1697

Mercure galant, décembre 1697 [tome 12].

2017
Source : Mercure galant, décembre 1697 [tome 12].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, décembre 1697 [tome 12]. §

Au Roy. Sur la Paix §

Mercure galant, décembre 1697 [tome 12], p. 7-14.

Je ne puis donner un commencement plus noble à cette Lettre, ny vous faire prendre une idée plus juste des merveilleuses qualitez de nôtre Auguste Monarque, qu’en vous faisant part des Vers que vous allez lire.

AU ROY
SUR LA PAIX.

 Quelle est cette clarté qui s’ouvrant un passage
 A travers un épais nuage
 Répand un beau jour dans les airs ?
Est-ce la Paix, GRAND ROY, si long-temps attenduë,
Dont ce brillant éclat annonce la venuë ?
Vient-elle rendre enfin le calme à l’Univers ?
 Et la Discorde confonduë
Va-t-elle s’abismer dans le fond des Enfers !
 En croira-t-on la Renommée
Qui de ce doux espoir nous a souvent flatez !
 Et verra-t-on par vos bontez
 Vostre puissance desarmée,
Quand tout cede au torrent de vos prosperitez.
***
Par d’étonans efforts BARCELONNE est conquise.
 C’est en vain qu’on veut condamner
 Cette perilleuse entreprise.
La Victoire vous suit sans rien examiner,
Et tient toûjours pour vous ses Palmes toutes prêtes.
Il suffit qu’un exploit si surprenant, si beau,
 Dans l’art de faire des conquêtes
Donne pour vôtre gloire un exemple nouveau.
***
 Pleins d’une esperance certaine
Vos Vaisseaux ont porté vos armes sur des bords
 Que nous ne connoissions qu’à peine.
On voit l’onde gemir sous le poids des thresors
 Qu’on enleve de CARTAGENE.
Que peut-on comparer à des exploits si grands ?
Vôtre Histoire aujourd’huy va rendre veritable
 Cette Toison d’or, dont la Fable
Fit autrefois le prix des premiers Conquerans.
***
 Mais ce n’est pas assez ; la Victoire allarmée
Du retour de la Paix dont l’Europe est charmée,
Croyant qu’injustement son regne alloit finir,
Avec tous ses appas à vos yeux se presente ;
 Vous rappelle le souvenir.
De sa faveur pour vous toûjours pleine & constante :
Et vous faisant le plan de cent travaux guerriers,
 Dont elle-même est le garand fidelle
Vous offre une moisson abondante & nouvelle
De la plus belle gloire, & des plus beaux lauriers.
***
 La Victoire en vain vous apprête
Un encens qui n’est que pour vous :
Vous trouvez un parfum plus doux
Dans les fleurs dont la Paix couronne vôtre Tête.
 Touché du sort de tant de malheureux
Exposez si long temps à la fureur des armes,
Vous voulez arrêter en Vainqueur genereux
 Des torrens de sang & de larmes.
Que de beaux jours couleront desormais !
 Vous changerez la face de la terre
 Par vos soins & par vos bienfaits,
Et pour faire oublier tous les maux de la guerre
Vous répandrez par tout les douceurs de la Paix.
***
 Pour mieux conserver vôtre Ouvrage,
Et pour en faire au Ciel un éternel hommage,
Vous confessez tout haut qu’estant cent fois vainqueur,
Et tenant ce grand Nom du Dieu de la victoire,
Vous luy devez aussi l’inestimable honneur
De donner une Paix qui fait nostre bonheur,
 Et le comble de vostre gloire.
***
C’est moins par la foy d’un Traité,
Que par les vœux ardens de vostre pieté
 Que cette Paix est consacrée.
Le Ciel met dans vos mains ce bien si souhaité,
 Et c’est vostre fidelité
 Qui nous répond de sa durée
***
 Puisse toûjours le Ciel seconder vos projets
 Pour le bonheur de vos Sujets !
Puisse vostre sagesse en miracles feconde
Se faire reverer des Peuples & des Rois,
Et les rendant toûjours attentifs à sa voix,
 Vous faire l’arbitre du monde !

Ces Vers sont de Mr Boyer de l’Académie Françoise, dont les années semblent augmenter le feu qu’il a toûjours eu pour la Poësie. Ce feu répond bien au zele dont on le voit animé dans tout ce qui regarde la gloire du Roy.

[Madrigal sur le mesme sujet] §

Mercure galant, décembre 1697 [tome 12], p. 14-16.

Voicy d’autres Vers sur la mesme matiere. Ils sont de Mr Diereville, dont le merite vous est connu, ainsi que le nom.

