1704

Mercure galant, avril 1704 [tome 4].

2017
Source : Mercure galant, avril 1704 [tome 4].
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Mercure galant, avril 1704 [tome 4]. §

Air nouveau §

Mercure galant, avril 1704 [tome 4], p. 5-6.

Vous serez surprise de voir commencer ma Lettre par une Chanson ; mais vostre étonnement cessera, quand vous verrez que cette Chanson regarde le Roy dont les grandes actions font le Prelude de mes Lettres depuis vingt-huit années que je vous les adresse.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par Ciel, de nostre Monarque augmente, doit regarder la page 6.
Ciel, de nostre Monarque, augmente les beaux jours,
Que de ce grand Soleil rien n’arreste le cours ;
Qu’il remporte toûjours Victoire sur Victoire,
Qu’il impose ses Loix à cent Peuples divers ;
Qu’il vive enfin, ô Ciel, il y va de ta gloire,
Et du repos de l’Univers.
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[Relation de l’entrée de Mr l’Archevesque d’Alby dans la Ville de ce nom] §

Mercure galant, avril 1704 [tome 4], p. 7-26.

Vous trouverez dans la Lettre qui suit, une description de l’entrée de Mr l’Archevêque d’Alby dans la Ville de ce nom, cette Lettre est de la spirituelle Madame de Salvan de Salies Viguiere d’Alby. À Alby le 10. Mars 1704.

À MONSIEUR
de Hericourt
à Montauban.

N’auriez-vous pas raison, Monsieur, de vous plaindre de moy, si j’adressois à tout autre qu’à vous, le recit de ce qui s’est passé dans Alby à l’entrée de Mr de Nesmond, nostre Archevêque ; vous estes le meilleur de mes amis, nous nous enrichissons de vos pertes, ne dois-je pas vous en adoucir la douleur par un détail qui vous fasse connoistre l’extrême veneration que nous avons pour le grand Prélat que vous regrettez. Vous m’avez immortalisée dans vostre Histoire Latine de Soissons, qu’on trouve écrite avec une pureté digne du siecle d’Auguste, & je veux vous témoigner ma reconnoissance en mêlant vostre nom, avec un nom qui doit durer autant que le monde. Mon dessein est juste, mais l’execution en est difficile, comment puis je donner quelque agrément à une matiere que j’ay déja traitée deux fois, & où les circonstances presque semblables, se sont passées dans un espace si court, qu’il les laisse toutes présentes à la memoire ; car enfin c’est en Fevrier 1679 que j’écrivis l’Entrée de Mr de Serrony nostre premier Archevêque, en Mars 1687. celle de Mr le Goux de la Berchere, duquel le gouvernement vigilant, & paisible sur nous, a duré jusqu’à present qu’étant nommé Archevêque de Narbonne, Mr de Nesmond vient icy occuper sa place. Il faut cependant vous tenir parole, & décrire une troisiéme fois les mêmes choses, d’une maniere nouvelle, ainsi qu’on leur a donné un air nouveau.

Dés que nous aprîmes la nomination de Mr de Nesmond, quelle joye ne sentîmes nous pas ? Montauban n’étant distant d’Alby que d’une journée, nous n’ignorions aucune de ses vertus, nous sçavions qu’il n’a reçû du Ciel que de bons penchans, que sans avoir besoin d’estre attentif sur lui-même, il fait toûjours ce qu’il faut qu’il fasse, nous sçavions que jamais la précipitation, ny l’impatience, sources des injustices, ne luy ont causé de repentir, qu’il est bon, charitable, officieux, obligeant, & qu’enfin il possede toutes les vertus du Prélat que Saint Paul décrit dans son Epître à Timothée.

Aprés qu’il eut fait un voyage à la Cour, qu’il eut assisté aux Etats de Languedoc, & qu’il y eut fait admirer ses avis & ses discours, il nous marqua le jour de son arrivée en ce lieu, les Deputez de son Chapitre Metropolitain, ceux du Clergé, Mr le Prevôt de saint Salvy, & les Deputez de son Chapitre & ceux de tous les Corps de Justice allerent le haranguer à Gaillac, distant d’Alby de trois lieuës, & Messieurs les Consuls avec trente Deputez l’y haranguerent aussi.

Il en partit le 28. Fevrier accompagné de tous ces Deputez, & le Ciel nous donna un jour plus doux, & plus serein que ceux qui l’avoient précedé depuis un mois ; l’on se disposa à le recevoir avec tout l’éclat possible ; il trouva à une lieuë d’Alby la Compagnie des Marchands avec des Trompettes, des Timbales & un Etendart où ses Armes étoient brodées. Ils étoient au nombre de six vingt, montez sur de beaux Chevaux, leur bonne mine étoit rehaussée par la propreté de leurs habits, leurs chapeaux étoient bordez, une cocarde bleuë leur donnoit un air Cavalier, & tout ce qu’on peut dire n’aproche pas du bon effet que cette Troupe produisoit pour le plaisir des yeux. Celui qui étoit à leur teste étant descendu de Cheval harangua Mr l’Archevêque, & cette Troupe défila au devant du Carosse.

À demi lieuë toute la Noblesse de la Ville, & des environs, qui s’estoit mise en Escadron mit pied à terre pour saluer Mr l’Archevêque qui estoit descendu de son Carosse ; aprés que ce Prélat y fut remonté la Noblesse l’entoura, & pendant sa route chacun de ces Messieurs, tour à tour, luy parla, & reçut des marques de son extrême honnesteté.

