1705

Mercure galant, juin 1705 [tome 6].

2017
Source : Mercure galant, juin 1705 [tome 6].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, juin 1705 [tome 6]. §

[Suite de la réponse de l'Auteur des Essais de Litterature à Pierre Joseph] §

Mercure galant, juin 1705 [tome 6], p. 46-76.

Je vous tiens parole & vous envoye la suite de la réponse de l’Auteur des Essais de Litterature, aux Dissertations de Pierre Joseph.

Le Prestre de Cavaillon nous donne un plat de son métier dans la suite de ses Dissertations ; on a lieu de juger en lisant les touchantes Reflexions qu’il fait sur les mœurs du Clergé des derniers siecles, que cet Auteur a esté favorisé du don de la parole ; en effet depuis la page 60. jusqu’à la 68e. des Dissertations, on trouve un Sermon sur les desordres où vivoient les Prestres du onziéme siecle, d’où on conclut que ce siecle n’étoit pas un temps d’innocence où les gens d’Eglise puissent aller sieger dans les Cours d’Amour. Pierre Joseph infere de là que tout ce que Benoist le Court & Martial d’Auvergne disent de cette espece de Tribunal, ne sont que des Jeux d’esprit & nullement des faits historiques. Je conviens avec ce Critique que le onziéme siecle & même celuy qui le preceda furent des siecles d’abomination sur lesquels il seroit necessaire de tirer un rideau pour en ôter le souvenir à la posterité ; mais de croire que cette corruption fust une suite de la licence des Poëtes ; c’est une illusion toute pure, puisque l’ignorance des Ministres de l’Eglise & le desordre où ils vivoient, precederent de plusieurs années, l’établissement des Cours d’Amour. D’ailleurs il ne faut point d’autre preuve de l’innocence de ceux qui composoient ces sortes d’Assemblées, que ce qu’en dit Innocent VI. Ce Pape, qui travailla avec tant d’ardeur à la reforme de la Cour Romaine, n’eust pas autorisé par son approbation, cette espece d’établissement, s’il l’eust cru contraire à la pureté des mœurs. On lit dans le troisiéme Dialogue de l’Apologie, les éloges que ce Chef de l’Eglise donne aux personnes qui en estoient, & il faut croire que dans cette occasion, l’on ne surprit pas son suffrage ; il estoit trop éclairé pour ne pas juger des choses par ses propres lumieres, & tous les Auteurs parlent de luy comme d’un Pontife tres-digne de la haute estime où sa vertu l’avoit élevé. La Chartreuse de Ville-neuve lez Avignon est un monument de sa pieté & une preuve de ce que je dis. Il ne faut point enfin d’autre preuve, que Benoist le Court & Martial d’Auvergne (Procureur au Parlement de Paris) ont parlé sincerement, que ce que le Poëte Dante & Petrarque disent des Troubadours, ausquels ils attribuënt l’invention de la Poësie rimée 1 le jugement que ces deux Auteurs font des Poëtes Provençaux suffit pour nous convaincre, que nous leur devons de grandes lumieres sur l’Histoire de Provence ; & il ne seroit pas juste d’abandonner en cette occasion, l’autorité de deux Auteurs si celebres pour regler nôtre jugement sur celle de Pierre Joseph.