Le Demon de la guerre est réduit aux Enfers,
Et la fille du Ciel si longtemps attenduë,
Dans ces heureux climats est enfin descenduë,
Le plus puissant des Rois la rend à l’Univers.
Pour chanter son retour cent differents Poëtes,
 Animez d’un mesme transport,
Vont tâcher à l’envy de bien mettre d’accord
Leurs chalumeaux & leurs trompettes,
 Mais ils feront un vain effort.
Que sur d’autres sujets ils exercent leur veine,
La gloire de LOUIS, vainqueur des Nations,
 Est au dessus de leur haleine ;
 Apollon suffiroit à peine
Pour chanter dignement ses grandes actions.
 Quel prodige ! l’Europe entiere
Contre luy seul souleve un monde d’Ennemis,
Et malgré leur grand nombre il les a tous soumis,
 Il étend sur eux sa frontiere,
 Par tout il leur donne des Loix.
 Pour le loüer quelle matiere ?
 Qui peut avoir assez de voix ?
 Un sujet si vaste m’étonne,
Loin de chanter la Paix, ma Muse, taisons nous :
Ne songeons qu’à benir le Heros qui la donne,
 Et qu’à joüir d’un bien si doux.

[Couronne de Fleurs parlantes] §

Mercure galant, décembre 1697 [tome 12], p. 101-107.

Vous voudrez bien entendre parler des Fleurs. Elles se sont empressées à l’envy à faire une Couronne à Madame de Chaulnes, Prieure perpetuelle du Monastere Royal de Poissi, le jour de S. Charles son Patron, & luy ont fait d’abord ce compliment toutes ensemble. Ce petit Ouvrage est de Mr Marcel.

 Dans ce jour où l’Eglise honore
 Charle, Prélat de grand renom,
 Que vous faites, portant son Nom,
 Par vos vertus revivre encore,
 Agréez que nous autres Fleurs,
En prenant part à cette illustre feste,
 Peintes des plus vives couleurs
 Venions couronner vostre teste.
***
La Violette parle pour l’humilité.
***
La plus petite fleur, suivant l’humilité,
 Commence ici vostre couronne.
Ce pouvoir, sur vos Sœurs saintement limité,
 Que vous croyez n’avoir point merité,
C’est par cette raison que le Ciel vous le donne.
***
Le Lis parle pour la chasteté.
***
 Je suis une fleur pure, & marque l’innocence,
Mon odeur, ma blancheur ont des attraits bien doux.
 L’une & l’autre par avance,
 Vous promettent pour récompense
 Les Noces du Divin Epoux.
***
La Pensée parle pour la contemplation.
***
 Faites tout ce que vous voudrez
 Sans que vostre ame en soit embarassée.
Dans le chemin du Ciel vos pas sont assurez,
Puisqu’il est en tout temps vostre unique Pensée.
***
La Rose parle pour la mortification
***
 Vous estes, comme moy, d’épines entourée
 Et vous souffrez les plus rudes travaux,
Mais pour me rejetter vostre ardeur éclairée,
Dans l’attente d’un bien qui suivra tant de maux,
Vous fait trop voir ce que je vaux.
***
La fleur de Grenade parle pour l’Amour Divin.
***
 Je marque l’amour en tout lieu,
 Et j’en suis le vif caractere.
Je ne sçaurois pourtant, quoique je puisse faire,
Egaler cette ardeur que vous avez pour Dieu.
***
La Tubereuse parle pour le bon exemple.
***
 Plus l’on m’enferme, & plus ma bonne odeur est forte,
Elle perce les murs, & va s’étendre au loin.
Donner un bon exemple est vostre plus grand soin.
Il embaume le Cloître & penetrant la porte,
Il édifie encor tout le monde au besoin.
***
La fleur de souci parle pour le soin du salut.
***
On voit fort rarement dans un beau jour de feste
Qu’un bouquet de Souci vienne orner une teste,
 Mais quand on cherche à remplir son devoir,
Quand on veut acquerir une éternelle gloire,
 Et que ses Sœurs partagent la victoire,
Quelque soin que l’on prenne, on n’en peur trop avoir.
***
L’Immortelle parle pour l’éternité bien-heureuse.
***
 Je me joins à toutes les fleurs,
Et viens former vostre Couronne.
 Que puissiez vous, par vos saintes rigueurs,
Par vos austeritez, vos innocentes mœurs,
 Servant de modele à vos Sœurs,
 Meriter le prix que je donne.
Mais puissiez vous aussi secondant nos souhaits,
Les gouverner long temps dans une heureuse Paix.

[Réjoüissances pour la Paix faites à Roüen] §

Mercure galant, décembre 1697 [tome 12], p. 107-110.

Le 28. du mois passé la paix fût publiée à Roüen, & pour solemniser ce grand jour où la joie parut universelle par les Feux qui furent allumez dans toutes les Rües de cette Ville, Mr. de Montholon, Premier President, donna un soupé à tout le Parlement avec une propreté & une abondance à laquelle on ne peut rien ajouster. Il avoit fait preparer un feu d’Artifice devant son Hostel, & il fut tiré au bruit de plusieurs instruments de Guerre, ausquels une excellente Musique répondoit alternativement. Cinq cens Fusées remplirent l’Air d’une clarté merveilleuse, & rien ne manqua pour l’entier succés du Feu. Le tout fut accompagné d’une tres-belle & tres-grande Illumination, tant dans les deux Cours que dans la place de Saint Ouën. Il y avoit à la premiere & à la seconde porte de Mr. le Premier President cent Flambeaux de poing de cire blanche, & sur la premiere estoit un Tapis de Velours bleu, semé de fleurs de lis d’or, où estoit posé un Portrait du Roy. Tout le monde applaudit au zele de cet Illustre Magistrat, qui dans toutes les occasions qui s’en sont offertes, n’a rien obmis de ce qui pouvoit contribüer à faire éclater la gloire du Roy.