À cinq cens pas de la Ville il fut harangué par les Deputez de la petite Ville du Chasteau vieux qui sert de fauxbourg de ce costé-là ; il arriva à une heure devant le Convent des Reverends Peres Cordeliers, qui le haranguerent, nous fûmes avertis de son arrivée par le bruit des Cloches & des Canons ; il passa prés d’une des Portes de la Ville, & sans entrer il continua sa marche par cette belle promenade, que nous appellons la Lice, qui distingue si agreablement nos dehors de ceux de toutes les autres Villes, c’est une Terrace au dessus d’un grand & profond jeu de Mail, qui sert de fossez à la Ville, elle est bordée de deux rangs d’Arbres si beaux, & si bien entretenus, que tous dépoüillez qu’ils sont de verdure, ils sont agreables à voir. On monte sur cette Terrace par de larges degrez, quatre Portes y repondent pour la commodité des quartiers, & à chaque Porte il y a une Place qui laisse à la vûë la liberté de s’étendre, & de voir toutes les beautez d’une Plaine délicieuse. Le Carosse alloit lentement & donnoit le temps à Mr l’Archevesque de remarquer cette belle route bordée de nos Habitans armez, chaque Corps de Mestier estoit distingué par son Drapeau, par ses Hautbois, ses Fifres & ses Tambours, qui faisoient un bruit qui avoit ses agrémens dans sa confusion, & dans son mélange à celui des Canons ; nos Habitans avoient à leur teste l’ancienne & nombreuse Confrerie de saint Sebastien qu’un Vœu de Ville distingue des autres.

C’est ainsi que Mr l’Archevesque arriva au Convent des Reverends Peres de saint Dominique qui est au bout de cette admirable Terrace, & il y prit, selon la coûtume, son Rochet & son Camail. Cette coûtume est fondée sur ce qu’un Evesque d’Alby estant chassé de son Siége, le Pape envoya un Inquisiteur Religieux de l’Ordre de saint Dominique, qui mena l’Evesque dans son Convent, & le remit ensuite fort glorieusement sur son Siége.

Toute la Noblesse qui avoit accompagné jusques-là Mr l’Archevesque, entra dans la Ville en bon ordre, & fut l’attendre sur le Perron de l’Eglise Metropolitaine, les Marchands précederent sa marche l’épée haute, & il entra par la Porte Royale nommée du Vigan, sous laquelle Mr le Maire le harangua, Messieurs les Consuls luy presenterent un magnifique Dais, qu’il refusa, & l’on luy remit les clefs de la Ville, il remonta en Carosse & ces Magistrats l’entourerent à Cheval, il vit nos ruës bordées de nos habitans, de mesme qu’il avoit trouvé nostre Lice ; il passa sous un grand nombre d’Arcs de Triomphe ornez de Devises, d’Emblêmes, de tres-beaux Vers Latins & François, & il arriva au bas du grand & superbe degré par lequel on monte à nostre belle Eglise Metropolitaine, de laquelle Bernard de Castanet Cardinal, Auditeur de Rote, quarantiéme Evesque d’Alby, posa la premiere pierre en revenant de Rome l’année 1282. & la dedia à sainte Cecile, il trouva au bout de ce degré son Chapitre, il y fut harangué par Mr l’Abbé de Guîran, Chanoine & Tresorier dont la reputation est éclatante, au nom de l’Eglise, son Epouse ; Mr l’Archevêque répondit avec une presence d’esprit admirable, & l’Epoux & l’Epouse parurent fort contens l’un de l’autre. Mr l’Archevesque s’estant revestu de ses habits Pontificaux, entra dans l’Eglise, se mit à genoux devant le Maistre Autel, le baisa, & fut placé dans son Siege, le Te Deum fut chanté, il passa ensuite precedé de son Chapitre, & suivi de toute la Noblesse, par la grande Place pour aller à l’Archevesché. Pendant les ceremonies de l’Eglise Mr le Regent de la Ville, par les ordres & les soins duquel tout avoit esté rangé, avoit fait remplir cette Place des habitans qui avoient bordé le dedans & le dehors de la Ville ; chacun y prit son rang, & arbora ses Drapeaux. Les parterres les mieux entendus, & l’émail different de leurs fleurs ne sont pas plus agreables à la vûë que l’estoit la diversité des couleurs des Cocardes & des Drapeaux. Les Dames étoient aux fenestres ornées de Tapis, & l’on vit enfin passer Mr l’Archevesque dont les airs de Grandeur parurent dignes de sa naissance & de sa dignité. S’il est vray, comme de bons Auteurs le disent, que les benedictions & les aplaudissemens du peuple sont des Zephires qui rafraîchissent l’air, & qui conservent la santé, nostre illustre Archevêque peut esperer une longue vie, puisque jamais personne n’a eu tant d’applaudissemens & tant de benedictions. Il entra au bruit des Cloches, des Canons & des cris de joye dans son Palais Archiepiscopal, à la porte duquel il trouva la Garde Bourgeoise au haut du degré, il fut harangué avec beaucoup d’éloquence par le Sindic de son Chapitre Metropolitain, & il fut conduit dans son apartement, les vûës en sont enchantées ; il remarqua d’abord que nostre Ville bastie sur un Tertre est la moitié entourée par la Lice où il avoit passé, & de l’autre moitié par la riviere de Tarn, qui bat presque les hauts murs de son Palais, & lui sert d’ornement, & de deffence, les bords de cette riviere sont icy fort élevez, les arbres plantez au long du rivage qui monte jusqu’au bord de son lit, forment une Forest continuelle, & c’est l’objet du monde le plus charmant ; cependant tout ce qui avoit paru sous les armes vint en ordre faire des décharges dans la grande Cour de l’Archevêché ; dés qu’il fut nuit chacun alluma des feux devant sa porte & illumina ses fenestres, le gros Clocher de sainte Cecile & tous les autres, parurent en feu, toutes les Maisons Religieuses donnerent des marques de leur joye, la Terrace des Reverends Peres Jesuites eut sa Balustrade chargée de mille feux, le fauxbourg du bout du Pont que Mr l’Archevêque voyoit de son Palais se distingua beaucoup, & le grand Bastiment des Dames de la Visitation par ses illuminations luy montroit dans la nuit, toutes les beautez de la riviere & celles de ce beau fauxbourg où il est situé. Les harangues furent remises au lendemain, & toutes furent trouvées dignes du Prelat à qui elles furent faites.

