1700

Mercure galant, juin 1700 [tome 6].

2017
Source : Mercure galant, juin 1700 [tome 6].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, juin 1700 [tome 6]. §

[Au Roy]* §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 5-7.

Je ne doute point, Madame, que vous ne voyiez avec plaisir la Devise qui a esté faite pour le Roy par Mr Magnin, Conseiller au Presidial de Mascon, de l’Academie Royale d’Arles. Elle a pour corps le Soleil, & ces paroles pour ame, Orbis fata librat. On les a renduës en nostre Langue par ces quatre Vers.

Il mesure les années,
Et par mille tours divers
Sa course, de l’Univers
Balance les destinées.

Rien ne peut estre plus juste, puis que le Roy a toujours esté le maistre de continuer la guerre, ou d’accorder la Paix qu’il a donnée quatre fois, lors qu’il pouvoit augmenter sa gloire en augmentant ses conquestes, si toutefois il estoit possible que la gloire de cet Auguste Monarque receust encore quelque éclat nouveau.

A Monsieur Brunet §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 44-80.

Comme nous sommes dans une saison favorable aux promenades, vous ne serez pas sans doute fâchée de voir la belle Maison de Campagne de Mr Brunet, Garde du Tresor Royal. Je vous en envoye la description qui vous paroîtra tres curieuse. Elle est exacte & de bonne main, puisqu’elle part de celle de Mr l’Abbé Maumenet, à qui la moindre loüange qu’on puisse donner sur l’heureux commerce qu’il a avec les Muses, c’est d’avoir merité plusieurs fois le prix que donnent tous les deux ans Mrs de l’Academie Françoise pour la meilleure Piece de Poësie.

A MONSIEUR BRUNET.

Des Tresors de LOUIS sage Dépositaire,
BRUNET, qui t’éloignant d’une route vulgaire
Honores de tes soins le bel Art de rimer,
Je sens qu’un feu divin pour toy vient m’enflâmer.
En vain à mes desirs opposant ma foiblesse,
Je cherche à differer l’effet de ma promesse :
Apollon plein d’estime & de zele pour toy,
M’engage de tracer ta Maison de Brunoy.
Ce lieu si plein d’attraits, dont la riche parure
Doit à tes soins divers autant qu’à la nature,
Fait voir sur son terrain à my-côte élevé,
Un des plus beaux Jardins que l’Art ait cultivé.
Il n’étale à nos yeux ny marbre, ny porphire :
Le faste qui sur toy n’exerce aucun empire,
Ne répand point icy son éclat orgueilleux ;
Tout y frape pourtant & le cœur & les yeux.
Le bon goût de concert avec la politesse,
Y conserve par tout & l’ordre & la justesse ;
La simplicité même y marque la grandeur,
Et qui voit ta Maison, reconnoît ta candeur.
Avant qu’y parvenir une longue (a) avenuë
Jusqu’aux murs du Jardin flate & conduit la vûë ;
Il s’ouvre ; & la terrasse où je porte mes pas,
M’offre de tous côtez des objets pleins d’appas.
Avide d’observer leurs beautez differentes,
Je m’en formois déja des images brillantes,
Quand la nuit commençant à succeder au jour,
Vint cacher à mes yeux cet aimable séjour.
Tout se confond bien tôt, & sous ses voiles sombres,
Cette nuit n’offrant rien qu’un cahos & des ombres
J’attens, pour admirer ce Jardin si vanté,
Que le Pere du jour ramene la clarté.
A peine a-t-il paru, sortant du sein de l’onde,
Et rendant aux Mortels sa lumiere feconde,
Que mes sens dégagez des liens du sommeil
Rappellent de Brunoy l’idée à mon reveil.
La maison à mes yeux vient s’offrir la premiere ;
Dans ses appartemens commode, reguliere,
Cette maison bornée à son ancien terrein
Enferme en peu d’espace un vaste & beau dessein.
Entre divers jardins heureusement assise
Elle frappe la vûë avec tant de surprise,
Que l’esprit au dehors fortement attaché
Des beautez du dedans n’est presque point touché.
En vain à mes regards ce Salon se presente :
Tous ces tableaux tracez par une main sçavante,
Ces lits avec tant d’ordre & de grace agencez,
Ces bassins dans le mur avec art enfoncez,
Ne sçauroient arrester mes yeux & ma pensée ;
Je sens au fond du cœur que ma Muse empressée
S’efforce à m’attirer dans ces charmans dehors,
Et veut que je me livre à ses justes transports.
Mais avant que ceder à son impatience,
Contemplons ce chef-d’œuvre & d’art & de science,
Ce Pelican moins beau par son or precieux,
Que par les claires eaux qu’il répand en ces lieux.
De son bec il fournit un jet intarissable,
Qui mêle en ce Salon l’utile à l’agreable.
 C’est icy, qu’étonné d’un si hardi dessein,
Je t’invite, Brunet, à conduire ma main.
L’ordre qu’en tes Jardins toy-même as sçu répandre
A mon esprit charmé déja se fait entendre.
Je te suis, & par toy guidé dans ces beaux lieux,
Rien ne peut échaper à mon œil curieux.
J’ay traversé la cour ; une pompeuse Serre
Etale les tresors qu’elle rend à la terre.
A peine le Zephire a d’un souffle amoureux
Dissipé de l’hiver les frimats rigoureux,
Que de mille Orangers cette terre semée
Y rend de tous costez ta maison parfumée ;
L’air qui répand au loin cette agreable odeur,
Anime mes esprits d’une nouvelle ardeur.
 Il est temps de monter sur ces vastes terrasses,
D’où l’on voit cent réduits habitez par les Graces ;
On y goûte un air pur, & de simples beautez
Y reveillent l’esprit par cent traits enchantez.
Quel est ce beau Verger où sous l’épais feüillage
On va bien-tost chercher la fraîcheur & l’ombrage ?
Combien d’excellens fruits dans ce fecond terroir
De l’heureux Jardinier flatent déja l’espoir !
Flore y joint ses presens aux bienfaits de Pemone,
Et le pampre naissant, dont Bacchus se couronne,
Meslant l’éclat du verd aux fleurs de l’arbrisseau,
Forme dans ce Verger un spectacle nouveau.
A voir ce petit bois dont la jeune parure
Fait avec le gazon une vive peinture,
Qui ne reconnoistroit ces arbres si vantez
Que n’agueres la France a de l’Inde empruntez ?
Qu’ils sont beaux ! Le Soleil commençant sa carriere
N’y verse pas plutost sa naissante lumiere,
Que rehaussant l’éclat de leurs tendres couleurs
Ils frapent & l’esprit & l’œil des spectateurs.
Disposez avec ordre, une égale distance
En partage les rangs, en marque l’ordonnance,
Et prés de cet endroit d’utiles reservoirs
Dans ce riche amas d’eau sont autant de miroirs.
 Parvenus sur le haut de ta maison charmante,
Où le terrein s’abaisse en une douce pente,
Descendons vers ces lieux où cent objets brillans
Surprennent mes esprits, & confondent mes sens.
Plus je m’avance icy, plus mon ame surprise
Admire ce Jardin dont elle fut éprise,
Quand la nuit couvrant tout de ses voiles épais,
En dissipant le jour, m’en cacha les attraits.
Que l’aspect de ces lieux est doux ! Quels païsages
Presentent ce Chasteau, ces Prez, & ces Villages !
Que j’aime à voir l’Hiere (b) au pied de ces costeaux
Rouler en serpentant le cristal de ses eaux !
Entre des peupliers qui couronnent sa rive,
Elle semble arrester son onde fugitive,
Et vouloir presenter aux Nymphes de ces lieux
De ses flots suspendus le miroir gracieux.
Parfois, d’arbres épais, & de roseaux touffuë,
Dans ce vallon fertile elle échape à ma vûë,
Et parfois à travers quelques arbres fleuris
Elle s’ouvre un passage à mes regards épris.
Au spectacle des Eaux, des Bois & des Collines,
Un Temple (c) renommé joint ses beautez voisines.
L’Aspect en est par tout borné diversement ;
Mais si d’un beau lointain il n’a pas l’agrément,
Tant de varieté qui n’est point confonduë,
Compense heureusement le defaut d’étenduë
 Sur ces riches costeaux mes regards arrestez
Sembloient de ce Jardin negliger les beautez,
Quand Brunoy rappellant la Muse qui m’inspire,
Sollicite pour luy les accens de ma lyre.
D’un Buis verd que la main a doctement taillé,
Et des plus vives fleurs un parterre émaillé,
Pres de ce bâtiment dont il orne la face,
Presente aux spectateurs sa riante surface.
En des bassins que l’art disposa de niveau,
Combien voit-on monter d’admirables jets d’eau,
Qui conservant entr’eux une égale figure,
Forment le même aspect, & le même murmure !
Parmi le tendre émail de differentes fleurs
Dont l’éclat du gazon anime les couleurs,
Au fond d’un grand bassin brille une eau (d) pure & belle,
Qui sert à ta maison, d’une glace fidelle.
Qu’on suspende le cours qu’elle prend dans les airs,
L’œil au fond du bassin voit cent objets divers.
Ce superbe Balcon enrichi de dorure,
Ces murs couleur de marbre, où la noble sculpture
A d’Alcide vainqueur exprimé les travaux,
Peignent sur son cristal leurs mobiles tableaux.
 Parcourons les costez du Jardin que j’admire.
Chaque objet different m’invite à le décrire.
A ma droite il paroist deux berceaux gracieux,
Où n’approche jamais l’Aquilon furieux.
Là, le Dieu des Festins suivi de l’abondance,
Fait regner les plaisirs & la magnificence,
Et mêle à ce spectacle agreable & charmant,
De ses mets delicats le doux assortiment.
Nymphes de ces beaux lieux, quelle en fut l’allegresse,
Quand le Fils d’un grand Roy, digne de sa tendresse
Sous ces riches berceaux par vos mains regalé
Vous caressa, vous fit un accüeil signalé !
Vostre cœur, de ce jour heureux & plein de gloire,
Veut que l’on garde icy l’éternelle memoire,
Et que ces Cabinets si respectez des vents,
Le soient par nos écrits de l’injure des temps.
Mais qu’entens-je ! quel bruit sous cet épais feüillage,
M’invite de passer dans ce sombre bocage ?
Le chant melodieux des differens oiseaux,
Qui se meslent au bruit des jaillissantes eaux ;
Ce Rocher (e) découvert, où nappes & cascades
Au fond de cette allée attirent les Naiades,
Promettent à l’esprit mille agrémens divers.
Avançons, ces tapis de gazons toûjours verds,
Dont la couleur s’unit à la blancheur du sable,
Marquent en descendant cette route agreable.
Tu parois, & soudain l’eau docile à ta voix,
Sous l’ombrage flotant des arbres de ce bois,
S’éleve dans les airs, où changeant de figure,
Elle amuse les sens par sa douce imposture.
Quel arbre imperieux pousse ses longs rameaux,
Jusqu’où ce jet (f) rapide a fait monter ses eaux ?
Je l’entens murmurer, & mon ame abusée
Croit voir une volante & liquide fusée.
Il n’est rien que soumis à ton commandement
N’imite dans ces lieux le fluide Element.
Tantost avec effort du centre d’une table
Il s’élance, & surprend par sa chûte agreable :
Tantost il se transforme (g) en pluye, en gerbe, en fleur,
Et tantost d’une cloche il dépeint la rondeur.
Que de rians bassins, que de vives fontaines
Enfantent des tresors de leurs humides veines !
Enchanté par les yeux, je traverse ce bois,
Je passe, je reviens, je m’arreste cent fois.
Icy deux gueridons (h) ornez de coquillage,
Font avec la rocaille une champestre image ;
L’eau qui boüillonne en l’air, en sortant de leur sein,
Avant que parvenir jusques à son bassin,
Forme de son cristal deux nappes transparentes.
Là s’éleve un Rocher, (i) dont les ondes bruyantes
Semblent en écumant livrer la guerre aux cieux,
Puis tombent en brisant leurs flots audacieux.
Deux cabinets voisins, de leur onde plus calme,
Figurent à nos yeux un (j) Cyprés, une Palme ;
Et ces jets de cristaux & de perles ornez,
Tombent dans des bassins de gazon couronnez.
D’où naist cette (k) belle eau, qui borne icy sa course ?
Me trompé-je ? Cerés en regarde la source,
Et marque par l’epy qu’on voit entre ses mains,
Qu’elle fait avec l’eau le destin des humains.
J’observois avec soin une source si pure,
Lorsque jaloux des dons qu’y verse la nature,
Et voulant à son tour triompher à mes yeux,
L’Art éleve soudain un jet d’eau merveilleux.
Voy, dit-il, au milieu de la vive Fontaine,
Ce fer (l) industrieux, qui ne s’ouvre qu’à peine,
Quelle est & l’abondance & la rapidité,
Dont il vomit dans l’air l’element emporté.
Au Maistre de ces lieux intelligent, docile,
Je découvre en secret mon sçavoir difficile,
Et je veux que Brunoy, par ses soins cultivé,
Soit de mille jardins le modele achevé.
Veux-tu connoistre où vont mes desseins magnifiques ?
Viens, que j’ouvre à tes yeux ma Grote & mes Portiques.
C’est là, que plus pompeux j’obtiens sans disputer,
Ce qu’icy la nature ose me contester.
 A Ces mots l’Art se tût. Charmé de son langage,
Je m’avance, & bien-tôt dans le fond du bocage,
J’apperçois une Grote (m) où la fraîcheur des eaux
Ne souffre point l’ardeur des Etez les plus chauds.
Là, le Dieu des Amours qui badine sans cesse,
Prend plaisir d’inventer quelque tour de souplesse.
Caché dans cette Grote, à peine on veut de prés
D’un ouvrage si beau contempler les attraits,
Que par mille ressorts qu’il sçait mouvoir sans peine,
L’onde de toutes parts s’élance & se déchaîne.
Tircis, qui de la Grote ignoroit le danger,
Voulut, pour la mieux voir, trop avant s’engager.
Le regard attaché fixement sur l’ouvrage,
Il en consideroit l’ordre & le coquillage,
Quand tout d’un coup l’Amour, de sa legere main
D’un deluge de flots inonde le terrein.
Tircis veut s’échaper de cette eau qui l’assiege :
Mais quoi qu’avec vitesse il sorte de ce piege,
Surpris, moüillé, confus aux yeux du spectateur,
Il fuit, & ce Jardin perd un admirateur.
L’air au loin retentit de mille éclats de rire,
Et l’Amour, dont Tircis avoit bravé l’empire,
Luy dit en se mocquant ; Vante-toy desormais.
Tircis, que tu ne crains ny l’amour, ny ses traits.
 A peine eut-il parlé, que la Troupe attentive
Admire la beauté de trois nappes d’eau vive.
J’y jettois un coup d’œil, lorsqu’à mes sens charmez
Se montrent deux Dauphins artistement formez.
Quel cizeau delicat en a d’aprés nature
Exprimé noblement les traits & la figure !
Observez cet objet, qui paroît au milieu,
Et qui semble effrayer dans ce paisible lieu,
Ces yeux estincelans, cette effroyable bouche,
D’un Satyre en couroux marquent l’humeur farouche.
Le dessus de la Grote, avec art travaillé,
Porte un chiffre amoureux adroitement mêlé.
Tous ces objets divers placez avec genie,
Forment de ce beau lieu la parfaite harmonie,
Et jamais on ne vit coquillage plus fin,
Mieux respondre au travail d’une sçavante main.
 Aprés avoir long-temps contemplé cet ouvrage,
Qui termine si bien cet aimable bocage,
J’attendois le moment, où propice à mes vœux
L’Art devoit m’étaler ses (n) Portiques nombreux,
Quand luy-même, des fers tirant l’onde captive,
Au bruit qu’elle répand, rend mon ame attentive ;
Et pour voir cet endroit si justement vanté
Rappelle encor mes pas dans ce Bois enchanté.
De verdure & de fleurs quel discret assemblage !
Quel noble assortiment couronne ce treillage !
Chaque pot d’Oranger precedé d’un Jet d’eau.
Donne à chaque Portique un ornement nouveau.
Icy, gardant toûjours l’ordre & la symetrie,
Ces Portiques unis font une gallerie
Où l’eau, qui dans les airs prend un essor égal,
Retombe aux deux côtez dans un étroit canal.
Cet admirable endroit orné de contre-allées,
Presente ses tapis aux Nymphes assemblées,
Et l’œil en penetrant chaque Portique ouvert,
Croit en voir un nouveau tracé sur un fond verd.
Là, pour faire un Salon l’Art trouvant plus d’espace,
De son habile main l’arrondit avec grace,
L’embellit au milieu d’un bassin gazonné
De differentes fleurs par tout environné.
La rocaille arrangée autour de ce Portiques
Voit sortir de son sein vingt jets d’eau magnifiques,
Qui pour flater la vûë avec plus d’agrémens,
Ne portent point trop haut leurs rapides eslans.
A voir tous ces objets que le bon goust rassemble,
Et qu’ailleurs rarement on voit unis ensemble,
On diroit que ce lieu riant & degagé
De tes vastes Jardins seroit un abregé.
Pour ne rien dérober à l’aspect des Portiques,
Tu veux en separer la (o) Salle des Antiques.
C’est-là qu’avec succés ta main dans un instant
Fait succeder au beau le sublime & le grand.
La Sculpture y fait voir sur la pierre animée
Diverses Deïtez que sa main a formées.
Flore, Apollon, Venus, Diane, & d’autres Dieux
Se presentent autour d’un Bassin spacieux ;
On peut mesme à costé de ces beautez divines
Admirer les portraits de quelques Heroïnes ;
Et si l’on prend bien garde au jeune Marsyas,
Ce Mortel a d’un Dieu la grace & les appas.
 Mon esprit & mon cœur charmez d’intelligence,
De ces deux Cabinets contemploient l’ordonnance,
Et j’allois plus long-temps en repaistre mes yeux,
Quand toy-même, Brunet, m’arraches de ces lieux.
Où conduis-tu mes pas ? Quelle beauté nouvelle
Peut encore animer & ma lyre, & mon zele ?
Arrestons. J’apperçois un ouvrage nouveau,
Qui ne peut échaper aux traits de mon pinceau.
Ce fecond reservoir, entouré de Naiades,
Forme de son eau claire un tissu de cascades,
Qui dans un long canal coulant à petits flots,
Versent d’un doux sommeil les tranquiles pavots.
Vingt beaux jets unissant leur bruit à ce murmure,
D’un si riche canal relevent la parure.
La pierre, dont ses bords sont par tout embellis,
Semble le disputer à nos marbres polis ;
Et c’est icy que l’Art, content de ses ouvrages,
A mis le dernier trait à ces pompeux boccages.
 Passons sans differer dans cet autre Jardin,
Que la nature seule a paré de sa main.
Qu’à mon foible pinceau cette Reine admirable,
Dans son air negligé paroist inimitable !
Que ne puis-je à mon gré dépeindre ce Canal,
Large, étendu, profond, digne d’un Parc Royal !
Quel Theatre embelli de fleurs & de verdure,
Compare à celuy-cy sa brillante parure ?
Où rencontrer des bois qui plus haut dans les airs
Elevent leurs rameaux épais & toûjours verds ?
Certes, tant de beautez simples & naturelles
Meriteroient les soins des neuf Sœurs immortelles.
Ce que j’ose en tracer icy confusément,
Trouveroit dans leurs mains & l’ordre & l’agrément.
En peignant la Maison, les qualitez du Maistre
Dans un riche tableau se feroient reconnoistre,
Et nos neveux charmez de tes Jardins fleuris,
Le seroient encor plus des vertus de ton fils.
Sur un mesme terrein vos deux Maisons unies
Marquent l’heureux accord qui joint vos deux genies.
Elevez par l’esprit, honorez par le rang,
Vous l’estes encor plus par l’union du sang.
Pour mieux serrer les nœuds d’une amitié si belle,
A ses sacrez concerts Apollon vous appelle,
Vous prodigue des biens que ses divines mains
Dispensent rarement au reste des humains.
Combien de fois, Brunet, dans ces sombres retraites
Ce Dieu t’inspira-t-il de tendres chansonnettes,
Dont l’Amour amusant le cœur de cent beautez,
Leur fit trouver Paphos en ces lieux enchantez.
Ah ! si plein du beau feu que Melpomene inspire,
Sous ces tendres ormeaux je fais parler ma lyre,
L’Univers apprendra par de plus nobles chants,
Jusques où vont pour toy mes soins reconnoissans.
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[Réception et fêtes pour le Dauphin]* §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 100-119.