Stances. Sur la Paix §

Mercure galant, décembre 1697 [tome 12], p. 110-117.

Parmy beaucoup d’ouvrages qui paroissent sur la Paix, Mademoiselle des-Houlieres s’est distinguée. Comme elle marche avec beaucoup d’avantage, sur les traces de feu Madame des-Houlieres, sa Mere, elle feint ingenieusement qu’elle luy est apparuë en songe, & qu’elle l’a exhortée à chanter comme elle toutes les grandes actions du Roy. C’est ce qu’elle explique agreablement par les Vers que vous allez lire.

STANCES.
SUR LA PAIX.

Dans un de ces beaux lieux cheris de la nature.
Ou regnent de tout temps l’innocence & la Paix,
Sur un lit émaillé de fleurs & de verdure,
D’un tranquille sommeil je goûtois les attraits.
***
A peine à ses douceurs m’estois je abandonnée,
 Quand une voix par des sons éclatants,
Fit tomber les pavots dont j’estois couronnée.
J’ouvre, à ce bruit, mes yeux à demy languissants.
Je vois, j’en suis encor interdite, étonnée,
 Je vois Olimpe, & ses regards perçans
Pleins encor d’un beau feu malgré sa destinée,
Penetroient au travers des voiles accablants
Dont l’éternelle nuit la tient environnée.
***
 Ma Fille, me dit elle, abandonne un repos,
 Honteux pour toy, pour ma memoire,
 Et si tu crains mal à propos
De chanter de LOUIS la nouvelle victoire
Ma Lyre accoûtumée à chanter ce Héros
Te prêtera des sons pour celebrer sa gloire
***
 Fais le voir à ces Rois jaloux de sa grandeur,
 Tel que l’on peint le Maistre du Tonnerre,
  Quand sa main lance sur la Terre,
Les redoutables feux de sa juste fureur,
Où lors que desarmé de son couroux vangeur,
Il immole à la Paix, quoy que toûjours vainqueur,
Ces fertiles lauriers dont le Dieu de la Guerre
A tant & tant de fois couronné sa valeur.
Tu te dois toute entiére à l’honneur qui t’appelle
Pour chanter de LOUIS les faits prodigieux,
 Les jours d’une seule mortelle,
Ne pouvoient pas remplir un sort si glorieux.
Ce précieux talent est le prix de mon zele ;
Cent fois pour l’obtenir j’importunay les Dieux,
Je voulois que mon sang à ses devoirs fidelle,
Celebrast aprés moy ce Roy victorieux.
***
Ce Prince offre à tes chants une illustre matiére,
En faveur de la Paix il renonce à ses droits,
Et tout couvert encor d’une noble poussiére,
Ce Heros, aujourd’huy le plus puissant des Rois,
A de ses propres mains, mis l’unique Barriere,
Qui pouvoit arrester ses rapides exploits.
***
La cruelle Discorde outrée & fugitive,
 Rentre dans le fond des Enfers,
 LOUIS en l’accablant de Fers.
La contraint pour jamais à devenir oisive,
 Et du sort de cette captive,
Il fait l’heureux destin de cent peuples divers.
***
 Je vois renaistre l’Abondance,
Déja de tous costez arrivent sur ces bords,
 Ces grands & ces rares Tresors,
Qui du Peuple & des Rois font la magnificence.
***
 Pour commencer de si beaux jours,
Aprés tant de travaux, aprés tant de conquestes,
Je vois le blond Hymen, & les tendres Amours,
Allumer leurs flambeaux, de fleurs ceindre leurs têtes.
Les jeux & les plaisirs qui les suivent toûjours,
Leur préparent déja mille galantes fêtes.
***
 Je vois deux Amans destinez
 Au sacré nœud d’une chaîne éternelle.
 Leur union tendre & fidelle
Fera naistre bien tôt des Heros couronnez,
A qui LOUIS le Grand servira de modele ;
 Une posterité si belle,
Comblera de tous biens les Peuples fortunez.
***
 Aprés ces mots je la vis disparoistre :
Son départ acheva de dessiller mes yeux.
Mon zele impatient de se faire connoistre,
Profite du secours que j’ay receut des Dieux,
Pour offrir mon Encens à mon Auguste Maistre.

[Prix remporté à Caen] §

Mercure galant, décembre 1697 [tome 12], p. 134-141.

Il y a des prix établis à Caen pour les Ouvrages qui se font en l’honneur de la Conception de la Vierge, dont l’Eglise celebre la Feste le huitiéme de ce mois. Mr de Poissy, de l’Academie de la mesme Ville, a remporté cette année celuy de l’Ode. Je vous envoye celle qu’il a faite. Le sujet est Joas, qui seul de tous les enfans d’Ochosias, échapa à la fureur d’Athalie.