Il ne me reste plus rien à vous dire, Monsieur, sinon que nous demeurons tous d’accord que l’admirable peinture que l’on nous avoit fait de Mr l’Archevêque est toute à fait ressemblante, & que nous esperons de joüir sous son Gouvernement de tous les bonheurs que la bonté de son cœur nous pourra procurer. Vous ne croyez pas, Monsieur, que j’en doive demeurer là, & que je veuille demeurer confonduë dans les acclamations generales, vous ne vous trompez pas, puisque j’ay fait des Vers pour luy estre chantez par nos excellens Musiciens, qui ont fait valoir peu de chose, & les répetitions & les Simphonies, leur ont donné l’air d’un petit Opera. Je vous les envoye sans estre notez, & par là ils perdent tout l’agrément qui les a fait valoir.

 Voicy le jour fortuné
Que l’illustre Nesmond paroist sur ce Rivage,
Il a reçû du Ciel mille dons en partage,
Et pour nous rendre heureux,
 LOUIS nous l’a donné.
***
 D’abord de ses vertus on voit briller les marques,
Nostre felicité se fait voir dans ses yeux ;
 Le plus éclairé des Monarques
Connoist le prix du don qu’il a fait à ces lieux.
***
  Malgré la guerre
  Et ses fureurs
 Qui troublent la terre,
Nous goûterons icy la Paix & ses douceurs.
 Le bruit menaçant des Trompetes
N’est propre qu’à causer de mortelles horreurs,
Sous le plus vigilant, le plus doux des Pasteurs,
Nous unirons nos voix au son de nos Musettes.
 Malgré la guerre, & ses fureurs,
Nous goûterons icy la Paix, & ses douceurs.
***
 De tous les bons Pasteurs,
  Nesmond est le modelle,
Il enleve le cœur, il enchante l’esprit,
Une élevation touchante, & naturelle,
Fait admirer tout ce qu’il dit.
***
 Nos jours & son illustre vie,
 S’écouleront tranquilement,
Et sous les loix d’un Prélat si charmant,
Les plus heureux climats nous porteront envie
***
 Nos cœurs unis avec le sien,
 Formeront un sacré lien,
Il sera satisfait de nostre ardeur sincere
Il souffrira qu’on l’aime, autant qu’on le revere,
 Et nos respects & sa bonté,
Pourront servir d’exemple à la Posterité.
 Mais, quel pressentiment affreux
 Vient troubler dans cette journée
 Nos esperances & nos vœux,
Ce Prélat doit remplir sa grande destinée,
Ce n’est pas à ces lieux que sa gloire est bornée.
***
Hâtons-nous de goûter dans nos bonheurs présens,
 Les plaisirs toûjours renaissans.
***
Malgré la guerre, & ses fureurs,
Nous goûterons icy la Paix, & ses douceurs,
En attendant la Paix generale, & profonde,
 Qu’aprés mille exploits inoüis,
  Le seul LOUIS
 Peut procurer au monde
 Malgré la guerre, & ses fureurs,
Nous goûterons icy la Paix, & ses douceurs.

Je suis, &c.

[Theses dédiées à Mr le Coadjuteur, présentement Evesque de Strasbourg ; avec tout ce qui s’est passé à la reception de ce Prelat dans le College d’Harcourt] §

Mercure galant, avril 1704 [tome 4], p. 97-114.

Le fils de Mr de Lachau, secretaire de Messieurs les Marechaux de France, soutint il y a quelque temps, au College d’Harcourt des Theses sur toute la Philosophie, dediées à Mr le Coadjuteur de Strasbourg. Ce Prince qui a demeuré plusieurs années dans cette maison, y fut receu avec toutes les marques de distinction, deuës à son rang & à son merite personnel. Il fut complimenté en plusieurs langues par les Ecoliers de ce College. Lors qu’il descendit de son Carrosse, Mr de Chaillon Pensionnaire, Ecolier de la troisiéme classe eût l’honneur de le complimenter en Latin, & Mr le Chevalier de Reuseville de la Luserne, aussi Pensionnaire de la même classe luy fit en François le Compliment que voicy.

Monseigneur,

Les transports de joye que ressent toute cette jeunesse par le retour de vôtre Altesse dans cette maison qui se trouve honorée d’avoir esté autrefois vôtre demeure, sont trop impetueux & trop justes pour ne pas éclater en vôtre presence. Eh ! quel moyen de les, retenir MONSEIGNEUR, puisque c’est vous qui les faites naître ? Quel plaisir, quelle gloire n’est-ce pas pour nous, de revoir encore ce favorable Mecene, qui par ses glorieux exemples nous a sans cesse animé à suivre le chemin de la Science & de la vertu, & de qui les seuls regards sont capables d’inspirer l’amour de la plus haute sagesse.