Le Lundy 7. de ce mois, Monseigneur le Dauphin, & Monseigneur le Duc de Bourgogne partirent ensemble de Versailles pour aller au Raincy, maintenant appellé Livry, où ils furent reçus par Mr le Marquis de Livry, Premier Maistre d’Hostel du Roy. Ils coururent le Loup à leur arrivée, & firent au retour un grand repas, pendant lequel il y eut une simphonie de plusieurs Flutes & Hautsbois, de la composition du sieur Philidor, Ordinaire de la Musique du Roy. L’on se promena ensuite dans les Jardins.

Le Mardy, l’on courut un Chevreüil, & lors que la chasse fut finie, & que Monseigneur rentroit dans le Chasteau, son cheval fit un écart & une glissade en arriere sur le Pont levis, à deux doigts prés du bord. Les gens de sa suite en furent fort effrayez ; mais Monseigneur sans s’étonner, le soûtint, & luy donna des deux si à propos, que le cheval se releva, & s’élança de l’autre costé. La premiere parole que ce Prince fit entendre, aprés avoir relevé son cheval, fut qu’on donnast quelques Louis au premier Pauvre qui se presenteroit, & qu’on en donnast sur l’heure à un Paysan qu’on apperçut. Il y eut repas, au retour de chasse, & ensuite promenade.

