1698

Mercure galant, février 1698 [tome 2].

2017
Source : Mercure galant, février 1698 [tome 2].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, février 1698 [tome 2]. §

Sur la Paix. Ode §

Mercure galant, février 1698 [tome 2], p. 7-16.

Je vous parle souvent de la Paix ; mais de quoy vous parlerois-je qui pust vous estre plus agréable â entendre ? La joye en est répanduë par tout : & de quelques termes qu’on se serve pour exprimer ce qu’on doit à l’Auteur d’un si grand bien, ils ne font sentir qu’imparfaitement tous les avantages que l’on en reçoit. Vous en verrez un foible crayon dans l’Ouvrage qui fera le commencement de cette Lettre.

SUR LA PAIX.
ODE.

Muses, quelle est vostre joye,
De voir qu’en ce jour heureux,
Enfin le Ciel nous envoye
Le doux sujet de nos vœux ?
Donnez-en de justes marques,
Pais que de tous les Monarques
Le plus grand qui fut jamais,
Descend tout brillant de gloire
Du beau char de la Victoire,
Afin d’embrasser la Paix.
***
Si ce Prince magnanime
Eust toujours d’un même pas
Suivi l’ardeur qui l’anime,
Et qui le porte aux combats ;
Par tant d’exploits admirables,
À nos Neveux incroyables,
Il alloit se signaler ;
Et vostre Art qui tout surmonte,
Eust enfin receu la honte,
De ne les pas égaler.
***
L’impitoyable Bellone
Depuis deux lustres entiers,
De son glaive qui moissonne
Tous les ans tant de Guerriers,
Ravageoit de trois grands Princes
Les plus fertiles Provinces,
Sans que rien pust l’arrêter,
Et le sang & le carnage,
Au lieu d’assouvir sa rage,
Ne faisoient que l’irriter.
***
Le Printemps qui fait les roses,
Et dont l’aimable retour,
Dans le sein de toutes choses
Verse la joye & l’amour ;
Aux Villes infortunées
Des Frontieres ruinées
Portoit la pâle terreur,
Et renouvellant la guerre,
Ne couvroit toute la terre
Que de tristesse & d’horreur.
***
À peine l’herbe échauffée
Reverdissoit les sillons,
Qu’elle mouroit étouffée
Sous le faix des Bataillons.
La campagne ainsi foulée
Montrant, toute désolée,
Au Ciel son sterile flanc,
Goûtoit bien tost la vangeance
De leur brutale insolence,
Et s’engraissoit de leur sang.
***
Mais quittons là ce langage,
N’employons point nos accords
À faire la triste image
D’un champ tout couvert de morts,
Ou d’une Ville assiegée,
Que d’une ardeur enragée
On force de toutes parts,
Et qui prés de sa ruine,
Voit dans son sein la famine
Et la mort sur ses remparts.
***
Enfin ces longues miseres
Ont arrêté le couroux
Et les châtimens severes
Du Ciel armé contre nous.
Il semble qu’il se repente
Des coups de sa main pesante,
Et des maux qu’il nous a faits.
Il nous flate, il nous caresse,
Et pour marque de tendresse
Il fait descendre la Paix.
***
Que de beauté l’environne !
Qu’elle possede d’appas !
Si l’olive la couronne,
Les fleurs naissent sous ses pas.
C’est bien d’elle qu’on peut dire,
Qu’elle voit sous son empire
Et les Peuples & les Rois.
Tout le monde rend les armes
Au doux pouvoir de ses charmes,
Et se range sous ses loix.
***
Devant elle fuit & crie
Bellone au front couroucé,
Plus rouge encor de furie
Que du sang qu’elle a versé.
Cette affreuse meurtriere,
Qui loin de nostre Frontiere
Pour jamais se voit bannir,
Court immoler des victimes,
Où l’appellent les grands crimes
Que seule elle doit punir.
***
Les Nymphes effarouchées
Des Tambours & des Clairons,
Depuis si longtemps cachées
Sous l’écorce de leurs troncs,
Au lieu des aigres Trompettes
N’oyant plus que les Musettes
Dont résonnent les Hameaux,
De mousse & de fleurs ornées
Dansent toutes les journées
Autour des sacrez ormeaux.
***
Tout rit à nostre esperance,
Chacun est dans les festins ;
Les Jeux, les Ris & la dance
Marquent nos heureux destins.
Il faut pourtant reconnoistre
Que nos cœurs ne pourront estre
Parfaitement réjoüis,
Qu’en cette grande journée,
Où nous verrons l’Hymenée
Joindre Adelaide & Loüis.
***
Quittez un Pays sauvage,
Digne Chef d’œuvre des Cieux ;
Venez recevoir l’hommage
Que meritent vos beaux yeux.
Sous les loix de leur empire
Souffre, gemit & soupire
Le plus grand de tous les coeurs.
Venez, Princesse, & qu’il voye,
Comblé d’amour & de joye,
Ses adorables vainqueurs.
Et toy, qui de nostre France,
Parmy tant d’évenemens,
Es la sage Intelligence,
Qui regle ses mouvemens,
Grand Roy, Vainqueur de l’Envie,
Quels Peuples lisant ta Vie,
N’admireront étonnez,
De tes Faits la suite heureuse,
Et cette Paix glorieuse
Dont tu les as couronnez !
***
Plus loin ton grand coeur aspire,
Et tu veux que desormais
Chacun goûte en cet Empire
Les plus doux fruits de la Paix.
Pour accomplir ces merveilles
Tu n’interromps point tes veilles,
Mais dans un si noble employ
Tout entier tu t’abandonnes,
Et le repos que tu donnes,
Tu ne le prens pas pour toy.
Ouy, quoy que l’Histoire vante
Que du temps du Grand Henry,
Sous une Paix innocente
Son regne a longtemps fleury,
Nos jours tout remplis de joye,
Tramez tout d’or & de soye,
Seront plus heureux encor,
Et deviendra veritable
Ce que la plus vaine Fable
Raconte du Siécle d’or.