Il prétend encore, contre l’opinion commune, que les Fiefs au commencement de leur Institution, ont esté nommez Benefices, & que c’est d’eux, que ce nom a passé aux biens d’Eglise ; qu’ainsi en se servant du mot de Commende, on a suivi l’ancien usage, & que par consequent la Commende n’est pas une qualité nouvelle en fait de Souveraineté, ignorée par nos Anciens. On ne conteste point à Pierre Joseph, qu’il n’y ait eu des Commendes en matiere de Fief ; on conteste seulement l’idée qu’il s’en est faite & qu’il ne sçauroit soûtenir sans contredire toute l’Antiquité. Pour parler enfin avec plus de précision ; feudum incommendam alicui dare, signifie plutost donner l’investiture d’un Fief, infeoder une terre à quelqu’un, que donner un Fief en commende. Il faut consulter sur ce sujet les Formules de Marculphe du sçavant Mr Bignon (pag. 407) & on en conclurra que les paroles citées par le Sextius Salien, ne signifieront jamais qu’Idelfonse ait donné le Comté de Provence en Commende à son frere Raimond Berenger, mais qu’il luy en a donné l’investiture, ce qui est fort different, pour le posseder à la verité (comme l’a remarqué le docte Mr de S. Quentin) in præstaria, c’est à dire, en titre de Benefice reversible au Seigneur Suzerin aprés un temps limité, parce que dans ce temps-là les Infeodations à perpetuité estoient fort rares & s’accordoient difficilement ; & à ce sujet il faut remarquer que les Fiefs donnez in præstaria estoient differens des Fiefs hereditaires, qui s’appelloient honores, pour les distinguer du simple Alleu. On conclud necessairement de tout ce que je viens de dire, que Mr de Chasteüil n’a pas eu tort de soûtenir que dans la ligne des Comtes Proprietaires de Provence, il faut compter cinq Raymonds Berengers, puisque je viens de faire voir que les deux ausquels on conteste la proprieté de cet Etat, l’ont possedé sous le titre d’investiture, & de veritable infeodation ; puisque le second le posseda sous le même titre que Raymond Berenger, frere d’Idelfonse.

Je n’ay rien à répondre au trait de plaisanterie de Pierre Joseph, qui dit que comme je n’ay pas compris, le terme de Commende en fait de Fiefs, je pourrois bien estre de ceux qui prennent Seneque pour un Auteur de matieres Beneficiales, parce qu’il a fait un Traité des Benefices. Voila une pensée bien recherchée. Pour la rendre plus touchante, il n’avoit encore qu’à me comparer à cet Avocat qui, estant chargé d’une Cause pour une Fille qui avoit esté abusée, alla demander à un de ses Amis le Traité de l’Abus de Fevret.

Mais l’endroit sur lequel Pierre Joseph m’insulte plus, & où il veut plus faire l’agreable, est celuy, où j’ay dit que Guillaume Durand Evêque de Mende estoit un si grand Canoniste, qu’il en fut nommé le speculateur. À l’occasion de ce mot, nostre Critique étale toute son érudition, & il prend ce terme dans l’étymologie la plus éloignée. Il nous apprend donc que Speculateur, qui est dérivé de speculum ou de specula, ne signifie point ce que l’Auteur des Essais dit : Voila bien de l’érudition perduë, puisqu’un moment aprés, Pierre Joseph avoüe que c’est de la seconde étymologie (specula) que les Canonistes prennent la signification du mot d’Evêque ; Episcopus idest in specula constitutus ; & qu’enfin Guillaume Durand, Evêque de Mende, fut nommé le Speculateur, du grand ouvrage qu’il avoit fait sous le titre de speculum juris. Parler ainsi, n’est-ce pas tomber en contradiction avec soi-même, & prouver directement ce qu’on veut nier ? puisque dire que Guillaume Durand estoit un si grand Canoniste, qu’il en fut surnommé Speculateur, (Essai de May) & dire que Guillaume Durand fut nommé Speculateur du grand ouvrage qu’il avoit fait sous le titre : Speculum juris, (Dissertation, &c.) est absolument la même chose. Tous les raisonnemens que fait ensuite Pierre Joseph sur le Troubadour qui a porté le nom de Guillaume Durand, ne prouvent rien contre Mr de Chasteüil, qui n’a jamais eu intention de confondre le Poëte & l’Evêque, & qui a même corrigé les deux Nostradamus, qui les avoit confondus ; & en corrigeant leur erreur il a éclairci ce point d’Histoire dans ses Reflexions d’une maniere qui ne souffre plus de difficulté. D’ailleurs le Troubadour Durand mourut en 1270. comme le disent Nostradamus, la Croix du Maine, & du Verdier ; & le Speculateur ne mourut qu’en 1296. & c’est en quoy se sont trompez Gesner & Bellarmin. Le premier le fait fleurir en 1236. or s’il fleurissoit en ce temps-là, il est impossible qu’il ait vécu jusqu’à l’année 1296. & soixante ans aprés l’époque où ce Bibliographe met le periode de sa reputation. Il y a plus : il auroit fallu que cet Evêque eust vécu plus de cent ans, puisqu’aprés avoir fleuri en 1236. c’est à dire à l’âge de trente-cinq ou quarante ans (qui est à peu prés le temps où la reputation d’un homme est dans tout son éclat) il ne seroit mort que soixante années aprés, c’est-à-dire en 1296. Or les documens de l’Histoire sont contraires à l’opinion de Gesner & à celle de Bellarmin, qui le fait mourir en 1280. Durand dedia son ouvrage, divisé en trois volumes, au Cardinal Ottoboni 2 qui fut ensuite Pape sous le nom d’Adrien V. Ce même Auteur publia encore un excellent Traité sur la même matiere ; Repertorium juris, lib. 1.