Le Mécredy il y eut chasse du Loup, aprés quoy, Monseigneur s’estant rendu à Paris, à l’Hostel de Gramont, avec Monseigneur le Duc de Bourgogne, Mr le Duc de Gramont alla les recevoir à la porte. Il avoit fait tendre à l’entrée un dais tres-riche. La cour estoit sablée, & bordée de pots de fleurs de toutes couleurs, d’Orangers, & de plusieurs autres arbres qui servirent à l’embellissement de cette cour. La suite de ces deux Princes estoit composée de Monsieur le Duc de Chartres, de Monsieur le Duc, de Monsieur le Prince de Conty, de Monsieur le Comte de Toulouse, de Mrs les Ducs de Guiche, de Villeroy & de Bouflers, & de Mrs les Marquis d’Antin & de Sainte-Maure, de Livry, & d’O. Dans l’instant que Monseigneur commençoit d’entrer, le Sr Pecourt parut devant ce Prince, habillé à la Basque, avec les sieurs Balon, Lestang, du Mirail, Boureville, du Moulin & Germain, & douze Basques, avec un Tambourin, & un Violon du Pays. Leurs habits estoient de satin jaune, avec des cales de même couleur, des bas de soye bleuë, excepté celuy du sieur Pecourt, qui estoit cramoisy & blanc. Les douze Basques habillez de blanc, lacez avec du ruban couleur de feu, des escarpins noirs à talon rouge, des bas couleur de feu, des rubans bleus aux cravates, d’autres rouges sur l’épaule, & des jarretieres avec des grelots, ajustement ordinaire des Basques les jours des Festes celebres. Monseigneur s’arresta un gros quart d’heure vers la porte, pour voir dancer dans la cour le sieur Pecourt, suivy de ses deux quadrilles, qui le surprirent d’autant plus agréablement, que cette façon de danse basque, & la simphonie du tambourin & du Violon, luy parurent fort nouvelle. Cette danse estant finie, Monseigneur suivy de Monseigneur le Duc de Bourgogne & des Princes & Seigneurs qui composoient sa Cour, entra dans l’Appartement de Mr le Duc de Gramont, le sieur Pecourt entrant à la teste de ses Danseurs en dansant jusqu’à la Salle. Monseigneur passa trois quarts d’heure dans l’appartement, qu’il trouva d’une beauté surprenante, & d’un goust fort agreable. Je ne vous en feray point le détail, & vous diray seulement ce qui se passa de plus remarquable dans cette feste. Aprés que Monseigneur eut examiné une partie des Tableaux de cet Appartement, ce Prince sortit par la Salle par où il estoit entré, & où le sieur Pecourt l’attendoit avec ses Danseurs, tant François que Basques. Ils firent encore trois tours dans la cour devant ce Prince, & ayant fait celuy de la grande allée du Jardin, ils se trouvérent au bout de l’allée couverte lorsque Monseigneur y entroit par l’autre bout. Alors ils firent cent tours autour des arbres, & divertirent fort ce Prince, & toute sa Cour. On dansa ensuite une Sapatique basque. Mr le Duc de Gramont la commença avec le sieur Pecourt, & s’en acquita tres bien. Tout le monde sçait que ce Seigneur a beaucoup de grace dans tout ce qu’il fait. Les Danseurs de l’Opera dansérent cette Sapatique Basque, deux à deux, & les Basques seul à seul, à la mode de leur Pays, aprés quoy Monseigneur entra dans la Galerie, où il a mangé. Il trouva qu’elle répondoit à la beauté de l’Appartement. Son Portrait estoit dans l’enfoncement, orné de guirlandes au-dessus d’une grande glace. Il y avoit douze beaux Lustres, des Scabellons de marbre des deux costez, avec des Girandoles sur chacun. La Galerie est grande. Les Paysages que l’on y voit peints, sont tres beaux, & les positions fort avantageuses, & tres agreables. Monseigneur demanda qu’il fust servy précisément à six heures, à quoy on ne manqua pas d’un seul instant. En attendant, il fit apporter des Cartes de Brelan, & joüa avec Monsieur le Prince de Conty, Monsieur le Comte de Toulouse, & Mrs les Marquis d’Antin & de Sainte-Maure. Monseigneur le Duc de Bourgogne joüa au même jeu à une autre table, avec Monsieur le Duc, Mrs les Ducs de Guiche & de Villeroy, & Mr le Marquis d’O. Le Jeu dura jusqu’à cinq heures trois quarts, que Monseigneur alla faire un tour de Jardin, afin de laisser la liberté du service aux Maistres d’Hôtel, qui estoient au nombre de quatre. Pendant qu’on servoit le premier service, le sieur Pecourt n’oublia rien avec ses deux Quadrilles, Françoise & Basque, de tout ce qui pouvoit contribuer au divertissement de Monseigneur. Je ne vous parleray point de la grandeur du repas. Il y eut cinq services, & les plats furent portez par vingt-quatre Suisses bien choisis, bien faits, & fort propres. Le premier service commença par dix-sept potages. La seconde Table où estoient Mr de Joyeux, Gouverneur de Meudon, les Officiers des Gardes, & les Ecuyers de Monseigneur, & de Monseigneur le Duc de Bourgogne, fut servie de même, & l’on en servit cinq autres de viandes neuves, mais à la verité moins fortes. Monseigneur trouva tout excellent. Il estoit au milieu de la Table, & vis-à-vis le lieu appellé Montmartre, dont la Montagne forme un Amphitheatre tres agreable. Monseigneur le Duc de Bourgogne estoit à sa droite, & Monseigneur le Duc de Chartres à sa gauche. Le reste des rangs ne fut pas observé ; tous les Princes & Seigneurs qui estoient venus avec Monseigneur, estoient à la mesme Table. Mr le Comte de Louvigni servoit Monseigneur, & Mr le Comte de Lescun Monseigneur le Duc de Bourgogne, tous deux Fils de Mr le Duc de Guiche, âgez, l’un de douze ans, & l’autre d’onze. Monseigneur, & Monseigneur de Bourgogne en furent tres satisfaits, & applaudirent fort. Pendant que les Officiers s’occupoient aux Services de Table, le Sieur Pecourt s’occupoit sous les arbres à servir un plat de son métier. Il fit à chaque service, cinq entrées, toutes de pas differens, sur le même air du Sapatique Basque, & ces entrées plûrent fort à Monseigneur. Si tost que les Maîtres d’Hostel avoient Servi, il entroit avec les Danceurs de l’Opera, suivi de douze Basques, du Tambourin & du Violon, qui tous dans leur genre firent des merveilles. Monseigneur dit plusieurs fois qu’il n’avoit jamais eu tant de plaisir. La preuve la plus certaine qu’on puisse vous en donner, c’est que ce Prince demeura à table depuis six heures, jusqu’à neuf & trois quarts, sans que la joye cessast un moment, Monseigneur estant hors de table, s’alla reposer dans l’appartement, le Sieur Pecourt, & sa suite dançant à la teste jusqu’à la Salle, ou les Basques dancerent avec autant de vigueur que s’ils n’avoient fait que commencer. L’appartement étoit illuminé d’un nombre infini de bougies, ce qui le rendoit encore plus brillant qu’il n’avoit paru le jour. Monseigneur, Monseigneur le Duc de Bourgogne, & tous les Princes & Seigneurs de cette feste, prirent les liqueurs qui leur convenoient ; il y en avoit de toutes les sortes. Monseigneur partit de l’Hôtel de Gramont à dix heures & demie, & monta en Carrosse avec Monseigneur le Duc de Bourgogne. Le sieur Pecourt qui l’attendoit à la Salle, l’accompagna en dançant devant lui jusqu’à son Carrosse, & les Basques l’accompagnérent jusqu’à la porte S. Honoré avec leur Tambourin & leur Violon, dançant à la teste de ses chevaux. Ce fut ainsi que finit la Feste qui a esté sans contre dit une des plus galantes que l’on puisse imaginer, Mr le Duc de Gramont fut si satisfait du Sr Pecourt qu’il luy donna une tabatiere du prix de cinquante Loüis d’Or. Il est à propos de vous dire, que ce Duc eut la précaution d’avoir six des meilleurs violons de l’Opera, avec un recueil des plus vieux airs, & des plus beaux de feu Mr de Lully, afin que rien ne manquât au divertissement de Monseigneur ; mais ce Prince ne voulut les entendre qu’un moment, & dit qu’il falloit que la Feste finist comme elle avoit commencé, c’est à dire, à la Basque.

Le Samedi 12. de ce mois, à l’issuë du Salut, le Roi & tous les Princes & toutes les Princesses de la Maison Royale, se rendirent dans l’Appartement de Madame la Duchesse de Bourgogne, pour assister aux Fiançailles de Mr le Marquis de la Vrilliere, & de Mademoiselle de Mailly, qui se firent dans le grand cabinet de cette Princesse, à cause que Mademoiselle de Mailly, est fille de Madame la Comtesse de Mailly, sa Dame d’Atour. Mr l’Evêque de Meaux, premier Aumônier de Madame la Duchesse de Bourgogne, en fit la ceremonie en presence du Curé de la Paroisse de Versailles, & toute la Cour s’y trouva.

Les Nouveaux Chasteaux en Espagne §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 119-121.

L’Ouvrage qui suit est de Mr de Vertron, dont la reputation vous est connuë.

LES NOUVEAUX
CHASTEAUX
EN ESPAGNE.

Si j’avois gagné le gros Lot,
J’aurois dit & fait des merveilles ;
Mais quand je perds, je ne dis mot,
Et tout me blesse les oreilles.
J’aurois payé mes Créanciers ;
Ainsi jamais chez moy d’Huissiers,
Gens d’ordinaire peu traitables,
Mais des visages agreables.
J’aurois épousé mon Iris ;
J’aurois le plus bel attelage
Que l’on puisse voir dans Paris ;
J’aurois pris en Ville un Logis,
Rempli de parquet, de lambris,
Accompagné de Jardinage,
Et vaste pour mon équipage.
J’aurois fait faire des Canaux
Aux champs pour orner mes Chasteaux ;
J’aurois pris en Cour une Charge ;
J’aurois vécu par tout au large :
Mais je suis plus sec que Calot, *
Je suis muet comme un Chabot,
C’est-à-dire (sans mettre en marge)
Que comme un Poisson je suis sot ;
Car pour le coup je suis capot,
Et m’en retourne en mon tripot,
Pour y faire boüillir mon pot,
Cuire en ce temps le haricot,
Et dans un autre le gigot.
Je ferois un plus fort écot,
Si j’avois gagné le gros Lot.
16

A Madame de Saliez, Viguiere d’Alby §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 122-131.

J’ajoute une Lettre du même Mr de Vertron. La lecture vous en sera sans doute agreable.

A MADAME
DE SALIEZ,
VIGUIERE D’ALBY,
de l’Academie de Ricovrati.

La forte attache que j’ay toûjours euë pour la belle gloire, m’a empêché d’en avoir beaucoup pour la Fortune. Cependant, Madame, contre Fortune bon cœur, c’est ma Devise dont j’ay fait remplir mes Numero à la Lotterie de Madame la Duchesse de Bourgogne. Virgile qui est de toute maniere Vates, me flate d’une agréable esperance du costé de la Cour, lieu où cette volage fait son sejour le plus long, parce qu’elle y vient tenir de temps en temps ses assises. Ce Prince des Poëtes Latins m’encourage par ce beau Vers,

Audaces fortuna juvat, timidosque repellit.
“A luy faire la Cour elle veut qu’on s’attache.
Souvent un importun luy fait ouvrir les yeux ;
Elle aide un cœur audacieux,
Et méprise toûjours le lâche,”

Les Epithetes dont les Orateurs & les Poëtes se servent contre cette Aveugle, montrent clairement la diversité de ses effets, ses injustices & ses caprices dans la distribution de ses largesses. Les noms de Hasard, d’Avanture, de Cas-fortuit, d’Evenement, d’Accident, de Rencontre, de Chance, d’Heur, d’Occasion, de Tour, de Coup, d’Etoile, d’Etat & de Changement, sont autant de sinonimes de la Fortune, & ce que les Stoïciens appelloient Fatum, qui est le Destin ou la Destinée, c’est ce que nous appellons Sort, j’oserois dire Lotterie ; car enfin l’experience nous fait voir que les Lots dépendent de la Fortune, & que les billets blancs ou noirs viennent du Sort. Les boëtes où l’on les met, & celles d’où on les tire, aprés les avoir bien tournez, sont des Cornes d’abondance pour les uns, & des balons remplis de vent pour les autres. Virgile qu’on ne sçauroit trop citer, exprime dans un Hemistiche, tout ce qu’on peut penser de la Lotterie.

Sors omnia versat.

Voicy comment j’ay étendu la pensée de cet admirable genie de l’Antiquité, qui parle de la Fortune en parlant du Sort.

“A cette Aveugle Deïté
Souvent la Justice s’oppose ;
Son esprit de legereté
A son gré tourne toute chose…”

Quoy qu’il en soit, Madame, avoir ou n’avoir pas à la Loterie, ne decide point du merite ny du démerite des gens, mais seulement de leur bonheur ou de leur malheur. C’est ce qu’on nomme d’ordinaire bonne & mauvaise Fortune. Je souhaite qu’elle vous soit à l’avenir aussi favorable, qu’elle vous a esté contraire jusqu’à present.