[Réjouissances pour la Paix faites à Poitiers]* §

Mercure galant, février 1698 [tome 2], p. 16-26.

Voicy une suite des réjoüissances qui ont esté faites dans quelques Villes pour la publication de la Paix. Celle de Poitiers, qui ne le cede à aucune autre dans toutes les choses qui regardent la gloire de son Souverain, choisit le premier jour de Decembre pour celebrer une Feste qui marquast sa joye. Cette feste commença le matin par le Te Deum dans l'Eglise Cathedrale, avec les ceremonies ordinaires. Tout le Clergé Seculier & Regulier, qui est fort nombreux, y assista, aussi bien que Mr l'Intendant de la Province à la teste du Presidial en robes rouges, avec tous les autres Corps qui ont coutume de se trouver à ces Assemblées. Le soir, Mr l'Intendant s'estant rendu à l'Hôtel de Ville, où Mrs le Maire & les Echevins l'attendoient, ils allerent en ceremonie à la Place Royale, où toute la Bourgeoisie estoit sous les armes, divisée en douze Compagnies, leurs Officiers à leur teste, & distinguées chacune par leurs Drapeaux, & où l'on avoit abandonné au peuple huit bariques de vin. Ils partirent de l'Hôtel de Ville en cet ordre. Leur marche estoit précedée des Trompettes & Timbales, Hautbois & Clairons, & d'une Compagnie, qu'on peut nommer les Gardes de Mr le Maire, & qui l'acompagne toujours dans les Ceremonies extraordinaires. Cette Compagnie est formée de quatre-vingt ou cent Maistres Jurez de tous les Corps & Métiers de la Ville, ayant chacun une hallebarde sur l'épaule, & marchant gravement, avec des habits de différentes couleurs, selon la diversité des Métiers. Estant arrivez au lieu où estoit préparé un grand bucher, ils firent trois tours alentour, au son des Trompettes, des Hautbois & des Tambours, aprés quoy Mr l'Intendant, Mr le Maire & les deux premiers Echevins allumerent le feu avec des flambeaux de cire blanche. L'air retentit des acclamations du peuple, qui y estoit en grande affluence, & des cris redoublez de Vive le Roy, qui furent suivis du bruit de la mousqueterie, & d'une triple décharge du Canon. Les Cloches de toutes les Eglises mesloient leur carillon à ce bruit. Cela estant fait, la Compagnie retourna dans le même ordre à l'Hôtel de Ville, où il y eut des Illuminations & un grand Soupé. Tous les Habitans, dont les coeurs sont pleins d'amour & de zele pour le Roy, marquerent chacun en particulier leur joye, mais de leur propre mouvement & sans ordre, en faisant des Illumination à leurs fenestres, & allumant des feux devant leurs portes, ce qui fut continué à l'envi dans toutes les ruës & tous les Carrefours de la Ville jusqu'à minuit. Au milieu de toutes ces acclamations, vingt-cinq ou trente Marchands des plus zelez se distinguerent, & firent d'une maniere particuliere éclater leur joye. Ils choisirent le Logis de Mrs Babaud Freres, comme le plus beau, & le plus propre pour leur feste, faisant le coin d'une ruë, & estant de pierre de taille à deuz faces & à quatre étages. Ils les éclairerent de lumieres vives, qui faisoient voir & lire des Devises & Emblêmes à la gloire du Roy. Au coin de ce Logis, où est un Carrefour que forment quatre grandes ruës qui y aboutissent, coula tout le jour une fontaine de vin, qui amusoit agreablement le peuple. Leur Boutique, qui est grande, & qui a deux ouvertures, fut le lieu où ils voulurent souper publiquement. Elle estoit tapissée, & décorée de divers Tableaux & Devises dans des Cartouches, & de festons de Lauriers, & éclairée de trois Lustres. Pendant le Soupé, où la santé du Roy fut beuë avec ceremonie, les Hautbois & les Trompettes joüerent tour à tour. Estant sortis de table, ils allerent mettre le feu au bucher préparé dans le Carrefour, au son de leurs Hautbois & de leurs Trompettes, & au bruit de quelque mousqueterie. De là ils se rendirent dans une Salle voisine, préparée pour un Bal, qu'ils donnerent à toutes les Dames du quartier, & à toutes celles des autres endroits de la Ville, qui voulurent s'y trouver. Pendant tous ces divertissemens & toutes ces marques de joye, qui couloient de source, les cloches de l'Eglise de la Paroisse, qui est tout proche du lieu où se faisoit cette feste, ne cesserent point de carilloner.

