1702

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13].

2017
Source : Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13]. §

[Sonnet] §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 5-7.

Je commence ma Lettre par un Ouvrage dont le titre doit d’abord exciter vostre curiosité.

LE SOLEIL
SUIVANT LE SISTÈME
DE COPERNIC.

SONNET AU ROY.

Le Soleil ne court point comme ont cru nos Ayeux
Mais sur un Trône d’or fixe au centre du monde
Il dispense de là sa lumiere feconde,
On voit tourner autour Lune, Planetes, Cieux ;
***
La terre qui ne doit, qu’au secours de ses feux
Les animaux, les fruits, les biens dont elle abonde,
Avec soin chaque jour fait passer à la ronde
L’Orient, le Midy, l’Occident sous ses yeux.
***
Tel Louis reposant dans le sein de la gloire
Influë à ses Guerriers des esprits de Victoire,
Il est toujours égal & n’a point de penchant,
***
Ses jaloux aprendront par les rayons qu’il lance
Que nulle heure du jour n’affoiblit sa puissance
Et que pour le Soleil il n’est point de Couchant.

Le nouvel hippomene à Damon son illustre amy. Epître §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 54-63.

Un bel Esprit dont la réputation est celebre au Parnasse s’estant marié depuis peu, a envoyé à un de ses Amis qui ne s’attendoit pas à le voir entrer dans un pareil engagement, l’Epître que vous allez lire.

LE NOUVEL HIPPOMENE
à Damon son illustre Amy.
EPITRE.

L’Aurois-tu crû, Damon, enfin je suis fidelle
Tu ne me verras plus porter de Belle en Belle
Un cœur qui, pour le peindre bien,
Approuvoit tout, & n’aimoit rien
Tu m’as vû mille fois soupirer pour Celine
Pour Araminte & pour Corinne.
Felismene, Cephise, Helene, tour à tour
M’avoient soumis à leur Empire ;
Je ne finirois point, si j’allois te décrire.
Tous les divers objets de mon volage amour ;
C’en est fait, je renonce à ce nom de volage.
Pour estre Amant de bonne foy,
Et le nouveau Vainqueur, dont j’ay receû la loy,
Ne me verra jamais sortir d’un Esclavage,
Qui ne peut que me rendre heureux
Puisque la vertu mesme en a formé les nœuds.
Je vois, que cet aveu t’étonne,
Et tu doutes encor de ma sincerité ;
Mais si tu voyois la beauté
A qui mon tendre cœur se donne,
Si tu connoissois tout le prix
Des chaînes que je viens de prendre,
Tu cesserois d’estre surpris,
Et pour peu que ton cœur fust tendre
Enchanté d’un destin si doux
Tu ne pourrois le voir sans en estre jaloux.
Déja ton ame impatiente
Me demande le nom de la Divinité
Qui m’a ravy ma liberté ;
Eh bien, tu le sçauras, c’est la belle Atalante,
Ce nom t’en dit assez, tu sçais combien d’Amans
Soupirent vainement pour elle,
Son cœur jusqu’aujourd’huy rebelle
A veû, sans s’attendrir, leurs plus rudes tourmens :
Cependant son indifference
N’a pû borner le cours de leurs ardens soupirs,
Et contraints à brûler, mesme sans esperance,
Ce qui doit les éteindre, irrite leurs désirs.
Tu croiras, que je t’en impose
Mais d’un si surprenant effet
Des mesmes yeux que moy, si tu voyois la cause,
Si j’osois seulement ébaucher un portrait
Des Trésors que de la nature
L’aimable Atalante a reçeus,
Damon, tu n’en douterois plus,
Mais il faut te convaincre, en voicy la peinture
Telle que mon charmant Vainqueur
L’a tracée au fond de mon cœur.
Son visage animé de tout ce que les graces
Ont de plus vif, & de plus doux,
Répond à deux beaux yeux qui par d’aimables coups,
De leur divin pouvoir laissent par tout des traces
Et qui brillent de tant d’éclat,
Qu’on ne les soutient qu’avec peine
Son teint uni, frais, délicat,
Où la troupe des jeux voltige, & se promene,
Joint à ces yeux charmans de nouvelles beautez
Dont tous les cœurs sont enchantez.
Deux sourcils les mieux faits du monde
En couronnent les agrémens,
Et semblent menacer les trop tendres amans,
De perdre cette paix profonde
Qui ne peut jamais rendre heureux,
Qu’un cœur foiblement amoureux.
Des cheveux blonds cendrez qui flottent sur sa teste
Ressemblent à ces étendarts
Qu’on étale sur les remparts
Aprés une illustre conqueste,
Disons mieux, ce sont des filets
Que l’Amour a tissus luy-même,
Et qui, dés le moment qu’on aime,
Forment une prison d’où l’on ne sort jamais.
Des dents plus blanches que l’ivoire
Donnent à ce chef d’œuvre une nouvelle gloire,
Un sourire délicieux,
Attire tous les cœurs vers elle
Un air modeste & gracieux.
Sert à la rendre encor plus belle,
Et fait oublier le danger
Que les timides cœurs trouvent à s’engager.
Te décriray-je icy cette riante bouche
Dont le souffle est plus doux que celuy des Zephirs.
Elle ignore pourtant l’usage des soupirs,
Que pousse doucement un cœur que l’amour touche.
Cette esperance en vain flatteroit nos désirs.
Le seul nom d’amour l’effarouche,
Un col parfaitement uny
Orne une gorge bien taillée,
Que la nature a travaillée
Avec un plaisir infiny.
Son port majestueux, sa taille noble & fine
En font une douce Heroïne
Qu’on aime & craint tout à la fois,
Ou plûtost l’un & l’autre en font une Déesse
Qui ne permet point d’autre choix
Que le respect & la tendresse,
Que diray-je de son esprit ?
C’est une source de lumiere
Dont le cours jamais ne tarit,
Sa belle ame est enfin, grande, sans estre fiere.
Son cœur est noble & genereux
Et toujours pour les malheureux
Garde une pitié secourable ;
Que d’appas ! que ne puis-je icy les exprimer !
Je ne dis plus qu’un mot, je ne puis trop l’aimer,
Je la trouve toute adorable.
Tu crois, sans doute, cher Damon,
Que je te parle icy mon langage ordinaire
Que le choix que je viens de faire
Est un choix de caprice, & non de la raison,
Que peut estre demain une flâme nouvelle
Fera brûler mon cœur pour de nouveaux appas.
C’est ce que tu ne verras pas.
L’Hymen va nous unir d’une chaîne éternelle.
Et je perdray plustost le jour
Que je n’esteindray mon amour.
Mais enfin par ce mariage,
Es-tu riche ? me diras tu ?
Hé ! puis-je l’estre d’avantage :
Damon ; j’épouse la vertu.

[Première Pierre de la Nef de l’Eglise de S. Louis posée par Mr l’Archevèque] §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 63-92.

Vous trouverez dans le recit de la Ceremonie dont je vous envoye le détail, quantité de choses qui vous feront plaisir.

Mr le Cardinal de Noailles posa le 7. Septembre la premiere pierre de la nef de l’Eglise de Saint Louis dans l’Isle, que les Paroissiens ont entrepris de faire bâtir. Vous avez sçû, sans doute le funeste accident qui y arriva le jour de la Purification de la Vierge, de l’année derniere, par la chute d’une partie de l’ancienne Chapelle qui servoit de nef ; ce malheur fit perdre la vie à une personne de qualité, & plusieurs autres y furent blessées ; ce qui obligea, afin de prévenir de semblables malheurs, Messieurs les Curé & Marguilliers de convoquer une Assemblée generale de la Paroisse, dans laquelle il fut resolu, d’un consentement unanime de détruire cette ancienne Chapelle, & de continuer le bâtiment de la nouvelle Eglise dont il n’y a que le Chœur de fini, & sa croisée qui n’est élevée que jusqu’à la voute. L’Architecture en est simple ; mais dans sa simplicité, elle a son goût & sa magnificence : & quand cette Eglise sera achevée, elle sera une des plus belles & des plus agreables de Paris. Tous les Paroissiens se portent à cette entreprise, si digne de leur pieté & de leur generosité, avec un zele merveilleux & digne des plus grandes loüanges.

Mrs les Curé & Marguilliers ayant prié Mr le Cardinal de Noailles de leur faire l’honneur de poser la premiere pierre de ce nouvel édifice, le zele de cet Archevesque pour toutes les Eglises de son Diocese, & sa pieté particuliere pour Saint Louis, dont il porte le nom, luy fit accepter cette proposition avec cette bonté qui luy est si naturelle. Son Eminence choisit le 7. Septembre pour cette Ceremonie, & il y arriva sur les quatre heures du soir, & fut reçû à la descente de son Carosse par Mr le President de Bretonvilliers, & par Mr Bengy Correcteur en la Chambre des Comptes, premier & second Marguilliers, par les autres Marguilliers en Charge, par les Anciens, & par plusieurs autres personnes de qualité de la Paroisse.

Mr Luillier Docteur de la Maison & Societé de Sorbonne, qui en est Curé, le reçût à la porte de l’Eglise à la teste de son Clergé, & aprés luy avoir presenté la Croix, l’Eau benîte & l’encens, il prononça le Discours suivant qui merite de vous estre envoyé ; vous le trouverez remply d’érudition & d’onction.

