fit des liberalitez au Maistre d'Hostel qui l'accompagna, & à ceux qui l'apporterent. Le Duc de Modene luy dépescha le Marquis Gherardini pour l'inviter à passer dans ses Etats, dequoy elle s'excusa avec beaucoup de civilité. Il y eut Comedie le soir, & le 16. le Marquis Carlotti luy donna le Bal qui fut ouvert par un concert de Musique. La Princesse qui estoit incognito, ne voulut point y danser, & se tint sous la porte de la premier Antichambre avec le Prince Clement son Frere, qui l'avoit toûjours accompagnée jusque-là. Ils se separerent le lendemain avec de grandes démonstrations de douleur & de tendresse. Estant arrivée à Ostilia, elle y fut logée dans une maison magnifiquement meublée que luy avoit fait preparer le Duc de Mantouë. Ce Prince vint la visiter en poste le 19. Le Marquis Ferdinand Capponi, & d'autres Seigneurs le reçeurent lors qu'il descendit de cheval, & le Marquis Corsini, Ambassadeur, qui l'attendoit au haut du degré, le conduisit à la chambre de la Princesse, avec laquelle il demeura un demy-quart-d'heure, l'un & l'autre estant assis. Elle logea à la Mirandole chez le Comte Boretti, & fut invitée à un Bal où elle alla incognito & masquée, suivie de la Marquise Bichi & d'autres Dames. Elle ne vit ny le Duc ny la Duchesse de la Mirandole, parce qu'ils estoient indisposez mais trois de leurs Fils se trouverent à ce Bal, où s'estant placez sans aucun ordre, ils s'appocherent d'une maniere libre & dégagée du lieu où estoit cette Princesse, & luy firent compliment. La chose se passa comme en l'autre Bal, & elle n'y dansa point. A trois mille de Buon-porto, le Comte Negrelli vint au devant d'elle avec trois Carrosses à six chevaux. Le Duc de Modene, qui l'avoit envoyé, vint la visiter luy mesme à Buon-porto, où elle logea au Palais du Marquis Rangoni. Le 22. elle prit la route de Bologne, & elle en estoit à deux milles, lors qu'elle rencontra le Prince Jean Gaston de Toscane, second Fils du Grand Duc, qui descendit de Carrosse pour luy faire compliment. Aprés qu'ils se furent tirez d'un passage dangereux où il luy donna la main, il s'avança pour se trouver à la porte de Palais du Comte Ranuzzi, où quantité de Seigneurs & de Dames attendoient cette Princesse. Le 23. elle receut les presens du Grand Duc, qui consistoient en un fort grand nombre de pierreries. Le matin le Cardinal Legat luy envoya faire compliment, qu'elle luy fit rendre par le Marquis Ferderic Ricci. Cette Eminence luy envoya aussi un fort beau regale de toutes sortes de rafraichissemens. L'aprésdisnée, on luy donna le divertissement d'un Tournoy. Il y avoit six Quadrilles. Le Chef de chacune estoit assisté de deux Parrains, & de quatre Chevaliers. Deux Mestres de Camp avoient l'œil à tout. Chaque Quadrille se promena seule une fois l'une aprés l'autre le long de la Galerie. Elle estoit precedée de Pages à cheval avec des lances, & suivie de quantité de gens de livrée, ce qui faisoit un tres-bel effet. Elles se diviserent ensuite, & chacun des six Chevaliers courut cinq fois. La Cariere estant finie, ils firent tous le tour du Theatre, & s'arresterent devant la Loge où estoient la Princesse de Toscane & le Prince Jean Gaston, les six Chevaliers au milieu. La diversité des habits tres-riches & des livrées qui se mêlerent ensemble, jointe à la fierté des Chevaliers dont les six Quadrilles estoient composées, formoit un tres-beau spectacle. Le soir il y eut Bal, & les principales Dames s'y trouverent richement parées, & vestuës à la Françoise. Leurs Altesses danserent une fois ensemble, & la Princesse dansa deux fois avec d'autres. Toutes les Dames se tinrent debout par respect chaque fois qu'elle dansa. Le 24. au soir, elle alla aux Jésuites, où se recitoit un Dialogue sur le mistere de la Nativité, & ce fut là qu'elle vit le Cardinal Legat qui luy fit compliment, ainsi qu'au Prince Jean Gaston. Le 26. elle coucha à Loiano, & le 27. à Firenzvola, où toute la Milice la receut sous les armes avec des salves reïterées. Le Marquis Riccardi, grand Ecuyer du Grand Duc, vint en ce lieu-là pour luy faire compliment au nom du Prince son Maistre, de la Grand'Duchesse Vittoria, & du Prince son Epoux, que quelques accés de fiévre avoient empesché de venir incognito à Bologne, comme il l'avoit resolu. Un peu aprés le Marquis Alexandre Capponi, grand Majordome du Cardinal de Medicis, vint luy faire de sa part de semblables complimens. Cette Princesse estant partie le 28. au matin pour se rendre à Florence, trouva au haut de Montagne del Giogo une Compagnie de trois cens Carabins qui firent plusieurs décharges pour la salüer. [...]