Quelques jours aprés, la Compagnie des Arquebusiers, ou Chevaliers de l'Oiseau, donnerent aussi des marques de leur zele. Ils firent chanter le Te Deum le matin dans l'Eglise des Peres Jacobins, & le soir, tous lestement & proprement habillez, ils se rendirent en fort bon ordre à la Place, où ils allumerent un grand bucher qu'ils y avoient fait préparer. Outre tous les Tambours de la Ville, ils avoient à leur teste les Hautbois & les Trompettes. Aprés plusieurs décharges de leur mousqueterie, ils allerent dans le même ordre en differens endroits de la Ville, & ensuite souper ensemble. La santé du Roy ne fut pas oubliée dans ce repas.

[Réjouissances pour la Paix faites à Luzy]* §

Mercure galant, février 1698 [tome 2], p. 26-44.

Les Magistrats de la Ville de Luzy n'épargnerent rien dans la même occasion pour marquer leur zele. Ils apprirent le 27. Septembre que le 20. du même mois la Paix avoit esté signée par les Plenipotentiaires de France, d'Espagne, d'Angleterre & de Hollande, & aussi-tost ils firent travailler aux feux de joye, dont le dessein fut donné par Mr Nault, Maire perpetuel, qui n'épargna ny ses soins, ny la dépense pour les faire réüssir. [...] Le Dimanche 22. de Décembre, sur les cinq heures du soir, les Habitans s'estant mis en armes par le commandement des Magistrats, proprement vestus, allerent en bon ordre devant la maison de Mr Nault, Maire, en laquelle Mrs Coujard, Fontaine, de Bau, du Pain, Echevins, Mr Reignault, Procureur du Roy, & Mr Repoux, Secretaire, s'estoient un peu auparavant rendus en robes. On fit une décharge de mousqueterie, & de quelques petites pieces de Canon avec des cris de Vive le Roy, dont toute la Ville retentit. On n'entendit que Tambours, Fifres & Hautbois, & la joye paroissoit si universellement sur le visage de tout le monde, qu'il estoit aisé de juger de la satisfaction que l'on avoit de la Paix. Les Magistrats sortirent de la maison de Mr le Maire, précedez par les Huissiezs, & s'estant arrestez sur le perron, il parla à toute l'Assemblée avec beaucoup d'éloquence & de vigueur. [...] On fit une seconde décharge de mousqueterie & de Canons, & la Soldatesque s'estant mise en marche en tres-bon ordre, les Magistrats furent conduits dans l'Eglise de Saint Pierre, où l'on chanta le Te Deum en Musique, & Mr Vaudrot, Docteur de Theologie & Archiprestre, donna la benediction du Saint Sacrement, aprés un discours sur les loüanges du Roy. Les Magistrats allerent ensuite sur le Canal, où aprés s'estre placez sur une hauteur, on vit un combat naval. L'on y jetta de part & d'autre quantité de Grenades, de lances à feu, & d'autres feux d'artifices, dont le spectacle charmoit d'autant plus, que la nuit le rendoit plus éclatant. [...] La mousqueterie & le Canon firent leurs décharges, & on n'entendoit que Tambours, Fifres, Hautbois & Violons, dont l'agreable bruit se mêloit aux acclamations du peuple. Cette ceremonie faite, on reconduisit en armes les Magistrats dans la maison du Maire, qui fut suivi par une multitude de gens. Cette maison estoit éclairée en plus de vingt endroits, & auprès de la porte il y avoit trois grands flambeaux attachez sur une fontaine de vin, qui couloit pour le même peuple. On fit encore une décharge de mousqueterie & de Canon, & ensuite le Maire donna un magnifique repas aux autres-Magistrats, & à quantité de Gentilshommes du voisinage, qui estoient venus prendre part à la réjoüissance publique. À ce repas succeda le Bal, qui dura jusques à quatre heures du matin, & qui finit par une danse de douze Bergers, qui tous avec des bouquets champestres, tels que la saison pouvoit les fournir, les mettoient au pied de l'Effigie du Roy, qui estoit en grand dans la Salle où l'on dansa. Ils attacherent à la tapisserie chacun un grand rouleau, sur le premier desquels il y avoit en lettres d'or, Diligam te, Domine, fortitudo mea ; sur le second, Exurgant, & dissipetur inimici ejus ; sur un autre, Quam magnificum est nomen tuum in universa terra. Un autre portoit ces mots, Omnia mirabilia tua narrabo ; le cinquiéme, Exaltabo in salute tua ; dans le suivant, Custodi eum, Deus, à generatione ista in sempiternum ; sur un autre, Sub umbra alarum tuarum protgenos ; sur un autre, Instruit me ad bellum virtute heroica. Le suivant contenoit ces mots, Posuisti eum Regem, ut omni bonorum genere affluamus. Sur le dixiéme on lisoit ces paroles, Cuncta viae Regis benignitas sunt & veritas ; sur les deux derniers, Et ego ponam primogenitum meum excelsum prae Regibus terrae, & Dilexisti justitiam, propterea unxit te Deux oleo laetitiae suae. On trouva ces versets tirez des Pseaumes de la version des Septante , bien appliquez ; & aprés que les Bergers eurent achevé un Balet, on servit six grands plats de Confitures, de toutes sortes de fruits, de citrons, d'oranges, & plusieurs bouteilles de liqueurs.

[Réjouissances pour la Paix faites à Castres]* §

Mercure galant, février 1698 [tome 2], p. 44-45.