Monseigneur,

C’est la pieté & le Zele de Vôtre Eminence pour toutes les Eglises de son Diocese, qui nous procurent aujourd’huy l’honneur de la voir dans la nôtre. Cette Eglise, Monseigneur, semble d’autant plus digne des soins, des bontez & de la vigilance Pastorale de V. E. qu’elle est, pour ainsi dire, sous ses yeux par sa proximité, & qu’elle a l’honneur d’estre dédiée à Dieu sous l’invocation d’un Saint Roy, & qui est, & vôtre Patron & le sien.

Vos deux illustres Predecesseurs y sont successivement venus pour en jetter les premiers fondemens sur lesquels on a élevé ce que nous en voyons : & V. E. vient aujourd’huy poser une nouvelle pierre, sur laquelle nous esperons de la voir bien tost achever.

Quelle joye pour tout ce Peuple, de voir son premier Pasteur, son aimable Prelat venir à luy pour une si sainte Ceremonie ! Lorsque Salomon mit la premiere pierre du Temple magnifique qu’il crut devoir élever à la gloire du Dieu de ses Peres, la joye des Juifs en fut si grande qu’il leur sembla, dit le Prophete, que toute la Terre y prenoit part, fundatur exultatione universæ terræ mons Sion Tels sont, Monseigneur, tels sont les sentimens de tous nos Paroissiens, ils sont si sensibles à l’honneur que Vôtre Eminence leur fait en ce jour, & si consolez par l’esperance qu’ils en conçoivent de voir dans peu leur Eglise entiere & parfaite, qu’il leur semble que leur joye doit estre la joye de toute la Terre.

Le dessein de poursuivre ce saint Edifice, & de luy donner sa derniere perfection, ne peut estre que tres loüable : nous remarquons que dans tous les temps les vrais Fidelles ont toûjours fait consister une partie de leur pieté à bâtir & à orner avec magnificence les Temples consacrez au vray Dieu : Saint Chrysostome nous assure que de son temps les Eglises surpassoient par leurs richesses & la beauté de l’Architecture les Palais des Rois & la demeure des Empereurs : & nous trouvons encore dans l’Histoire Ecclesiastique le dénombrement des vases d’or & d’argent, que non seulement des Empereurs & des Rois, mais de simples particuliers donnoient aux Eglises.

Cependant ce n’est pas tant ce devoir de Religion, qu’une necessité indispensable qui nous a fait concevoir ce dessein. Qu’étoit cette partie d’Eglise que nous avons esté contraints de détruire ? Un édifice entr’ouvert de tous côtez, menaçant ruine de toutes parts, sans qu’on y pust apporter remede : il n’y avoit rien de digne ni de la Majesté du Dieu qui y estoit adoré, ny de la pieté du Peuple qui l’y venoit adorer. On n’y entroit qu’en tremblant, & on y apprehendoit pour la vie du corps dans le temps mesme qu’on y venoit chercher la vie de l’Ame.

Nos Peuples avoient regardé jusqu’icy d’un œil froid & indifferent ce pitoyable estat de leur Eglise. Mais le Seigneur a ébranlé la Terre, & l’a troublée : il a tiré un vent impetueux de ses tresors, qui les a réveillez de ce profond assoupissement où ils estoient ; ils ont compris que ce coup terrible dont ils ont esté les témoins & les spectateurs, estoit moins un effet purement naturel, qu’un avertissement public que Dieu leur donnoit de ne pas differer davantage à mettre la derniere main à un Ouvrage que la pieté de leurs Peres avoit commencé, ils ont conçû que c’estoit un reproche que Dieu leur faisoit, comme autrefois aux Juifs, que le temps ne venoit jamais pour eux de bâtir la Maison du Seigneur, pendant que le temps estoit toûjours propre pour eux, non seulement pour achever, mais pour orner, mais pour embellir leurs Maisons particulieres.

Ils ont donc entrepris ce grand Ouvrage, & ils l’ont entrepris, j’ose le dire, dans un temps où la prudence de la chair, qui est toûjours timide quand il s’agit d’entreprendre quelque chose pour la gloire de Dieu, devoit, ce semble, les en détourner. Mais avec quelle generosité ne poussent-ils pas cette entreprise ? Je ne puis m’empescher de vous le dire, Monseigneur, puisque la pieté du Peuple ne peut estre qu’agreable & consolante pour le Saint Pontife qui le conduit. Je dois donc leur rendre ce témoignage qu’ils font paroistre en cette occasion une émulation semblable à celle que l’Ecriture rapporte des anciens Israëlites pour la construction du Tabernacle ; c’est à dire, que les pauvres & les riches, les grands & les petits, les hommes & les femmes veulent y contribuer. Les pauvres donnent du cuivre & de l’airain : les riches de l’or & de l’argent : les uns donnent de grosses sommes à la fois, d’autres en donnent de petites, & les reïterent souvent : ceux cy ont voulu donner l’exemple, & signaler leur liberalité dés le commencement de l’entreprise ; ceux là croyent la devoir differer jusqu’à ce que l’ouvrage soit plus avancé. Quelques Dames, à l’exemple de celles d’Israël, nous ont apporté leurs perles & leurs diamans, consacrant ainsi à la pieté ce qui est pour tant d’autres, ou une curiosité inutile, ou un ornement de vanité ; d’autres donnent leur peine & leur assiduité pour recuëillir & exciter les offrandes des Fideles ; tous enfin se font, ou feront, je l’espere, un devoir d’y contribuer chacun selon ses facultez.

Maintenant que V. E. veut bien donner un témoignage si public & si éclatant qu’elle approuve ce Zele, combien leurs liberalitez vont elles redoubler ? Mais que peuvent tous les efforts de ce Peuple ? Quoy qu’il veüille, quoy qu’il fasse, quoy qu’il donne, ses efforts seront toûjours au dessous d’une si grande entreprise, s’ils ne sont secondez : c’est ce que nous esperons par la protection de Vôtre Eminence, de la bonté & de la pieté du plus Chrêtien & du plus grand des Rois. Il a toûjours esté comme un autre Ezechias (vous le disiez dernierement, Monseigneur, à la teste du Clergé de France, avec autant de verité que d’éloquence.) Il a, dis-je, esté comme un autre Ezechias, toûjours jaloux de l’honneur des Temples du vray Dieu, & de la sainteté de son culte, & Vôtre Eminence employe toûjours pour le bien des Eglises ce puissant credit, que les vertus encore plus que sa haute naissance luy ont si justement merité auprés de Sa Majesté. Est ce donc en vain que nous nous flattons qu’il aura quelque bonté pour cette Eglise ? qu’il ne voudra pas permettre que la seule Paroisse dediée à Paris sous le nom de son patron & du plus saint de ses Ayeux demeure imparfaite ? Pouvons-nous ne pas esperer qu’il voudra suppléer à l’impuissance où ce peuple se trouve de l’achever ? & que meritant déja par tant de grandes & de saintes actions, que le Dieu des Armées continuë à le faire triompher de ses ennemis, il le voudra encore meriter de plus en plus par ce nouveau monument de sa pieté ? Non, Monseigneur, nostre esperance, qui est fondée, & sur la protection de V.E. & sur la bonté du Roy, & sur sa pieté envers saint Loüis, ne sera point confonduë.

Venez donc, Monseigneur, comme un sage Architecte poser les fondemens de ce Temple materiel, vous qui par tant d’Ordonnances & d’Instructions Pastorales dignes des Pontifes des premiers siecles, avez tant travaillé à édifier ce Temple spirituel, qui, comme dit saint Augustin, est fondé sur la Foy, s’éleve par l’Esperance, & est conduit à sa perfection par la Charité. Venez établir la Maison de prieres, vous qui nous avez enseigné la veritable maniere de prier, & qui l’avez si bien épurée de ce que l’erreur & la superstition y avoient pû introduire. Venez affermir cet édifice chancelant, vous qui affermissez tous les jours la foy & la pieté dans tant d’ames inconstantes, & qu’on puisse ainsi dire de V. E. ce que l’Eglise chante d’un des plus saint Evêques de Paris. Hic est Sacerdos magnus qui in vita sua suffulsit domum, & in diebus suis corroboravit templum.

Que ce Peuple apprenne aujourd’huy de V. E. combien cette entreprise est digne de sa pieté & de son respect pour le Dieu qu’il adore. Mais que cette pierre materielle qui fait le sujet de cette ceremonie les fasse souvenir de se rendre eux mêmes des pierres vivantes & spirituelles establies sur la veritable pierre angulaire pour entrer dans la structure de ce temple, qui n’est pas bâti par les mains des hommes, mais par le Dieu vivant : que cette pierre enfin leur soit une leçon continuelle du Zele & du respect qu’ils doivent avoir pour la maison de Dieu, comme elle sera un monument éternel de la pieté de Vostre Eminence, de sa bonté pour nostre Paroisse, un nouveau motif de nostre profond respect & de nôtre sincere reconnoissance envers elle, & un nouvel engagement à prier sans cesse pour sa conservation.

Les Echaffauts que l’on avoit dressez pour cette Ceremonie furent remplis d’une infinité de personnes de distinction, & de toutes sortes d’états. La Ceremonie fut accompagnée de Timbales, de Hautbois & de Trompettes qui firent un agreable concert à l’arrivée de Son Eminence, & pendant tout le temps, qui ne fut point remply par le chant & par les Prieres de Son Eminence & du Clergé.