La preuve la plus forte que Pierre Joseph apporte, pour faire voir que Mr de Chasteüil a confondu l’Evêque & le Poëte, se tire de cet adage : Mai vau calar, que fol parler, dont le Speculateur se servoit souvent : mais on luy a prouvé que cette locution proverbiale estoit comme hereditaire dans la famille des Durands, qu’elle y a duré jusqu’à nos jours, & qu’enfin c’estoit du premier Guillaume, que le Speculateur l’avoit prise. Enfin, outre que Pierre Joseph seroit fort en peine de soûtenir l’accusation qu’il forme contre Mr de Chasteüil, d’avoir confondu deux Auteurs fort differens, & qu’on le défie de montrer un seul endroit où ce dernier aye dit précisément que le Troubadour fut le même que le Speculateur ; je ne crois pas que quand il l’auroit dit, il eust fait en cela une grande injure à l’Ordre Episcopal. Combien de Papes & de grands Evêques ont fait gloire de sçavoir faire des Vers ? Les Papes Alexandre V. Innocent III. & Innocent VI. Urbain VIII. Meliton Evêque de Sardes, S. Gregoire de Nazianze, Heliodore Evêque de Trica, Pontus de Thiard, Evêque de Chalons sur Sône, feu Mr Godeau, Mr Fléchier aujourd’huy vivant, se sont fait honneur de la Poësie ; & parmy les personnes du second ordre les noms de Raimond Ferravi, Prieur Claustral de l’Abbaye de S. Honoré de Lerins, de Pierre Gentien, de Guillaume Coquillart, Official de Rheims, de Jean Gower, Chevalier Anglois, de Pierre de Gravina, de Claude Guichard, d’Henry Arnoul, Theologien Saxon, Secretaire des Peres du Concile de Basle, & qui se fit depuis Chartreux, de Baptiste Mantuan, Carme, qui fit ce beau Poëme où il parle d’une femme qu’il aimoit sous le nom de Faustus3, & de Gilbert Blochovius, autre Chartreux d’Utreckt, de Pierre de Lorris, de Geoffroy de Luc, de Jean de Macotourt & de Theodore de Beze, ne seroient peut-estre jamais passez jusqu’à nous, sans le talent que ceux qui les portoient avoient pour la Poësie & qu’ils prirent tant de soin de cultiver. Pour finir enfin ce qui regarde cet Article qui est dans la 9e Dissertation de Pierre Joseph, il faut remarquer que ce Critique s’est trompé lorsqu’il a crû que le Speculateur estoit mort à Nicosie, il mourut à Rome, comme Mr de Chasteüil le prouve tres-bien.