Les marques de joye que l'on a données à Castres, ont eu quelque chose de bien singulier. Pendant quatre Dimanches consecutifs on a allumé un feu public, qui a esté accompagné d'un feu d'artifice ; les Habitants en armes ont suivi les Consuls, qui estoient en habits de ceremonie. Des fontaines de vin ont coulé en plusieurs endroits, tandis que des feux estoient allumez devant les portes de la pluspart des maisons ; & dans toutes ces quatre semaines, il ne s'est passé aucun jour sans qu'il y ait eu Bal, & d'autres sortes de réjoüissances qui ont marqué combien cette Ville a esté sensible aux avantages qu'elle espere de la Paix.

[Réjouissances pour la Paix faites à La Réole en Guienne]* §

Mercure galant, février 1698 [tome 2], p. 45-59.

La Réole en Guienne, sur la Garonne, s'est aussi fort distinguée. Toute la Ville se mit sous les armes ; & aprés qu'on eut allumé un grand feu de joye dans la Place publique, il y eut profusion du meilleur vin, & tout cela par l'ordre & par les soins de Mr de la Veissiere, Maire, qui traita tout le Corps de Ville, ce qui fut suivi d'un Bal pour les Dames.

Le Pere Dom Gabriel le Comte, Prieur des Benedictins de la même Ville, voulant donner des marques particulieres de sa joye, choisit pour cela le jour de la Feste de S. Maur, Patron de sa Congregation. Aprés les Vespres, le Pere Dom Saint-Germain, Predicateur de réputation dans ces Provinces, qui a travaillé à l'instruction des Religionnaires sous les ordres de Mr le Cardinal de Bonzy, monta en Chaire, & prit pour son texte, Fac secundum exemplar quod monstratum est tibi in monte. Copiez l'original qui vous a esté montré sur la montagne [...] aprés quoy les Religieux de ce Convent chanterent le Te Deum. [...]

A la Paix. Ode §

Mercure galant, février 1698 [tome 2], p. 59-67.

J’ay commencé ce nouvel Article de réjoüissances par une Ode sur la Paix ; je le finiray par une autre de Mr de Betoulaud, que le Roy a receuë tres-favorablement.

A LA PAIX.
ODE.

Fille du Ciel, que la Guerre,
Malgré vos divins attraits,
Vint exiler de la Terre.
Revenez, aimable Paix.
LOUIS touché de vos charmes,
Aprés toutes vos allarmes,
Veut vous revoir aujourd’huy.
Venez brillante de gloire,
Ne craignez plus la Victoire,
Que vous voyez prés de luy.
***
Aussi vainqueur de luy-mesme
Que de tous ses ennemis,
À sa clemence suprême,
Son grand courage est soûmis.
Venez voir comme il préfere
En genereux, en vray Pere,
L’Olive aux Lauriers divers.
Sous le poids de ses Trophées,
Les Hydres sont étouffées,
Aux yeux de tout l’Univers.
***
 Loin du superbe Versailles
Il alloit, semblable à Mars,
En foudroyant cent murailles,
Affronter mille hazards.
Là, de son bras redoutable
Partoit le trait effroyable,
Qui brisoit Namur & Mons ;
La Philisbourg, à la veuë
De l’Aigle toute éperduë,
Tomboit sous ses bataillons.
***
 Icy Marsaille & Nervinde,
Stinkerque, & mille autres lieux,
Plus loin que l’Hidaspe & l’Inde,
Portoient son nom glorieux.
En ces combats si terribles,
Quel choc & quels flots horribles
Du sang qu’on voyoit courir !
Quelle ardeur, quand nos Armées
Parce Héros animées,
Voloient pour vaincre ou mourir !
***
 Des assauts de Barcelonne
Que son grand cœur ordonnoit,
La Parque avide & felonne
Elle même s’étonnoit.
Malgré l’Ibere indocile,
Chaque Chef fut un Achille,
Chaque Soldat un Lyon.
Jamais le Dieu de la Thrace,
Ne vit de pareille audace,
À l’attaque d’Ilion.
***
 C’est LOUIS qui sur les ondes
Guidoit nos Jasons nouveaux,
Quand du butin des deux Mondes
Ils chargerent ses vaisseaux.
De Smyrne, & de Carthagene
La riche dépoüille à peine
Peut se nombrer sur nos bords.
Neptune luy même admire,
D’avoir jusqu’en nôtre Empire,
Pû porter tant de Thresors.
***
 Mais aux Campagnes ouvertes
Sous ses heureux étendarts,
Où les Palmes les plus vertes
Le combloient de toutes parts,
O Paix, c’étoit vôtre attente,
Qui de sa main Triomphante
Sans cesse animoit les coups.
Vous causiez ces grands spectacles,
Et tant de fameux miracles
N’ont esté faits que pour vous.
***
 De sa puissance invincible
Quel n’eust pas esté le fruit !
Mais fut-il jamais sensible
Qu’au seul bonheur qui vous suit ?
Pour la gloire d’un Auguste
Toûjours si bon & si juste,
Dans ses plus vastes desseins,
Qu’estoient & les Places prises,
Et les Provinces conquises,
Au prix du bien des humains ?
***
 Tel qu’aprés la nuë affreuse
Le Soleil épure l’air,
Et change en rosée heureuse
Et le tonnerre, & l’éclair ;
Tel malgré toute la rage
De l’épouvantable orage,
Ce magnanime Héros
D’un trait, & d’une parole,
A de l’un à l’autre Pole,
Calmé la Terre, & les flots.
***
 Luy seul arrache à Bellone
Tous ces brandons enflamez,
Que les Sœurs de Tisiphone
Avoient par tout allumez.
Lasse de leurs barbaries,
Il chasse enfin les Furies,
Meres des siécles de fer.
Confuses de voir renaître
L’Age d’Or qui va paroître,
Elles rentrent dans l’Enfer.
***
 Loin de nous, Guerre homicide,
Source de tant de malheurs,
L’Univers sous nôtre Alcide,
Ne verra plus que des fleurs.
Déja l’aimable innocence,
La Justice & l’Abondance,
Se rassemblent à sa voix ;
Je les vois s’unir entre elles,
De cent chaînes éternelles,
Sous le plus grand de nos Rois.
***
 En nos champs, & dans nos Villes
Revenez donc, douce Paix,
A nos esprits plus tranquilles
Faire goûter vos bienfaits.
Revenez avec les Graces
Qu’on voit toûjours sur vos traces,
Et vous, revenez, beaux Arts ;
Pour LOUIS tous pleins de zele,
Prenez une Ame nouvelle,
Au premier de ses regards.
***
 Que nos Naïades si vives
Ajoûtent cent jets bruyans,
Et cent napes fugitives
À ses jardins verdoyans.
Que nos plus rares Apelles
Le peignent en traits fidelles,
Tel qu’on peint le Roy des Dieux ;
Et qu’un nouveau Galilée
Ouvre la voûte étoilée,
Et tout l’Olimpe à ses yeux.
***
 Pour moy, si j’avois la Lyre
Qu’avoit le Chantre Thebain,
Et le Jaspe & le Porphire,
Suivroient les sons de ma main.
Imitant ce vieux exemple,
Eux-mêmes feroient un Temple
Pour ce Héros immortel ;
Et la valeur, la sagesse,
Y feroient fumer sans cesse,
De l’encens sur son Autel.
***
 Mais quel monument éleve
Mon inutile souhait ?
Par la Gloire qui l’acheve,
Ce Temple est déja tout fait,
Je l’aperçois, sa matiere
N’est qu’Or & pure lumiere,
Où nos Neveux ébloüis,
D’une image plus qu’humaine,
Pourront soutenir à peine
Tous les rayons de LOUIS.