Que te sert ton bruyant tonnerre ?
Es-tu sur un trône, Seigneur,
Sans yeux, sans mains, & sans vigueur,
Tandis qu’on te livre la guerre ?
 Quoy ? souffrir que l’impieté,
 Sans cesse insulte à ta bonté,
 Et triomphe de ta clemence,
Tonne, frappe, lance tes coups,
Et que le Dieu de la vangeance
Paroisse en ton juste courroux.
***
D’Achab la Fille sanguinaire
Méprise tes plus sacrez droits,
Et profanant tes saintes loix,
T’attaque dans ton Sanctuaire.
Elle veut sur ton propre Autel,
Offrir un encens criminel,
C’est à Baal seul qu’elle immole ;
Et Mathan, son appuy fatal,
Fait d’elle son unique Idole,
Elle a plus d’encens que Baal.
***
Cet Apostat, ce Sacrilege,
Trempe en ses projets inhumains,
En tout, il luy donne les mains,
Sans cesse il l’obsede, il l’assiege,
Et traitant de seditieux,
Un Peuple ennemi des faux Dieux.
Reine, il faut, dit il, du carnage.
Pour soûtenir vôtre haut rang,
Si Juda ne vous rend hommage,
Répandez des torrens de sang.
***
Il dit ; & l’injuste Athalie
Suit des conseils si dangereux ;
Le sang est l’objet de ses vœux,
De fureur son ame est remplie.
De moy donc on triomphera,
Dit elle, & David regnera ?
Que le fer m’en rende maîtresse,
Et qu’en Juda, qu’en Israël,
Chacun aujourd’hui me connoisse
Pour la Fille de Jesabel.
***
Arreste, Femme meurtriere
Suspens un moment ta fureur.
Peut-estre auras-tu quelqu’horreur
Du sort de ta barbare Mere.
Paroissez, membres déchirez,
Sang, où tant de Chiens alterez,
Trouverent de quoy se repaître ;
Foulé sous les pieds des Chevaux,
Cadavre affreux, venez paroître,
Empeschez des crimes nouveaux.
***
Vois l’horrible fin de ton Pere,
Vois les malheurs de ton Epoux,
Mais rien n’appaise ton courroux
Le fer seul peut te satisfaire.
Pour m’assûrer un sort heureux,
Perissent (dis-tu) mes Neveux,
A ma rage je m’abandonne.
Les Grands pour un royal bandeau
N’épargnent le sang de personnes,
Versons le mien dans le Berceau.
***
Ciel ! que ne peut point une Femme,
Qui n’écoute que sa fureur !
Athalie aime à voir l’horreur
Et du carnage & de la flame.
Son bras, dés leur tendre Printemps,
Fait perit de foibles Enfants,
Et renverse ces fleurs naissantes,
Ainsi que soufflant à grand bruit,
Borée abbat de jeunes plantes,
Avant qu’elles portent leur fruit.
***
C’en est fait ; la Cour est remplie
De tous ses Neveux massacrez ;
Les Bourreaux se sont retirez,
Il n’y reste plus qu’Athalie.
Elle se flatte d’estre en paix
Aprés tant d’horribles forfaits.
Tu te trompes, Reine insensée,
Malgré ton tirannique effort
Du Ciel la gloire interessée
Dérobe Joas à la mort.
***
Je vois Josabet qui s’avance,
D’un pas adroit & courageux.
Déja par un succés heureux
Elle a trompé ta vigilance.
Au sacré Temple du Seigneur
Joas insulte à ta fureur,
Viens l’y chercher, viens y paroître.
Plus juste & plus puissant que toy
Un jour il te fera connoître,
Qu’il est & ton Juge & ton Roy
***

ALLUSION.

Joas encor à la mammelle
Seul du carnage preservé,
Joas sur le Trône élevé,
O Vierge, est ton portrait fidelle.
Ce Prince, REINE DE SION,
De ta pure Conception
Est une nayve Peinture.
Lors qu’Adam par un triste sort
Fit mourir toute la Nature,
Seule tu sçeus braver la mort.

[Pompe funebre de Mr. de Bourlemont Archevêque de Bordeaux] §

Mercure galant, décembre 1697 [tome 12], p. 146-167.

Je vous appris le mois passé la mort de Messire Louis d’Anglure de Bourlemont, Archévêque de Bordeaux. Son corps resta exposé dans la grande Sale du Palais Archiepiscopal six jours durant, pendant lesquels les Chapitres, les Paroisses, & tous les Corps Religieux allerent chanter quelque partie de l’Office des Morts. Il fut ensuite enfermé dans une Bierre de Plomb, & porté en despot dans une Chapelle tendüe de noir, de l’Eglise Metropolitaine de S. André, & mis sous un Dais de Velours noir à franges d’argent, jusqu’à ce que Mr. l’Abbé de Bourlemont son Neveu, cy-devant Agent General du Clergé de France, fut arrivé, pour luy rendre les derniers devoirs. Pour cet effet, le 27. de Novembre on tendit de noir le Palais Archiépiscopal, & toute la Nef de S. André qui est une des plus belles Eglises de France. La tenture étoit couverte des Armoiries du defunt, tant plein que vide ; & tout au tour de la Corniche qui regne dans la Nef, bruloient quatre mille Cierges de cire blanche. Au milieu estoit une Chapelle ardente, magnifique par la quantité des lumières & d’ornements qu’il y avoit. On y montoit par cinq marches couvertes de noir & remplies de Chandeliers. L’Autel étoit dressé à la porte du Choeur sur une estrade elevée de sept marches. Tout cet appareil funebre avoit esté ordonné par Mr. de Pradillon, un des quatre Archidiacres & Vicaire General du deffunt, qu'il a nommé executeur Testamentaire avec Mr. Cosson, Intendant de sa Maison. A neuf heures du matin le Convoy funebre sortit de l’Eglise en cet ordre. [...]