Pierre Joseph fait grand bruit sur un Anachronisme qu’il prétend que l’Apologiste des Troubadours a fait. C’est au sujet de la retraite de la Comtesse de Die, dans l’Abbaye de Tarascon. Il veut détruire ce fait, & en fait voir l’impossibilité par les dates de la mort de cette Dame, & de la fondation du Monastere. Cette Comtesse, dit-il, mourut avant l’an 1193. & le Monastere en question, ne fut fondé que plus de cent cinquante ans aprés, c’est-à-dire l’an 1358. & sur ce que j’avois dit dans l’Essai de May, que Mr de Chasteüil établissoit avec beaucoup de solidité, la certitude de la retraite de la belle Comtesse de Die … & qu’il remarquoit qu’il y avoit eu 3. Comtesses de Die, &c. Il me fait une allusion tout-à-fait ingenieuse de ces paroles du Prophete Isaye, (chap. 5. vers. 20.) Malheur à vous qui dites que le mal est bien, & que le bien est mal : car, continuë-t-il, avec le même transport de colere, à moins que de s’estre vendu on ne sçauroit parler de la sorte ; & qu’importe en cette rencontre qu’il y ait eu trois Comtesses de Die, puisqu’il ne s’agit que du temps de la fondation du Monastere de Tarascon. Or voyons si la colere de ce Critique, a un legitime fondement, & si j’ay merité le reproche d’Ecrivain venal, qu’il me fait si hardiment.

On doit d’abord remarquer que le sujet de la contestation est si leger que ce n’estoit pas la peine de s’enflammer, & je crois que c’est sur un point d’une si petite consequence, qu’on peut bien dire, & qu’importe que Paschal soit devant, ou Paschal soit derriere. En effet, quand j’aurois loüé mal-à-propos dans cette occasion Mr de Chasteüil, aurois-je dû m’être attiré pour cela le couroux de ce Critique, & une erreur qui interesse si peu la religion & les bonnes mœurs, devoit-elle faire tomber sur ma teste, les anathémes que le premier 4 dans l’ordre des Prophetes, lançoit de son temps contre les personnes, dont la perversité & la corruption des mœurs, aveugloient l’entendement. On doit juger par là, du danger qu’il y auroit de confier les tresors & les foudres de l’Eglise, à un Ministre qui en feroit un usage si indiscret ; mais ce n’est pas dequoy il s’agit à present, mais bien de sçavoir si j’ay pris le mal pour le bien dans cette occasion.

Je soûtiens donc que si j’ay paru suivre le sentiment de Mr de Chasteüil, ce n’a pas été sans connoissance de cause. L’autorité de la Croix du Maine, des deux Nostradamus, & de du Verdier, m’a déterminé dans cette conjoncture, & j’ay dû croire que l’Apologiste des Troubadours en les suivant avoit parlé avec certitude. Chorier, l’Historien de Dauphiné, a écrit la vie de la Comtesse de Die, de la maniere qu’on la lit dans les Arcs de triomphe, d’où il faut conclurre qu’il y avoit à Tarascon, ou dans le voisinage de cette Ville, quelque Maison de retraite du même nom, où l’une des Comtesses de Die, & celle sans doute, qui avoit esté élevée auprés de la Princesse Garsende de Forcalquier, s’estoit retirée aprés le mariage de cette Princesse avec Idelfonse II. Peut-estre aussi, que Nostradamus, qui écrivoit l’Histoire des Poëtes Provençaux (& c’est la conjecture de Mr de Chasteuïl) dans le temps que le dernier des Adhemars Comtes de Grignan estoit Gouverneur de Provence, crut faire sa Cour à ce Seigneur en suivant la Tradition de sa Maison, & celle du Bourg de Grignan, où on assure encore que Guillen Adheimar mourut d’amour pour la belle Comtesse de Die. Quoyqu’il en soit, lors qu’on a loué la découverte de Mr de Chasteuïl, l’éloge tomboit plus sur la retraite en general de cette Dame, que sur le lieu de sa retraite. D’ailleurs l’Apologiste des Troubadours, ne parle pas de cette retraite à la page 40e. de ses Reflexions, comme d’une verité incontestable, & il semble même par les termes qu’il employe, qu’il dispose son Lecteur à en douter ; & enfin il s’agissoit plus de la retraite, que du lieu de la retraite, & c’est plus de l’un que de l’autre, que j’ay dit, que Mr de Chasteüil l’avoit étably avec certitude.

Aprés avoir répondu aux points qui me regardent personnellement, dans les Dissertations de Pierre Joseph, j’ay cru que les remarques suivantes sur quelques endroits de son ouvrage, ne déplairoient pas au Lecteur.