[L’art de plaire dans la conversation] §

Mercure galant, février 1698 [tome 2], p. 143-146.

Le même Libraire vient de nous donner la troisiéme édition d’un Livre qui a esté receu tres-agréablement du Public. Son Titre qui est, l’Art de plaire dans la Conversation, promet quelque chose de fort utile, puisqu’il n’y a rien de plus important que d’estre propre à estre receu parmi toutes sortes de personnes. Cet Ouvrage est de Mr de Vaumoriere qui l’a reveu avec soin & augmenté peu de temps avant sa mort. La lecture en est divertissante, & apprend à se corriger de bien des défauts, en facilitant les moyens d’éviter le ridicule, ce qui est proprement estre sçavant dans l’art de plaire. Les maximes qu’on y trouve sont autant de leçons à rechercher pour les jeunes gens qui commencent à entrer dans le monde, & si les Dames peuvent avoir le plaisir d’y voir des personnes de leur sexe dont l’entretien est plein d’agrément, les hommes y apprennent avec quelle bienseance ils doivent estre en la compagnie de leurs Superieurs, de leurs Egaux & de leurs Inferieurs. Qu’y a-t-il qui soit plus à souhaiter que de connoître la belle maniere de vivre ensemble ? C’est ce que les divers Entretiens de ce Livre enseignent. Voici les titres de quelques-uns. Qu’il faut estre civil sans tomber dans des ceremonies incommodes. De la politesse du langage & de la maniere de faire un recit. Comment la bienseance veut que l’on agisse, & que l’on parle quand on mange en compagnie. Qu’un médisant est generalement hay, & qu’il ne peut plaire qu’à des personnes envieuses, ou naturellement malignes. Que pour plaire dans la conversation il faut estre discret, & garder une exacte bienseance. Avec quelle précaution il est permis de railler. Si l’on peut reprendre quelqu’un dans la conversation.

[Adam, Poëme] §

Mercure galant, février 1698 [tome 2], p. 146-149.

Mr Perrault de l’Academie Françoise, qui nous donna il y a quelques années le Poëme de S. Paulin, dont vous avez esté si contente, vient d’en mettre au jour un autre intitulé Adam, qui a l’approbation des plus difficiles Connoisseurs. Il est divisé en quatre Chants. Le premier contient la Création de l’homme ; le second, sa desobeïssance par la suggestion de la Femme séduite par le Serpent aprés quoi Adam chassé du Paradis terrestre, & succombant au sommeil malgré le trouble & l’inquietude que lui cause son malheur, voit en songe tout ce qui doit arriver jusqu’au Déluge. Dans le troisiéme Chant, Dieu touché de la misere d’Adam, lui envoye un Ange qui l’instruit de toutes les choses qui se passeront jusqu’à ce que Salomon bâtisse un Temple au Seigneur, & dans le quatriéme, le même Ange lui raconte, aussi bien qu’à Eve qui vient l’écouter, par quel excés d’amour le Fils de Dieu se fera homme, & ce qu’il operera pour le salut du genre humain. Tout cela est accompagné de descriptions tres-vives, & de tout ce que la Poësie a de plus riches & de plus brillantes expressions. Vous sçavez que c’est en quoi Mr Perrault excelle, & que tres-peu de personnes portent ce talent aussi loin que lui.