Mrs les Curé & Marguilliers pour témoigner leur reconnoissance de la bonté de Son Eminence & de l’honneur qu’elle faisoit à leur Paroisse, ont fait fraper une Medaille en l’honneur de Mr le Cardinal pour mettre dans les fondemens : on voit dans la face droite le Portrait de Mr le Cardinal autour duquel sont ces paroles de Saint Paul, Ut sapient Architectus fundamentum posuit ; on lit dans l’Exergue Ludovic. Ant Card. de Noailles, Archiep. Paris. Dux, Par, Franc. On a designé de l’Eglise de Saint Louis la partie qui en est faite, & la partie qui reste à faire, & à laquelle on travaille actuellement. On lit les paroles suivantes autour de ce bâtiment : Divo Ludovico sacrum in Insula inchoatum anno 1664. Continuatum anno 1702. & dans l’Exergue, Regis liberalitas & Parochianorum ; ce qui a esté mis en reconnoissance de ce que lorsqu’on prit il y a trente ans resolution de faire bâtir cette Eglise, le Roy voulut exciter par une liberalité considerable les Paroissiens à y contribuer ; ce qu’ils ont fait avec tant de zele qu’ils ont mis cette Eglise en l’état où on la voit presentement. On lit au dessous des paroles qui sont dans l’Exergue les noms desdits Curé & Marguilliers, Jacobus Luillier Pastor æditui Honorarii C. Benignus le Ragois, Ludovicus Bengy, ætarii, Joannes Baptista Voisambert, Mathurinus Champagneux.

Le dessein a esté parfaitement bien executé, & cette Medaille est un des plus beaux ouvrages qui ayent esté faits depuis long temps en ce genre ; elle a esté frapée à la Monnoye des Medailles, d’où il ne sort rien que de parfait, & gravée par Mr Roussel. Mrs les Curé & Marguilliers en ont fait faire l’Estampe que je vous envoye, afin que ceux qui n’ont pû avoir cette Medaille en ayent du moins un modele.

On mit dans les fondemens avec cette Medaille une lame de cuivre, où ces mots estoient gravez.

Regnante
LUDOVICO MAGNO.

Eminentissimus S.R.E. CardinalisLudovic. Antonius de Noailles, Archiepiscopus Parisiensis, Dux Sancti Clodoaldi, Par, Franciæ Regiorum ordinum Commendator, primarium lapidem Navis hujus Ecclesiæ in honoremSancti LudoviciDeo dicatæ posuit anno Domini 1702. die 7. Septembris, Jacobo Luillier, Doctore & Socio Sorbonico Pastore, Benigno le Ragois, Domino de Bretonvilliers, in Camera Computorum Præside Ludovico Bengy in eadem Correctore Camera ædituis honorariis, & Mathurina Champagneux Pharmacopoeorum Parisiensium Præfecto, Petro Ticquet in Senatu Parisiensi Causarum actore ædituis ærariis.

Cette grande journée se termina par le Salut & la benediction du Saint Sacrement que Monseigneur le Cardinal donna au Peuple, aprés laquelle il fit l’honneur à Mr le Curé & aux autres Ecclesiastiques de voir la Maison où ils vivent ensemble en Communauté. Son Eminence visita la Salle où se tiennent leurs Assemblées & celles de la Paroisse, dont il parut tres-satisfait aussi bien que de toute la Ceremonie.

[Belle voix de Mademoiselle de la Lande] §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 151-155.

Puisque nous sommes sur ce qui regarde l’Oüye, je dois vous parler d’une personne qui est bien capable de le flater : c’est, Mademoiselle de la Lande, fille du Surintendant de la Musique du Roy. Je vous ay déja parlé de cette admirable Personne, lorsqu’elle chanta à la Conception pendant l’Octave de Pasques. Sa Majesté eut le plaisir de l’entendre chanter dans son Cabinet au commencement du mois de Septembre dernier, & elle parut si digne des grands applaudissemens qui luy avoient esté donnez par tous ceux qui avoient esté charmez de sa voix ; que le Roy l’écouta depuis son souper jusqu’à l’heure de son coucher. Ce Prince dont le goust est superieur en tout, en fut si satisfait, qu’il luy dit des choses tout à fait obligeantes. Rien ne marqua mieux le plaisir qu’il avoit pris à l’entendre, que l’ordre qu’elle reçut de chanter dans la Chapelle le jour de la Nativité de Nostre Dame : Tous ceux qui s’y trouverent ne se contenterent pas de se dire à eux mesmes qu’ils n’avoient jamais ouy mieux chanter. Mais ils firent éclater leurs applaudissemens, qui formerent un concert de loüanges. Lorsque tant de voix s’élevent en mesme temps pour en donner, elles sont excitées par le merite qui les arrache, & l’on ne peut douter qu’elles ne soient sinceres. Mademoiselle de la Lande n’a que quinze ans. On n’a jamais entendu une voix plus grande que la sienne : Elle est d’une douceur sans pareille, & tout a fait flexible : Elle a une legereté de gozier, & une netteté qu’il seroit difficile d’exprimer avec une cadence merveilleuse accompagnée d’une prononciation admirable, ce qui vient de ce qu’elle sçait plusieurs Langues : & ce qu’il y a d’admirable, & qui se rencontre en peu de personnes, c’est qu’on ne s’apperçoit qu’à peine qu’elle ouvre la bouche pour chanter, au lieu que la pluspart de ceux qui chantent des choses qui demandent beaucoup d’expression, n’en peuvent donner autant qu’il est necessaire, sans faire quelques grimaces.

[Mr Garnier est nommé Organiste du Roy] §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 156-158.

Aprés vous avoir parlé d’une belle voix, je dois vous entretenir d’un fameux Organiste, c’est de Mr Garnier Organiste de l’Hostel Royal des Invalides. Le Roy qui dans tous les temps fait également attention à tout ce qui regarde le merite, l’esprit, & les arts, vient de le nommer pour remplir la place de Mr le Begue Organiste de Sa Majesté dont je vous apris la mort au mois de Juillet dernier en vous envoyant l’Epitaphe Historique de cet homme merveilleux fait par Mr Richar. Voicy un Madrigal du même Auteur adressé à Mr Garnier.

Du Prince le plus juste, & du plus grand des Rois
Il est dont vray Garniers que vous estes le choix :
De cet illustre mort qu’aujourd’huy rien n’efface
Rendez vous par vos soins le digne Successeur,
Soyez de ses vertus, le grand Imitateur,
Prenez le même esprit, suivez la mesme trace
Et qu’un zele rempli d’ardeur,
Vous attire de tous, & l’estime, & le cœur.
***
Heureux éleve du Parnasse
Louez qui vous éleve à ce degré d’honneur
Goutez en paix le fruit de ce bonheur
Nul que vous n’a mieux sçû mériter cette place.
Quelle gloire pour vous d’avoir esté le choix
Du Prince le plus juste, & du plus grand des Rois.

[Vers sur une grossesse] §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 170-172.

Les Vers qui suivent ont esté faits par Mr Denis Avocat en Parlement sur l’heureuse grossesse de Madame Brunet de Montforand, épouse de Mr Brunet de Montforand Conseiller au Parlement de Mets. Vous trouverez ces Vers, d’autant plus nouveaux qu’il s’en trouve peu qui ayant esté faits sur de pareils sujets. Ils sont naturels & font plaisir à lire.

Amour, Himen, Dieux pleins d’appas ;
Du plus digne objet qui respire
Sous vostre glorieux Empire
Affermissez par tout les pas.
Caliste encor plus adorée
Sous le fier & vivant fardeau
Dont vos faveurs l’ont honorée
S’en fait un Triomphe nouveau.
Je tremble à tous momens pour elle,
Et mon cœur toujours inquiet
Partage sa frayeur mortelle
Au moindre faux pas qu’elle fait.
Elle porte la récompense,
De ses pressants & chastes feux,
Et par là remplit l’esperance
D’un époux cher autant qu’heureux,
Pour vous, pour nous, veillez sans cesse
A la Garde de ce Tresor.
A la gloire qui vous en presse
Vostre devoir se joint encor
Conservez l’Enfant dans la Mere.
Que tout prévienne ses désirs
Qu’à l’envy tout cherche à luy plaire ;
Que les Graces & les Plaisirs,
Et qu’un joyeux accouchement
Dissipant nos tendres alarmes
D’un fils qu’on souhaite ardemment
Fasse à nos yeux briller les charmes.
Ce sont nos vœux, ils auront lieu,
Le succés chaque jour l’explique.
Il est seur que la voix publique
Est l’Echo de la voix de Dieu.

[Rejoüissances faites à Munic] §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 177-185.

Monsieur l’Electeur de Baviere s’étant emparé de Biberac aprés avoir fait entrer ses Troupes dans la ville d’Ulme, je croy que vous ne serez pas fâchée d’aprendre que Biberach ou Bibach en Latin Bibacum ou Biberacum est une Ville Imperiale, située dans le Pays d’Algou en Süabe, elle est sur le rivage de la riviere de Russ. Ses eaux minerales, qu’on appelle dans le Pays, les eaux du Jourdain rendent le Territoire fort considerable. L’Empereur Othon II. se plaisoit fort dans cette Ville, il y a fait de longs sejours. Il l’avoit extremement embellie ; mais elle n’est pas à présent à beaucoup prés si belle qu’elle l’estoit sous les Empereurs de la Maison de Süabe. Quelques Historiens parlent du deüil extraordinaire que les habitans de cette Ville porterent à la mort funeste du jeune Conradin le dernier de cette Maison Imperiale. Ils se couvrirent tous de sacs & de cendre & passerent trois jours & trois nuits sans boire ny manger, dans la Place Publique, heurlans comme des chiens.