“Sçavante, aimable, & sage Brune,
Vous sçavez la raison pourquoy
Je peste contre la Fortune ;
Mais si chez la Princesse elle s’offroit à moy,
J’employerois le gros Lot à servir un grand Roy.”

Sa Majesté qui n’avoit pas besoin de Louis, comme moy, en a pourtant gagné cinq à la Lotterie de l’Hôpital General. Mr l’Abbé Peregrin de Marseille, dont vous avez vû plusieurs Ouvrages, vient de m’apporter une Epigramme qu’il a faite sur ce sujet. Remarquez, Madame, que le Roy a retiré trois cens cinq Louis, de trois cens qu’il avoit mis.

Cinq Louis ! pour un Roy si grand !
Sans doute le sort se méprend.
Cinq Louis ! Voicy le mistere :
Les Petits-fils, le Fils, le Pere,
Sont compris dans ce nombre heureux.
N’en jugeons plus sur l’apparence,
Cinq Louis comblent tous nos vœux,
Et c’est le gros Lot de la France.

J’ay trouvé la pensée de cette Epigramme si nouvelle, que j’ay cru que je vous ferois plaisir de vous en envoyer une Copie dans sa nouveauté.

Sur le point de fermer ma Lettre, je viens d’apprendre qu’un des Gardes du Corps de Sa Majesté a gagné le gros Lot ; & en même temps un Capitaine aux Gardes de mes amis m’a fait la grace de m’apporter de Versailles ma boëte que j’ay ouverte en sa presence. Helas ! Madame, je ne suis pas plus heureux du costé de la Cour que du costé de la Ville, où j’ay perdu mon argent, & pour mieux dire, tout mon or, dans l’esperance de quelque aubaine ; mais

“La Fortune toûjours fut aveugle pour moy,
 Et plus insensible qu’un buste.
Je n’auray plus recours dans mes besoins qu’au Roy,
Il est Fils de Louis le Juste.”

Je vous ouvre mon cœur, comme à une bonne amie, qui entre genereusement dans mes interests ; car enfin, vous devez estre persuadée que j’entre même dans les vostres, & que je suis avec la derniere sincerité, Madame,

Vostre tres-humble, & tres-obéïssant serviteur, & tres-affectionné frere en Apollon
Ricovrato.

[Ode sur le Neant de l’Homme] §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 131-137.

Le Pere Courties, de la Doctrine Chrestienne, Professeur des belles Lettres au College de l’Esquille, a presenté l’Ode dont je vous envoye une Copie, à l’Academie des Jeux Floraux de Toulouse.

SUR LE NEANT
DE L’HOMME.

Enfans que l’orgueil à fait naître,
Tristes sanglots, pesantes Croix,
Pour nous forcer à nous connoistre
Daignez-vous prester à ma voix.
Unissez-vous, chaîne funeste,
Remords, langueurs, pauvreté, peste,
Heritage de nos Ayeux ;
Je veux par la peinture affreuse,
De vostre image douloureuse,
Montrer l’homme à ses propres yeux.
***
 Quel objet, ô Ciel ! se presente ?
Que de foiblesse j’entrevoi !
Une masse informe, naissante,
Vil joüet d’une austere loy.
Sans yeux, sans mains, sans avantage
Sous les fers d’un dur esclavage,
N’a de ce qu’elle est aucun trait.
Homme, poudre de rien sortie,
Du premier instant de ta vie,
Voila le fidelle portrait.
***
 Aprés ces honteuses premices
L’homme en est-il moins malheureux ?
L’aveuglement, la pente aux vices
Mille maux, tirans rigoureux,
Lui font sentir que la misere,
Dans cette demeure étrangere,
Est l’apanage des mortels ;
Que leurs corps doivent se dissoudre,
Qu’il faut qu’ils retournent en poudre,
Dans les abîmes éternels.
***
 Grand Dieu, nos jours sont mesurables,
Et si nous nous connoissons bien,
Devant tes grandeurs adorables
Nostre substance est comme un rien.
Tout ouvrage que l’on mesure
Selon l’ordre de la nature
A finir se trouve engagé,
Et tout ce qu’une fin decide,
Sort à peine de l’affreux vuide
Qu’il s’y voit d’abord replongé.
***
 Fiers conquerans, dont les pensées
Renfermoient ce vaste univers,
Vos illusions insensées
Vont se dissiper dans les airs.
Déja vostre vertu s’efface,
A vos noms vostre gloire passe,
Vos titres vont à vos tombeaux ;
Vos tresors ont un sort funeste,
De ces grands biens il ne vous reste,
Que le temps d’en sentir les maux.
***
 Pourquoi tant priser la fortune
De ces Rois si fort applaudis,
Qu’une grandeur trop importune
Livre à des desirs interdits ?
Tout passe, une nuit éternelle
Succede à leur gloire mortelle,
Un affreux desert à leur cour,
Un peu de poussiere à leur Louvre,
Et sous le marbre qui les couvre
Les vers sont leurs Rois à leur tour.
***
 Cette meurtriere superbe
Qui regne insolemment sur nous,
Ainsi qu’un instant seche l’herbe,
En moins d’un rien nous dompte tous
Pauvres, Riches, la mort moissonne
Tout ce que le Ciel environne
Les Grands dissipez comme un vent
Vont s’endormir dans la poussiere,
Et cette Majesté si fiere
Se replonge dans le neant
***
 Qui peut compter sur le mensonge
De cent phantômes orgueilleux ?
La vie humaine n’est qu’un songe,
La santé qu’un bien perilleux.
Les plaisirs, l’éclat, la puissance,
Ne sont qu’un nom, qu’une apparence.
Et ces grands mots dont nostre orgueil
Tâche à s’étourdir de luy-même,
La gloire, la grandeur suprême,
Vont se perdre dans le cercüeil.
***
 Nostre esprit…. Mais quelle manie
Vient encore nous aveugler ?
Ce rare & superbe genie,
Un rien peut-il pas le troubler ?
Tirons-nous quelque certitude
De la plus rigoureuses étude ?
Qui s’est jamais désentesté
Des longs préjugez où nous sommes ?
Vil estat ! il n’est dans les hommes
Qu’un long amas d’infirmité
***
 Cependant l’orgueil nous domine,
Nostre cœur, par un poids fatal,
Bien que nostre ame soit divine,
Se sent entraîner vers le mal.
L’amour du monde nous enchante,
Pour le bien cette ame est pesante.
O neant de nos foibles jours !
Nous n’ouvrons les yeux sur nous mêmes
Qu’au moment que les loix suprêmes
Vont nous les fermer pour toûjours.

Air nouveau §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 137-138.

L'Air nouveau que je vous envoye gravé, a esté icy fort approuvé des Connoisseurs.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Ah ! que je suis heureux, le feu qui me devore, doit regarder la page 138.
Ah ! que je suis heureux, le feu qui me devore,
Vient d'enflamer la beauté que j'adore :
La Bergere Philis oubliant sa rigueur
M'aime autant que je l'aime, & m'a donné son cœur.
images/1700-06_137.JPG

[Réjouissance à Château Renard pour la bonne santé du Roi]* §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 138-191.

Je me croi obligé de vous faire part de la Relation d’un divertissement public qui se fit le mois passé à Chasteau Renard, Ville dans le Gastinois, en réjoüissance de l’heureuse santé du Roi. On y marque de petits détails, où il semble que je pourrois me passer d’entrer, mais il sera bon de vous les faire sçavoir, puisque c’est par ce recit simple & naturel, que vous verrez mieux le zele des habitans de ce lieu là, pour leur Auguste Souverain. D’ailleurs comme l’établissement qu’ils ont fait peut estre cause que plusieurs festes semblables s’établiront en beaucoup d’autres endroits, je suis bien aise de faire connoistre, ce que les premiers ont fait à ceux qui voudront les imiter. Si l’on y veut faire reflexion on trouvera que deux raisons rendent ces festes d’une tres grande importance. Non seulement elles font voir à la jeunesse & aux peuples l’amour que les merveilleuses qualitez du Roi inspirent à ceux qui les gouvernent, ou qu’ils doivent regarder comme leurs superieurs, mais elles apprennent à tirer à beaucoup de gens, qui aprés cette sorte d’exercice peuvent estre utiles à l’Etat dans les Troupes, dans les arriere bans, & dans d’autres occasions. Si cette feste ne se trouve pas considerable par une grande dépense, elle est proportionnée à ceux qui l’ont faite ; & qui ne sçait pas que l’Aumône de la bonne Femme de l’Ecriture, fut plus agreable à Dieu, que ce que les autres offrirent d’une plus grande valeur ? Ainsi je vais dire naturellement comme la feste de Chasteau Renard a esté imaginée, & quelle en a esté l’execution. Cela pourra servir aux autres villes pour perfectionner celles qu’elles voudront faire.

Chasteau-Renard n’est qu’une petite ville, aujourd’huy peu connüe, estant écartée des grandes routes, & sans commerce : mais autrefois c’étoit une place d’importance, & il y avoit une Citadelle tres forte laquelle fut démolie en 1627. par ordre du Roi. Sa Majesté n’a pas laissé d’y mettre toûjours un Gouverneur, jusques à present. Cette ville est située au pied d’une belle & grande côte de vignes exposées au midy, & sur le bord de la riviere d’Oüanne dont une longue & large prairie se trouve arrosée.

La Terre de Châteaurenard appartenoit il n’y a guere au Prince d’Orange, aujourd’huy regnant en Angleterre. Il la vendit à Mr Amat du temps de Mr le Cardinal Mazarin, & aprés sa mort elle fut venduë à Mr Daquin, premier Medecin du Roy, qui peu de temps aprés la donna en mariage à son fils aîné lequel en est actuellement Seigneur, & porte le nom de Chasteau Renard. Tout le monde sçait que le Roi le nomma Intendant de la Generalité de Moulins en Bourbonnois, quoi qu’il ne fust point Maistre des Requêtes ; il est aujourd’hui President au Grand Conseil. Madame sa femme, qu’on ne peut assez loüer pour ses rares qualitez, est une Dame tres bien faite, & d’une pieté singuliere. C’est par ses soins & ses charitez qu’on a rétabli dans Chasteau Renard l’Hôtel-Dieu qui estoit ruiné. Cette petite ville se distingua dans les réjoüissances generales qu’on fit pour la paix, & l’on peut dire qu’il n’y a point de peuples au monde plus affectionnez pour leur Prince que le sont ses habitans. Ce grand amour qu’ils ont pour le Roi, peut venir de ce qu’ils le regardent, non seulement comme leur Monarque, mais comme leur Seigneur naturel, Chasteau-renard estant un ancien Domaine Royal engagé.