[Suite des réjouissances pour la Paix faites dans la ville de Sens]* §

Mercure galant, février 1698 [tome 2], p. 149-203.

Le Mercredy 22. du mois passé, la Paix fut publiée à Sens entre la France, l'Empereur & l'Empire, & à cette occasion, il y eut une Assemblée extraordinaire au Palais, où Mr Farinade, Avocat du Roy au Presidial, prononça le Discours suivant, en presence de Mr Vezou, President Lieutenant General, de tous les Conseillers & Magistrats de ce même Siege, du Maire, des Eschevins, des Officiers des quartiers & de tous les Ordres de la Ville.

MESSIEURS,

S'il y eut jamais proposition dont la verité fust palpable & sensible à tout le monde, c'est celle ci de l'Orateur Romain, que le nom de la Paix est aussu doux & agreable que la chose en soi est utile & salutaire. En effet, de même que l'Univers est uniquement redevable de sa durée au bel ordre qu'il y a étably l'Auteur de la nature, & à cette succession reguliere & invariable des saisons qui partagent le temps & les années; de même que le corps humain trouve sa santé, sa vigueur & sa force, dans l'accord des élemens & dans l'équilibre des humeurs qui le composent, ce qui affermit les Estats & les rend florissans, c'est la Paix, qui amenant à la suite l'opulence & es autres commoditez de la vie, fait la veritable gloire des Princes qui la donnent au monde & l'y entretiennent, & le vrai bonheur de leurs Sujets. Celle qu'ils acquierent par la voye des armes, pour bien rendre leurs noms recommandables au siécle où ils vivent, & en transmettre le souvenir à la posterité par des Inscriptions gravées sur le marbre & sur le bronze; mais comme elle est le fruit des guerres, qui quelque justes qu'elles soient dans leur motif & dans leur principe, sont toûjours cruelles & sanglantes dans leurs effets, l'éclat en peut estre obscurci par les idées de meurtre & de carnage qui l'accompagnent necessairement, & dont on ne peut la séprarer. Il n'en est pas de même de la gloire qui revient aux Potentats par la Paix qu'ils procurent à leurs Peuples, & dont ils leur font goûter les douceurs. Comme elle est pure dans sa source & sans mélange d'aucune passion turbulente & inquiète, ni la malignité des envieux les plus envenimez ne peut l'offusquer & la ternir, ni celle du temps qui consume les metaux dont se font les tropheés & les obelisques, qui efface les Inscriptions dont on charge ces Monumens, quelquefois d'une juste reconnoissance, mais le plus souvent de la complaisance ou de la flaterie des hommes. Plus cette Paix dont la terre leur est redevable est solide, seconde & savoureusement plus elle rend leur noms auguste & respectable. Tous leurs soins aboutissant à rendre heureux les Peuples qui vivent sous leurs Loix, & qui sont soûmis à leur Empire, ils sont l'amour & les delices de ces Peuples, aussi bien que l'admiration des étrangers, qui entendant parler d'eux & de leur gouvernement, charmez du recit que leu en a fait la renomée, & peut-estre jaloux du bonheur de leurs Sujets, regardent de loin ces Souverains comme les Divinitez tutelaires de leurs Etats, & croyent ne pouvoir les comparer qu'à ces Fleuves, engraissent les pays qu'ils traversent par le cours paisible & majestueux de leurs eaux, & qui portent dans toutes les contrées qu'ils arrosent la fertilité & l'abondance. En vain la haine, la jalousie, ou quelque autre passion aussi maligne, voudroient-elles décrier en leur personne l'amour de la Paix & du repos ; tant que cet amour dans eux ne degenere point en foiblesse, tant qu'il ne les porte point à l'oisiveté, bien loin qu'il puisse estre repris avec justice, il est le bel endroit, & comme le miracle de leur vie, la colomne & la baze qui soûtient l'édifice de leur grandeur, & quand les Poëtes & les Orateurs se taisoient sur l'iniquité d'un tel jugement, quand ils n'invctiveroient pas contre sa noirceur dans leurs écrits & leurs justes éloges, la joye des Peuples qui possedent un tel Prince, le bonheur dont ils joüissent sous la domination, l'attachement qu'ils ont à des interests, leur dévouëment à son service, les loüanges qu'ils lui donnent de toutes parts en action de graces des biens qu'ils en reçoivent, desavoüeroient hautement la malignité de cette censure, & feroient une condamnation éclatante de son injustice.

Le Dimanche suivant 26., le Te Deum fut chanté dans l'Eglise Cathedrale, en presence de tous les corps Ecclesiastiques & Seculiers, aprés quoy on alluma un grand feu de joye dans la grande Place, où les Habitans estoient sous les armes. Cela fut fait aux cris redoublez de Vive le Roy, & au bruit des décharges de la Mousqueterie, du Canon, des Tambours, Trompettes, & autres Instrumens. Le soir, il y eut un feu d'artifice dans la même Place, avec de riches representations & Devises à la gloire de Sa Majesté, & quantité d'Illuminations, ce qui fut suivi d'un grand regale à l'Hôtel de Ville, d'un Bal general, & d'une magnifique Collation pour les Dames, aux dépens des Officiers des quartiers.