En effet, MONSEIGNEUR, nous ne sçaurions porter les yeux sur vôtre illustre personne, sans rappeller presque dans un moment l’idée d’un parfait Orateur, d’un Philosophe, & d’un Theologien consommé d’un Prelat qui doit son élevation à son pur merite, & d’un Prince qui soutient l’éclat de son sang auguste par les Caracteres de la plus sublime vertu.

Vous venez, MONSEIGNEUR, d’un Diocese que LOUIS LE GRAND a confié à vôtre sagesse & à vôtre pieté ; vous en avez laissé les traces & l’onction dans les cœurs de tout vôtre Peuple, mais vous en rapportez le fond avec vous même, comme un tresor inseparable, & qui ne vous quitte jamais. Tout ce College en ressent le vif éclat, & ses soins les plus grands seront toûjours d’en profiter, persuadé que vôtre Altesse voudra bien continuer de l’honorer de sa protection & de sa bienveillance. Cette maison en a déja des gages dans les Princes de vôtre sang & de vôtre illustre nom ; Puisse le Ciel, MONSEIGNEUR, combler les vœux que nous ferons toûjours pour vostre Altesse, pour voir consommer les justes esperances que nous avons conceuës, & couronner enfin vôtre vertu par le prix dont elle n’est déja que trop digne.

Plusieurs Pieces Latines & Françoises parurent dans l’Assemblée à la gloire de cet illustre Prelat. Et on admira les Vers suivans, ils sont de Mr Nadal, qui dans toutes les occasions marque son zele pour ce Prince.

Prince qu’il te sied bien de proteger les Arts !
Et qu’attachant sur toi ses avides regards,
Tout ce peuple sçavant que ta presence attire
Avec plaisir ici, te contemple & t’admire !
Ce n’est pas que ses yeux se trouvent ébloüis
De l’éclat de ton sang & des dons de LOUIS ;
Mais de tes premiers ans, dont le torrent s’écoule,
Tous les travaux ici se presentent en foule,
Tous tes jeunes efforts par la gloire excitez,
Exemples immortels en vain toûjours citez :
Car quelle ame sublime & quel vaste genie ;
Dont le Ciel à loisir ait formé l’harmonie ;
Quel aigle peut enfin élevé dans les Cieux,
Mesurer avec toi son vol audacieux ?
Je t’ai veu presageant tes grandes destinées,
Marquer avec éclat tes plus tendres années,
Et dans le bruit flateur des acclamations
Porter déja si haut tes moindres actions.
Ces murs, ces sacrez murs long-tems en retentirent,
Et du Public émû les bouches t’aplaudirent,
Lors qu’en ces mêmes lieux vainqueur & couronné,
Tu rendois plus aux Arts, qu’ils ne t’avoient donné.
Sans nous tracer alors de frivole peinture,
Ne t’avons-nous pas veu demasquer la nature,
Penetrer à travers ses dehors decevans,
Et l’ouvrir toute entiere à tes regards sçavans ?
Mais t’élevant bien-tôt au dessus de toi-même,
Ailleurs tu dévoilois la Majesté suprême,
Et sondant à ton gré ses augustes secrets,
Tu lisois dans son sein l’ordre de ses decrets.
Par quel éclat depuis, à ton ardeur en proye,
De tes soins assidus le succés se déploye !
Ton triomphe s’acheve, & quel sujet traitté
Ne prit point dans tes mains un air de dignité ?
Tout devint gracieux, & parlant par ta bouche,
La science n’eut plus cet air sec & farouche ;
L’obscur raisonnement à ses termes borné,
Parut alors plus net & de beautez orné,
Et toûjours te sentant des sources où tu foüilles,
Des Grecs & des Romains nous vîmes les dépoüilles,
Par un art délicat entrant dans tes discours,
Recevoir plus de grace en prêtant leur secours.
Dans ces augustes lieux, arbitres de ta gloire,
Ce jour pompeux, ce jour frappe encore ma memoire,
Lors que jeune Orateur, par des traits inoüis,
Tu relevois encore let vertus de LOUIS !
Quand tu nous le peignois dans l’éclat dont il brille,
Et bien plus respectable au sein de sa famille ;
Lors que pris dans son cœur & que reduit à soi
L’homme en lui, l’homme seul est plus grand que le Roi.
Mais, Prince, souffre ici, que j’ose te le dire,
Ces hautes qualitez qu’en toi chacun admire,
Ces talens dont le Ciel a voulu te parer,
Tout cela n’eut servi qu’à te deshonorer ;
Si déja ta vertu tant de fois éprouvée,
Des écüeils de la Cour ne s’étoit pas sauvée.
C’est là qu’environné de perils plus pressans,
Tous les momens sont vifs & tous les pas glissans,
Qu’irritant ces transports où le cœur s’abandonne,
Mille objets dangereux volent autour du Trône
Que de dehors trompeurs, le crime revêtu
Est marqué si souvent au coin de la vertu,
Qu’un cœur élevé même au dessus du vulgaire,
D’un poison delicat ne se garantit guere.
Nul autre mieux que toi dans ta jeune saison,
Ne devoit y succer ce dangereux poison.
Tout flattoit tes desirs. L’honneur de ta naissance,
Du Ciel en te formant l’heureuse complaisance,
L’éclat même du rang où je te vois placé.
Et qui de la faveur jamais plus caressé,
Vit malgré tous les traits de l’envie allumée,
Combler son esperance à peine encore formée !
La plus brillante place en ton auguste emploi,
Ainsi que la vertu n’eut qu’un degré pour toi.
Avec quel doux transport, quelle vive allegresse,
D’un si beau choix en toi benissant la sagesse,
Les peuples de ces bords par le Rhin humectez
Virent par le succés tous leurs vœux respectez !
Combien sous toi depuis s’accrût leur esperance ?
Et des bontez du Roi devenu l’assurance,
Achevant de calmer des esprits soupçonneux,
De leur fidelité tu resserres les nœuds.
De quel zele animant ces nouvelles Provinces,
Ta sagesse preside à ce conseil de Princes,
Qui par l’éclat des noms, l’un par l’autre effacé,
Sont tous nez pour le rang où leur choix t’a placé !
Mais tandis que s’ouvrant de brillantes campagnes,
LOUIS voit sous nos pas s’applanir les montagnes ;
Que du soldat François, sous un Roi si fameux,
La main va puiser l’eau du Danube écumeux,
Exerce tes vertus sous de plus doux auspices,
De ton Apostolat fait briller les premices,
Perce de tant d’erreurs la sombre région,
Et protege les Arts & la Religion.