Cet Auteur dit dans sa 4e Dissertation, que la Provence a esté connuë autrefois sous le nom d’Aquitaine ; je crois qu’il seroit fort embarassé de dire où & quand elle a esté connuë sous ce nom. Il cite le Moine Glaber, mais tout ce qu’on peut inferer du raisonnement de ce dernier & ce qu’on en doit uniquement conclure, c’est qu’on appelloit anciennement Aquitains tous ceux qui estoient des pays situez au-delà de Lyon, & on leur donnoit ce nom comme on leur donne aujourd’huy celuy de Gascons, mais ce qui est certain, c’est que les gens de cette Province ne se sont jamais appellez de ce nom.

On peut dire que nostre Pierre Joseph n’a pas bien étudié son Tite-Live Provençal lorsqu’il avance d’un ton Magistral, que Louis surnommé le Faineant épousa Constance de Provence, puisque tous les Historiens de cette Province conviennent que ce Prince épousa Blanche fille d’un Seigneur d’Aquitaine, & non pas Constance ; & en cette occasion nôtre Critique confond Blanche & Constance en une seule personne, en parlant de Louis le Faineant ; en un mot il seroit bien en peine de montrer l’endroit où le Moine Glaber parle de Constance.

Mais pour revenir au nom d’Aquitains ou Gascons donné anciennement aux Provençaux, il ne faut pas d’autre preuve que c’estoit seulement dans les Pays étrangers qu’on leur donnoit ce nom, que le trait attribué par Robert le Moine à un Provençal qui s’étoit retiré dans la Cour d’un Prince étranger. C’est Pierre Joseph qui nous le rapporte dans ses Dissertations, & qui dit qu’on donnoit comme par une espece de Sobriquet le nom d’Aquitain à ce Provençal. Le Sobriquet a toûjours passé pour une espece d’injure ou de raillerie ; ainsi si dans les Pays étrangers on donnoit le nom d’Aquitains ou de Gascons par maniere de Sobriquet aux Provençaux, c’est une preuve presque démonstrative qu’ils n’avoient pas ce nom, & qu’il ne leur étoit pas dû.

Il y a eu dans le temps des Rois d’Arles, des Comtes d’Aix particuliers, & les Legendes de Provence appellent un saint Evêque de Marseille nommé Canut, fils du Roy d’Aix ; c’est une remarque qu’il faut faire sur ce que Pierre Joseph dit que la Provence a été nommée Aquitaine, ab aquis sextiis, de la Ville d’Aix, où il y a des eaux chaudes. Voila ce que j’ay à remarquer sur les Dissertations de Pierre Joseph.

[Traité contre le luxe des hommes & des femmes] §

Mercure galant, juin 1705 [tome 6], p. 163-170.

Il paroist depuis peu un Livre intitulé : Traité contre le Luxe des hommes & des femmes, & contre le Luxe avec lequel on élevé les enfans de l’un & de l’autre sexe. Je sçay que l’Auteur, dont la modestie l’oblige à cacher son nom, n’avoit pas resolu de faire imprimer cet Ouvrage ; mais que le Manuscrit estant tombé entre les mains de quelques personnes qui ne sont pas moins distinguées par leur sçavoir & par leur profonde érudition, que par leur naissance, elles ont engagé l’Auteur à le donner au public, & luy ont même fait avoir toutes les permissions necessaires pour cela, craignant que dans le peu d’empressement qu’il avoit de mettre on Ouvrage au jour, il ne se donnast pas tous les soins necessaires pour les obtenir. Il est à présumer que ce Livre fera grand bruit & que deux partis ne manqueront pas de se declarer l’un pour, & l’autre contre. Les partisans de la vertu, & qui de tout temps ont esté ennemis declarez du Luxe ne manqueront pas d’applaudir avec justice à l’Auteur & à son Livre ; & ceux qui sont ensevelis dans le luxe & qui croyent que c’est le seul moyen de paroistre dans le monde avec distinction, sçauront fort mauvais gré à l’Auteur d’avoir donné au public un ouvrage qui les condamne : mais ce que diront les uns & les autres ne pourra que luy faire honneur. Le choix qu’il a fait de Monsieur le Duc de Beauvillier pour luy dedier son Livre, est si juste & si à propos, qu’il doit faire avoir bonne opinion de son ouvrage ; la sagesse de ce Ministre est connuë, & le grand poste où il se trouve ne l’a jamais fait sortir des bornes d’une modestie toute Chrestienne.