Je vous envoye une lettre de Munic qui vous fera connoistre de quelle maniere, on s’y est réjouy des Conquestes de Mr l’Electeur de Baviere.

Je suis ravy, mon cher Amy, de vous informer des réjoüissances qui se sont faites icy, quand on a sçu les progrés de Monsieur l’Electeur. Madame l’Electrice donna des ordres pour que la joye fust generale, & que tout le monde y prist part. Le Dimanche 24. Septembre fut choisi pour marquer l’allegresse publique. Comme on avoit commencé à rendre des actions publiques de graces à Dieu, ce jour fut choisi pour donner un libre cours à la joye de la Noblesse & du peuple de la Baviere. Il y eut des Feux de joye dans toute la Ville, de grandes illuminations, & des Fontaines de vin qui coulerent toute la journée ; & enfin la Feste fut terminée par un repas magnifique que donna Madame l’Electrice, à la haute Noblesse, & au principaux de la Ville. Il y avoit six tables de trente couverts, qui furent toutes servies à cinq services chacune. A la fin du repas il y eut un grand Bal de Masques, où il parut dix huit bandes de Masques étrangers d’une magnificence surprenante, & dont la bonne mine & l’agilité extraordinaire, surprirent agreablement l’Assemblée. Le Bal finit à six heures du matin par une superbe Collation portée par cinquante six Morisques ; elle fut abandonnée au pillage, aprés quoy l’on entendit une décharge de Mousqueterie, qui termina la Feste. J’espere, mon cher Amy, avoir bien tost le plaisir de vous voir ; je vous porteray une Traduction Françoise du fameux Traité de Jure Ecclesiasticorum, qui est si rare. Vous en connoissez le merite. Vous sçavez que cet ouvrage fut le precurseur du celebre Traité Theologique de l’Auteur qui a tant fait de bruit en Hollande dans le dernier siecle. Feu Monsieur le Prince eut un jour la curiosité de voir cet Auteur. On sçait l’amour que ce grand Prince avoir pour les gens de Lettres : il luy fit un present considerable. C’est à son Ecole qu’Henaut (ce grand Poëte François) se pervertit, mais il fit une fin plus heureuse que luy. Jamais homme n’a tant aimé la solitude, il demeuroit quelquefois six mois sans sortir de chez luy ; & il s’estoit retiré à la Campagne pour estre plus à l’abry de l’agitation du monde. On m’a assuré que son Traité de l’Arc en Ciel n’est pas perdu, qu’il y a un Moine à Ausbourg, qui en en a découvert une Copie. On assuroit pourtant comme vous sçavez, qu’il l’avoit brûlé avant sa mort. C’est un Religieux Augustere qui traduit son Traité de Jure Ecclesiasticorum. Adieu, mon cher Amy, embrassez nostre Amy Gedeon, nous esperons que suivant sa loüable coûtume, il écrira à Son Altesse Electorale sur ses progrés. Adieu encore une fois.

[Suite du Journal de Fontainbleau] §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 185-225.

La suite du Journal de Fontainebleau que je vous envoye, vous fera connoître que le Roy ayant presque tous les jours monté à Cheval, ce Prince doit estre dans une parfaite santé.

Le Vendredy 20. du mois de Septembre. Il n’y eut point de Conseil, Monseigneur & Messeigneurs les Princes coururent le Loup. Le Roy se promena l’apresdînée en Caleche autour du Canal, & dans les belles Routes du Parc. Madame la Duchesse de Bourgogne alla seule avec Sa Majesté. Les Dames de la Cour, de Madame la Duchesse de Bourgogne, suivoient dans une autre Caléche de Sa Majesté, & Madame la Duchesse du Lude avec quelques autres Dames de la premiere distinction, alloient ensuite dans le grand Carosse du Roy, qui estoit suivy de ceux de Madame la Duchesse de Bourgogne remplis par les Dames du Palais, & par quelques autres. Il se trouva à cette Promenade quantité d’autres Carosses des Princes, Princesses, Seigneurs, Dames & Particuliers suivans la Cour. Le Roy vit en passant sur le Parterre du Tybre treize Chevaux de Turquie qu’il trouva fort beaux. Monseigneur qui estoit revenu de bonne heure de la Chasse, vint à cette Promenade avec Madame la Princesse de Conty. L’on s’arresta quelques momens autour d’un Bassin pour voir la Pesche des Cormorans. Madame alla se promener dans la Forest, & son Carosse versa ; mais heureusement elle ne fut point blessée. Madame de Chastillon qui l’accompagnoit le fut legerement à l’épaule & au visage par une glace qui fut brisée.

Le Samedy 30. il y eut le matin Conseil Royal de Finances, & Chasse du Cerf l’apresdînée. Madame y alla avec Sa Majesté dans sa Caleche. Monseigneur & Messeigneurs les Princes se trouverent les premiers au Rendez-vous. Madame la Duchesse de Bourgogne se promena en Carosse dans le Parc & dans la Forest. Les Comediens representerent le soir la Tragedie d’Amasis de Mr de la Grange, Maistre d’Hostel ordinaire de Madame, & la Comedie de l’Ecole des Maris, de Moliere.

Le Dimanche premier d’Octobre, Monseigneur le Duc de Bourgogne & Monseigneur le Duc de Berry firent leurs Devotions dans la Chapelle des Mathurins. Il y eut le matin Conseil des Ministres. La Cour devint plus grosse par l’arrivée des Ministres Etrangers. Le Roy alla tirer l’apresdinée. Monseigneur & Messeigneurs les Princes ne sortirent point. Madame la Duchesse de Bourgogne se promena en Carosse sur les bords du Canal, & dans les Routes du Parc.

Le Lundy 2. il y eut le matin chez le Roy Conseil des Ministres, & Chasse du Cerf l’apresdînée, où Madame la Duchesse de Bourgogne n’alla point. Madame y accompagna Sa Majesté. Monseigneur & Messeigneurs les Princes s’y trouverent. Madame la Duchesse de Bourgogne se promena en Carosse autour du Canal ; & mit pied à terre au retour sur le Parterre du Tybre, pour joindre Monseigneur le Duc de Bourgogne qu’elle y trouva avec lequel elle y fit quelques tours. Les Comediens representerent le soir la Comedie de Dom Japhet d’Armenie. Les Allards, fameux Sauteurs, firent ensuite quelques Scenes Italiennes muettes, accompagnées de Saults surprenans, qu’ils avoient concertées.

Le Mardy 3. il y eut le matin chez le Roy Conseil Royal de Finances. Monseigneur alla dés le matin à la chasse du Loup. Monseigneur le Duc de Bourgogne, Monseigneur le Duc de Berry & Monsieur le Duc d’Orleans coururent le Cerf avec les chiens de Monsieur le Duc d’Orleans. Il y eut grande Toilette chez Madame la Duchesse de Bourgogne, où la Cour fut grosse, & le cercle des Dames nombreux. Le Roy alla tirer l’apresdînée, & Madame la Duchesse de Bourgogne se promena sur les bords du canal, & ensuite alla dans la Forest du costé de Franchard dans une Caleche découverte qu’elle conduisit elle mesme.

Le Mercredy 4. il y eut le matin chez le Roy Conseil des Ministres, & chasse du Cerf l’apresdînée, où Madame alla avec le Roy. Monseigneur le Duc de Bourgogne & Monsieur le Duc d’Orleans furent de la partie. Madame la Duchesse de Bourgogne se promena en carosse dans le Parc, & alla ensuite au devant du Roy dans le vieux chemin de Paris, au retour de la chasse, qui se passa du costé de la Boissiere.

Mr de Melac arriva & salüa Roy à son retour de la Chasse, & Mr le Comte de Ponchartrain apporta à Sa Majesté la nouvelle de l’arrivée de Mr de Chasteaurenaud, & de la Flote de la Nouvelle Espagne dans le Port de Vigo en Galice.

Le Jeudy 5. il y eut le matin chez le Roy Conseil des Ministres. Sa Majesté alla tirer l’apresdînée. Monseigneur le Duc de Berry y alla aussi d’un autre costé. Monseigneur se promena en carosse avec Madame la Princesse de Conty dans la Forest, & sur les bords du Canal. Madame la Duchesse de Bourgogne ne sortit point. Les Comediens representerent le soir la Tragedie de Phædre de Mr Racine, & ensuite la Comedie de George Dandin de Moliere. Il arriva un Courier de Mr de Villars, qui informoit le Roy de son Passage du Rhin à Huningue, de la construction du Pont qu’il avoit fait sur cette Riviere, & de la Retraite des Ennemis qu’il avoit attaquez & chassez de leurs Retranchemens.