 

Le jour de son Entrée publique à Florence ayant esté arresté au 9. Janvier, & toutes choses s'étant trouvées prestes pour cela, la Princesse passa par la porte à Pinti, & ayant fait le tour d'une Eglise, appellée la Madonna della Tossa, elle arriva au Pont rouge, d'où elle se rendit au lieu où elle devoit estre couronnée. On y avoit dressé un Autel richement orné avec six flambeaux d'or. Elle se mit à genoux devant cet Autel, & le Grand Duc luy mit la Couronne sur la teste ; elle luy avoit esté presentée par un Prelat dans un bassin d'or. Ensuite l'Archevesque de Sienne y mit la main, & finit la fonction par quelques prieres. Cette ceremonie estant achevée, on vint commencer la Cavalcade. Quatre Commandeurs à cheval marchoient à la teste ; puis on voyoit l'Etendard & les six grands Flambeaux d'argent de la Cathedrale, avec l'Etendard de l'Abbaye, dont tous les Religieux suivoient. Ils precedoient le Clergé des Paroisses & des Eglises Collegiales. Celuy de la Cathedrale marchoit le dernier avec huit Chantres ordinaires, ayant leurs masses d'argent, & revestus de Chasubles. Aprés eux venoit la Cavalerie, separée en huit Compagnies, chacune d'une couleur differente. Huit Trompettes la precedoient avec trois Sergens Generaux, & trois de ses principaux Officiers, qui avoient tous une belle suite de livrée. Les Cuirassiers alloient quatre à quatre, & chaque Compagnie avoit deux Trompettes avec son Capitaine à la teste. On voyoit ensuite douze Trompettes ayant les livrées du Prince de Toscane, & deux cens Chevaliers habillez superbement, & tres-bien montez. Leur suite estoit des plus éclatantes. Les Marquis Corsi & Salviati estoient les Mestres de Camp. Sur la fin de la Cavalcade parurent douze Massiers à cheval, avec leurs masses d'argent, & des habits de velours cramoisi. Six Commandeurs estoient aussi à cheval ayant un manteau violet, & une baguette à la main. Immediatement aprés eux venoient les Chanoines de la Cathedrale sur des mulets qui avoient des housses noires. Ils estoient vestus de leurs habits ordinaires, avec le chapeau de Protonotaire Apostolique sur la Calote, & precedoient vingt Prelat pareillement montez sur des mules, & avec des Surplis, le petit manteau, & leurs chapeaux comme de coutume. La Cavalcade des Evêques ayant passé, on vit venir les Gardes du Prince de Toscane, & un peu aprés le Prince Jean Gaston à cheval en habit de campagne, & accompagné de deux Ecuyers, avec des Pages, & autres gens de livrée. Ensuite parut le Prince de Toscane aussi à cheval, & avec deux Ecuyers. Il estoit en habit de Ville, environné d'un tres-grand nombre de Pages. Sa livrée estoit à la Françoise. A quelque distance suivoit la Princesse de Toscane, ayant la Couronne en teste. Son habit estoit de toile d'argent brodée d'or avec le manteau semblable. Elle estoit dans une maniere de Litiere découverte portée par deux mules blanches. Trente-deux jeunes Gentilshommes magnifiquement vestus, & tous de mesme parure, portoient le Dais tour à tour, huit à la fois. On y avoit attaché quatre cordons sur les coins. Le Marquis Corsini, Ambassadeur, & le Chevalier Piero Capponi, Maître de chambre de la Princesse, marchoient à costé du Dais, & derriere estoient les principaux du Senat, montez sur de beaux chevaux. Ils marchoient devant le Carrosse de la Princesse, d'une richesse extraordinaire, dans lequel estoit la Marquise Bichi, sa Dame d'honneur. Aprés celuy-là paroissoit celuy des Dames, puis deux autres Carrosses de cette même Princesse, & un fort grand nombre de ceux de la Cour. Elle arriva dans cet ordre à la Cathedrale, où l'Archevesque de Florence en habits pontificaux, la receut à la porte de l'Eglise. Elle fut conduite au Chœur, & lors que chacun eut pris sa place, ce Prelat entonna le Te Deum. On retourna de là au Palais dans le mesme ordre de Cavalcade tant pour la Cavalerie que pour les Prelats & les Chanoines. Le Grand Duc qui l'attendoit, luy donna la main, & la conduisit jusqu'en son appartement. Lors qu'elle entra au Palais, les deux Forteresses tirerent tout leur Canon. Le 10. elle alla visiter l'Eglise de l'Annonciade, & se laissa voir au Peuple dans la place de Sainte-Croix. Le soir de ce mesme jour l'on fit des Illuminations par toute la Ville, & il y eut des Feux de joye au Palais pendant trois jours. [...]