Comme les Chapitres d’un Livre font connoistre le plaisir qu’en peut donner la lecture, j’ay crû devoir mettre icy ceux dont traite le Livre dont je vous parle.

Chap. I. Du luxe en general.

Chap. II. Du luxe des habits.

Chap. III. Du luxe des femmes dans les parures.

Chap. IV. Contre le luxe des habits & des parures.

Chap. V. Sentimens des Anciens contre le luxe.

Chap. VI. Discours de Caton, Consul Romain, fait au peuple pour soutenir la loy Oppienne, contre le luxe des femmes.

Chap. VII. Discours de Valerius, Tribun du peuple, en faveur des Dames Romaines pour la revocation de la loy Oppienne.

Chap. VIII. Des effets funestes du luxe parmi les Romains & autres peuples.

Chap. IX. Des moyens qu’on a pratiquez anciennement pour reprimer le luxe.

Chap. X. Du luxe de la table.

Chap. XI. Du luxe des équipages.

Chap. XII. Reflexions contre le luxe des équipages.

Chap. XIII. Exemple memorable de moderation contre le luxe des équipages.

Chap. XIV. Conseils aux Dames contre le luxe.

Chap. XV. Du luxe des meubles.

Chap. XVI. Reflexions contre le luxe des ameublemens.

Chap. XVII. Du luxe dans l’éducation des enfans.

Chap. XVIII. Du luxe dans l’éducation des filles.

Chap. XIX. De la frugalité.

Chap. XX. De la modestie.

Chap. XXI. De l’émulation qui est parmi les femmes pour les parures.

Ce Livre se vend chez le sieur Brunet, dans la grande Salle du Palais, à l’enseigne du Mercure Galant.

Air nouveau §

Mercure galant, juin 1705 [tome 6], p. 170-171.M. Maiz est probablement l'auteur de la musique de cet air, bien que le périodique ne l'indique pas. La musique des airs du Mercure de février 1704, du Mercure de mars 1704, du Mercure de juillet 1704, du Mercure d'août 1704, du Mercure de septembre 1704, du Mercure de mai 1705, du Mercure de juillet 1705, du Mercure d'août 1705, du Mercure de décembre 1705 lui est en effet attribuée.

Je me trompay le mois passé, & je mis dans ma derniere Lettre les paroles d’un air que je ne vous envoyay pas. Voicy les paroles que je crûs vous avoir envoyées. Vous sçavez qu’elles sont de Mr de Metz qui n’en fait point d’autres que pour le Roy.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par Grand Dieu, de qui Loüis, doit regarder la page, 170.
Grand Dieu, de qui Loüis a reçû la Couronne,
Conservez-nous long-temps son auguste personne :
Faites qu’il soit un jour aussi saint dans les Cieux,
Qu’il est dessus la terre & grand & glorieux.
images/1705-06_170.JPG

[Addition de l’Auteur des Essais de Litterature à la pièce qui est de luy dans ce même Volume] §

Mercure galant, juin 1705 [tome 6], p. 336-337.

Voicy ce que l’Auteur des Essais de Litterature ajoûte à la Réponse à la Dissertation de Pierre Joseph, dont la suite est au commencement de ma Lettre, Je dois ajoûter pour prévenir les remarques des Critiques qui pourroient trouver à redire, qu’en parlant du Pape Adrien V. (à la page 60. de ma Dissertation) j’aye dit qu’il estoit de la Maison Ottoboni, que je n’ignore pas qu’il estoit de celle de Fiesque, & que lorsque j’ay avancé qu’il étoit de la mesme Maison que le Pape Alexandre VIII. je n’ay prétendu dire autre chose, sinon qu’il en estoit du costé maternel, puisque son ayeule estoit Venitienne & sortie de la Maison Ottoboni, & qu’elle obligea ses enfans de joindre le nom d’Ottoboni à celuy de Fiesque.