Le Vendredy 6. il n’y eut point de Conseil. Le Roy alla à la chasse du Loup l’apresdînée, Monseigneur, Monseigneur le Duc de Bourgogne, Monseigneur le Duc de Berry, Madame & Monsieur le Duc d’Orleans s’y trouverent ; Madame la Duchesse de Bourgogne en habit d’Amazone alla avec le Roy dans sa Caleche. Madame la Comtesse d’Estrées & Madame la Marquise de Maulevrier avec de semblables habits, y allerent aussi dans une autre Caleche. Madame la Duchesse de Bourgogne donna le soir un repas ou retour de chasse dans l’Appartement de Madame de Maintenon à Monseigneur le Duc de Bourgogne & aux Dames. Madame courut en Caleche ainsi qu’aux autres Chasses.

Le Samedy 7. il y eut le matin Conseil Royal de Finances, & chasse du Cerf l’apresdînée, qui se passa comme les precedentes. Monseigneur & Madame, Mademoiselle d’Elbeuf, & Madame la Comtesse d’Estrées en Amazones. La chasse fut belle, & l’on prit deux Cerfs. Les Comediens representerent le soir la Comedie du Geolier de soy-mesme de Mr de Corneille le jeune.

Le Dimanche 8. il y eut le matin Conseil des Ministres. Le Roy donna à Mr Pelletier de Souzy la place de Conseiller d’Estat du Conseil Royal des Finances, vacante par la mort de Mr de Pommereu. Il fit Mr du Gué Bagnols Conseiller d’Estat ordinaire, & Mr du Bois cy devant Prevost des Marchands, & Procureur General de la Cour des Aides, fut fait Conseiller d’Etat de Semestre. Le Roy alla tirer l’apresdînée. Monseigneur se promena en carosse dans le Parc avec Madame la princesse de Conty, & Madame la Duchesse de Bourgogne s’y promena aussi avec ses Dames.

Le Lundy 9. il y eut le matin chez le Roy Conseil d’Etat, & Chasse du Cerf l’aprésdînée. Madame la Duchesse de Bourgogne vêtuë en Amazone y alla avec le Roy. Madame fut aussi de cette Chasse. Monseigneur, & Messeigneurs les Princes se trouverent au rendez vous. Madame la Comtesse d’Estrées & Madame la Marquise de Maulevrier y parurent avec des habits semblables à celuy de Madame la Duchesse de Bourgogne. Les Comediens représenterent le soir la Tragédie d’Andromaque de Mr de Racine, & le Medecin malgré luy de Moliere. Le retour de Chasse que donna sur les sept heures Monseigneur le Duc de Bourgogne à Madame la Duchesse de Bourgogne & à plusieurs Dames, les empêcha d’assister à la Comédie. Mr l’Ambassadeur d’Espagne reçeut ce jour là un Courier de Madrid par lequel la Reine d’Espagne luy ordonnoit d’informer le Roy que les Anglois & les Hollandois ayant renoncé à leur entreprise sur Cadiz, s’étoient rembarquez le 27. de Septembre, & que la Flote de la nouvelle Espagne sous l’escorte de Mr le Comte de Chasteaurenaud, estoit arrivée au Port de Vigo en Galice, où elle estoit en seureté.

Le Mardy 10. il y eut le matin chez le Roy Conseil Royal de Finances, Monseigneur courut le Loup, Monseigneur le Duc de Bourgogne, & Monseigneur le Duc de Berry allerent tuer des Sangliers. Le Roy alla tirer aprés son diner, Madame la Duchesse de Bourgogne se promena dans le Parc & dans la Forest dans une Calêche découverte qu’elle conduisit elle même.

Le Mecredy 11. il y eut le matin chez le Roy, Conseil des Ministres, & l’apresdînée Chasse du Cerf, où Monseigneur, Messeigneurs les Princes, Madame la Duchesse de Bourgogne, Madame, & les jeunes Dames Amazonnes accompagnerent Sa Majesté. Monseigneur donna sur les six heures un retour de Chasse dans son apartement, où se trouverent Monseigneur le Duc de Bourgogne Madame la Duchesse de Bourgogne Monseigneur le Duc de Berry, & beaucoup de Dames.

Le Jeudy 12. il y eut le matin chez le Roy Conseil d’Etat, & promenade en Calêches & en Carosses l’apresdînée. Madame la Duchesse de Bourgogne alla seule dans la Calêche du Roy. Le cortege des Carosses fut fort nombreux. L’on fit plusieurs tours sur les bords du Canal, & dans les routes du Parc, & l’on vit la Pêche des Cormorants. Les Comediens représenterent le soir la Comedie de l’Avare de Moliere, & les Allards firent ensuite de leur mieux.

Le Vendredy 13. il n’y eut point le matin de Conseil chez le Roy. L’apresdînée il y eut Chasse du loup, où Monseigneur, Messeigneurs les Princes, Madame la Duchesse de Bourgogne, Madame, & les jeunes Amazones, accompagnerent Sa Majesté. Madame la Duchesse de Bourgogne se promena au retour à pied sur le Parterre du Tybre. Le Roy reçeut ce jour là un Courrier de Mr de Tallard.

Le Samedy 14. il y eut le matin chez le Roy Conseil Royal des Finances, & chasse du Cerf l’apresdinée, elle se passa comme la chasse du Loup du jour précedent. Mademoiselle de Noailles augmenta le nombre des jeunes Amazones de la suite de Madame la Duchesse de Bourgogne. Les Comediens representerent le soir la Tragedie d’Alcibiade de Mr de Capistron, & la Comedie des Plaideurs de Mr de Racine.

Le Dimanche 15. il y eut le matin chez le Roy Conseil de Ministres. Monseigneur, Monseigneur le Duc de Bourgogne, Madame la Duchesse de Bourgogne, Monseigneur le Duc de Berry, & plusieurs Dames dînerent chez Madame la Princesse de Conty, & y resterent toute l’aprés-dînée. Le Roy alla tirer. Il arriva ce jour là un Courrier de Mr de Villars, qui faisoit sçavoir au Roy, qu’on s’étoit emparé par ses ordres de la petite Ville de Neubourg, de l’autre costé du Rhin, qu’il y faisoit construire un Pont, & que Mr de Guiscard y devoit passer avec son détachement.

Le Lundy 16. il y eut chez le Roy Conseil de Ministres à trois heures aprés midy. Monseigneur, Monseigneur le Duc de Bourgogne, Monseigneur le Duc de Berry, & Monsieur le Duc d’Orleans, coururent le Loup. Madame la Duchesse de Bourgogne alla au Salut aux Basses Loges, à cause de l’Octave de la Feste de Sainte Therese. Les Comediens representerent le soir la Comedie du Tartuffe de Moliere, & les Allards donnerent ensuite un nouveau divertissement.

Le Mardy 17. il y eut le matin chez le Roy Conseil Royal de Finances. Le Comte de Choiseul arriva en poste à midy & un quart, & apporta la nouvelle de la Victoire remportée en Allemagne le 14. par l’Armée du Roy, commandée par Mr le Marquis de Villars, sur le Prince Louis de Bade, General des Troupes Imperiales, & de celles des Cercles. Il y eut chasse du Cerf l’aprésdinée, où Monseigneur, Monseigneur le Duc de Bourgogne, Madame la Duchesse de Bourgogne, Monseigneur le Duc de Berry, Madame, Monsieur le Duc d’Orleans, & les jeunes Amazones accompagnerent Sa Majesté.

Le Mercredy 18. Mr le Comte d’Ayen arriva en poste à dix heures du matin, & apporta le détail de la Victoire de l’Armée du Roy en Allemagne, & les Drapeaux & Etendarts pris sur les Ennemis en cette occasion. Monseigneur courut le Loup. Monseigneur le Duc de Bourgogne & Monseigneur le Duc de Berry allerent tuer des Sangliers. Madame la Duchesse de Bourgogne monta dans une Calêche découverte avec plusieurs de ses Dames à onze heures & demie, & s’alla promener dans la Forest jusqu’à cinq heures du soir. Elle donna un retour de chasse à six heures à Monseigneur le Duc de Bourgogne, à Monseigneur le Duc de Berry, & à ses Dames, dans l’Appartement de Madame de Maintenon.

Le Jeudy 19. Mr le Duc de Baños, Grand d’Espagne salua le Roy, aprés le lever de Sa Majesté. Il y eut le matin chez le Roy Conseil de Ministres. Madame la Duchesse du Lude donna à disner à Monseigneur, à Madame la Duchesse de Bourgogne, & à Madame la Princesse de Conty. Plusieurs Dames y furent invitées. Le Roy alla tirer l’apresdînée, & Monseigneur se promena avec les Dames en Carosse sur les bords du Canal, & dans les routes du Parc. Les Comediens representérent le soir la Tragedie de Rodogune de Mr de Corneille l’aîné, & l’aprés-Soupé des Auberges du sieur Poisson.

Le Vendredy 20. Il n’y eut point le matin de Conseil chez le Roy. Monseigneur, Monseigneur le Duc de Bourgogne, & Monseigneur le Duc de Berry, coururent le Loup. Il y eut grande Toilette chez Madame la Duchesse de Bourgogne. Mr le Duc de Baños eut l’honneur de la saluer à son retour de Flandres, avant que d’aller en Espagne. Le Roy alla tirer l’apresdinée. Madame la Duchesse de Bourgogne se promena à pied dans l’Allée Royale, puis elle monta en Carosse & fit quelques tours aux bords du Canal.

Vous trouverez à la fin de ma Lettre, la suite de ce Journal.

[Vers sur une blessure] §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 225-229.