Les Stances suivantes sont à la gloire du même Prelat ; on assure qu’elles ont esté faites sur le champ par Mr Asselin de Vire, Theologien du même College.

STANCES.

Que vois-je ? Est-ce un mortel qui charme ici mes yeux ?
Que d’un illustre sang fecond en demi-Dieux
On voit briller en lui de glorieuses marques !
Muses, en sa faveur chantez vos plus beaux Vers,
C’est ROHAN, que le sang lie à ces grands Monarques,
Dont les Loix ont reglé le sort de l’Univers.
***
Pour moi, dont le talent n’est qu’une jeune ardeur,
Pourrois-je celebrer son auguste Grandeur,
Sa facile bonté, sa vaste intelligence,
Pour tous les beaux esprits son favorable accuëil,
Le genereux oubli de sa haute Naissance,
Sa pieté sans fard, son pouvoir sans orgüeil ?
***
Le divin Amphion, dont la puissante voix
Attiroit les rochers, faisoit marcher les bois,
Pour un sujet si grand ne pourroit pas suffire.
Et par ses doux accords Phœbus même, Phœbus
Ne pourroit rien chanter plus digne de sa lyre,
Que son Nom, son esprit, & ses rares vertus.
***
Ne nous flattons donc point par un espoir trop doux,
Un sujet si sublime est au dessus de nous :
De tant d’admirateurs imitons le silence :
Ma Muse ne fait point des efforts superflus,
Le voyant dans ces lieux qu’honore sa Presence,
Admire, c’est assez, tu ne peux rien de plus.

[Exemples de pieté donnez à Montelimar par les troupes Irlandoises] §

Mercure galant, avril 1704 [tome 4], p. 128-134.

EXTRAIT
D’une Lettre de Grenoble, écrite par un Officier Irlandois, touchant la maniere que les troupes Irlandoises solemniserent à Montelimart, il y a quelque temps, la Feste de S. Patrice leur principal Patron & Apostre, qui se celebre au 17. Mars.

Comme je sçai que vous prenez beaucoup de part à ce qui nous regarde, j’ay crû que vous ne seriez pas fâché d’apprendre la maniere dont nous avons celebré la Feste du glorieux Saint Patrice. Je vous diray d’abord que toutes les Compagnies de nostre Regiment ont passé cette Feste avec une ferveur extraordinaire & une devotion tres-édifiante. Tous les Officiers & tous les Soldats, se disposerent à celebrer cette Feste avec beaucoup de Religion. Nous eûmes d’abord une Procession solemnellement ordonnée, ensuite la grande Messe chantée dans la Collegiale avec beaucoup d’édification, tout le Clergé du Chapitre, les Religieux & toute la Noblesse de la Ville y assisterent avec pieté, admirant la ferveur & le recüeillement de nos Soldats Aprés la premiere Messe on donna la Benediction du tres saint Sacrement ; à trois heures aprés midy tout le monde assista au Sermon dans la grande Eglise, prêché par le Reverend Pere Gaulaud, & aprés le Sermon il y eut Benediction du tres-saint Sacrement. Ce qui contribua à rendre la Procession magnifique & solemnelle, fut l’ordre de nos Officiers & Soldats, qui étans rangez en haye depuis l’Eglise, firent des deux costez comme une allée par où devoit passer la Procession, les Officiers principaux la saluant avec leurs Piques & les Drapeaux déployez en ceremonie & de la maniere la plus respectueuse qu’ils pouvoient. Le Clergé ne fut pas plustost entré dans l’Eglise qu’il y eut une décharge generale de coups de Mousquets. On en fit une semblable à l’élevation & aux deux Benedictions du tres saint Sacrement, & pendant tout ce temps le carillon des Cloches joint avec les Tambours battans continuellement, faisoient un tres agreable concert qui fut l’étonement & la surprise des Religionnaires, qui ne virent jamais chez eux une pareille Feste, & qui fut aux Catholiques un grand sujet de consolation & d'édification, de voir parmi les Soldats une pieté si rare, si reglée, & si exemplaire. Mais si quelques uns s’attendoient avec impatience de voir la fin de la journée se persuadant que la debauche & l’excés du vin deshonoreroit la Feste parmi les Officiers & les Soldats, ils furent bien trompez dans leur attente, car aprés que tout l’Office fut fini, je me retiray avec eux chez les Religieux Cordeliers, où nous demeurâmes jusqu’à l’heure de la collation, que je fis venir dans leur Refectoir, & où n’y ayant que les Religieux, & les Officiers, tous la firent avec ordre & regularité, & nous achevâmes de solemniser la Feste en faisant des vœux pour que le Seigneur répande toute sorte de benediction sur les personnes sacrées de nostre Roy, de nostre Reine, & de toute la famille Royale souhaittant aussi une prosperité continuelle aux armes de France, à la famille Royalle, & par dessus tout, accroissement, triomphe & victoire à l’Eglise Catholique, Apostolique & Romaine. Ensuite je renvoyai tout le monde chacun dans son quartier, sans qu’il y eut la moindre confusion ; mais tout fut executé avec une devotion surprenante, & cette devotion n’est pas finie avec la Feste ; car depuis ce temps tant les Officiers que les Soldats, continuent tous les jours d’assister fort devotement à l’Office au Sermon & à la grande Messe.