Ce fut dans cette loüable émulation que vers les festes de Pasques, quelques habitans des plus distinguez, dirent dans une conversation sur cette matiere qu’il falloit faire quelque divertissement public, pour se réjoüir de l’heureuse santé de Sa Majesté. Cette pensée n’eut pas plutost esté declarée, que toute la ville se trouva disposée à l’executer, & dés le même jour il se forma sur la place un peloton d’honnestes gens passionnez pour faire une fête, qui representerent qu’il n’y avoit point de temps à perdre pour la commencer dés le premier jour de May. Ainsi s’excitant les uns & les autres, ils allerent tous ensemble en parler aux Magistrats de la Ville qui approuverent leur dessein, y applaudissant & loüant leur zele. Mr Bourgoing sieur de la Vôve, Procureur du Roy, homme de merite, aimant la joye, & tres digne fils d’un pere mort dans la même charge, ayant declaré qu’il vouloit estre de la partie, toute la trouppe s’assembla chez luy pour déliberer de quelle maniere on feroit cette réjoüissance. Enfin il fut arresté que l’on tireroit l’Oiseau pendant le mois de May ; qu’à cet effet on feroit une Compagnie, dans laquelle on ne recevroit que des personnes honorables qu’on nommeroit les Chevaliers du vive le Roy, jusqu’au nombre de cinquante, & non davantage pour éviter la confusion, & que chaque personne payeroit vingt livres pour subvenir aux frais de la Feste, & pour acheter les prix, qu’on donneroit à celui qui seroit le Roi de l’Oiseau, & à ceux qui en abbattroient les aîles ou quelque éclat, & qu’afin qu’on ne pust rien innover, on feroit un reglement qui seroit signé par toute la compagnie. Il se trouva dans cette assemblée quarante personnes des plus distinguées du lieu, de ce même sentiment, au nombre desquelles il y avoit plusieurs vieillards avec des cheveux tout blancs : car vous sçaurez que l’on vit communement dans cette petite ville jusques à cent ans & plus, & qu’on y en voit plusieurs qui en ont quatre vingt dix, & qui sont vermeils & vigoureux, montent à Cheval, & font tout ce que feroit un homme qui n’en auroit que quarante. Ainsi on n’y voit point de goûteux, ni d’infirmes comme l’on en voit ailleurs. On impute ce bonheur, à la bonté des vins du païs qui sont un vray elixir de vie, qui conserve la vigueur, & preserve de toutes les incommoditez que peut causer le grand âge. Voicy en quels termes fut conçû le reglement que ces quarante personnes signérent.

En réjoüissance
De l’heureuse santé de nostre tres-bon Roy
LOUIS XIV. Surnommé LE GRAND.
Toûjours Victorieux, & toûjours Pacifique.
Qui s’est mis au-dessus de tous les Triomphes,
Méprisant la gloire qu’il pouvoit acquerir
A surmonter tous les Potentats de l’Europe,
Liguez ensemble contre luy,
Estimant qu’il luy seroit plus glorieux de donner la Paix à la plus belle partie du Monde,
Dans un temps où il estoit en tous lieux superieur à ses Ennemis.

Nous, Habitans de la Ville de Chasteaurenard, sous signez sous le bon plaisir de Sa Majesté, avons fait ensemble le present Traité, Statuts & Regles de Chevalerie pour tirer l’Oiseau pendant le mois de May, à commencer cette année 1700. & tous les ans à l’avenir, pour nous réjouir du long & glorieux Regne du Roy, nostre tres bon Sire.

I.

Premierement, il ne sera admis en nostre presente Compagnie que des personnes honorables jusqu’au nombre de cinquante, qui seront nommées les Chevaliers du Vive le Roy, & chacune consignera par avance la somme de vingt livres pour subvenir aux frais de nostre réjoüissance, & avoir des prix honnestes pour le Roy de l’Oiseau, & pour ceux qui en abatront les aîles, ou quelque éclat.

II.

Nous avons nommé Mr le Procureur du Roy pour nostre Commandant, & jusqu’à ce qu’il y ait un Roy de l’Oiseau, il donnera l’ordre, & sera Juge des incidens, assisté de six Chevaliers.

III.

Nous avons aussi nommé pour Commissaire ou Tresorier de nostre Compagnie Mr Piochard, entre les mains duquel nous consignerons tous chacun la somme de vingt livres pour les frais & les Prix de nostre réjoüissance, & luy avons donné pouvoir d’acheter incessamment, & dans le premier jour de May prochain une épée & un ceinturon de valeur de trois Louis d’or, avec deux flambeaux & une tasse de vermeil doré ; le tout pesant trois marcs d’argent, & un Diamant de trois Louis d’or, pour le Prix de celuy qui abatra l’Oiseau ; & six paires de gands, chacune de la valeur d’un Louis d’or pour donner à ceux qui abatront la teste, les aîles, la queuë, ou qui en emporteront quelque autre partie, & si personne ne gagne les gands, le Roy de l’Oiseau en disposera à sa volonté.

IV.

On fera un appareil le plus propre qu’on pourra pour nôtre rejoüissance ; & le jour qu’on plantera l’Oiseau, il sera porté avec tous les Prix à la teste de la Compagnie, marchant en ordre militaire, Enseigne déployée, au son des tambours & des fifres, par les Places & les ruës les plus considerables & en cet ordre on se rendra dans l’Eglise Paroissiale, où l’on chantera l’Exaudiat, & autres Prieres pour le Roy ; puis on ira planter l’Oiseau, dans un lieu choisi, où l’on allumera un feu de joye, autour duquel la Compagnie fera trois décharges, avec acclamations de Vive le Roy, & le lendemain elle retournera sur le lieu dans le même ordre tirer l’Oiseau.

V.

Chaque Chevalier tirera trois coups par jour. Nostre Commandant commencera, & tirera deux coups à chaque tour, dont le premier sera pour Sa Majesté. Les fusils seront chargez d’une même poudre commune, fournie par le Tresorier, & par un seul homme capable, qui sera nommé par la Compagnie. Le Commandant & les Chevaliers, avant que de se mettre en posture pour tirer, seront obligez de saluer la Compagnie, en disant, Vive le Roy, & celuy qui manquera à cette Ceremonie payera vingt sols sur le champ.

VI.

Si quelqu’un coupe la verge qui tiendra l’Oiseau, le coup ne vaudra rien, & il sera tenu de la faire rétablir à ses dépens.

VII.

Aucun de la Compagnie ne pourra s’en retirer ny s’absenter pendant le mois de May, sans cause legitime, & si quelqu’un estoit negligent de payer la somme de vingt livres, dont on est convenu pour la contribution, il y sera contraint par execution militaire.

VIII.

Celuy qui abatra l’Oiseau sera proclamé Roy de l’Oiseau. Il aura tous les Prix que l’on a specifiez, & le surplus des deniers consignez luy sera pareillement délivré, & luy appartiendra, pour regaler la Compagnie. On le conduira en triomphe par les ruës les plus remarquables, jusque dans sa maison ; on plantera un May à sa porte, & il demeurera Chef de la Compagnie pendant toute l’année, & jusqu’à ce qu’un autre ait abatu le nouvel Oiseau, qu’on plantera le premier jour de May de l’année suivante.

Tous lesquels Articles cy-dessus, Nous soussignez, promettons executer, observer, & entretenir, & les faire executer, entretenir & observer par ceux qui seront à l’avenir admis en nostre Compagnie, avec tout l’honneur que doivent faire de veritables Chevaliers devoüez au Roy. Fait à Chasteau-Renard le treiziéme jour d’Avril 1700.

Ce Traité fut ainsi fait & signé de toute la Compagnie. Mr le Procureur du Roy commença le premier à consigner la somme dont on estoit convenu, entre les mains du Sieur Piochard, & tous en firent de même ; il survint encore cinq autres personnes qui furent admises aux régles du traité, & qui payerent pareille contribution : mais il s’en presenta aussi plusieurs que l’on refusa. Dés ce jour la, on compta quarante cinq Chevaliers effectifs, avec un fond de neuf cens francs, entre les mains du Commissaire ; & Mr le Procureur du Roy ayant pris la parole, parla ainsi à toute la Troupe.

MESSIEURS.

Puisque vous m’avez fait l’honneur de me choisir pour vôtre Commandant, je vous assure que je n’oublieray rien pour bien seconder vos nobles intentions. Nostre dessein est louable, & je ne doute point que nostre zele ne serve d’exemple. Permettez moy seulement de vous dire que tant d’honnestes gens s’étant engagez à faire une réjoüissance au sujet du long & heureux regne de Sa Majesté, nous ne devons rien épargner de nostre petit fond pour executer nostre entreprise d’une maniere un peu éclatante, afin que ce que nous ferons puisse donner de l’émulation à toutes les autres Villes du Royaume. Si elles font mieux que nous parce qu’elles sont plus riches, nous aurons du moins l’avantage d’avoir commencé. Ainsi, Messieurs, tâchons de faire si bien suivant nostre petit pouvoir, que nous en ayons toute la gloire. Ce n’est pas toûjours la grande dorure qui donne la bonne grace aux actions, il n’y a que les manieres, qui les fassent trouver agreables. Chacun peut icy dire son avis, on choisira le meilleur, auquel je soumettray le mien avec plaisir.

Toute la compagnie répondit à ce discours par un applaudissement unanime, & tous firent connoistre un extrême desir de bien faire les choses. Il y avoit dans la troupe des gens tres capables de donner de jolis desseins, mais le fond que l’on avoit ne répondant pas à la dépense que l’on auroit souhaité de faire. Voicy ce qu’on arresta.

Qu’on feroit venir de Briare deux Masts de Sapin, & qu’on les enteroit l’un sur l’autre pour en faire un d’une élevation considerable, lequel seroit peint d’azur, & fleurdelisé ; qu’à la hauteur de neuf pieds par le bas, on y feroit à l’entour une inscription de Vive le Roy en lettres d’or ; qu’à dix pieds encore au-dessus de cette inscription, on feroit une espece de Hune, sur laquelle on placeroit quatre Guidons de differentes couleurs, en memoire des quatre fameuses Batailles gagnées par le Roi dans la derniere guerre, & qu’au faiste de ce mast on attacheroit la Banderolle de France respectée par toutes les mers.

Que la charpente qu’on feroit pour tenir le mast en état, seroit pareillement peinte d’azur & fleur delisée, & qu’on y attacheroit de tous côtez des Festons & des Cartouches remplis de vœux pour la conservation de Sa Majesté.

Que l’oiseau qu’on avoit resolu de tirer, seroit attaché sur le Faiste de ce mast au bout d’une verge de fer, de la longueur de sept pieds.

Et qu’enfin outre les quatre Guidons, on feroit faire un Drapeau de taffetas blanc, où seroit écrit des deux costez en grandes lettres d’or, Vive le Roi.

Ce petit dessein ainsi resolu, l’on chargea quatre des plus entendus de la compagnie de le faire executer. L’un monta à cheval, & s’en alla à Briare d’où il fit venir deux tres beaux masts. L’autre alla à Fontainebleau d’où il amena des Peintres. Les autres firent toutes les provisions necessaires pour le dessein, & mirent en besogne tous les Charpentiers & les Menuisiers du lieu.

Tandis que ces differens Ouvriers travailloient tous à la fois chacun à son ouvrage, les Chevaliers se relayoient pour y tenir la main, afin que tout fust fait promptement & proprement, de sorte que tout se trouva fini, & en état d’estre dressé le dernier jour d’Avril, mais comme on ne put pas tout faire ce jour là, & que le lendemain premier jour de May, il y avoit Foire à Chasteau Renard, les Chevaliers voulant que l’appareil de leur réjoüissance fust vû par les Etrangers dans sa perfection, firent agir les Ouvriers, & agirent eux-mêmes avec tant d’ardeur, dés la petite pointe du jour, qu’à sept heures du matin on vit la banderole de France, attachée au faiste du Mast, & volant au gré du vent.

Les quatre Guidons de differentes couleurs furent placez sur la Hune, comme un Trophée, & tout autour de la Hune, il y eut des festons de branches de Laurier, & de fleurs, avec des Ecussons de France, & des Vive le Roy en lettres d’or entre-mêlez.

La Charpente faite pour tenir le Mast en estat, se trouva tout de mesme ornée & couverte de pareils Festons & de Cartouches remplis de vœux pour Sa Majesté ; le tout avec tant de symetrie, que les gens du meilleur goust auroient esté satisfaits de la maniere dont ce petit appareil estoit dressé. Ce Mast estoit admirable par sa hauteur prodigieuse, & par l’éclat de l’azur, & des Fleurs de-Lis.