Les Vers qui suivent ne peuvent manquer de vous plaire ; ils sont faits sur un jeune Seigneur qui fait les délices de tous ceux qui le connoissent, & ont esté composez par un des hommes du monde qui fait le mieux des Vers. Vous n’en pouvez douter puisqu’ils sont de Mr de Senecé premier Valet de Chambre de la Reine.

SUR UNE BLESSURE
DE Mr LE COMTE
DE NOAILLES.
STANCES.

La Mort aux bords au Rhin vit le jeune Noailles :
Elle crut qu’Adonis estoit ressuscité,
Et pour faire sa Cour au Démon des Batailles,
Voulut, sur nouveaux frais, luy ravir la clarté.
***
Elle a mille moyens de nuire ; & la perfide
Suborne pour ce crime un lâche Avanturier :
Le coup part, le plomb vole, & la bale homicide
Frappe au travers du front l’intrepide Guerrier,
***
La peur au même instant de l’Assassin s’empare ;
Plus pâle, plus tremblant que l’Illustre Blessé
Il luy tourne le dos. Le Rhin, qui l’en sépare
A sa juste frayeur ne paroist qu’un fossé.
***
Noailles cependant tombe sur le rivage
Que son genereux Sang fait changer de couleur :
La Terre qu’il rougit, s’en promet l’avantage
De voir naître en son sein quelque nouvelle Fleur.
***
Quel trouble pour d’Ayen ! Quelle douleur amere !
Que servit à son cœur en ce pressant danger
Sa tendresse, impuissante à secourir son Frere,
Son courage, inutile à pouvoir le vanger.
***
Et les Graces en pleurs, & la Muse interdite
Vingt nuits à son chevet ont veillé tristement ;
Jamais pour ranimer le charmant Hippolite,
Esculape ne fut prié si tendrement.
***
L’appareil de sa cure émouvoit les entrailles,
Le Dieu qui l’ordonnoit avoit le cœur serré :
Mais quand les Immortels gémissoient pour Noailles,
Luy seul, souffroit ses maux d’un visage assuré.
***
Graces, consolez-vous : Muse, chantez victoire :
Vos vœux touchent le Ciel ; l’Arrest est revoqué :
Mars consent à souffrir un Rival de sa gloire,
Et la Mort s’applaudit du coup qu’elle a manqué.

[Article touchant un Madrigal adressé à Monseigneur] §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 247-250.

Pendant que les uns meurent les autres cherchent les moyens de divertir ceux qui aiment à joüir de la vie. Il a parû à Fontainebleau avant le départ de la Cour, un nouveau Comedien ; il a joué Pirrhus dans la Tragedie d’Andromaque & les applaudissemens qu’il a reçus ont parlé pour luy, car il estoit question de disputer une Place d’Acteur : Cependant comme on ne luy a pas trouvé tous les agrémens necessaires à un Comedien, non pas du costé de son jeu ; mais du costé de sa personne, & qu’il a crû que le choix qu’on devoit faire pouvoit balancer entre ses Rivaux & luy, il a plaidé sa cause aupres de Monseigneur en luy adressant les Vers suivans : il est necessaire de sçavoir pour l’intelligence de ces Vers que ce Comedien vient de Pologne.

A MONSEIGNEUR

Ma taille, j’en conviens, n’est ny haute ny belle,
Mes Rivaux, sont ravis qu’on me la trouve telle ;
Mais grand Prince aprés tout ce n’est pas là le fait.
Recevoir le meilleur est dit-on vostre envie,
Et je ne serois pas venu de Varsovie,
Si vous aviez promis de prendre le mieux fait.

L’esprit a secondé, le bon jeu de l’Acteur, & ils ont gagné leur Procez contre sa taille, de maniere qu’il a esté reçu dans la Troupe. Ce Comedien se nomme le Grand.

[Modele des Penitens, &c] §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 250-253.

Pendant que plusieurs cherchent à divertir d’autres travaillent à inspirer les moyens de faire Penitence. On vend chez Mr d’Houry Libraire ruë Saint Severin au Saint Esprit, vis à vis la ruë Zacharie, un livre intitulé le Modelle des Penitens, ou Paraphrase nouvelle, en Vers François des Sept Pseaumes de la Penitence, avec des Reflexions Chrestiennes sur chaque Verset, & une Priere à la fin de chaque Pseaume dedié au Roy. Le tout de la composition de Mr Maugard de Troyes.

Ces Reflexions, cette Version, & ces Prieres sont si touchantes qu’on ne peut se lasser de les lire : tout y est remply d’une sainte Onction qui plaît & qui instruit en même temps. L’Auteur y a ajoûté une Paraphrase en Vers Latins d’un stile Elegiarque, dont la douceur imite celle des Vers de Tibulle : Elle est suivie d’une autre Paraphrase sur l’Exaudiat, adressée au Roy d’Espagne. Cette Traduction est si belle, & convient si juste au temps, qu’il semble que le Prophete ait voulu marquer dans ce Pseaume ce qui se passe aujourd’huy.

Vous demeurerez d’accord des loüanges que je donne à cet Ouvrage, en lisant l’Approbation suivante : Elle a esté donnée par Mr Savard, Docteur en Theologie.

J’ay lû avec plaisir ce Manuscrit, dont les Reflexions, la Version, & les Prieres, m’ont paru si belles, & si touchantes, que bien loin de luy refuser mon Approbation ; je l’ay jugé au contraire tres digne pour le salut des Ames & l’utilité du Public, d’estre mis en lumiere.

[Article curieux de Vigo] §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 263-266.

Quoy que ce fait soit d’autant plus considerable qu’il n’y a rien qui touche davantage, & qui mérite plus d’attention que ce qui regarde la Religion, il s’en trouve un autre qui regarde directement l’affaire dont il s’agit, & qui justifiroit les Negotians Espagnols quand ils manqueroient à leur parole, puisqu’ils ne feroient que rendre infidelité pour infidelité.

Mr le Marquis de Villadarias, & Mr le Duc d’Ormond estoient convenus d’échanger les Prisonniers faits devant Cadiz. Mr de Villadarias en envoya soixante, avec un Trompette à Mr le Duc d’Ormond, avant qu’il s’embarquast, & ce dernier nonobstant les paroles données, loin de renvoyer ceux qu’il avoit, a mesme retenu le Trompette. C’est rencherir sur l’infidelité, & violer les Loix de la Guerre d’une maniere dont on n’a point encore oüy dire, qu’il y ait eu d’exemple, & l’on voit qu’en cette occasion, les Anglois, & les Hollandois ont cherché à rencherir sur l’infidelité, & ont traité les Espagnols, avec autant d’indignité, que de cruauté, de sorte qu’il paroist que ceux d’entr’eux qui leur tiendroient la parole, qu’ils leur ont toûjours gardée inviolablement, commettroient un crime envers leur Patrie, puis qu’ils la peuvent vanger, sans meriter de blâme, & sans avoir rien à se reprocher, les Anglois & les Hollandois leur ayant montré l’exemple en manquant les premiers à leur parole, & les ayant par là dégagez de celle qu’ils leur ont donnée, ils rendront service au Roy & à l’Etat, puisque les sommes qu’ils decouvriront serviront à défendre leur Patrie & leur Religion, contre des ennemis qui ne cherchent qu’à détruire l’une & l’autre, qui ont détruit leurs Autels, qui ont abbattu leurs Saints, & qui ont abusé des personnes consacrées à Dieu, ainsi que de leurs femmes & de leurs filles.

A Mr Boudin, nommé par le roy à la Charge de Premier Médecin du Roi de Monseigneur §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 291-292.

Les Vers qui suivent sont de Mr de Senecé, c’est tout dire.

A MONSIEUR BOUDIN,
nommé par le Roy à la Charge de Premier Medecin de Monseigneur.

Bien vous en soit, de l’honneur solemnel
Dont le renom par nos Provinces vole :
Louis le Grand, digne d’être éternel
Vous établit Lieutenant Colonel
Du Médecin & du Pharmacopole,
Et dans un âge, où le Docte Fernel
Encor étoit sur les hancs de l’Ecole.
Qu’il vous est doux, de voir qu’à vôtre foy
Soit confié l’Auguste fils unique,
Sur qui la France appuye, aprés son Roy,
L’espoir commun, la Fortune Publique !
Comblé serez & de biens, & d’éclat,
En conservant une tête si chere :
Point ne sera trop fatigante affaire ;
Voulez-vous plaire à la Cour ? à l’Etat ?
Faites si bien, que n’ayez rien à faire.

[Fin du Journal de Fontainebleau] §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 340-346.

Voicy la fin du Journal de Fontainebleau.

Le Samedy 21. il y eut le matin chez le Roy Conseil Royal de Finances. Sa Majesté en tint un autre de Religion l’apresdinée. Monseigneur se promena en carosse avec Madame la Princesse de Conty sur les bords du canal & dans les routes du Parc. Madame la Duchesse de Bourgogne fit la même promenade avec les Dames de sa suite. Le soir les Comediens representerent l’Ecole des Femmes de Moliere.

Le Dimanche 22. il y eut le matin chez le Roy Conseil de Ministres. La pluye qui dura tout le jour, empêcha le Roy d’aller tirer. Monseigneur ni Messeigneurs les Princes ne sortirent point par la même raison, non plus que Madame la Duchesse de Bourgogne. Le soir l’on chanta dans l’Appartement de Monseigneur deux Actes de l’Opera de Coronis de Mr Mathaut, qui n’avoient point encore esté entendus.