[Statuë elevée à la gloire du Roy] §

Mercure galant, février 1689 (première partie) [tome 2], p. 257-266.

 

L'usage d'élever des Monumens publics à la gloire des grands hommes, comme on en dressoit dans l'ancienne Grece, & dans l'ancienne Rome, ayant cessé pendant plusieurs siecles, il falloit un Monarque qui surprist tout l'Univers par des actions aussi étonnantes que celles qu'on voit faire tous les jours à LOUIS LE GRAND, pour le rétablir. Cet usage a donc recommencé, mais ce n'est encore que pour ce Monarque. Toutes les Provinces de son Royaume luy font élever des Statuës équestres, ou en pied, accompagnées de plusieurs autres Figures pour leur servir d'ornement, & pour marquer la gloire de ce grand Roy. Plusieurs Villes en leur particulier ont fait faire de ces grands monumens, & elles ont esté imitées par des Communautez des mesmes Villes, qui en ont fait aussi élever dans les lieux de leurs Assemblées, à proportion de leur pouvoir & de la grandeur de ces lieux, ceux qui n'ont pû faire faire des Figures entieres, ayant fait faire des Bustes. Quelques particuliers ont fait la mesme chose. Les Grands Seigneurs ont commencé, & ils ont esté suivis de ceux qui n'avoient pas moins de zele, quoy qu'ils fussent d'un rang moins élevé. Mr du Bois, Controleur de la Maison de Madame la Dauphine, a esté de ce nombre, & Monseigneur le Dauphin accompagné de Madame la Princesse de Conty & d'un grand nombre de Seigneurs & de Dames de la Cour, luy fit l'honneur de venir chez luy le 6. de ce mois pour voir la Statüe qu'il a fait faire. Elle represente le Roy qui foule aux pieds l'Heresie. Elle est de huit pieds de haut, & habillée à la Romaine. La Statuë, & l'Heresie qui paroist terrassée sous ses pieds, sont d'un seul bloc de marbre. Cet Ouvrage est de Mr le Comte, excellent Sculpteur. Il a employé tous ses soins, & toute son application pour la rendre parfaite, mais il n'a pas voulu finir le visage, & l'a laissé à la rape, pour attendre le jugement de ceux qui sont capables d'en bien décider. Cependant il a fait un Masque, que Monseigneur qui est fort bon Connoisseur, tant par son bon goust naturel, que parce qu'il designe parfaitement bien, & qu'il a beaucoup d'Antiques, a trouvé fort ressemblant ; & c'est sur le modelle de ce Masque que Mr le Comte achevera le visage de la Figure du Roy.