Le même jour vingt-deuxiéme, Mr Caillet, Conseiller au Parlement en la Cinquiéme des Enquestes, Envoyé Extraordinaire en Pologne du Roy de la Grand'Bretagne en 1689. fit chanter le Te Deum pour la Paix Generale, dans l'Eglise de sa Terre de Theil prés de Sens, & autres dépendantes de sa Chastellenie. Ensuite il alluma un grand feu de joye qu'il avoit fait préparer devant son Chasteau, où plus de quatre cens hommes estoient sous les armes en tres-bon ordre. Ils firent de grandes décharges de Mousqueterie, & on leur abandonna plusieurs pieces de vin. Il y eut table ouverte dans les appartemens du Chasteau pour plusieurs Gentilshommes, & autres personnes distinguées, qui furent traitées magnifiquement pendant deux jours.

[Réjouissances pour la Paix faites à Blois]* §

Mercure galant, février 1698 [tome 2], p. 219-227.

Les mêmes réjoüissances se firent à Blois le 26. du mois passé, & rien ne fut oublié dans tous les quartiers de cette Ville pour marquer le zele dont les Bourgeois estoient animez. Le même jour il y eut un grand feu de joye dans la Paroisse de Saint Secondin, qui appartient à Madame la Comtesse de Bury, cy devant Gouvernante de Madame la Princesse de Conti Doüairiere, & qui n'est qu'à deux lieuës de Blois. Mr Justice, Curé du lieu, avoit pris soin de le faire préparer. Les Habitans, au nombre de plus de trois cens, se mirent sous les armes, ayant tous le chapeau bordé d'un galon d'or, & le reste de l'équipage à proportion. Mr Scion, nouveau Converti, & qui l'est de bonne foy, exposa publiquement, comme Capitaine, le Portrait du Roy couronné, & avant que de se mettre à la teste de sa Compagnie il fit un Discours des plus touchans sur les avantages de la Paix. Cela fait voir qu'elle imprime des sentimens si pleins de reconnoissance dans tous les cœurs des François, que ceux-mêmes qui n'ont aucune obligation de parler, ne sçauroient retenir leur zele. après avoir marqué les effets que la joye produit de tous costez ; La Paix, continua-t-il, ramene avec Astrée l'inocente liberté, les beaux jours, les plaisirs, les richesses & l'abondance, fait renaistre le Commerce, les Arts & les Sciences, & fournit à toute la terre un exemple achevé de la parfaite moderation du plus grand Roy du monde. Qui ne sçait que la guerre estoit aussi glorieuse à ce Monarque invincible, que fatale à ses Ennemis ? Car pour ne parler icy que de la derniere Campagne, LOUIS en Catalogne, toujours triomphant, toujours victorieux, prend Barcelone, Capitale de cette Province, malgré tous les efforts de l'Espagne & de ses Alliez. LOUIS en Flandre, où son nom seul gagne des Batailles, se rend maistre d'une autre Place importante en dépit de la Ligue, & à la vûë de tous les Princes Confederez. LOUIS en Allemagne, plus puissant que les Cesars, rend ses Armées redoutables à l'Empereur & à l'Empire, & répand en même temps la terreur en tous lieux. Cependant, ô prodige inoüy ! vainqueur de ses Ennemis, & par une plus rare merveille, vainqueur de soy même, parmy tant de Palmes & de Lauriers, au milieu de tant de triomphes & de victoires, ce Monarque incomparable arreste tout à coup, par un effort heroïque, le progrès de ses armes, & la rapidité de ses conquestes, pour donner encore une fois la Paix à l'Europe, fonder le repos & rétablir la felicité publique. Ah ! s'il est vray, comme il n'en faut pas douter,que le plus grand des Rois, la terreur du monde, l'admiration de l'Univers, le Protecteur de l'Eglise, & le Fleau des Heretiques, prefere en faveur de ses Sujets, la qualité pacifique de Père de la Patrie, au titre glorieux de Conquerant ; la France ne doit-elle pas donner par tout des marques publiques de sa juste reconnoissance, par des transports de joye, & par de continuelles acclamations. Battez donc, Tambours, sonnez, Trompettes, meslez vos bruits tonnans au doux son des Fifres, des Musettes & des Hautbois. Et vous, qui me suivez, Peuples heureux, Peuples contens, joignez vos voix aux charmans concerts qui resonnent de tous costez. Que les fontaines, que les ruisseaux de vin coulent dans nos Hameaux, que tout se ressente des douceurs de la Paix ; que les bois, que les plaines, que les collines les plus proches retentissent de nos acclamations, & que les Echos d'alentour charmez de nos applaudissemens, repetent mille fois aprés bous, Vive le Roy. Ce Discours finy, Mr Scion fit défoncer un tonneau de vin dans sa Cour, afin que tous ceux de sa Compagnie bussent à la santé du Roy, tandis qu'il donna dans son logis la Colation aux Officiers. Ensuite il marcha en bon ordre au Chasteau de Bury, où il fit faire deux décharges, puis au Te Deum qui fut chanté solemnellement au bruit de plusieurs autres décharges, & enfin au feu de joye, précedé de la Croix & du Clergé, qui estoit nombreux. La feste se termina par un grand repas, que le Capitaine donna le soir, avec une Illumination qui dura toute la nuit, au bruit des Tambours & des Fifres, mais la bonne chere ne finit pas. Elle dura encore huit jours, tous les Officiers se piquant de regaler chacun à son tour.