Le Lundi 23. le Roy ne tint Conseil que l’apresdinée à trois heures & demie, où Monseigneur assista. Madame la Duchesse de Bourgogne ni Messeigneurs les Princes ne sortirent point. Le soir il y eut Comedie pour la derniere fois. Les Comediens representerent la Tragedie des Horaces de Mr de Corneille l’aîné, & la petite Comedie de la Parisienne du Sieur Dancourt.

Le Mardi 24. il y eut le matin chez le Roy Conseil Royal de Finances ; Monseigneur & Messeigneurs les Princes coururent le Loup. Le Roy alla tirer l’apresdinée. Madame la Duchesse de Bourgogne ne sortit point.

Le Mercredi 25. il y eut le matin chez le Roy Conseil de Ministres & Chasse du Cerf l’apresdinée pour la derniere fois. Monseigneur, Monseigneur le Duc de Bourgogne, Madame la Duchesse de Bourgogne, Monseigneur le Duc de Berry, Madame & Monsieur le Duc d’Orleans furent de la partie.

Le Jeudi 26. Monseigneur monta en carosse à sept heures & demie du matin pour aller dîner & coucher à Meudon. Il avoit avec lui dans son carosse Madame la Princesse de Conty Madame la Princesse d’Epinoy, & Madame la Marquise d’Urffé. Le Roy entendit la Messe à dix heures, & mangea à onze dans sa Chambre à son petit couvert. Madame la Duchesse de Bourgogne qui avoit esté à la Messe avec Sa Majesté, donna chez elle un grand déjeûner aux Dames de sa suite. Monseigneur le Duc de Bourgogne & Monseigneur le Duc de Berry estoient partis de bonne heure pour aller droit à Versailles. Le Roy quitta Fontainebleau un peu avant midi, ayant avec luy dans son carosse Madame la Duchesse de Bourgogne, Madame, Madame la Duchesse du Lude, Madame la Duchesse de Ventadour, & Madame la Comtesse de Mailly ; il relaya à Ponthierry, & arriva à Villeroy à quatre heures & demie. Si tost qu’il fut descendu de carosse, il se promena à pied dans le jardin, quoy qu’il fit un peu de pluye, & Madame la Duchesse de Bourgogne l’y accompagna, Il monta ensuite dans une de ses caleches découvertes, & parcourut toutes les routes du Parc. Madame la Duchesse de Bourgogne se mit dans une autre suivie de quelques unes de ses Dames, & fit la même promenade, conduisant elle-même sa caleche. Le Roy ne rentra dans le Chasteau qu’aux approches de la nuit. Le soir à dix heures l’on servit le souper de Sa Majesté sur une table de dix-huit couverts, où toutes les Dames eurent l’honneur de manger avec Elle.

Le Vendredy 27. le Roy se leva à son heure ordinaire, entendit la Messe à dix heures, & se mit à table à la demie. La table de dix-huit couverts fut servie ainsi que le soir precedent. Sa Majesté partit de Villeroy avant midi, changea de chevaux à Juvisy, passa à Seaux sans s’y arrester, & arriva à Versailles avant cinq heures.

[Bataille de Bintzen]* §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 403-420.

Avant que d’entrer dans le détail de toutes les circonstances qui font connoistre que la perte des Ennemis est beaucoup plus grande qu’on ne l’avoit crû d’abord, je dois vous apprendre un fait curieux, & qui ne doit pas estre oublié. Mr de Villars sçachant parfaitement la guerre, & que pour réüssir il faut joindre la ruse à la force, & qu’elle est même plus necessaire à un General que la valeur dans un combat, où la prudence ne veut pas qu’il s’expose au peril, à cause des suites fâcheuses que sa perte pourroit causer ; Mr de Villars, dis-je, voulant mettre tout en usage pour le service du Roi, & sçachant combien Mr le Prince de Bade avoit jusqu’alors esté attentif à faire enlever les Couriers qu’on envoyoit à Mr l’Electeur de Baviere, resolut d’en dépêcher un à qui il donneroit toutes les instructions necessaires pour se laisser prendre. Il écrivit pour cet effet une Lettre dont le contenu faisoit connoistre qu’elle ne pouvoit avoir esté écrite que pour Monsieur l’Electeur de Baviere. Il lui marqua dans cette Lettre tous les mouvemens qu’il avoit resolu de faire pour avancer vers lui ; il y ajoûta tout ce qui pouvoit faire autoriser le dessein qu’il avoit pris, & faire donner Mr le Prince de Bade dans le panneau qu’il lui tendoit. Le Courier eut toute l’habileté necessaire pour se laisser prendre, & pour détourner le soupçon qu’on auroit pû avoir qu’il ne cherchoit qu’à se faire enlever. Mr le Prince de Bade lut avec toute l’attention que Mr de Villars demandoit les Lettres dont ce Courier estoit porteur. Ce Prince resolut de se servir de l’occasion qu’il crut que la fortune lui presentoit. Il donna des ordres dont le secret fut religieusement observé. Il décampa pour aller couper Mr de Villars, & fit en même temps un détachement qui eut ordre d’aller se saisir de Neubourg. Mr de Villars doutant d’autant moins de la prise de son Courier, qu’il auroit eu de la peine à échaper s’il n’avoit pas resolu de se laisser prendre, fit de son costé, tout ce qu’il auroit dû faire, non-seulement s’il avoit esté assuré de sa prise, mais aussi que Mr de Bade donneroit dans le paneau, & ne manqueroit pas de décamper pour courir à une victoire qui lui paroistroit assurée. Il fit prendre les armes à toute son Armée le 13. aprés midi, fit passer le Pont d’Huningue à la plus grande partie de son Infanterie, & à une brigade de Cavalerie. Il fit mettre toutes ces Troupes en bataille dans l’Isle, & dans les ouvrages qu’il avoit de l’autre costé, & il les fit passer la nuit au Bioüac, pour observer les Ennemis. Mr le Prince de Bade ne manqua pas de décamper pendant la nuit, ainsi que Mr de Villars se l’estoit imaginé, de sorte que dés que le jour parut il s’apperçut qu’il n’y avoit plus de Tentes dans leur Camp. Il fit aussi tâter leurs Retranchemens où l’on ne trouva personne. Vous venez de lire le détail de la bataille qui se donna ensuite, c’est la premiere que ce Prince ait perduë, & la premiere où il a combatu contre des François. Il a trouvé qu’il n’avoit pas affaire à des Turcs, & qu’il est mal-aisé de les vaincre, pour ne pas dire impossible depuis le regne du Roi. Mr de Bade doit estre d’autant plus fâché de la perte de cette bataille, qu’il l'a perduë aprés avoir donné dans les paneaux qui lui ont esté tendus, que Mr de Villars n’estoit alors que Lieutenant general & qu’il n’avoit point encore commandé en chef un jour de bataille. Quant à Mr de Villars il lui est obligé de la gloire dont le gain de cette bataille l'a couvert, & du Bâton de Maréchal de France qu’il vient de recevoir. Ce qu’il y a de fâcheux pour Mr le Prince de Bade, est que lorsque l’on se souviendra du temps que Mr de Villars aura esté fait Maréchal de France, & que l’on demandera à quelle occasion, on dira que c’est pour avoir battu Mr le Prince de Bade.

Je dois ajoûter aux circonstances qui rendent cette bataille glorieuse aux François, qu’ils ont attaqué les Ennemis sur une Montagne de demie lieuë de haut, & l’ont montée sans estre en ordre au travers des vignes plus hautes que les hommes : de sorte que les Soldats ne se voyoient pas les uns les autres, & ne voyoient pas mesme les Ennemis : cependant ils ont gagné cette hauteur, & les ont obligez à se jeter dans un Bois. Quant à ce qui est marqué dans quelques relations, que nostre Infanterie avoit fait quelques mouvemens désavantageux croyant qu’elle alloit estre coupée, & qu’il venoit en renfort à Mr de Bade, elle avoit raison. Ce Prince avoit fait un détachement pour aller reprendre Neubourg, mais comme il aprehendoit d’estre attaqué, il estoit convenu que s’il voyoit aprocher l’armée de Mr de Villars il feroit des feux sur la Montagne, & que ces feux serviroient de signaux à ce détachement qui viendroit aussitost le rejoindre. Il en fit, ce détachement quita sa route & marcha à luy, l’Infanterie s’en aperçut, & elle eust lieu de croire, qu’il arrivoit un renfort à Mr de Villars, & quelle alloit estre coupée. On doit ajouter à cela que cette infanterie avoit fait un si grand feu, & si continuel, qu’il luy restoit peu de poudre. Cela pouvoit arriver naturellement sans que la faute puisse estre imputée à personne, il y avoit fort longtemps qu’on s’estoit mis en marche pour venir à Huningue, c’estoit la troisiéme action qui se passoit, & l’on avoit fait un feu extraordinaire dans toutes ces actions.

Outre les divers avantages dont j’ay déja parlé que les Ennemis avoient sur nous, & qui devoient leur Procurer le gain de la bataille, ils avoient deux pieces de canon à la teste de leur Cavalerie qui tiroient à mesure qu’ils avançoient ; & cette Cavalerie estoit soutenuë du Fort sous le canon duquel elle combatoit. Les Generaux des deux partis se sont fort distinguez, Mr de Villars a combatu à la droite avec autant de présence d’esprit que de valeur.