Voicy trois Inscriptions Latines & une Françoise qui ont esté faites pour estre gravées sur le piedestal.

I.

Per te Relligio tot ab hostibus una triumphat.

II.

Hoc Monstrum, indignante Erebo, sub vincula misi.

III.

Populi amor,
Gentium terror,
Hostium debellator,
Hæreseos domitor.

IV.

Aprés avoir éteint le flambeau de la guerre,
LOUIS sur les Enfers détourna son tonnerre,
Et ce Monstre cent fois vainement combattu,
Est le Monstre odieux dont il purgea la terre,
Et le fruit que le Ciel voulut de sa vertu,

On n’a encore fait choix d’aucune, & ceux qui ont du talent pour les Ouvrages de cette nature, sont priez d’en envoyer. Il n’importe que ces Inscriptions soient en Prose ou en Vers, en Latin ou en François, pourveu qu’elles soient courtes.

Le Roy a fait present à Mr du Bois de trois Medailles d'argent, pour mettre dans le soc de la Statuë. Le revers de la premiere represente la Religion qui couronne Sa Majesté, avec ces mots, Ob decies centena millia Calvinianorum ad Ecclesiam revocata. Celuy de la seconde est la ruine des Temples, & autour, Templis Calvinianorum eversis. Le revers de la troisiéme est l'Heresie détruite, & l'Eglise Triomphante avec ces paroles, Hæresis extincta

Mr du Bois a fait frapper en bronze ces mesmes Médailles, & les a mises toutes trois dans le Piedestal. Il en fera faire une quatriéme, dont la face droite representera le Roy, ainsi que toutes les Medailles qui regardent ce Monarque. La Statuë que Mr du Bois a fait faire sera au revers, & ces mots autour. Car. du Bois-guerin hoc monumentum erexit A.R.S.H. 1688. Cette Médaille accompagnera les trois autres dans le soc & dans le Piedestal.

Lors que Monseigneur monta en Carrosse en sortant de chez Mr du Bois, il fut salué de plusieurs coups de Canon, & d'un grand nombre de Boëtes qui estoient dans le Jardin du Palais Royal, & comme ce Prince alla à l'Opera ce jour-là, le mesme Canon, & les mesmes Boëtes firent encore une décharche lors qu'il en sortit, Mr du Bois ne pouvant le remercier que par là de l'honneur qu'il luy avoit fait. Il témoigna encore sa joye sur les dix heures du soir par un grand nombre de fusées volantes qu'il tirer.

Remerciement de Mr de Caillieres à Mrs de l'Academie Françoise §

Mercure galant, février 1689 (première partie) [tome 2], p. 268-292.

 

On vient de me donner une Copie du Discours que Mr de Callieres prononça à l’Academie Françoise le jour qu’il y fut receu, & je vous l’envoye, afin que vous ne soyez pas plus long-temps privée du plaisir de connoistre par la beauté des pensées, & par les traits d’Eloquence dont il l’a remply, combien il a répondu dignement au choix qu’on a fait de luy, pour succeder à Mr Quinault. C’est de cet illustre Academicien qu’il parle au commencement de ce Discours.

REMERCIEMENT
De Mr de Caillieres à Mrs
de l’Academie Françoise.