On vit aussi le Drapeau neuf déployé au dessus de la porte du Commandant. A costé on avoit exposé l’Oiseau entre deux Ecussons de France environnez de Festons ; & au dessous de l’Oiseau estoit un Cartouche, remply d’un Vive le Roy en lettres d’or.

On vit encore un bucher preparé pour faire le feu de joye. En même temps on entendit les Tambours & les Fifres battre l’assemblée dans toutes les ruës pour donner lieu aux Etrangers venus à la Foire d’estre informez de tous ces preparatifs, & exciter les moins curieux à les venir voir.

Cela eut son effet, & ce spectacle attira toute la Foire. La foule y fut si grande pendant tout le jour, qu’on fut obligé d’y mettre des gardes pour empescher le desordre qui auroit pû arriver, puisqu’il resta dans la Ville ce jour là plus de six cens personnes Etrangeres, pour voir la ceremonie qu’on devoit faire le soir.

Sur les quatre heures de l’apresdinée, les Tambours & les Fifres ayant battu par la Ville le dernier coup d’assemblée, tous les Chevaliers habillez fort proprement, avec des nœuds d’un beau ruban bleu au troussis du Chapeau & à l’épée, se rangerent sous le Drapeau à la porte du Commandant. Chacun ayant pris son rang, selon son âge ou sa qualité, le Commandant se mit à la teste, la demi-pique à la main, & fit battre la marche.

L’Oiseau & les Prix estoient portez par deux Gardes, l’épée au costé & le Mousqueton pendant à la bandouliere. Ils marchoient quelques pas avant le Commandant, qui estoit suivi de quarante cinq Chevaliers effectifs, allant deux à deux avec une noble fierté dans une distance raisonnable, & chacun observant parfaitement bien son rang & sa distance. L’Enseigne déployée estoit portée par un jeune homme bien fait, choisi par la Compagnie, & placé au troisiéme rang au milieu de deux Tambours & de deux Fifres.

Dans ce bel ordre ils passerent par la pluspart des ruës de la Ville, & se rendirent dans l’Eglise Paroissiale où le Clergé les attendoit avec les autres Officiers du Corps de Justice, qui n’estoient pas de la compagnie des Chevaliers, & qui s’y estoient rendus en Robes de Palais. L’Eglise estoit remplie d’une foule extraordinaire de monde, tant de la Ville que des Marchands Forains que la curiosité avoit arrestez. On y chanta les Prieres qu’on a coutume de chanter pour le Roi, en action de graces de son heureuse santé.

Cette Ceremonie achevée, les Chevaliers sortirent de l’Eglise dans le même ordre qu’ils y estoient arrivez, & lorsqu’ils furent auprés du Mast, on le fit baisser pour y planter l’Oiseau. Les Charpentiers avoient fait une machine par laquelle on pouvoit baisser ce Mast & le relever quand on voudroit, quoiqu’il fût d’une hauteur excessive, en sorte que quand il fut relevé, l’Oiseau ne paroissoit pas plus gros qu’un Pinson.

Aussi-tôt on apporta deux flambeaux de cire blanche, dont l’un fut presenté au premier Magistrat, & l’autre au Commandant des Chevaliers, qui mirent ensemble le feu au bucher, & les Chevaliers firent trois décharges l’une aprés l’autre, à toutes lesquelles on fit des acclamations de Vive le Roy. On fut surpris de voir sortir du pied du Mast plusieurs Fusées volantes qui firent un tres bel effet. C’étoit l’ouvrage de deux Bourgeois qui avoient tenu la chose secrette.

La Compagnie des Chevaliers ne put se retirer en bon ordre, tant la foule estoit grande. Enfin peu à peu on se retira, & bien-tôt aprés on vit des feux allumez dans toutes les ruës, & des tables dressées pour manger publiquement.

On forçoit à boire tous ceux qui passoient, on forma des danses dans tous les carrefours, & toute la nuit fut employée à cette rejoüissance.

Le lendemain qui estoit le Dimanche, tous les Chevaliers se rassemblerent sous le Drapeau à la porte du Commandant, & aprés que le sort eut decidé du rang que chacun auroit pour tirer l’Oiseau, ils marcherent dans le mesme ordre que le jour précedent, Enseigne déployée, au son des Tambours & des Fifres, & se rendirent au pied d’une grande & magnifique Tente qu’on avoit fait dresser au Camp de l’Oiseau, à une distance de six-vingt pas du Mast, dans laquelle il y avoit des tables pour poser les Fusils, & plusieurs Cantines de bon vin, des jambons & des langues de bœuf pour tous ceux qui voudroient boire & manger. L’endroit pour tirer fut marqué à cent pas mesurez du pied du Mast. Le Commandant ayant observé la ceremonie de saluer la troupe en disant Vive le Roy, tira le premier, & tous les Chevaliers ensuite firent la mesme chose, chacun dans le rang que le sort lui avoit donné ; ce qui fut fait jusques à trois fois.

Il y en eut plusieurs qui donnerent dans la carte. Le Chevalier de la Fontaine de son second coup ayant frappé la Verge, ébranla si fort l’Oiseau qu’il en fit tomber les ailes, qui n’estoient que colées, & sur le champ on luy delivra une paire de gands d’un Louis d’or. Le Chevalier de Mony, fort bien fait de sa personne, qui autrefois à servi dans la Maison du Roy, & qui est aujourd’huy Fermier General de la Terre de Château-Renard, fit aussi de son second coup une contusion au ventre de l’Oiseau ; mais n’en ayant point emporté d’éclat, il n’eut point de gands pour cette fois, & c’est ce qui fut fait de remarquable ce jour là.

Le lendemain, quelques Chevaliers ayant fait reflexion sur le coup du Chevalier de la Fontaine, prétendirent qu’ayant fait tomber les aisles sans toucher l’Oiseau, le coup ne devoit rien valoir, qu’il n’avoit point merité les gands, & qu’il estoit obligé par les Statuts de faire rétablir les ailes de l’Oiseau. Toute la Compagnie s’estant soulevée sur ce sentiment, elle en alla faire sa remontrance au Commandant, lequel fit venir le Chevalier de la Fontaine, qui soutint au contraire que le coup estoit bon, ayant esté approuvé, puisqu’on luy avoit délivré le Prix, & que tous les Chevaliers avoient continué de tirer un second tour sans s’en plaindre, qu’ainsi il n’étoit plus temps de le contester. Le Commandant ayant assemblé son Conseil, decida que le coup ne valoit rien, que le Chevalier feroit rétablir les ailes, & que cependant les gands luy demeureroient.

Ils tirérent ainsi trois Dimanches consecutifs, ainsi que le jour de l’Ascension, qui fut la quatriéme journée. Je n’entreray point dans le détail de tout ce qui s’y passa. Je vous diray seulement que la pluspart des Chevaliers donnoient presque à tous coups dans la Carte. Mr de la Fontaine frappa encore deux fois la verge ; d’un coup il la plia, & de l’autre il la coupa net à un demy pied de l’Oiseau qui tomba. L’on fit sur l’heure resouder la verge, & replacer l’Oiseau, & l’on continua de tirer. Le Chevalier Tardif, âgé de plus de soixante-ans, qui est Capitaine du Chasteau, & qui a fait plusieurs Campagnes au Service de Sa Majesté, de trois coups differens abatit le col, une aile, & la queuë, & il eut trois paires de Gands. Le Chevalier de Mony, de deux autres coups differens abatit l’autre aile, & un éclat du ventre, & il eut aussi deux paires de gands. A toutes les journées qu’on tira, il se trouva toûjours une grande foule du monde, tant de la Ville que des lieux voisins, & l’on fit plusieurs partis de consequence, touchant celuy qui seroit le Roy de l’Oiseau. Les uns parioient pour Mr de Mony, d’autres pour Mr Tardiff, & plusieurs pour Mr Blondet Lesnel, bon Bourgeois, qui a les cheveux tout blancs. Le Chevalier des Fourneaux, Fils d’un Brigadier des Gendarmes Ecossois qui fut tué au Service du Roy, pensa jetter l’Oiseau par terre. Mr Garnier Avocat, qui tire de fort bonne grace, en approcha deux fois de bien prés.

Enfin il fut abattu le jour de l’Ascension, du quinziéme coup du second tour, par Mr Roulx des Ranains, qui est un homme adroit & bien entendu en toutes choses. On peut dire même qu’il n’ignoroit rien, s’estant rendu habile dans le service du Roy. Il estoit Officier d’Artillerie dans la derniere Campagne de Mr de Turenne en Allemagne. Ensuite il alla servir sur mer, où il a fait plusieurs Campagnes, Officier sur le Vaisseau du Roy le Bon, monté par Mr de Gabaret, premier Chef d’Escadre de Mr le Comte d’Estrées aux Indes Occidentales ; Officier sur le Vaisseau du Roy le Hazardeux, monté encore par Mr de Gabaret en 1680. dans les mêmes Indes ; Officier Major dans le Faucon, monté par le même Chef en 1682. dans les Isles de l’Amerique ; Officier Major dans l’Illustre, monté par le même Chef dans la Flote de Mr de Preüilly, Vice-Amiral sur la Mer Baltique ; dans le Marin : monté par Mr Chabert en course aux costes d’Angleterre ; sur l’Excellent, monté par Mr de la Mothe Genevillé, sur les costes d’Afrique, & dans l’Arc-en-ciel, monté par Mr de Colbert Saint Marc, pour passer Mr le Maréchal de Schomberg en Portugal, & de là au détroit dans la Flote de Mr le Maréchal d’Estrées, ce qui l’a rendu un excellent homme de Marine. Son coup fendit l’Oiseau en deux, & la balle s’applatit contre le bout de la verge. Il fut donc proclamé Roy de l’Oiseau, & tous les Chevaliers en cette qualité luy rendirent tous les honneurs qui estoient dûs à son rang. Il fut mené en triomphe par toutes les ruës de la Ville, à la teste de la Compagnie en belle Ordonnance, jusque dans sa maison. Le soir de ce même jour, tous les Chevaliers, au son des Violons, des Tambours, & des Fifres, plantérent un May à sa porte, au dessus de laquelle ils attachérent des festons avec des écussons de France, & des Vive le Roy. Tous les Prix luy furent donnez avec le sur plus de l’argent resté dans les mains du Tresorier, qui luy rendit compte de toute la dépense que l’on avoit faite. Le Mardy, premier jour de Juin qui estoit la derniere feste de la Pentecoste, le Roy de l’Oiseau regala magnifiquement toute la Compagnie & ses Amis, pendant toute la journée ; le soir, il donna le Bal aux Dames, ayant fait venir les meilleurs Violons du Pays. Ce jour fut la fin de ce divertissement public, entrepris en réjoüissance du long & glorieux regne du Roy. On recommencera l’année prochaine de la même sorte, & comme ce sera toûjours avec même zele, on est fort persuadé que la feste sera digne d’estre vûë.

[Publication d’air de Monsieur des Fontaines]* §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 206-208.

Le Sieur Roussel demeurant ruë Saint Jacques, au Lion d’argent, a gravé le premier Livre d’Airs serieux, & à boire, composez par Mr des Fontaines, & dédiez à Monseigneur le Duc de Chartres. Il continuera tous les trois mois à donner un Livre du même Auteur. La réputation de Mr des Fontaines a donné depuis longtemps au Public la curiosité de voir ses Ouvrages gravez. Ce témoignage universel de sa capacité ne permet pas de douter que ses Airs ne soient bien receus. On continuë à vendre chez le Sr Roussel des Airs spirituels ; les Ouvrages de Mr Philidor l’aîné, & ceux de Mr Marchand Organiste, & ordinaire de la Musique du Roy.

Requeste du Superlicocantieux à Monseigneur le Duc de Bourgogne §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 208-215.