[Lettre de Perse qui contient non seulement des nouvelles de ce Pays-là, mais aussi de plusieurs autres Etats] §

Mercure galant, avril 1704 [tome 4], p. 190-196.

Je crois vous faire plaisir, en vous envoyant une Lettre de Perse, qui contient non seulement des nouvelles de ce pays là, mais aussi de plusieurs autres Etats.

À Hispahan, le 15. May 1703.

Les Arabes ayant dépoüillé une riche Caravanne qui alloit à la Meque, on dit que le Sophy veut interdire ce Pelerinage à ses Sujets.

On écrit que le nouveau Viceroy de Goa est allé avec six Vaisseaux de Guerre pour reprendre Monbaz ; les Persans paroissent fort refroidis par la guerre de Marcasti, & les Portugais ont protesté qu’ils ne les attendroient que jusqu’au mois de Janvier qui est passé.

Les Hollandois ont donné au Sophy un Singe assez particulier, qui a sur la teste une espece de perruque, Mr Ouen Agent des Anglois, ma dit que les Persans l’ont circoncis pour le faire de leur Religion, le croyant animal raisonnable ; mais à vous parler franchement, je n’y ajoûte pas foy.

Tous les nouveaux Sophys ont accoûtumé d’aller se faire Couronner à Cazbin, mais les Grands de cette Cour font ce qu’ils peuvent par divers artifices & fausses nouvelles, pour empêcher celui-cy de sortir d’Hispahan, craignans la dépense qu’il leur faudroit faire pour le suivre. Ils luy ont inspiré la passion de bâtir, & il fait faire une maison de plaisance prés de Zulpha, quoique pour ainsi dire, il en ait à revendre.

Nous avons eu icy pendant quelque temps l’Abbé Sarri, jeune & riche Cremonois qui a quitté ses biens pour aller à la Chine, je l’ay ordonné Prestre, & ensuite il s’est mis en chemin pour Suratte. Il est le Precurseur de Mr de Tournon, Piémontois, Patriarche d’Antioche envoyé par le Pape à la Chine, pour les Controverses des Jesuites.

On dit icy qu’il y a de grandes broüilleries dans le Royaume de Siam. Un parent du feu Roy s’étant mis en Campagne avec une Flote armée contre l’Usurpateur qui a fait emprisonner Mr de Kermoner, Evêque de Sara, Seminariste. La persecution est furieuse dans le Tonquin & dans la Madurée, Royaume peu éloigné de Goa, d’où quarante mille Chrêtiens se sont enfuis à Pontichery, Madraste & ailleurs.

Madame Cattelin native de Bordeaux, mais élevée en Hollande, femme du Chef des Hollandois qui deceda le neuviéme du courant à deux heures aprés minuit, fût aussi-tost mise dans un lit de parade entre des gros cierges de cire blanche & des parfums des Indes, & la nuit suivante portée aux flambeaux, au Sepulchre du fauxbourg de Zulpha, accompagnée d’une nombreuse Cavalcade, de Mr l’Agent des Anglois, de sa suite, & de tous les François seculiers ornez de grandes Echarpes blanches à fleur, de taffetas des Indes qu’on leur avoit distribué dans la maison de compagnie, & marchans tous au son lugubre de trois Violons qui precederent le corps. Au retour & vers la pointe du jour, on regala les assistans d’un grand déjeuné en ambigu de viandes & de sucreries. Les jours suivans Mr Cattelin reçut les Complimens de condoleance du Clergé franc, & des principaux Chrétiens de cette Ville.

[Mort de Jacques-Bénigne Bossuet]* §

Mercure galant, avril 1704 [tome 4], p. 269-279.