Messieurs,

L’honneur que je reçois aujourd’huy excite en moy des passions bien differentes. Il me comble de joye de me voir admis dans une Compagnie aussi celebre que la vostre, & il me donne une juste crainte de ne pouvoir remplir dignement tous les devoirs que vous m’imposez par un si grand bienfait. Vous m’avez choisi pour succeder à un Academicien illustre par la beauté & la fecondité de son genie, par le tour heureux & naturel de ses productions, par sa douceur, par sa politesse, & par ses autres qualitez personnelles qui vous le font justement regreter. Vous m’avez associé aux premiers hommes de l’Estat, & aux plus sublimes Genies de nostre siecle, & vous m’avez, pour ainsi dire, adopté dans la Famille des Muses, pour me faire part de leurs tresors, dont vous estes les proprietaires legitimes, & les justes dispensateurs.

Comment pourray-je, Messieurs, vous témoigner toute la reconnoissance que je vous dois, pour des graces si grandes & si peu meritées ? Je n’en apperçois qu’un seul moyen, qui est de vous persuader que j’en connois le prix. Permettez-moy donc, Messieurs, pour satisfaire en quelque sorte à mes obligations de rendre le témoignage qui est dû au merite extraordinaire de vostre illustre Compagnie, & de vous renouveller le souvenir agreable des grandes utilitez que la France a tirées de son institution.

L’Academie a esté instituée pour perfectionner l’Eloquence & la Poësie Françoise, en travaillant à la pureté & à l’élegance de nostre Langue. Avant son établissement, le stile de nos Peres tenoit encore de la rudesse & du mauvais goust des siecles precedens. Les uns cherchant à s’exprimer dans le genre sublime, affectoient des discours guindez & enflez par des figures outrées & par des termes tirez des Langues mortes qui les jettoient dans l’obscurité. Les autres pensant égayer leur maniere de parler & d’écrire, remplissoient leurs discours & leurs Ouvrages de jeux de mots, d’équivoques, de Proverbes, & d’autres puerilitez fort éloignées de l’éloquence majestueuse des anciens Orateurs Grecs & Latins.

L’Academie a purgé l’Eloquence Françoise de ces defauts differens qui regnent encore chez les Nations voisines. Elle l’a formée sur le modelle de ces grands Originaux de l’Antiquité qui sont la regle certaine du bon goust & de la vraye éloquence ; elle l’a reduite dans les bornes de la droite raison, dont il ne luy est plus permis de sortir pour courir aprés les pointes, & pour se parer du brillant de quelques fausses pensées. Elle l’a renduë simple, naturelle, aisée, & cependant vive, noble & élevée dans sa simplicité ; & elle a enfin atteint ce point de justesse & de perfection si difficile à trouver dans ce bel art, le plus utile & le plus excellent de tous les arts, qui ayant pour but de plaire & de persuader, dispose à son gré des cœurs & des volontez des hommes, qui les a tirez des forests pour les faire vivre heureusement sous de justes loix, qui aprés avoir fondé les Societez, les Villes & les Etats, a poly leurs mœurs, a élevé leurs sentimens & leurs pensées, qui est l’organe & l’interprete de la raison, & qui instruit & perfectionne la raison mesme.

La Poësie encore plus élevée que l’Eloquence, doit aux excellens Ouvrages de plusieurs de vos celebres Academiciens, cette beauté, cette justesse, & cette perfection où nous la voyons aujourd’huy en France. Il n’y a presque point d’especes de Poësie dont leurs Ouvrages ne soient de parfaits modelles. Les uns ont porté la gloire du Theatre François au plus haut point où elle puisse jamais monter. Les autres ont excellé dans la fine raillerie, & dans le tour ingenieux des pensées, dans la delicatesse, la tendresse, & la naïveté des sentimens, dans la beauté & la vivacité des descriptions, & ces excellens Ouvrages sont également élevez & solides, sçavans & polis.

La Poësie a esté appellée par toute l’Antiquité le langage des Dieux, pour faire connoistre qu’elle a quelque chose de divin. Elle éleve l’esprit, elle touche, elle échauffe le cœur par ses entousiasmes. Ces hommes saints animez de l’esprit de Dieu, & sur tout le Roy Prophete s’en est servy utilement pour nous annoncer les plus grandes veritez, & pour nous exciter à la Penitence par son exemple.