[Suit la description de cortège et de ses participants appartenant aux différents Corps ecclésiastiques ou civils de Bordeaux.]

Le convoy rentra en ce même ordre dans l’Eglise où Mr. l’Abbé d’Arche, Doyen, celebra la Messe, qui fut chantée par une Musique nombreuse. Mr Chapotel & Mr de Brousse, tous deux Chanoines, servirent de Diacre & de Soudiacre. L'Oraison Funebre fut prononcée par le Pere Verneüil Jesuite, qui a esté Provincial de son Ordre. Il prit son texte dans la Genese chap. 35. Mortuus est senex plenus dierum. Sa division étoit prise des Epitres de S. Paul. Oportet enim Episcopum irreprehensibilem esse & ornatum. Il fit voir dans son premier point que Mr l'Archevêque de Bordeaux avoit esté irreprehensible dans les grands Emplois qu'il avoit exercez ; & dans le second, qu'il avoit esté tres-reglé dans ses mœurs, & dans sa vie. Après la Messe, Mr le Doyen avec quatre Chanoines & Dignitaires, alla faire les absolutions accoutumées autour du corps, qui estoit exposé sous la Chapelle ardente ; après quoy les compagnies se retirerent. Le soir il fut inhumé à la porte du choeur, près le coeur de Mr le Cardinal de Sourdis. [...]

[Suit l’évocation de la vie de feu Mr. De Bourlemont archevêque de Bordeaux.]

[Réjoüissances pour la Paix faites dans la mesme Ville] §

Mercure galant, décembre 1697 [tome 12], p. 167-175.

Si la Ville de Bordeaux parut en deüil le jour de la pompe funebre de son Archevêque, elle se distingua le lendemain par les rejouissances magnifiques qu’elle fit à la publication de la Paix. Les Boutiques furent fermées par l’ordre de Mrs les Maires & Jurats, qui dés le matin firent sonner la grosse Cloche de l’Hotel de Ville & sortirent à cheval en cet ordre. Les trois Compagnies d’Hallebardiers à pied, Garde ordinaire de l’Hôtel de Ville, leurs Officiers à Cheval, commencerent la marche. Ensuite venoit un Heraut d’Armes, les Officiers de leur Justice Civile & Criminelle, tous à Cheval, les Trompetes & les Jurats, revetus de Robes de Damas rouge & blanc, montez sur de superbes Chevaux. Les Jurats estoient Mrs de Richon de Montfabier Gentil-homme, Ledoux Avocat ; Loustant Bourgeois ; de Mondenard Gentil-homme ; Borie Avocat, Bilate, Bourgeois, Dejan Procureur Scindic, & Dubose Clerc de Ville. Ils allerent par toute la Ville jettant quantité de pieces d’argent au Peuple, & revinrent diner à l’Hôtel de Ville avec une nombreuse compagnie. L’aprés-dinée, ils parcoururent tous les autres endroits de la Ville, & se rendirent dans l’Eglise Cathedrale pour assister au Te Deum, où se trouverent Mrs du Parlement & de la Cour des Aides en Robes Rouges, venus du Palais à pied, suivant la coutume qui se pratique pour les actions où Sa Majesté assiste en Personne ; Mrs les Thresoriers de France en robes de satin noir, le Presidial & Senechal, l’Election, l’Amirauté, les Avocats & tous les Corps de la Ville. Mr le Marquis de Sourdis, Commandant de la province à la teste de la Noblesse, s’y rendit aussi, & prit sceance dans le Parlement. [Le soir, à l’Hôtel de Ville, les Jurats] donnerent une magnifique Colation à Monsieur de Sourdis, & à soupper à la Noblesse. Ensuite il y eut Bal pour les Dames. Pendant la nuit ce ne furent que rejouissances par toute la Ville, avec de tres belles Illuminations, dans les Hôtels principaux [...]

Le Samedy 4. de ce mois, Mrs. Les Juge & Consuls de la Bourse avec les anciens Bourgeois, firent mettre dés le matin sur toutes les Portes de leur Palais, dit la Place, le Portrait de sa Majesté, garny de trophées, devises & autres ornements. Mr de Carpentey Juge, & Mrs. Sage, & Crosillat premier & second Consuls, firent mettre une batterie de trente Canons sur le Quay, qu’on nomme Bourgeois, dont on fit plusieurs decharges. Le soir il y eut Bal & festin, pendant lequel on jetta un grand nombre de Fusées. [...]