Le Marquis **** ayant témoigné ces jours passez à Monseigneur le Duc de Bourgogne, qu’un Barbe de son Ecurie, appellé le Superlicocantieux, luy plaisoit d’autant plus, qu’il seroit fort convenu à la Marquise son Epouse, pour la porter à la promenade en sa Province. Ce Prince luy demanda ce qu’il aimoit mieux, ou de ce cheval, ou d’une Pension qu’il sollicitoit depuis longtemps auprés de luy. Ce Marquis ayant répondu modestement, qu’il ne vouloit que ce qu’il luy plairoit, Monseigneur le Duc de Bourgogne luy fit à l’instant don du Superlicocantieux. Le repentir qu’il a depuis fait paroistre de n’avoir pas choisi la Pension, préferablement au cheval, a donné occasion à la Requeste que je vous envoye. Elle est de Mr de B… attaché à la Cour par une Charge qui l’y retient toute l’année, & qui ne fait pas de Vers aussi souvent que les personnes de bon goust souhaiteroient.

REQUESTE
DU
SUPERLICOCANTIEUX
A MONSEIGNEUR
LE DUC
DE BOURGOGNE.

 Le Superlicocantieux,
Qui passe pour Cheval, & n’est rien moins que Beste,
 A son Prince, cheri des Cieux,
Un jour, rongeant son frein, hannit cette Requeste.
***
 Petit-Fils du plus grand des Rois,
A quel indigne employ m’avez-vous fait descendre,
Moy, qui vous fus cher autrefois,
Autant que Bucephale à son Maistre Alexandre.
***
 Qu’ay-je fait pour estre exilé ?
Ay-je bronché sous vous, à la Chasse, en Revuë ?
 Suis-je cornu, suis-je ensellé ?
Ay-je quelque défaut qui choque vôtre vûë ?
***
 Celle à qui vous me destinez,
Est, à ce qu’on publie, une Beauté charmante ;
 Mais lorsque vous m’abandonnez,
Puis-je me consoler, fust-elle Bradamante ?
***
J’en fremis, j’en tremble d’effroy.
Moy, porter une Femme ! Ah ! Prince, quelle injure !
 Suis-je devenu Palefroy,
Ou d’une haquenée ay-je enfin l’encolure ?
***
 Passe encor si l’on me prisoit
Tout autant que je vaux ; mais sçachez, je vous prie,
 Ce que vostre Marquis disoit,
En me voyant manger l’avoine à l’écurie.
***
 Par quelle vaine ambition,
Un grand Prince à mon choix mettant ma récompense,
 Sur une bonne pension,
Cheval, t’ay-je donné la folle preferance ?
***
 Dans quatre ans, plus tost ou plus tard,
On verra défaillir tes forces épuisées ;
 Frontin, Bridedor, & Bayard
Sont allez paistre l’herbe aux Plaines Elisées.
***
 Avec plus de fidelité
Ma chere pension m’eust servi, ce me semble ;
 Elle ne m’auroit point quitté,
Et le Brevet & moy nous serions morts ensemble.
***
 Par de paisibles animaux
Le Sexe en nos Cantons est traîné dans des chaises :
 A monter sur leurs grands chevaux
Iray-je donc apprendre aux Beautez Nivernaises ?
***
 Ma Femme, à ne la point flatter,
Sur ce hardi sauteur perdroit bientost la selle,
 Et si je l’y laissois monter,
On croiroit que je cherche à me défaire d’elle.
***
 D’un pareil discours irrité,
Je refusay l’avoine & mon œil parut morne ;
  Le Marquis me crut dégoûté,
Et me fis sur le champ donner deux coups de corne.
***
 Prince, remplissez ses souhaits,
Et vous m’affranchirez d’un rigoureux supplice ;
 Accordez-luy d’autres bienfaits,
Et me laissez l’honneur d’estre à vostre service.
***
 Ne me livrez pas en ses mains,
A vous seul appartient un Barbe de ma taille.
 Ainsi puissiez-vous sur mes reins
Pour la premiere fois gagner une Bataille.

[Nouvelles de Perse] §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 215-225.

On m’a fait part d’une Relation qui marque ce qui s’est passé à Spahan, Ville Capitale de Perse, pendant le sejour de Mr l’Archevêque d’Ancire, Vicaire Apostolique, Ambassadeur de Sa Sainteté, de Sa Majesté Imperiale, du Grand Duc de Toscane, & autres Rois. Je vous en envoye une copie.

De Spahan, 12. Octobre 1699.

Dans le temps que M. l’Archevêque d’Ancire vint en Perse, les Missionnaires étoient fort persecutez des Armeniens. Il semble que la divine providence ait suscité ce sage & zelé Prélat pour mettre le calme dans la tempeste naissante, & pour arrester la fureur de ces Schismatiques mutinez contre l’Eglise & les Disciples de Jesus-Christ. Ce digne Archevêque estant persuadé que le Sauveur de nos ames ne demande autre science de ses Apostres que la douceur & l’humilité de cœur, a tellement apprivoisé ces esprits farouches par ses caresses, que ceux que nous ne pouvions aborder, qui nous fuïoient comme autant de séducteurs, & qui avoient nôtre nom en abomination, commencent à nous approcher & à nous faire accueil. M. d’Ancire a obtenu des Ordres du Roi de Perse, dans lesquels il est marqué que les Armeniens communiquent avec nous en matiere de Sacremens, de Sepulture, de Prieres & autres Ceremonies Ecclesiastiques ; enfin qu’ils sont soûmis au Souverain Pontife.

Le Chef des Armeniens, qu’on appelle Calantar en langue du Pays, vint rendre visite à Son Excellence avec d’autres Messieurs de la même Nation. On fit arborer l’étendard de sa Sainteté & celuy de sa Majesté Imperiale, la Croix d’un costé & la Crosse de l’autre. Son Excellence prit d’abord la Croix, & dit ; quel adorable original de cette copie soit mon juge & ma condamnation, si je suis venu ici pour vous tromper & vous séduire, si je cherche autre chose que vôtre salut & la plus grande gloire de Dieu. Les Armeniens répondirent ; que demandez vous de nous ? Nous sommes prêts à vous obeïr comme à nostre Pere. Son Excellence leur dit, je ne demande de vous que l’union qui s’est faite depuis plus de deux cens ans dans le Concile de Florence, entre vôtre Nation, les Grecs & l’Eglise Catholique. Ils repliquerent, s’il y a deux cens ans que nous sommes separez de l’Eglise, il faut bien tout au moins deux cens heures pour penser à s’y réunir. Ils promirent cependant qu’ils feroient cette union, & qu’ils en écriroient à sa Sainteté & à Sa Majesté Imperiale.

Deux ou trois jours aprés les Evesques & les Religieux vinrent voir son Excellence ; elle leur fit encore plus d’accueil qu’elle n’avoit fait aux seculiers, on n’auroit pas reçû leur propre Patriarche avec plus de pompe & de magnificence. Ils donnerent d’aussi belles paroles, pour le moins, que les laïques, fasse le Ciel que ce ne soient pas des paroles seulement, s’il faut juger selon les apparences, il semble que tout est fait : mais des gens accoûtumez à la fourberie & à la duplicité des Orientaux, ne doivent pas s’en tenir là, ni se laisser ébloüir par le chant de la Syréne.

Environ huit jours aprés M. d’Ancire alla voir les Armeniens à Zulpha, Fauxbourg de Spahan, les étendards déployez, les trompettes sonnantes, la Croix & la Crosse devant lui. Quand nous fûmes hors la ville, nous rencontrâmes des Cavaliers qui venoient au devant de son Excellence. Sitost que nous fûmes prés de Zulpha, nous apperçûmes un grand concours de peuple hors du Fauxbourg, & une grande multitude sur les toits ; le nombre des gens étoit si grand, qu’on ne pouvoit marcher dans les ruës sans se presser les uns les autres. Quand nous eûmes passé la grande Place, appellée Méidam en langue vulgaire, nous rencontrâmes tous les Prêtres Armeniens de chaque Parroisse, en habits Sacerdotaux, l’encensoir à la main, accompagnez de treize bannieres, avec un grand nombre de cierges d’une grandeur & d’une grosseur monstreuse ; tous ces Prestres encenserent M. d’Ancire, chantant des Hymnes jusqu’à l’Eglise du grand Convent. L’Archevêque vint en habits Pontificaux recevoir son Excellence à la porte du Convent, & la conduisit dans l’Eglise jusques sur le marchepié de l’Autel, il luy dit ; Monseigneur, prenez possession de l’Eglise & du Convent, vous en serez desormais le maistre absolu. Il fit asseoir Son Excellence sur son propre fauteüil, & ordonna à tout le peuple de lui venir baiser la main. Pendant que M. d’Ancire fut dans l’Eglise on fit sonner toutes les cloches, & aprés cela on lui fit voir tout le Convent. On le conduisit dans une chambre, & on lui fit des presens. Cela étant fait, on alla dîner. Les Religieux & les Evêques de ce Convent, regalerent son Excellence magnifiquement, & chanterent des Hymnes pendant le repas. Enfin ils luy firent tant d’accüeil & tant d’honnesteté, que le peuple croit que l’union est déja faite : mais il n’y aura rien de fait que les Prêtres ne soient convertis les premiers : si ce grand Convent se convertissoit, on viendroit facilement à bout de tout le reste ; car il fait quand il veut un Patriarche à sa mode, & il parle actuellement de déposer celuy d’aujourd’hui.

M. d’Ancire a fait par sa douceur ce qu’aucun autre Ambassadeur n’auroit fait par la force des armes. Son Excellence va en Ambassade au Grand Mogol, pour faire sa Mission dans ce pays là. Plaise à Dieu qu’elle apprivoise les Idolatres & les Infideles dans ce vaste Royaume, comme elle a fait les Schismatiques dans celui-cy.

Elegie qui a remporté le Prix par le Jugement de l’Academie des Jeux Floraux 1700 §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 225-235.

Mademoiselle Lheritier, favorite des Muses qui est toûjours instruite des premieres de tout ce qui se passe au Parnasse, m’a donné moyen de vous faire voir les deux pieces qui ont remporté cette année le Prix aux Jeux Floraux de Toulouse. Ces deux pieces qu’elle a pris le soin de m’envoyer étoient accompagnées d’une lettre qu’elle a adressée à une de ses Amies, & dans laquelle est un tres-bel Eloge de Madame le Malenfant, Presidente Doüairiere de Pamiers, dont l’Elegie vient de remporter le prix. On y voit aussi celui de Madame de Caulet de Beaumont, de la Maison des Comtes de Chasteauneuf de Tournel, fameuse dans le Languedoc, & des plus distinguées parmi les Barons de Tour qui President aux Estats du Givaudan. On les a nommez Barons de Tour, parce qu’il y en a huit qui President chacun à son Tour. C’est sur la mort de Madame de Caulet qu’a esté faite l’Elegie victorieuse que vous allez lire.

ELEGIE
Qui a remporté le Prix par le Jugement de l’Academie des Jeux Floraux 1700.