L’esprit de tenebres a emprunté les charmes de ce bel art pour tromper les hommes plus efficacement, par les Oracles qu’il attribuoit à leurs fausses Divinitez, & les grandes actions des Heros se sont perpetuées dans la memoire des hommes, par les excellens Poëtes qui les ont celebrées.

C’est ce qui fit regreter à Alexandre le Grand de n’avoir pas un homme pour immortaliser sa gloire, de mesme qu’Homere avoit immortalisé celle d’Achille, & c’est ce qui donna à ce Maistre de l’Univers une veneration si parfaite pour les écrits de ce grand Poëte, qu’il les portoit par tout avec luy dans cette riche cassette qu’il avoit trouvée parmy les depoüilles de Darius, disant qu’il ne pouvoit placer assez richement le plus precieux & le plus parfait ouvrage de l’esprit humain.

Le Cardinal de Richelieu, ce sublime genie qui a fait de si grandes choses pour la gloire de l’Etat & pour sa propre gloire, a parfaitement connu l’importance & la necessité de cultiver l’Eloquence & la Poësie Françoise. Il a crû, à l’exemple du Grand Alexandre, qu’il ne suffisoit pas de faire des actions dignes d’une eternelle memoire, s’il ne formoit des esprits capables de les faire passer à la posterité ; il a travaillé avec succés à former des Homeres & des Demosthenes, en creant l’Academie.

Vous estes, Messieurs, les dignes Successeurs de ces grands Hommes, & vous remplissez heureusement par vos differens talens l’attente de vostre Fondateur, ainsi que celle de ce sage Chancelier qui luy a succedé dans la protection de vostre Compagnie, & dont la memoire vous est encore si vive & si precieuse.

Les Politiques ont judicieusement remarqué que les Etats conservent d’ordinaire l’esprit de leurs Fondateurs, que ceux qui ont esté établis par des Conquerans, ont continué aprés eux à étendre leurs Conquestes ; vous justifiez, Messieurs, la verité de cette maxime, vous avez non seulement herité de l’esprit & des lumieres de ces deux excellens Ministres qui ont esté les Instituteurs de l’Academie, mais vous avez étendu considerablement ses limites.

Oüy, Messieurs, je le puis dire à vostre gloire, & les Manes de ces deux grands Hommes n’en seront point jaloux, ils n’ont veu l’Academie que dans son enfance, ils luy ont appris, pour ainsi dire, à marcher dans le chemin de l’Eloquence ; mais les excellens Ouvrages de plusieurs membres de vostre Illustre Corps ont asseuré ses pas, & luy ont acquis cette vigueur, cette force & cette grandeur qui ne se trouvent que dans l’âge parfait.

C’est à cette perfection où vous l’avez élevée qu’elle doit le comble de la gloire dont elle jouit depuis que le plus grand des Rois l’a jugée digne de la loger dans son propre Palais, & qu’il a joint à tous ses glorieux titres, celuy de Protecteur de l’Academie Françoise.

Vous aurez trouvé, Messieurs, en cet Auguste Protecteur tout ce qui pouvoit exciter vos desirs & remplir vos plus ambitieuses esperances, vous y avez trouvé un Monarque accomply, qui vous donne une ample & illustre matiere de puiser toutes les forces de l’Eloquence & de la Poësie, pour raconter à la posterité ses actions inimitables.

Heureux, de pouvoir élever vos idées au plus haut point de perfection, où elles puissent jamais monter en les formant sur un Prince donné du Ciel, pour faire l’admiration & les delices de la terre, un Prince toûjours victorieux & toûjours moderé, toûjours clement, genereux & équitable, qui en s’élevant au dessus des autres Princes par ses heroiques vertus, a au mesme temps élevé & perfectionné toute la Nation Françoise, qui l’a renduë si celebre, non seulement dans la guerre par ses victoires surprenantes, mais encore dans les Sciences & dans les beaux Arts, où nos François par ses soins & par ses bien-faits excellent aujourd’huy sur toutes les Nations.

C’est icy, Messieurs, qu’estant animé par le souvenir d’une approbation aussi glorieuse que celle que vous avez donnée à mon Panegirique du Roy, je me sens excité à vous faire un nouveau crayon des vertus de ce Heros.