Mre Jacques Benigne Bossuet Evêque de Meaux, Conseiller d’Etat ordinaire, premier Aumônier de Madame la Duchesse de Bourgogne, Conservateur des Privileges de l’Université de Paris, Superieur du College Royal de Navarre, un des quarante de l’Academie Françoise, cy-devant Precepteur de Monseigneur le Dauphin, & premier Aumônier de Madame la Dauphine mourut en cette ville le 12. du mois d’Avril en sa 78. année aprés une assés longue maladie, dans laquelle il a donné des marques frequentes de sa patience & de sa resignation aux ordres du ciel. Feu Mr l’Evêque de Meaux étoit d’une ancienne famille du Parlement de Dijon où son pere avoit esté Conseiller. Elle y est encor alliée à tout ce qu’il y a de plus considerable en cette ville là. Son frere mort depuis quelques années étoit Maistre des Requestes, il avoit épousé Dame N… Dumont d’une ancienne maison de cette ville, & alliée à plusieurs familles tres-qualifiées, entre autres à celle de la Pipardiere, dont Mr le Marquis du Frenel est chef, & dont l’Epouse est aussi de la maison du Mont, & par consequent proche-parente de Mr Bossuet. Deux garçons sont sortis de ce mariage, Mr Bossuet aujourd’huy Maistre des Requestes, & Mr l’Abbé Bossuet Abbé de Savigni dans le Lyonnois, dont je vous parlerai ensuite. Mr l’Evêque de Meaux avoit d’abord eu l’Evêché de Condom. Ce grand Prelat qui a esté dans le 17e siecle un autre S. Augustin, sera encore plus recommandable à la posterité par son merite & par sa haute science ainsi que par sa naissance & par les dignitez & les honneurs dont il a été comblé. Le choix que le Roi fit de lui pour Precepteur de l’heritier presomptif de la Couronne, & tant de beaux ouvrages qui sont sortis en foule de sa plume parleront plus pour lui dans les siecles à venir que l’éclat & les marques de distinction dont il a esté honoré, ainsi je vous entretiendrai plus de ses ouvrages que de sa Genealogie. Aussi tost que ce Prelat eût esté chargé de l’instruction de Monseigneur, il fit travailler plusieurs personnes à quantité de Commentaires de ce que nous appellons variorum, qui ont toûjours esté jugés excellens pour l’intelligence de ses anciens Auteurs qui sans ce secours seroient de peu d’usage à la jeunesse. C’est dans le même esprit qu’il composa l’Introduction à l’Histoire universelle pour l’instruction de Monseigneur le Dauphin, qu’on doit regarder comme un chef-d’œuvre, puisqu’il n’y a pas un évenement considerable depuis la creation du monde jusqu’à Charlemagne qui ne soit renfermé dans un ouvrage qui ne comprend cependant que deux petits Volumes in douze. Mr de Meaux a signalé son zele dans toutes les occasions où l’Eglise a eu à craindre quelque nouveauté. Tous les Livres qu’il écrivit lors de l’affaire du Livre de Mr de Campray ; & ses deux Instructions sur la Version du nouveau Testament de Mr Simon, dans la seconde desquelles l’on trouve une si sçavante Dissertation sur Grotius qu’il y convainc de Socinianisme, en sont une preuve bien parlante. Il publia en 1697. son Instruction sur les états d’Oraison, où sont exposées les erreurs des faux Mystiques de nos jours : avec les actes de leur condamnation. Mr de Meaux leur fit voir qu’il ne suffit pas d’être visionaire pour se croire en droit de se moquer de la raison, & de braver impunement toutes sortes d’autoritez. Il leur fit aussi voir que la contemplation la plus sublime est subordonnée à la science Theologique, & aux regles de l’Eglise. Ce Prelat vient de mourir les armes à la main, & sa plume vient de faire un dernier effort en donnant l’explication d’un Verset du Prophete Isaïe : Ecce concipiet Virgo & pariet Filium, & du vingt-uniéme Pseaume de David. Mais l’ouvrage qui lui a donné une plus grande reputation, & qui a eu un plus grand succés, même parmi les Protestans, dont il a renversé les plus forts argumens, est l’Histoire des variations des Eglises Protestantes en deux Tomes in quarto, qui fut publié à Paris en 1688. Il y fit voir que toutes les fois que l’on a vû des variations parmi les Chrestiens, on les a regardées comme des marques de fausseté ; & que la Foy parle simplement, que le Saint-Esprit répand des lumieres pures, & que la verité qu’il enseigne, a toûjours un langage uniforme. L’Eglise a opposé à chaque Heresie des explications propres & precises qu’elle n’a jamais changées. Si l’on prend garde, dit-il, aux expressions par lesquelles elle a condamné les Heretiques, on verra qu’elle veut toujours à attaquer l’erreur dans sa source par la voye la plus courte & la plus droite. C’est pourquoi tout ce qui varie, & tout ce qui se charge de termes douteux & enveloppez, à toujours paru suspect & frauduleux, parce qu’il marque un embaras que la verité ne connoist point. Voila quelques traits d’un ouvrage qui rendra immemoriale la memoire de son Auteur.

[Le Roy nomme à l’Abbaye de S. Lucien de Beauvais Mr l’Abbé Bossuet] §

Mercure galant, avril 1704 [tome 4], p. 279-282.

Mr l’Abbé Bossuet porta au Roy la nouvelle de la mort de son Oncle aussi tost qu’il eut fermé les yeux ; & Sa Majesté qui se plaist à consoler les Personnes affligées luy donna, sur le champ, l’Abbaye de Saint Lucien de Beauvais que possedoit Mr l’Evêque de Meaux. Mr l’Abbé Bossuet est Docteur de Sorbonne, & il a rempli cette carriere avec un grand succés ; il s’est fait generalement estimer à Rome pendant le sejour qu’il y a fait de prés de deux années ; & le feu Pape Innocent XII. lui a donné plusieurs Audiences où il parut tres satisfait de lui. Cet Abbé estoit quelquefois associé aux travaux de son oncle ; tout le monde sçait les demarches qu’il fit par ordre de feu Mr l’Evêque de Meaux dans l’affaire du fameux Cas de conscience, & quel succés elles eurent auprés de plusieurs Docteurs ausquels Mr l’Abbé Bossuet découvrit l’illusion qui sembloit les enchanter. Il reste dépositaire des Manuscrits de son oncle, & l’on doit esperer qu’il donnera quelque jour la suite de l’Introduction à l’Histoire Universelle, que l’on attendoit depuis si long temps. C’est luy qui a pris soin de l’impression du dernier livre que Mr de Meaux a donné avant sa mort, & qu’il a dicté dans son lit, ainsi qu’on le voit dans la Preface de ce livre. L’Abbaye de Saint Lucien de Beauvais a produit de grands Personnages, entr’autres un Odo dans le treiziéme siecle, qui fut celebre dans les Sciences Astronomiques.

