1705

Mercure galant, juillet 1705 [tome 7].

2017
Source : Mercure galant, juillet 1705 [tome 7].
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Mercure galant, juillet 1705 [tome 7]. §

[Reflexions sur la Rhetorique] §

Mercure galant, juillet 1705 [tome 7], p. 19-22.

Mr Gibert, l’un des Professeurs d’éloquence au College de Mazarin, vient de donner au public le livre dont je vous ay parlé dans une de mes Lettres précedentes ; il est intitulé : Reflexions sur la Rhetorique, où l’on répond aux objections du Pere l’Amy, Benedictin. La querelle de Mr Gibert & du Pere l’Amy commença, comme je vous ay déja dit, du tems de Mr Arnauld, dont nostre Professeur soûtient aujourd’hui vigoureusement les sentimens, j’entends sur l’éloquence. On sent en lisant cet Ouvrage, que l’Auteur est plein de la lecture des livres de Ciceron, de Quintilien & de S. Augustin ; & il met heureusement en pratique les régles que ces grands modéles d’éloquence nous ont laissées sur l’art des Orateurs. Il établit d’une maniere incontestable, la conformité des préceptes d’éloquence que l’on donne aux jeunes gens dans les Colleges, avec ceux que nous ont donnez les plus excellens Orateurs de l’antiquité ; & il fait voir que la seule difference qu’on y trouve, c’est que les préceptes d’aujourd’huy sont donnez avec bien moins d’ornemens & d’étenduë, que ceux que ces grands Hommes nous ont laissez. Il fait connoître aussi qu’on n’en donne point d’autres, & qu’on prévient les abus qu’on en peut faire, non par de vaines reflexions de Philosophie (il attaque en cet endroit les Metaphisiciens) mais par les principes de la conscience & de la Religion. Ce raport une fois établi, le Lecteur conclud naturellement que le P. l’Amy a attaqué, non pas Mr Gibert ; mais Ciceron, Quintilien & S. Augustin. Ce Livre se vend chez Michel David, sur le Quay des Augustins, à la Providence.

[Article de litterature] §

Mercure galant, juillet 1705 [tome 7], p. 44-46.

Le bruit qui a couru en France de la mort du celebre Mr Bayle, est faux ; il travaille à un suplément de son Dictionnaire, & il promet de répondre à ce que Mr Jaquelot vient de publier contre lui. On distribuë en Hollande, depuis le commencement de l’année, un ouvrage de cet ingenieux auteur, intitulé : Continuation de pensées diverses, écrites à un Docteur de Sorbonne, à l’occasion de la Comete qui parut au mois de Decembre 1680. où Réponse à plusieurs difficultez que Mr *** a proposées à l’Auteur. On croit que Mr l’Abbé de la M. *** connu dans la Republique des Lettres, par la grande connoissance qu’il a des Livres, est ce Docteur de Sorbonne. On sçait qu’il a d’étroites relations avec Mr Bayle ; & c’est ce qui donne lieu à la conjecture.

[Epitaphe Romaine découverte depuis peu à Lion] §

Mercure galant, juillet 1705 [tome 7], p. 102-103.

On a découvert depuis peu à Lion une épitaphe Romaine, dans laquelle il y a une expression tres-singuliere. La voicy.

D.M.
Et quieti perpetuæ
Cn. Dani solemniis qui vixit
Annos xxv. menses vii.
Cn. Danius
Minuso memoriæ æternæ
Liberti Pussimi deceptus.
Quidem sub ascia dedicavit.

Cette expression, Deceptus quidem, est fort rare ; & le P. de Colonia qui a vû ce monument & qui entend assez bien l’antiquité, nous assure qu’il ne l’a encore trouvée nulle part, mais ce ne seroit pas une consequence fort seure, si Mr de la Vallette qui est un des hommes du Royaume qui l’entend le mieux, & qui est un Gentilhomme qui a un goust exquis & une érudition fort étenduë, n’estoit dans le même sentiment, & n’avoit fait placer dans la cour de sa maison, la pierre sur laquelle s’est trouvée cette épitaphe.

[Nouvelle découverte de neuf cens medailles antiques & d’argent] §

Mercure galant, juillet 1705 [tome 7], p. 104-108.

Ce qui suit touchant les Medailles, a esté tiré d’une Lettre du Pere Bontoux Jesuite, écrite de Lion à un Abbé qui reside à Paris. Ce Pere est connu par les progrés qu’il a faits en plusieurs genres de Litterature ; il est bon Poëte, excellent Predicateur, & a de grandes connoissances de l’Antiquité.