A vous peindre sa valeur semblable à un torrent impetueux qui entraîne, qui ravage, qui détruit tout ce qui s’oppose à ses efforts.

A vous representer tous ses Ennemis vaincus, les uns captifs ou soûmis, les autres effrayez & éperdus, chercher follement leur salut dans l’inondation de leur propre Pays, & ne le trouver que dans la clemence du Vainqueur.

A vous le representer avec un visage aussi tranquille & aussi serein au milieu des plus grands perils & dans la chaleur de ses plus grandes victoires, que lors qu’après son retour de ses glorieuses Campagnes, il a receu les témoignages de vostre admiration & de vostre joye pour des succés si surprenans.

A vous montrer cet arbitre de la Paix & de la Guerre, preferant le plaisir d’estre l’Auteur du bonheur public à l’avantage de soûmettre tant de Nations intimidées par le bruit de ses exploits, & à vous le montrer enfin par cette preuve si extraordinaire de sa moderation, de mesme que par toutes ses autres vertus, le seul digne de donner des Loix à toute la Terre.

Que s’il vient de reprendre les armes, ce n’est que pour rétablir le repos public, que des esprits inquiets & jaloux de sa gloire ont troublé par de noirs artifices, par des desseins injustes, & par des entreprises odieuses. Ils ne les ont pas plutost fait paroistre que sans sortir de la tranquilité dont il joüit à l’ombre de ses Lauriers, il leur a fait sentir la pesanteur de sa main.

Un Heros Naissant animé de son esprit & de son courage prend au milieu de l’Hiver les Places les plus inprenables, il soumet en moins d’un mois de grandes & riches Provinces, & semblable à cette vive image que le Soleil imprime de luy-mesme dans la nuë, & qui fait paroistre à nos yeux un second Soleil, il montre à la terre un autre LOUIS.

Un Grand & vertueux Monarque est opprimé par d’infames trahisons & par la revolte dénaturée de ses propres enfans, le Roy luy tend les bras, il le reçoit avec toute la tendresse d’un veritable & genereux Frere, & il est prest d’employer sa main toûjours victorieuse pour le relever.

Mais, Messieurs, puisque vous avez bien voulu me recevoir dans vostre illustre Compagnie, je dois avant toutes choses travailler à profiter de vos sçavantes instructions & de vostre exemple pour me rendre plus digne de publier avec vous les vertus de nostre Heros.

Quel bonheur pour moy de pouvoir desormais joindre ma voix à vos sçavans concerts pour chanter les actions heroïques de L’AUGUSTE LOUIS, mais quelle gloire pour vous d’estre seurs d’immortaliser vos noms en eternisant le sien !

Vos excellens ouvrages qui raconteront à la posterité les merveilles de son regne, seront des titres authentiques de la politesse dont la France joüit, & des beaux & feconds genies qu’elle a produits en ce siecle si éclairé, siecle seul digne d’estre comparé au siecle D’AUGUSTE.

Je crois, Messieurs, que vous avoüerez sans peine que c’est à la protection que le Roy donne aux belles Lettres, que la France a la premiere obligation de cette politesse que vous repandez sur toute la Nation Françoise, de mesme que nous devons à sa sagesse, à sa valeur & à son humeur bienfaisante toutes les prosperitez de l’Estat.

Pour moy, Messieurs, qui ay tant de raisons de m’interesser en vostre gloire, je publiray toûjours avec autant de joye que de soumission, que c’est à vostre seule generosité que je dois le choix dont vous m’avez honoré, & que quelques témoignages que je puisse jamais vous donner de ma reconnoissance, ils seront toûjours au dessous du prix & de la grandeur de vostre bienfait.

[Divertissemens du Carnaval] §

Mercure galant, février 1689 (première partie) [tome 2], p. 293-300.