[Vers sur la Paix envoyez à Mademoiselle de Scudery] §

Mercure galant, décembre 1697 [tome 12], p. 175-181.

Je vous envoyay le mois passé des Vers de Mr de Betoulaud sur la prise de Barcelone. En voicy d’autres de luy sur la Paix, & il les adresse à l’illustre Mademoiselle de Scudery, en luy envoyant pour le Roy une Onyce antique où la teste d’un More est gravée en relief sur un fond blanc. C’est le More qui luy parle.

Du fonds de l’Orient & des confins du Monde,
SAPHO, j’ay voyagé sur la terre & sur l’onde,
Et j’ay connu par tout que sous ses lauriers verts
LOUIS redonneroit le calme à l’Univers.
A peine a-t’il parlé qu’au plus haut de sa gloire,
On a veu sur son char la Paix & la Victoire ;
Toutes deux à l’envy couronnant ses souhaits,
Par des nœuds éternels s’unissent à jamais,
Et moy mesme je viens sur cette aimable rive
Goûter les premiers fruits de l’abondante Olive,
Trop heureux, si j’estois quelque jour en ces lieux
L’esclave d’un Heros aussi grand que les Dieux !
Vous, SAPHO, dont la voix d’un pur zéle animée
Aux plus lointains climats suivit sa renommée,
Vous dont la main fameuse avec les plus beaux traits,
Nous a peint tant de fois ses graces, ses bienfaits,
Sa bonté, sa sagesse, & l’heureuse harmonie
Du courage intrépide, & du vaste génie,
N’oseriez-vous tenter, par amitié pour moy,
De me faire obtenir pour maistre un si grand Roy ?
Le Soleil merveilleux à varier les hommes
Nous fit un teint d’ébéne au pays où nous sommes,
Mais la noirceur du corps ne passe point au cœur,
Et n’y peut effacer l’image d’un Vainqueur
Qu’admirent tour à tour les rivages du More,
L’Ourse, & l’ardent Midy, le Couchant, & l’Aurore.
Daigne me recevoir ce Monarque fameux,
Digne par sa vertu de remplir tous mes vœux,
Digne par ses hauts faits, dans la Paix, dans la Guerre,
D’estre l’unique Roy des peuples de la Terre !

Mlle DE SCUDERY,
AU ROY.
En luy envoyant le petit More.

Grand Roy, que l’Univers adore,
Je n’ay pû refuser à cet aimable More
Le bonheur de passer du moins devant vos yeux,
Avec tout le respect qu’il pourroit rendre aux Dieux.
Comme il a voyagé sur la Terre & sur l’Onde,
 Il a trouvé par tout le Monde
 Que le plus grand de vos hauts faits,
Seroit de nous donner une troisiéme Paix.
Il vient pour admirer cette gloire suprême,
 Il vous voit vainqueur de vous-même,
Et les fiers Alliez à vos pieds abbatus
Joindre un nouvel éclat à toutes vos vertus.
Leur fausse ambition causoit leur résistance,
Puisque pour eux la Guerre estoit de toutes parts
 Sans succés & sans innocence.
Mais quand vos Ennemis seroient tous des Césars,
Quand un jaloux orgueil les uniroit encore,
Parmy tout ces Héros vous seriez toûjours Mars.
C’est une vérité que personne n’ignore ;
 Il n’est pas jusqu’au petit More,
Qui, pour se faire un sort & glorieux & doux,
Ne borne ses souhaits à l’honneur d’estre à vous ;
 Et s’il obtient ce qu’il desire,
Il ne quitteroit pas ses fers pour un Empire.

Air nouveau §

Mercure galant, décembre 1697 [tome 12], p. 199-201.

La Chanson que je vous envoye est faite il y a déja un peu de temps, mais elle ne laissera pas d'estre nouvelle pour ceux qui ne l'ont point veuë. L'Air est de Mr de Poissy, de l'Academie de Caën.

AIR NOUVEAU.

La Chanson doit regarder la page 200.
Haste-toy, sombre hiver, de regner sur la terre,
Ramene dans nos champs la glace & les frimats.
Calme pour quelque temps les fureurs de la guerre,
Oste l'aimable Acis du peril des combats.
Viens finir ma douleur mortelle,
Ramene dans ces lieux
Mon Heros glorieux,
Et le ramene Amant fidelle.
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[Relation de tout ce qui s’est passé au Mariage de Monseigneir le Duc de Bourgogne & de Madame la Princesse de Savoye, & les jours suivans] §

Mercure galant, décembre 1697 [tome 12], p. 205-259.

Jamais Prince n’a tenu sa parole avec tant d’exactitude que le Roy. Par le Traité fait avec Monsieur le Duc de Savoye, sa Majesté s’estoit engagée de marier Monsieur le Duc de Bourgogne avec Madame la Princesse de Savoye, si-tost qu’elle auroit douze ans ; & comme elle les eut accomplis le 6. de ce mois, le mariage se fit le lendemain. [...]