Mr le Prince de Bade s’est aussi fort distingué, ayant esté de rang en rang pendant le combat pour exciter ses Troupes à bien faire. Ce Prince a esté legerement blessé au bras, & a reçu plusieurs coups dans ses habits.

Mr le Chevalier de Chamilly s’est montré digne du nom qu’il porte, trois blessures qui à la verité n’estoient pas dangereuses, n’ayant pû l’obliger à quiter le champ de bataille, au contraire ayant pris deux pieces de canon aux Ennemis, il les fit tourner contre eux, & tirer à Cartouches.

Plus nos Troupes ont avancé aprés le combat, plus elles ont connu que la victoire qu’elles venoient de remporter estoit beaucoup plus considerable que l’on ne se l’estoit d’abord imaginé, ayant trouvé quantité de corps morts, parmi lesquels il y avoit des personnes de distinction blessées, que l’on n’avoit point pris soin de secourir, ce qui marque que les Ennemis avoient mis toute leur attention à fuir & à s’éloigner du champ de bataille.

Il y avoit outre cela une tres-grande quantité de blessez, dans plusieurs Villages. On assure qu’il n’y a point d’Officier General parmi les Ennemis, qui n’ait esté blessé, tué ou fait prisonnier. Je n’en repete point les noms qui sont dans toutes les Nouvelles publiques, même dans celles qui ont cherché à déguiser cette action, & qui ont donné l’avantage aux Ennemis. Outre le canon qu’ils ont perdu, & celuy qu’ils ont abandonné à deux lieuës de leur Camp, on a trouvé douze cens boulets, plus de cinq cens chariots chargez de provisions de guerre & de bouche, avec trois mille outils. Ils ont perdu un si grand nombre de chevaux, qu’une seule Compagnie de nos Troupes en a eu plus de quatre-vingt : cependant malgré la perte des Timbales, des Drapeaux & des Etendarts, dont ils n’ont pas pris un seul, malgré la perte de plusieurs pieces de canon, malgré le grand nombre de personnes de consideration tuées ou blessées, & trouvées dans plusieurs Villages, malgré l’abandonnement du champ de bataille, malgré la prise du Fort de l’Etoile, & une infinité d’autres circonstances que vous allez voir, les Ennemis veulent avoir gagné la bataille, & ont fait imprimer ce qui suit : Les Avis d’Allemagne portent que le Prince Louis de Bade a battu le Marquis de Villars, luy a tué environ quatre mille hommes fait sur luy nombre de prisonniers, & l’a obligé à repasser le Rhin avec perte d’environ dix-neuf cens hommes de son costé. Si le Prince de Bade avoit gagné la Bataille, ainsi qu’il est marqué dans cet Article, il s’ensuivroit qu’il seroit un fort mauvais General d’avoir abandonné le Champ de Bataille d’avoir laissé prendre deux Forts, de n’avoir pas repris Neubourg, aprés avoir fait marcher des Troupes pour cette expedition le jour du Combat, & d’avoir souffert que Mr de Biron ait esté détaché pour mettre tout le païs sous contribution. Voila des faits incontestables, & dont les Ennemis mêmes demeurent d’accord, sans considerer qu’il falloit que nos Troupes fussent encore au de-là du Rhin pour executer la plus grande partie de toutes ces choses, ce qu’elles n’auroient pû faire, si elles avoient esté en deçà. Je pourrois faite cent autres remarques qui feroient voir la fausseté de ce qu’ont écrit ceux qui ont fait imprimer ces Nouvelles ; mais il me suffit de les saper par le fondement, elles ne roullent que sur ce que Mr de Bade a fait repasser le Rhin à Mr de Villars, & qu’il a perdu deux mille hommes en le repassant, ainsi que disent d’autres Nouvelles imprimées. Cependant il est de notorieté publique que Mr de Villars n’a point repassé le Rhin, donc ce General n’a point perdu deux mille hommes en le repassant, & tout ce qui est rapporté en consequence, se trouve faux, au lieu que la prise des Timbales, des Drapeaux, des Etendarts, des Munitions, du Canon, de la Poudre, des Forts de l’Etoile & de Fridlinguen, se trouve veritable, aussi bien que la course de Mr de Biron dans le païs, & la fuite des Allemans qui n’ont point poursuivi leur Marche vers Neubourg. Voila la situation des choses aprés le gain de la Bataille ; ce qui peut avoir suivy quelques jours aprés, Mr de Bade ayant fait venir de nouvelles Troupes, ne regardant point le gain de la Bataille, aucunes consequences n’en peuvent estre tirées, si ce n’est qu’il n’auroit pas fait venir de nouvelles Troupes, & degarny la Basse Alsace où il avoit formé de grands projets, s’il n’en avoit besoin tant pour remplacer celles qu’il venoit de perdre, que pour tâcher à reparer, par quelque nouvelle action, ou par quelque entreprise les malheurs de la Bataille qu’il venoit de perdre. Le Roy qui ne decide de rien sans avoir des preuves incontestables qui l’obligent à decider, n’auroit pas fait chanter le Te Deum ; si la Victoire que ses armes viennent de remporter pouvoit estre disputée, & n’auroit pas marqué dans sa Lettre à Mr l’Archevesque trente-cinq Drapeaux ou Etendarts, trois paires de Timbales & onze pieces de Canon, si ce Prince n’avoit esté tellement convaincu de la verité, qu’il estoit impossible qu’il luy en pust rester aucun doute. Mais l’on doit compter qu’à l’avenir les Ennemis n’avouëront aucune perte puisqu’ils veulent avoir gagné une Bataille qu’ils ont perduë avec toutes les circonstances qui peuvent empêcher d’en douter. Ils ont raison d’en user de la sorte, puisque leurs Peuples veulent bien estre trompez.

Enigme §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 420-424.

Il y avoit une erreur dans ma lettre du mois passé, le mot de l’Enigme du mois précedent estoit la Glace, celle du mois dernier estoit sur la Lotterie. Ceux qui en ont trouvé le veritable sens sont, Mrs de Woolhouse, Medecin, Oculiste servant auprés du Roy de la Grande Bretagne à Saint Germain en Laye ; Gille, l’Abbé Chauvet de la ruë Monconseil, du Puis Marchand de la ruë de la Truanderie, du Mortou Chevalier de Larquebuse d’Etampes ; Daniel le Chin Procureur Fiscal à Eglegny proche d’Auxerre, & les sieurs Trebuchet & Jacquart de Nanteuil ses bons amis ; Jean Guy du Bessey de la ruë Poupée, & son grand ami Pierre Adrien. L’abbé de la ruë Perduë, Mouget de la ruë du Roule & la dixiéme Muse du Faux-bourg Saint Germain sa Comere ; Daumont, les Abbez Raffin & Sotier Bodelon, Mademoiselle le Clerc, la grosse Janneton ; Marie Chansi, & Marie Têtu tous d’Orleans. du Buisson de Chartres, son inseparable Chevalier Damon, & le spirituel des Plantes Sieur d’Intus. Le Cholois naturalisé Manceau de la ruë des Mauvaises paroles. Marie Janne l’aisné ruë Portefoin au Marais. Tamiriste ; son épouse & sa fille Angelique ; le jeune homme de Touraine ; le Testateur des Vertugadins ; l’aimable Tournefeuillet du Lutrain de Saint Magloire. Le galant Robert, les deux petits Cousins Germais. Mademoiselle Moreau de la ruë de l’Irondelle ; & le Maistre ses bonnes amies. Manon du coin du petit Marché Faux-bourg Saint Germain ; Lange de la ruë de Condé ; Madelelaine Miron, l’homme à bonne fortune, Monet & sa femme du Martois tous d’Orleans. Marie Sebert & Messieurs le Tellier, Damville, Robert, de Saint Gilles Barbier & Jubin. La jeune Muse du coin de la ruë de Richelieu. La petite boeste à l’esprit de la ruë des Lombards ; la charmante Diane de Beaune en Gastinois & Faunus Secretaire de ses Commandemens ; l’intrigante Louison du coin de la ruë des Noyers ruë Saint Jacques. L’Enigme qui suit est du jeune homme de Tourraine.

ENIGME.

Je donne un vif éclat, au beau teint de Silvie
Je suis le doux lien, qui jouint l’ame & le corps
C’est moy qui rend les hommes forts
Et qui leur fais quitter, en me perdant, la vie
Brun, gris, bleu, jaune & vert,
Thé, Caffé, blanc & noir
Tout change dans mon creux, en couleur Cardinale
Quel prodige ? rien ne m’égale
Je dois pour me garder, nuit & jour me mouvoir.

[Mr le Duc de Coaslin est élû Academicien] §

Mercure galant, octobre 1702 [première partie] [tome 13], p. 429-430.

La mort de Mr le Duc de Coeslin ayant fait vacquer une place à l’Academie, Mr le Duc de Coeslin son fils a esté élû tout d’une voix pour remplir cette place. Ce Duc ayant infiniment d’esprit, & toutes les qualitez que l’on peut souhaiter dans un Academicien, Mrs de l’Academie ont crû devoir reconnoistre par ce choix les obligations qu’ils ont à feu Mr le Chancelier Seguier, & ont esté ravis de trouver dans un homme de guerre tous les talens d’un homme d’esprit.