 

Comme la France n'a des ennemis que pour augmenter sa gloire, que plus elle en a, plus on la voit triomphante, & que les Peuples se reposent sur les soins du Roy toûjours vigilant, toûjours prudent, & toûjours victorieux, il y a eu beaucoup de divertissemens dans le temps du Carnaval. Les Bals ont esté frequens à Paris, & chacun en a donné de magnifiques selon sa qualité. Il y en a eu deux au Palais Royal donnez par Monsieur le Duc de Chartres, avec toute la magnificence qu'on devoit attendre d'un Prince, né d'un Pere aussi galant qu'il est sompteux en toutes choses. Aussi l'a-t-on regardé en cette occasion, quoy que les Bals fussent au nom du Fils. Ce jeune Prince y parut avec toute la bonne grace qui luy est si naturelle. Monseigneur le Dauphin y vint deguisé & il s'y trouva un nombre infini de personnes distinguées de la Cour & de la Ville.

M. le Duc de la Feüillade en a aussi donné un, qui fut ouvert par Monsieur de Chartres & par Mademoiselle. Il y avoit huit pieces, & une Galerie magnifiquement parées, & tout ce qui servoit à les orner fut trouvé d'un tres-bon goust. Monseigneur le Dauphin s'y divertit beaucoup, & y parut sous divers habits. Il y eut un grand repas aprés minuit, appellé media noche.

Le Balet donc je vous ay fait la description le mois passé, & qui avoit esté préparé pour le retour de Monseigneur, a esté dansé deux fois chaque semaine à Trianon pendant tout le Carnaval, & l'Opera de Thetis & de Pelée y a esté joüé avec les habits. Je dis avec les habits, parce que des Opera qui ont esté faits pour Paris, ne sont ordinairement representez qu'en concert à la Cour. Monseigneur estoit venu voir plusieurs fois cet Opera, mais le Roy & Madame la Dauphine ne l'avoient point encore vû, & les applaudissemens qu'ils y donnerent furent remarquez de tout le monde. Sa Majesté choisit les scenes qui luy plûrent davantage, pour estres chantées dans les Concerts qui se font à Versailles les jours d'appartement. La Tragedie d'Esther dont je vous ay déja parlé, a aussi été representée deux fois la semaine à S. Cir pendant le Carnaval. Le Roy a honoré de sa presence la plus grande partie des representations. Tout ce qu'il y a de personnes distinguées à la Cour & à Paris, prenoient un si grand plaisir à voir cette Piece, & en estoient si édifiez, que chacun auroit voulu estre receu à la voir autant de fois qu'elle a esté representée ; mais pour éviter la confusion qui n'auroit pas manqué d'arriver, on n'y entroit point sans estre nommé, de sorte qu'il ne s'y trouvoit qu'autant de monde que le lieu en pouvoit contenir ; ainsi jamais on n'a goûté aucun divertissement ny avec plus de tranquillité, ny avec plus de plaisir. Il a fait verser beaucoup de larmes, & inspiré des sentimens tout Chrestiens. Le jeu des Actrices a charmé, & Madame de Quelus s'y est fait admirer. Je vous ay déjà parlé des Chœurs, mais sans vous dire que la Musique en estoit de Mr Moreau ; elle a plu à tous ceux qui l'ont entenduë. Elle entroit parfaitement bien dans le sens des paroles, & exprimoit si naturellement ce qu'elles signifoient, que plus on l'entendoit, & plus on y prenoit de plaisir. On preparoit de grandes Mascarades à Versailles pour les deux derniers jours du Carnaval, mais la nouvelle de la mort de la Reine d'Espagne y ayant esté sceuë le Dimanche, tous les divertissemens cesserent dés le mesme jour, & la douleur prit la place de la joye.

Air nouveau §

Mercure galant, février 1689 (première partie) [tome 2], p. 310-311.

Les paroles du second Air nouveau que je vous envoye, donnent un conseil à toutes les Belles.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Riez si vous estes sage, doit regarder la page 311.
Riez, si vous estes sage,
Riez, trop aimable Iris ;
Rien ne vous sied davantage,
Et le cœur le plus sauvage
Est charmé d'un si beau ris.
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