Affaires de la guerre contenant le journal du blocus de l’armée de Mantoue et la suite du journal de l’armée de Monseigneur le duc de Bourgogne, [Mercure galant], juillet 1702 [deuxième partie] [tome 10].
Affaires de la guerre contenant le journal du blocus de l’armée de Mantoue et la suite du journal de l’armée de Monseigneur le duc de Bourgogne, [Mercure galant], juillet 1702 [deuxième partie] [tome 10]. §
[Symphonie avec chanteuses]* §
Le 2. il arriva encore trois houssarts, on fit l’échange de quelques prisonniers. Le partisan la Pommelle ramena un cavalier & deux chevaux. M. de Tessé donna encore pour divertit la Noblesse une espece de feste. Au reste il ne se passa rien de nouveau ce jour là.
Le 3. l’on fit du bois à la porte Pradelle, il vint quelques houssarts, & M. le Marquis Baretti, premier Ministre de M. le Duc de Mantoüe, donna une simphonie le soir, ou toutes les chanteuses se trouverent.
[Te Deum]* §
Le 12. fut remarquable par la quantité de cocardes blanches. Les troupes se mirent en bataille, l’infanterie le long des murailles, & la cavalerie sur les places. M. le Duc de Mantoüe prit l’écharpe blanche, & vit les troupes qui le saluerent. Madame la Duchesse suivie de toute la Cour les vit de mesme ; & toute l’aprés-dinée jusqu’à l’heure du Te Deum, que l’on chanta avec beaucoup de magnificence, fut employée à cette espece de divertissement. Les Dames mesme affecterent de porter le ruban blanc à la teste.
[Réception chez le duc de Mantoue]* §
Le 28. dés le matin, le Partisan la Pommelle, qui estoit sorti la nuit precedente, ramena vingt-huit bœufs & un cheval, pris au milieu des quartiers des ennemis dans la maison du Comte Turcki de Verone, tres-attaché à l’Empereur, & qui avoit pris une sauvegarde des ennemis. M. de Tessé renvoya la sauvegarde, mais les vingt-huit bœufs dont on avoit besoin furent receus tres-agreablement.
A l’heure du dîner, les Officiers principaux se trouverent dans la galerie de M. le Duc de Mantoue. La table estoit de soixante & dix couverts, sans distinction aucune, ny de chaises ny de couverts. Chacun se plaça sans ceremonie, & la table fut servie de quatre-vingt-sept plats à chaque service avec tout l’ordre & l’aprest possible, sans confusion & avec autant d’abondance & de magnificence que si l’on n’avoit point été dans une ville bloquée. M. de Tessé estoit à la droite de M. le Duc de Mantouë. Le repas fut gay & ne fut point excessivement long. On y but les santez de leurs Majestez Tres Chrétienne & Catholique, & de l’union des deux Couronnes, & à Monsieur le Duc & à Madame la Duchesse de Mantouë. Aprés le repas, qui fut de quatre services, & demy-heure de conversation, le Prince sortit, & chacun se retira. Il vint six deserteurs, & le carnaval finit par la Comedie ordinaire & par quelques soupers & danses, avec les précautions convenables pour empescher le desordre.
Stances §
Avant que de vous donner la suite du Journal de l’armée de Monseigneur le Duc de Bourgogne, je crois vous devoir faire part des vers que Mademoiselle l’Heritier a faits pour ce Prince.
STANCES.
Genereux sang d’un auguste Monarque,Et d’un intrepide Dauphin ;Prince, vous nous donnez une fameuse marqueQue de ces deux Heros vous aurez le destin.Dés que vous combattez, la rapide VictoireCouronne vôtre front d’une éclatante gloire.***Déja les neuf sçavantes SœursVoyant briller en vous la solide sagesse,Le sublime sçavoir, la suprême justesse,Vous avoient partagé leurs divines faveurs.Avec une tendre largesse.***Mars qui voyoit leurs soins sans en estre jaloux,Veut marquer cependant que son zele pour vousSurpasse encor celuy des Nymphes du Parnasse ;Ce Dieu fait aujourd’huy succomber sous vos coupsD’orgueilleux ennemis, dont la superbe audaceDu plus sage des Rois merita le couroux.Pour ses premiers exploits vôtre bras les terrasse :Secondé noblement par nos braves Guerriers,Vous avez moissonné des forests de lauriers.***Bientost nous vous verrons plus digne de loüangeQue le jeune Vainqueur de l’Euphrate & du Gange ;Et pour éterniser vos faits victorieux,La troupe des neuf Sœurs, à qui la France est chere,Et qui fit celebrer vôtre Ayeul glorieuxPar cent Poëtes gracieux,Qui du siecle d’Auguste ayant le caractere,Rappelloient les grands noms de ce temps précieux ;Au lieu d’un Virgile en ces lieuxFera pour vous naître un Homere.