Sous des arbres épais qu’un destin favorable
Prit soin de garantir du fer impitoyable,
Nonchalamment assise Orante gemissoit
Sur les cruels malheurs qu’elle se retraçoit.
Tantost par des soupirs & des torrens de larmes,
Enfant impetueux de ses vives allarmes,
Tantost par des discours confus & languissans
Elle exprimoit l’excés de ses ennuis pressans,
Sans relâche livrée au transport qui l’entraîne
Elle ne songe plus qu’à la perte d’Ismene,
Sans cesse rappellant ce triste souvenir
Orante aime toûjours à s’en entretenir.
***
 Monstre dénaturé, dit-elle, Mort terrible,
Sourde aux cris des humains, à leurs vœux insensible
Et qui pour le débris de ce vaste Univers
Voles en même temps en cent climats divers,
De quels aveugles traits ta rage fut suivie
Quand tu tranchas le cours d’une si belle vie !
Mais en nous separant ta jalouse fureur
Ne sçauroit la bannir un moment de mon cœur.
On me verra toûjours attentive à sa gloire,
Et de nostre amitié conservant la memoire
Au fort de mes ennuis faire connoître à tous
Cette belle union qui regnoit entre nous ?
Ouy, mon cœur enchanté par le beau caractere
Par les attraits piquans, par la vertu sincere
Qui sur l’aimable Ismene attiroient tous les yeux
Eut pour elle des soins tendres, officieux.
Par un heureux retour qui combla mon attente
Ismene seconda mon amitié naissante.
Rien ne pouvoit troubler mes mutuels accords
De nos cœurs attachez par les nœuds les plus forts ;
Helas ! c’estoit pour nous une loy necessaire
D’employer tous nos soins à nous voir, à nous plaire,
Jamais dans cette étroite & tendre liaison
Le dégoust ne versa son dangereux poison.
Un jour, (à mon esprit ce jour revient sans cesse)
Dans ces doux mouvemens qu’inspire la tendresse
Et qu’excite le goust d’un plaisir innocent,
Chere Orante, dit-elle alors en m’embrassant,
Méprisons en faveur de l’amitié charmante
L’Amour, écueil fatal, passion violente.
L’une est une vertu chez les sages Mortels ;
L’autre souvent au crime éleve des Autels.
Libres du joug superbe où ce Tiran attache,
A l’abri des poisons qu’il déguise ou qu’il cache,
Livrons-nous sans reserve aux transports ravissans
Qu’à longs traits l’amitié répandra dans nos sens.
Ismene, c’est ainsi que vous m’avez aimée ;
A ce penchant si doux mon ame accoutumée
En goûtoit pleinement les solides appas.
Que de biens m’a ravi ce funeste trépas !
Helas ! je le prévis, & l’absence cruelle
M’annonça tout le poids de ma douleur mortelle,
Un noir pressentiment en secret m’avertit
De mon sort malheureux, lors qu’Ismene partit.
 Je sens à tout moment que mon chagrin redouble ;
Ce matin le sommeil a seul calmé mon trouble,
Je croyois voir d’Ismene en un songe enchanteur
Le port majestueux, l’engageante douceur.
L’imagination à ce charme attentive,
Rameine à mon esprit la peinture naïve
De ce brillant amas d’estimables tresors
Dont le ciel enrichit & son ame & son corps.
Par l’éclat du Soleil cette legere image
Agreable à mes sens, passe comme un nuage.
Par le reveil renduë à mes gemissemens,
Qu’estes-vous devenus trop precieux momens,
M’écriay-je, où s’enfuit l’Ombre de mon amie ?
Que ne suis-je aujourd’huy pour toûjours endormie,
Sommeil delicieux, favorable repos
Quels plaisirs m’ont donné vos tranquiles pavots ?
 Orante à ces discours meslez de tendres plaintes
D’un nouveau desespoir éprouve les atteintes.
Ses douloureux accens font retentir les bois,
Les Echos d’alentour répondent à sa voix,
Les oiseaux attendris font un triste ramage,
Zephire ne vient plus caresser le feüillage,
Tout languit en ces lieux, tout y semble perir,
Ismene ne vit plus, Orante veut mourir.

A Madame de Malenfant §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 235-238.

La lettre de Mademoiselle Lheritier, dont je vous ai déja parlé, contient tout ce qui regarde le merite de Madame de Caulet de Beaumont, & fait connoistre son mariage, sa Maison, ses enfans, & la parfaite union qui étoit entr’elle & Mr de Caulet son mari. Elle est tres-bien écrite & seroit admirable dans un recueil d’ouvrages d’esprit, où l’on ne se prépare à lire que ce que l’Auteur y veut employer ; mais les portraits des particuliers, quand ils sont fort longs, ne conviennent point aux lettres que je vous adresse, où le public cherche des nouvelles. Je ne puis cependant me dispenser de vous faire part d’un Madrigal que Mademoiselle Lheritier a envoyé à la spirituelle Dame qui a remporté le prix de l’Elegie.

A MADAME
DE MALENFANT.

Lors que vous remportez une illustre victoire
 Sur tant de celebres rivaux,
Orante, vos doctes travaux
Vous donnent une double gloire.
Vous avez si bien peint la fidele amitié
 Que vous ressentiez pour Ismene,
Que cette image émeut d’une noble pitié.
Vostre Muse attendrit, elle plaist, elle entraîne ;
On admire vos Vers, on plaint vostre douleur ;
 Enfin vostre ouvrage vainqueur
 Où brille une grace infinie,
Fait triompher vostre bon cœur
Autant que vostre beau genie.

[Epitaphe]* §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 238-240.

Voici une Epitaphe que la même Mademoiselle Lheritier a faite à la priere de Mr Caulet, pour la faire graver sur le Tombeau de Madame de Caulet son Epouse.

Toy, qui sur ce Tombeau viens fixer tes regards,
Apprens qu’un tendre époux, pour une épouse illustre,
En qui mille vertus brilloient de tout leur lustre,
Fit ici travailler la Trouppe des beaux Arts.
Avec cent agrémens sincere, genereuse,
Ferme dans ses devoirs, bonne, douce, pieuse,
Nôtre siecle admira la modeste Tournel.
Aussi pour les vertus dont elle estoit ornée.
Son Epoux enflamé d’un amour éternel,
L’aima quinze moissons avant son Hymenée,
 Et dix huit depuis la journée
Qui l’unit avec luy de ce nœud solemnel.
Cet époux qui brûla d’une flame si belle
Fut Caulet de Beaumont ; son feu pur & fidelle
Sera d’un noble exemple à la posterité ;
Du trépas de Tournel son ame desolée
Arrose de ses pleurs ce Triste Mausolée,
Jusqu’à ce que du Ciel la suprême bonté
Daigne finir le cours de sa douleur amere,
En luy faisant revoir une Epouse si chere
 Dans le sein de l’éternité.

Le Deluge §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 240-246.

L’Ode qui a remporté le prix cette année aux même Jeux Floraux de Toulouse, est de Mr l’Abbé Modoix, dont la rare pieté & le merite ne sont pas moins estimez que le sçavoir. En voici une copie.

LE DELUGE.

Non, ce n’est point vous que j’implore,
Fabuleuses Divinitez,
Et le beau feu qui me devore
N’emprunte rien de vos clartez.
Un plus noble desir me presse.
En vain le profane Permesse
Tient pour moy ses canaux ouverts,
L’Esprit saint est mon seul refuge,
Pour chanter le fameux Deluge
Qui submergea tout l’Univers.
***
Il est temps, ô Dieu des vengeances,
De punir ces lâches humains,
Dont les perfides insolences
Ont mis la foudre dans tes mains.
Leurs iniquitez entassées,
Et jusques au comble poussées,
Ont aigri ton amour jaloux.
C’est trop épargner ces rebelles ;
Esteins leurs flammes criminelles
Dans les torrens de ton couroux.
***
Déja de leur Grotte profonde.
Les vents sortent avec fureur,
Et répandent par tout le monde
L’effroy, le desordre & l’horreur.
Les orages & les tempestes
Font trembler ces coupables testes
Que l’ire celeste poursuit :
L’air est plein de nuages sombres,
Et l’affreux amas de ses ombres
Annonce l’éternelle nuit.
***
Que d’éclairs ! quel bruit de tonnerre !
Le Ciel vangeur de tant de maux
S’ouvre pour inonder la terre,
Il tombe sur elle à grands flots.
Ruisseaux, Etangs, Fleuves, Rivieres,
Rompant leurs plus fortes barrieres,
En tous lieux font retentir l’air ;
Ils vont d’une course rapide
Se rendre à la plaine liquide
Pour ne faire tous qu’une Mer.
***
Grossi par un tribut immense,
Cet élement impetueux
S’enfle avec plus de vigilence,
Et montre un tombeau plus affreux.
Il ne connoît point les limites
Qu’une loy suprême a prescrites
A ses indomptables efforts ;
Malgré cet ordre inviolable,
La Mer brise ce frein de sable,
Qui la tient captive en ses bords.
***
La mort dans ces flotans abîmes
Se promene de toutes parts,
Et de ses nombreuses victimes
Eleve des monceaux épars.
L’adresse des bras la plus forte
Cede à la vague qui l’emporte ;
Chaque flot devient un écueil.
L’art des hommes est inutile,
Et pour eux le plus seur azile
Est bien-tôt un fatal cercueil.
***
Les plus hauts arbres des campagnes,
Le faiste des superbes tours,
L’orgueilleux sommet des montagnes,
Ne presentent qu’un vain secours.
Sur ces retraites orageuses,
La Peur sous des formes hideuses,
Exerce un funeste pouvoir.
C’est-là que le plus fier courage
Fremit à l’aspect du naufrage,
Et s’abandonne au desespoir.
***
Par tout regne un cahos étrange :
Que de cris ! que de hurlemens !
Quel épouvantable mélange
D’hommes, de monstres, d’élemens !
Les eaux à la fin parvenuës
Au dessus des croupes chenuës
N’ont pour rivage que les Cieux ;
Rien n’échape à ce trouble extrême,
Tout perit, & les oiseaux mesme,
Malgré leur vol audacieux.
***
O chef d’œuvre de cent années,
Et d’un Artisan si vanté,
Toy qui des ondes mutinées
Braves l’orgueilleuse fierté.
Bois salutaire, Arche flotante ;
De l’Eglise image éclatante,
Et de la Foy le digne prix ;
Tu dois seule estre garantie,
Et de la nature engloutie
Reparer les tristes débris.
***
Rens graces au souverain Maître,
Redouble tes vœux enflamez,
Noé, les beaux jours vont paroître,
L’orage & les flots sont calmez.
Voy l’innocente Messagere
Raporter d’une aile legere
L’heureux simbole de la Paix ;
Voy cet Arc que la nuë étale
Plus brillant que l’or & l’opale,
Nous la confirmer pour jamais.

Air nouveau §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 268-269.

Les paroles qui suivent ont esté mises en Air par un habile Musicien.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Helas dequoy me sert la Saison des Zephirs, doit regarder la page [2]69.
Helas ! dequoy me sert la Saison des Zephirs,
Je suis trop malheureux pour goûter ses plaisirs.
Cessez doux Rossignols, vostre amoureux ramage ;
Il augmente ma langueur
Et n'attendrit pas le cœur
De la Beauté qui m'engage.
Helas ! dequoy me sert la Saison des Zephirs,
Je suis trop malheureux pour gouster ses plaisirs.
Naissantes fleurs qui brillez dans la Plaine,
Mourez avec mon espoir,
Je n'aimois à vous voir
Que pour vous offrir à Climeine.
images/1700-06_268.JPG

[Avantures galantes] §

Mercure galant, juin 1700 [tome 6], p. 270-271.

On a fait une seconde Edition d’un livre intitulé Avantures & Lettres galantes, avec la Promenade des Tuilleries, dédiées au beau Sexe. Cet Ouvrage contient deux volumes. On trouve dans le premier plusieurs Avantures divertissantes, arrivées au voyage de Chaudray, aux Vendanges de Suresnes, à la Foire de Bezons, au Bois de Boulogne, aux Bains de la Porte S. Bernard, au Palais, au Bal, à la Comedie, & sur tout à la Vallée de Tissard, tout cela est écrit d’un stile aisé. Le second n’est pas moins curieux, & contient diverses Histoires qui ont fait beaucoup de bruit dans l’Europe. On ne peut douter qu’ils n’ayent eu un grand succés, puisqu’on ne fait jamais de secondes Editions des Ouvrages que le Public n’a point approuvez. Celle-cy plus correcte encore que la premiere, se debite chez le sieur Guillaume Cavelier dans la grande Salle du Palais.