On a découvert depuis peu plusieurs Medailles, sur la rive du Rhône, dans le vieux chemin qui méne de Lion à Narbonne, & qu’Agrippa fit faire autrefois. Cette découverte a esté faite par un païsan ; il a découvert à deux pieds de terre en creusant, un vase de cuivre rouge dans lequel il y avoit neuf cens Medailles d’argent, ou, pour mieux dire, de billon, comme sont presque toutes celles de ce temps-là. Ces Medailles sont presque toutes depuis Balbin jusqu’à Posthume, & il n’y en a que trois de Posthume ; ce qui fait croire qu’elles furent cachées au commencement de son Gouvernement, & qu’elles sont demeurées en terre plus de quatorze cens cinquante ans. Voici les principales.

L’Empereur Severe, avec la Legende P.M. Trp. XIIII. Cos. 111.

Antonin son fils, avec la legende : Adventus Augg. Adventus Augustorum duorum, & une Galere.

Alexandre Severe : Perpetuitati Aug.

Pupien, avec la legende : Patres Senatus.

Gordien III. Jovis Stator. Le même à cheval, avec la legende : P.M. Trp. 111. Cos. P.P.

Philippe le pere, avec ces differentes Inscriptions : Ætern. Imp. Felicitas, Impp. Nobilitas Augg. Tranquillitas Augg. Victoria carpita, & pax fundata cum Persis.

Valerien le pere, avec la legende : Felicitas sæcli. Le même Empereur : Liberalitas Augg.

Gallien : Jovi victori. Le même : Victoria Parthica.

Salonine femme de Gallien : Augusta in pace.

[Recuëil de poësies Italiennes] §

Mercure galant, juillet 1705 [tome 7], p. 108-109.

Le Signor Alessandro Marchetti a dedié à Son Altesse Royale Monsieur le Prince de Toscane, son Recüeil de Poësies ; les loüanges du Roy tres-Chrestien y sont touchées d’une maniere noble & proportionnée à son sujet. Monsieur le Grand Duc & les Princes de sa Maison, les Hommes illustres qui ornent l’Italie, & entr’autres le fameux Magliabecchi, grand Bibliothecaire de ce Prince, ont tous occupé la Muse de nostre Poëte.

Air nouveau §

Mercure galant, juillet 1705 [tome 7], p. 109-111.

Les paroles suivantes sont de Mr de Choisel & regardent le Roy. Je vous en ay donné un si grand nombre de cet Auteur, qu’il semble qu’il ne travaille que pour Sa Majesté. Mr de Mez a fait les Airs de toutes ces paroles ; ils sont tous deux de la Fléche en Anjou.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par Orgüeilleux ennemis, doit regarder la page 110.
Orgüeilleux ennemis, quel sujet vous engage
A liguer contre nous tant de peuples divers,
Et troubler une paix qu’un Roy vaillant & sage
Avoit par sa bonté donnée à l’Univers !
Tous vos puissans efforts vont le combler de gloire,
D’un triomphe achevé tout l’assure aujourd’huy ;
Rien ne peut à ce Prince enlever la Victoire ;
C’est pour Dieu qu’il combat, & Dieu combat pour luy.
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[Nouvelles découvertes sur la Guittarre] §

Mercure galant, juillet 1705 [tome 7], p. 111-112.

Mr Campion vient de mettre au jour un Livre de Pieces de Guitarre, intitulé : Nouvelles découvertes sur la Guitarre, contenantes plusieurs Pieces sur huit manieres differentes d’accorder. Il est dedié à Mr le Maréchal Duc de Noailles.

On connoist par ces nouvelles manieres d’accorder, que les modes de Musique les plus transposez deviennent faciles & naturels sur cet Instrument. Le beau chant de ces pieces qui sont propres à toutes sortes de concerts, & qui a esté inconnu jusques à present, luy a fait meriter l’approbation du public. On peut dire qu’il a découvert une nouvelle étenduë à cet Instrument que l’on ne connoissoit point encore, chacun l’ayant crû tres-borné. Ce Livre se vend chez Michel Brunet, grande Salle du Palais, au Mercure Galant.

Sonnet §

Mercure galant, juillet 1705 [tome 7], p. 112-114.

Une Dame ayant demandé à Mr le Gendre de la Terrasse, connu par plusieurs ouvrages de Poësie, une déclaration d’amour d’un stile extraordinaire, il luy envoya le Sonnet suivant. Il seroit difficile d’en trouver un plus emphatique & plus rempli de feu.

SONNET.