[Description de la cérémonie où le rédacteur s’attache à la tenue vestimentaire des personnes présentes.]

Le Dimanche 8. il y eut sur les six heures du soir dans le grand Cabinet de Madame la Duchesse de Bourgogne un grand cercle où se trouverent les Princesses & les Duchesses en tres-grand nombre, & magnifiquement vêtuës. Le Roy s’y rendit à sept heures. Le cercle se leva, & l’on passa dans les Appartemens, où il y eut Musique, jeu de Portique & une Collation surprenante tant par la quantité que par son ordonnance. Madame la Duchesse de Bourgogne avoit ce jour-là un habit de velours couleur de feu, brodé d'or, avec une parure de diamans. Le matin de ce mesme jour Mrs les Cadinaux d'Estrées, de Janson, de Furstemberg & de Coislin, vinrent en rochet & en camail à la toilette de cette Princesse prendre possession du tabouret.

Le Lundi 9. Feste de la Conception de la Vierge, le Roy avec toute la Cour entendit la Prédication du Pere Bourdaloüe & Vespres, & Madame la Duchesse de Bourgogne y parut pour la premiere fois en son rang. Elle avoit ce jour-là un habit de velours noir avec une parure de diamants, & une juppe de drap d'or, brodée d'or.

Le Mardy 10. Monsieur le Prince de Galles, & Madame la Princesse d'Angleterre vinrent sur les trois heures rendre visite à Madame la Duchesse de Bourgogne, qui avoit ce jour-là un habit de satin couleur de rose brodé d'argent avec une parure de diamant. Ils allerent ensuite chez Monseigneur le Duc de Bourgogne.

Le mercredy 11. il y eut dans la Galerie de Versailles le plus grand & le plus magnifique Bal, qui se soit jamais veu à la Cour. La Place disposée pour la danse estoit de cinquante pieds de long sur dix neuf de large, dans le milieu de la galerie, avec double rang de Siéges pour les Seigneurs & les Dames du Bal. Les Fauteuïls du Roy & ceux du Roy et de la Reine d’Angeleterre, estoient en face du salon qui regarde l’Orangerie & vis à vis ces Fauteüils, l’enceinte du Bal avoit une ouverture de six pieds, pour y entrer & pour en sortir. On avoit élevé des gradins dans toutes les croisées de la Galerie, & on estoit éclairé par trois rangs de Lustres d’un bout à l’autre. Celuy du milieu estoit de huit, qui estoient les plus forts, & les deux autres de dix sept chacun, mais plus petits. Il y avoit aussi de chaque costé trente deux Girandoles sur des gueridons dorez ; mais ce qui l’éclairoit bien davantage, c’estoit huit grandes pyramides rondes, de dix pieds de haut, qui portoient chacune cent cinquante bougies dans des flambeaux d’argent, posez sur huit degrez, qui s’élevoient en pointe, & qui estoient revêtus de gaze d’or. Ces Pyramides estoient portées par des piedestaux quarrez, de quatre pieds & quatre pouces de haut, & de quatre pieds de diametre, revêtus de velours cramoisi, avec des franges d’or. Quatre de ces Pyramides estoient placées aux quatre coins de l’enceinte du Bal, & les quatre autres aux deux bouts de la galerie, à côté des portes des salons, lequels estoient éclairez par cinq lustres chacun, & par quatre girandoles sur des guéridons dorez. On avoit élevé dans les trois portes du salon du petit Appartement du Roy, qui donnent dans le milieu de la Galerie, des échafauts pour les Violons & pour les hautbois, & ces échafauts n’avoient point de saillie dans la Galerie. Avant quatre heures, tous les gradins des croisées furent remplis de monde, & entre six & sept tous les Seigneurs & toutes les Dames de la Cour se rendirent dans l’Appartement de Madame la Duchesse de Bourgogne. [...]