Air nouveau §

Mercure galant, février 1698 [tome 2], p. 228-229.

Mademoiselle Dalerac la Charse, dont le merite est si connu en France, a composé les paroles de l'Air qui suit. La Musique est d'une Personne qui fait du bruit dans le monde.

AIR NOUVEAU.

L’Air, Soupirs, &c. page 228.
Soupirs qu'on ne veut plus entendre,
Chers & tristes enfans de ma sincere ardeur,
Cachez vous au fond de mon cœur,
Dussiez vous le reduire en cendre.
Soupirs qu'on ne veut plus entendre
Cachez-vous au fond de mon cœur.
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[Livres nouveaux : Sentimens d’une Ame pénitente…, Contes nouveaux, ou les Fées à la mode, de Madame D**, Les Contes des Contes]* §

Mercure galant, février 1698 [tome 2], p. 237-241.

Il paroist depuis peu un autre livre, qui est extrêmement de saison, il est intitulé, Sentimens d’une Ame penitente, sur le Pseaume, Miserere mei, Deus, & le retour d’une Ame à Dieu, sur le Pseaume Benedic anima mea ; accompagnez de reflexions Chrétiennes. La lecture de ce livre doit estre un charme pour les Ames dévotes. Il est bien écrit, plein d’onction, & ne peut estre trop lû par les Chrestiens. Il se vend chez la Veuve de Theodore Girard, dans la grande Salle du Palais, à l’Envie, où se debite aussi un livre nouveau divisé en deux tomes, & intitulé Contes nouveaux, ou les Fées à la mode, par Madame D***. Les Contes de Persinet, de l’Oiseau bleu, & plusieurs autres qui sont du nombre de ceux qui furent si favorablement reçus du Public l’année derniere, sont de la même Dame qui vient de donner les Contes nouveaux. Tous ses ouvrages ont eu un si grand succés qu’on est persuadé qu’elle ne peut rien faire dont la lecture ne donne un extrême plaisir. Ces sortes d’ouvrages sont devenus fort à la mode. Ainsi, une Demoiselle de qualité vient aussi de mettre au jour deux volumes intitulez Les Contes des Contes. S’il m’estoit permis de la nommer, son nom seul feroit juger de la beauté de ces Contes, même avant que de les lire. Son bon goust est connu parmy les personnes qui se mêlent d’écrire, & plusieurs ouvrages d’une plus grande consequence, & qui ont esté fort applaudis dans le monde, luy doivent une partie de leur succés, les Auteurs ayant bien voulu se rapporter à son sentiment avant que de les mettre au jour. Les deux tomes des Contes des Contes se vendent chez Simon Benard, ruë Saint Jacques, au dessus des Mathurins, au Compas d’or.

[La défense des Dames] §

Mercure galant, février 1698 [tome 2], p. 274-276.

Il paroist depuis peu un livre intitulé La défense des Dames, ou les Memoires de Madame la Comtesse de M *** dans lequel on verra que tres souvent il y a beaucoup plus de malheur que de déreglement dans leur conduite. Le titre de ce Livre suffit pour exciter la curiosité & sur tout celle du beau Sexe qu’on accuse tous les jours d’intrigues galantes sur une infinité d’apparences qu’on n’approfondit point assez pour en découvrir le faux : les Dames ont l’ambition de paroistre belles, & cette ambition n’est point condamnable. Elles se plaisent à entendre loüer leur beauté, & celles qui ne sont que mediocrement belles dévorent ces loüanges avec encore plus d’avidité ; de sorte qu’on est persuadé que leur cœur se rend à ce que leur ambition sur le chapitre de leur beauté leur fait seulement prendre plaisir à entendre. Il ne se peut aussi que celles que leur naissance ou d’autres considerations obligent à voir grand monde, ne se trouvent souvent embarassées dans des affaires où elles sont condamnées, sur ce qui paroist sans aucune preuve de ce qu’on prétend estre effectif. Il n’y a rien de plus ordinaire, & cependant ces trompeuses apparences estant prises aussitost pour des realitez, ceux qui ne cherchent que les occasions d’exercer leur veine Satyrique, ne les laissent pas échaper. Ils font courir les Vaudevilles les plus outrageans, tant ils aiment à se saisir de la moindre lueur qui peut donner lieu à leurs médisances. Le Livre dont je viens de vous parler, se vend chez Michel Brunet dans la Grande Salle du Palais, au Mercure Galant.

Air nouveau §

Mercure galant, février 1698 [tome 2], p. 285-286.

Les Vers qui suivent sont de Mademoiselle l'Heritier, & ont esté mis en Air par un habile Musicien.

AIR NOUVEAU.

L’Air, On n'entend, &c. page 285.
On n'entend plus le bruit des armes,
Un Roy le modele des Rois
Arreste ses fameux Exploits,
Et d'une heureuse Paix nous fait gouter les charmes,
Cent plaisirs à l'envy nous donnent de beaux jours
Mais parmy ces plaisirs les dangereux Amours
Preparent des douceurs ameres,
Si rien ne s'oppose à leurs traits
Ah que le calme de la Paix !
S'en va coûter de trouble aux cœurs de nos bergeres !
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