Des antres de Vulcain les fournaises ardentes,
Où mille Forgerons & la nuit & le jour,
S’empressent à tirer des flammes devorantes
Les fers étincellans qu’ils frapent tour à tour.
***
Du formidable Etna les entrailles brûlantes,
Dont l’ardeur fait fumer les rochers d’alentour :
Ce Fleuve renommé par ses ondes boüillantes,
Qu’on traverse en entrant dans l’infernal sejour.
***
Enfin cette vapeur si long-temps retenuë,
S’arrache avec éclat des prisons de la nuë,
Dont le marbre & l’airain éprouvent la fureur.
***
Tous ces feux les plus vifs qui soient dans la nature,
Ne sont, cruelle Iris, qu’une foible peinture,
Des feux dont vos beaux yeux ont embrasé mon cœur.

[Troisième article de morts] §

Mercure galant, juillet 1705 [tome 7], p. 164-184.

Mr de la Chetardie, Brigadier des Armées du Roy, & cy-devant Inspecteur des Troupes d’Alsace, est mort à Landrecies, dont il estoit Gouverneur. Il y avoit long-temps qu’il estoit dans le service. Il estoit cousin de Mr le Curé de saint Sulpice, & d’une bonne maison de Poitou.

Landrecies est une Ville considerable du Hainaut, sur la Riviere de Meuse, à trois lieues du Quesnoy, & à six de Valenciennes. L’Empereur Charle-Quint la prit en 1543. à la teste d’une nombreuse Armée. Elle fut reprise sur les Espagnols en 1547. qui la reprirent quelque tems aprés. L’Armée du Roy la prit encore en 1655. & enfin elle nous est restée par le trente septiéme Article, si je ne me trompe du Traité d’Aix-la-Chapelle, conclu en 1659.

Mr Lestrade, Lieutenant des Gardes du Corps & Maréchal des Camps & Armées du Roy, a eu le Gouvernement de Landrecies. C’est un Officier d’un merite, & d’une valeur reconnuë. Il a merité cette récompense par ses longs services, ayant passé par tous les degrez de son Corps, & s’estant distingué dans plusieurs actions.

Monsieur le Cardinal de Noailles ayant appris la mort de Mr l’Evêque & Comte de Valence, son Eminence dit à l’Assemblée, que l’on sçavoit la perte qu’elle venoit de faire de Mr l’Evêque de Valence, qui meritoit d’estre regretté de la Compagnie, par toutes les qualitez aimables & estimables qui estoient en luy, & par le zéle avec lequel il avoit servi le Clergé dans plusieurs Assemblées : Qu’aprés avoir donné à Mr de Valence pendant sa vie tant de marques d’estime & de consideration, il estoit persuadé qu’elle voudroit bien luy rendre aprés sa mort, les devoirs de religion & de pieté qu’on a coûtume de rendre aux Prelats, qui meurent pendant la tenuë des Assemblées ; & qu’en attendant qu’on resolust la maniere dont on luy feroit un Service solennel, il estoit de l’usage de dire un De profundis. Aussi-tôt la Compagnie se leva, & Mr le Cardinal commença le De profundis, qui fut continué par Mrs les Députez ; & l’Assemblée remit à une autre séance à fixer le jour du Service qu’elle devoit faire pour ce Prelat. Il se nommoit Mre Guillaume Bochart de Champigny ; & avoit esté cy-devant Archidiacre de Roüen & grand Vicaire de Pontoise. Il est mort dans l’Hôtel de la Tresorerie de la sainte Chapelle du Palais, chez Mr l’Abbé de Champigny son frere, qui en est Tresorier. Il n’estoit âgé que de cinquante cinq ans ; il estoit fort estimé & fort aimé dans son Diocese. Il a trois freres vivans ; l’un Intendant du Havre, & qui l’a esté du Canada, aprés avoir esté Conseiller au Parlement de Paris ; le Tresorier de la sainte Chapelle ; le troisiéme est Prévost du Chapitre de Lille en Flandres ; & Guy Bochart Chevalier de Malthe, tué au siege de Nimegue, estoit aussi frere du défunt. Leur pere qui avoit esté Maistre des Requestes & Conseiller d’Etat, estoit petit-fils du premier President Bochart, qui avoit merité par ses services d’estre mis à la teste du premier Parlement du Royaume ; & il avoit un frere Chartreux à Paris, qui passoit pour un homme d’un genie superieur. L’autre branche de Mrs Bochart est celle de Saron ; elle descend aussi du premier President Bochart. Mr de Saron, Conseiller au Parlement de Paris, est frere de Mr l’Evêque de Clermont, & pere de Mr de Saron qui a épousé la sœur de Mr de Pontcarré premier President du Parlement de Roüen, de Mr l’Abbé de Saron, Tresorier de la sainte Chapelle de Vincennes ; & de Mr l’Abbé de Saron, Chanoine de l’Eglise de Paris. La mere de Mr l’Evêque de Valence estoit de la maison de Boivin. La maison de Bochart est tres-ancienne ; Mrs de Champigny en sont les aînez.