Le Roy se rendit sur les sept heures dans la Chambre de Madame la Duchesse de Bourgogne, son habit étoit magnifique & majestueux. Il étoit de velours noir, couvert en plein d'une broderie d'or fine & délicate, & marquée sur les tailles d'une des épaisse & plus riche, avec des boutons de Diamans. Le Roy et la Reine d’Angleterre arriverent peu de temps après. La Reine étoit fort richement vêtuë d'une étoffe d'or avec des agréments d'or. L’on passa dans la Galerie, & le Bal commença, Monseigneur le Duc de Bourgogne ouvrit la danse par le branle, menant Madame la Duchesse de Bourgogne, & lors que le branle fut fini, ils danserent ensemble la premiere courante, & tout le monde en fut charmé. Madame la Duchesse de Bourgogne prit Monseigneur le Duc d’Anjou, & il prit Madame la Duchesse de Chartres, laquelle prit Monseigneur le Duc de Berry, qui prit Mademoiselle, & le reste se passa dans l’ordre & selon le rang. Comme le nombre des danseurs étoit fort grand, plusieurs de ceux qui avoient été nommez ne danserent point, faute de Dames qui se trouverent en plus petit nombre, Madame la Duchesse de Bourgogne se fit admirer dans le menuet & le passepied. L’on dansa souvent le menuet à quatre, afin de faire danser plus de monde. Sur les huit heures le Roy demanda la Collation, qui fut apportée sur douze tables de formes inégales, couvertes de mousse & de verdure au lieu de napes, & chargées par compartimens de toutes sortes de fruits de la saison & de confitures seches entremelées de fleurs. Elles furent portées dans l’enceinte du Bal, & lors qu'elles furent rassemblées, elles formerent une espece de Parterre tres agréable où paroissoient quatre Orangers portant des Oranges confites. Ces tables furent ensuite separées, & passerent l'une aprés l'autre autour de l'enceinte, au moyen des rouletes qu'elles avoient sous les pieds. On apporta aussi à la main une quantité prodigieuse de corbeilles, pleines de paquets de confitures & de massepains, & une infinité de soucouppes chargées de liqueurs & de glaces. Après la Collation qui fut entièrement pillée, l’on fit netoyer la place & l’on continua le Bal jusqu’à dix heures & demie. Lors qu’il fut fini, le Roy, & leurs Majestez Britanniques entrerent dans le petit Appartement de Sa Majesté, où le Soupé étoit servi dans l’antichambre. Tous les Seigneurs, & Dames du Bal sortirent par l'Appartement de Madame la Duchesse de Bourgogne. La table du Soupé étoit en demi-cercle, ainsi que celle du jour du mariage. Elle étoit remplie par Sa Majesté, le Roy et la Reine d'Angleterre, Monseigneur, Monseigneur le Duc & Madame la Duchesse de Bourgogne, Messeigneurs les Ducs d'Anjou, & de Berry, Monsieur, & Madame, Monsieur & Madame de Chartres, Mademoiselle, Madame la Duchesse, & Madame la Princesse de Conty. Après le Soupé le Roy & la Reine d’Angleterre retournerent à Saint Germain, & chacun se retira.

Le Samedy suivant, il y eut encore un grand Bal qui commença plus tard que le precedent, parcequ’on ne soupa qu’après le Bal, & qu’il y eut media noche. La foule des spectateurs avoit esté si grande au premier, qu’on trouva moyen d’accommoder le lieu où l’on dança, de maniere qu’il y eut encore plus de places pour les personnes de la premiere qualité. [...] Enfin à voir chaque habit en particulier, il sembloit que rien ne se pouvoit ajoûter à tous ceux des Princes, Princesses, Seigneurs & Dames qui dançoient à ce bal, tant il estoient somptueux & brillans ; en sorte que sans compter les pierreries, les habits seuls des deux Bals revenoient à plusieurs millions. L'habit que la Reine d'Angleterre avoit au second Bal estoit de velours noir, avec une tres-belle parure de diamans. La Collation ne fut pas servie sur des tables comme la premiere, mais elle fut portée dans un nombre infini de corbeilles. Jamais il ne s’est rien vu de si brillant que ce Bal. Il y avoit tant dans la Galerie où l’on a dancé que dans les Apartemens des environs, quatre à cinq mille lumieres, ce qui faisoit beaucoup briller la richesse des habits & la magnificence des Appartemens. Il y a eu à Trianon une representation de l’Opera d’Apollon & d’Issé qui avoit esté préparé comme un des divertissemens qui devaient suivre le Mariage de Monseigneur le Duc de Bourgogne. Il estoit accompagné de tout le spectacle que peut permettre le lieu. L’Assemblée fut nombreuse, & en sortit tres-satisfaite. Tous les habits de cet opera estoient neufs & bien entendus, & faits sur les desseins & sous la conduite de Mr. Berrin.

[Sacre de Mr. l’Evêque de Mets] §

Mercure galant, décembre 1697 [tome 12], p. 272-273.

Le dimanche vingt-deuxième de ce mois, Mr l’Abbé Coislin, premier Aumônier du Roy en survivance, fut sacré Evêque de Mets dans l’Eglise des Feüillans par Mr le Cardinal de Coislin son Oncle, assisté des Evêques de Verdun & de Carcassonne. Il seroit fort mal-aisé de voir une Compagnie plus illustre & plus nombreuse tout ensemble. Mrs les Cardinaux d’Estrées, de Janson & de Furstemberg, se trouverent à cette Ceremonie, ainsi que Mr le Nonce, trente trois Archevêques ou Evêques, & tout ce que la Cour a de plus distingué. La Musique estoit de Mr Colasse, l’un des quatre Maîtres de Musique de la Chapelle du Roy, & elle fut exécutée avec beaucoup de succés par une partie des Musiciens de S.M. & par les meilleurs Musiciens de Paris. Il y eut ensuite un magnifique repas, que donna en son Hôtel Mr le Cardinal de Coislin.

[Avis]* §

Mercure galant, décembre 1697 [tome 12], p. 283.

Les Comediens du Roy representent depuis trois semaines une Piece nouvelle, intitulée Pilade & Oreste, qui fait grand honneur à son Auteur. Les situations en sont tres-heureuses, & excitent des sentimens de pitié qui rendent cette Piece tres-agreable. Je suis, Madame, vostre, &c.