[Ceremonie faites dans l’Eglise de saint Louis] §

Mercure galant, avril 1704 [tome 4], p. 289-292.

Mécredy 16. du mois d’Avril, Mrs les Marguilliers de la Fabrique de l’Eglise Paroissiale de Saint Louis dans l’Isle, firent chanter une Messe solemnelle pour remercier Dieu des heureux succés qu’il continuë de donner aux armes de Sa Majesté, & pour marquer leur reconnoissance des bien-faits que ce Monarque a fait à cette Eglise à laquelle il a permis de faire une Lotterie dont elle a profité de cinquante mille livres, soit par le droit qu’elle en a tiré, soit par le don que S.M. & plusieurs autres personnes de distinction à son exemple, luy ont fait de leurs lots, du nombre desquelles sont Mr le President Lambert & Me Roüillé veuve du Conseiller d’Etat. La Messe fut chantée en Musique & avec beaucoup de solemnité. Mr l’Evêque de Montauban officia, & comme c’est la premiere fois qu’il a Officié Pontificalement depuis qu’il est Sacré, il fut ravi de commencer à exercer ce haut Ministere, en offrant le Sacrifice de l’Autel pour un Monarque dont la conservation est si necessaire à l’Etat. Mr Bernier Maistre de la Musique de la Sainte Chapelle, à la place du fameux Mr Charpentier qui vient de mourir, & auparavant Maistre de celle de Saint Germain l’Auxerrois, fit chanter une Messe de sa composition, qui fut trouvée d’une grande beauté par l’Assemblée, qui estoit tres-nombreuse. La Feste fut terminée par un grand repas, que Mr le President Lambert, ancien Marguillier d’honneur, donna à Mr l’Evêque de Montauban, à Mr le Curé de Saint Louis, & aux autres Marguilliers.

[Bouts-rimez proposez par la Compagnie des Lanternistes de Toulouse] §

Mercure galant, avril 1704 [tome 4], p. 292-294.

Voicy ce qui vient d’estre publiée par la Compagnie des Lanternistes de Toulouse.

BOUTS-RIMEZ
Proposez par les Lanternistes, cette Année 1704.

Il ne faut pas apprehender que nos Bouts-Rimez tarissent faute de fond & de matiere ; la derniere Campagne si heureusement soûtenuë, & si glorieusement terminée, pourroit seule leur en fournir pour long-temps ; l’avenir nous en promet encore davantage, & il y aura toûjours dans les actions de Louis le Grand, des ressources de gloire & de nouveaux sujets de triomphe : C’est un Heros qui ne cesse jamais de vaincre, & qu’on ne doit jamais cesser de loüer.

BOUTS-RIMEZ.

Etale.
Fameux.
Vœux.
Fatale.
Dedale.
Nœuds.
Heureux.
Signale.
Jaloux.
Courroux.
Thrace.
Errans.
Audace.
Conquerans.

Les Sonnets seront toûjours accompagnez d’un Quatrain pour le Roy & d’une Sentence : les Auteurs mettront leur seing couvert & cacheté au bas de leurs Sonnets, ou dans une Lettre separée ; le tout sous la même enveloppe, & rendu franc de port chez Mr Seré, prés la Place de Roaix à Toulouse, huit jours avant la Saint Jean, jour de la distribution du Prix.

[Enigmes] §

Mercure galant, avril 1704 [tome 4], p. 394-397.

Le mot de l’Enigme du mois passé estoit la Jarretiere : ceux qui l’ont deviné sont.

Mrs Hallé de la ville d’Amboise & son confrere des Galeries du Louvre : Lefevre d’Epinay sur Seine, prés S. Denis : Baquié Officier de Mr Daduisard Avocat General au Parlement de Toulouse : la petite Manon Blanchette : D.B. & sa chere N.D. de la ruë des Vergeaux : D.P. & sa chere compagne de la ruë Beaubour : Chaulmier l’Adonis des Prez : Le Portail de Mr Cartaud : L’Amy content de Versailles : Et Court Collet mon cœur, autrement le petit Goret : Cattin de la porte S. Bernard : La petite Femme & Mr Senacy l’ami de toute la maison.

Je vous envoye une Enigme nouvelle.

ENIGME.

Tout le monde se sert de moy,
Excepté les gens de reforme,
On me lie, on m’étraint pour me mettre en employ
Sans trop s’embarasser de ce dont on me forme :
Quelquefois, en effet, je suis de taffetas
De laine quelquefois, quelquefois de filasse.
Jadis on me portoit trop bas
La mode en plus haut lieu regle aujourd’huy ma place.
Les Belles avec art cherchent à me cacher.
L’Amant qui par faveur parvient à me toucher
S’il n’est heureux déja, se croit bien prest de l’estre ;
Cependant pour mieux me connoître
Remarquez l’éclat de mon sort :
Sçachez qu’un Roy qui porte une triple Couronne
Me cherit à tel point ; me distingue si fort
Que j’orne toûjours sa personne.

Air nouveau §

Mercure galant, avril 1704 [tome 4], p. 397.

Vos Amis jugeront de la beauté de l’Air qui suit.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Pouvez-vous, belle Iris, doit regarder la page 397.
Pouvez-vous, belle Iris, vous défier de moy,
Vous voyez tous les jours les transports de ma flame,
Ces vives preuves de mon ame
Devroient bien estre aussi des preuves de ma foy.
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