Autre §

Mercure galant, juin 1705 [tome 6], p. 356-357.

AUTRE.

Le 16. les Ennemis embarquerent leur artillerie & leurs gros équipages, & décamperent le soir sur les neuf heures, sans trompettes & à la sourdine ; ce qui dura jusqu’au lendemain midy qu’on vit leur arriere-garde se retirer. Ils firent passer la Moselle à leur droite, & ils plierent leur gauche, & s’en allerent droit à Consarbrik, où toute leur armée repassa la Sarre & s’en alla à Tréves. Ils apprehendoient apparemment que nous ne voulussions donner sur quelqu’une de leurs ailes, puisqu’ils ont pris tant de precautions pour nous abandonner honteusement le Païs. D’abord Mr le Maréchal crût que c’étoit une feinte pour nous faire décamper du poste où nous sommes, ou qu’ils faisoient paroistre ainsi une teste de leur armée, pendant qu’il y avoit quelque detachement, qui défiloit pour se saisir de Bouzonville, & ensuite aller à Sar-Loüis ; c’est pourquoy il avoit resolu de commander la Brigade de Picardie avec la Maison du Roy pour leur donner la chasse : mais les nouvelles vinrent qu’ils se retiroient veritablement à Tréves. Mr le Maréchal dit en colere, Que c’étoit la montagne qui avoit enfanté la souris.

Enigme §

Mercure galant, juin 1705 [tome 6], p. 384-387.

Le mot de l’Enigme du mois passé estoit la Plume, ceux qui l’ont trouvé sont Mrs Laurent de S. Loup : de Montgelas ; le beau Julien, de la ruë de la Cossonnerie : le sieur Roze, Perspecteur, ruë S. Vincent : le charmant Brun, du Nom de Jesus de la ruë S. Jacque : le beau Blond de dessous les Piliers des Halles ; le Cœur bannal : Tamiriste : l’Agreable dans les compagnies : Canelle, ruë d’Enfer : le Heros du Canada : le troisiéme Roi de Pologne : l’Ami content de Versailles : Gagnat, mon petit Poulet : le Mari de Margot aux belles dents : le pere des trois pucelles, de la ruë du bout du monde : le Solitaire Desangloux, & sa grosse Gouvernante : l’apprentif, de la Barriere du petit marché, & sa charmante voisine de la ruë de Bussi. Mlle du Moustier la fille, de la ruë de l’Echarpe : la charmante Cataut, de la courte-ruë : la charmante Javotte, du quartier de S. Sulpice, & son Amant : Luce, ruë S. Honoré, proche les bâtons Royaux : Marie Caron, dite Belotte, de Beauvais : la belle pensionnaire de la ruë du bout du monde : la grande amie du gros merite : l’aimable Brune, du quartier de S. Nicolas : les deux inseparables, de la ruë S. Denis : la Brune Notennay, & Ellibis.

Je vous envoye une Enigme nouvelle.

ENIGME.

Il est vray, je suis mere, & divers enfans,
Et je les ay dés mon enfance ;
Mais les petits, comme les grands,
Sont égaux d’âge & de naissance,
Et viennent tous à même temps.
Chacun d’eux, sans en estre morne,
Se croit à ce sort destiné,
Qu’il doit, au moment qu’il est né,
En sa teste porter la corne.
Ils sont tous disposez à me rendre service ;
Mais telle est la severe Loy,
Que si l’on me reprend pour quelques malefice,
Chacun d’eux passant pour complice,
Ils sont tous punis avec moy.

Air nouveau §

Mercure galant, juin 1705 [tome 6], p. 387.

L’Air qui suit ne vous déplaira pas.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’air qui commence par Venez, venez, tendre amours, doit regarder la page, 387.
Venez, venez, tendre amours,
Fondez la glace de nos ames :
Venez, venez, en ces beaux jours :
Brûlez-nous de vos douces flames.
images/1705-06_387.JPG