Mr l’Evêque de Valence a esté enterré le Lundy 6. de Juillet, entre neuf & dix heures du soir, dans la sainte Chapelle basse. Les Augustins qui sont les Chapelains du Clergé quand il est assemblé, y assisterent & porterent le corps. Mr l’Abbé Dongois, Chanoine de la sainte Chapelle, portoit l’étole, Mr le Tresorier ne s’étant pas trouvé à l’enterrement. Mr l’Abbé de Maulevrier, Agent General du Clergé, & Mr l’Abbé de Persigny, Doyen de Nostre-Dame & Député de la Province de Paris, y assisterent de la part du Clergé. Les deux Aumôniers du défunt marchoient les premiers aprés le corps, en rochet & en manteau long ; l’un portant la couronne de Comte, parce que l’Evêque de Valence est Comte de Valencinois ; & l’autre portant le cœur de ce Prelat, qui devoit estre inhumé dans l’Eglise Cathedrale de Valence.

Mrs de l’Assemblée generale du Clergé firent faire un service magnifique pour feu Mr l’Evêque de Valence, dans l’Eglise des grands Augustins, le 15. du mois passé. L’Eglise estoit toute tenduë de noir, avec deux laiz de velours couverts d’écussons aux armoiries du défunt. La representation estoit sous un magnifique daiz de velours noir ; elle estoit élevée de six degrez, & entourrée d’un grand nombre de chandeliers d’argent garnis de cierges. Mr l’Evêque de Coûtances officia, il avoit pour Diacre & Soûdiacre, Mrs les Abbez de Malissole & de Tencin. Les quatre Prelats qui firent les Absoutes à la fin de la Messe, sont Mrs les Evêques de Senlis, de Condom, de Blois & d’Alet. La Messe fut chantée à deux Chœurs par les Peres Augustins. Les Evêques qui ne sont pas de l’Assemblée & qui y assisterent, sont Mr l’Archevêque d’Aix, Mr l’Evêque de Metz, Mr l’Evêque de Soissons, l’ancien Evêque de Condom, & Mr l’Evêque de Meaux. La parenté du défunt Evêque, qui est tres-illustre & tres-considérable, fut placée sur des formes, qui avoient esté mises exprés dans le Chœur. Les Abbez qui se trouverent à ce service, & les Chanoines de la sainte Chapelle qui y assisterent presque tous, estoient placez dans le Sanctuaire.

Mre Nicolas Petitpied, Prêtre, Docteur de la Maison & Societé de Sorbonne, Chanoine & Sous-Chantre de l’Eglise de Nostre-Dame de Paris, ancien Chefcier de l’Eglise de S. Estienne des Grez, & ancien Curé de S. Martial & Conseiller Clerc au Châtelet, est mort au commencement du mois dernier, âgé d’environ soixante dix-huit ans. Il a esté enterré, ainsi qu’il l’avoit souhaité, dans l’Eglise de Nôtre-Dame. Il avoit passé sa vie dans une application continuelle à ses devoirs, & dans l’exercice assidu des œuvres de charité. Il a donné en mourant des marques de l’amour qu’il avoit pour les pauvres ; le bien qu’il leur a fait, en dit plus que tous les éloges que je pourrois luy donner. Il a laissé dix mille livres à l’Hôtel Dieu, & environ la même somme à l’Hôpital de la Misericorde, dont il estoit Superieur ; il a donné des legs à plusieurs autres Maisons Religieuses qui en avoient assez besoin. Il a donné cinq ou six mille livres à l’Hôpital des Quinze-vingts ; & il a mis ses domestiques, par le bien qu’il leur a fait, en estat de se passer de maîtres. Il a laissé à l’Eglise de Paris un fonds de soixante quinze mille livres ; & une partie de cette somme est destinée pour augmenter le revenu de sa Dignité, & l’autre pour augmenter la retribution des Matines, qui se disent à minuit dans cette Eglise. Il y a déja quelques années qu’il avoit donné à cette Eglise un Calice d’or, qui est estimé plus de quarante mille livres. Il a donné douze cens livres de rente à la Maison de Sorbonne, & a laissé à cette même Maison sa Bibliothéque, où il y a quantité de manuscrits. Il a donné cinq cens livres de rente au Chapitre de saint Estienne des Grez, à la charge de se desister des appels d’un reglement que le Chapitre de Nôtre-Dame avoit fait, sans quoy ce legs doit retourner à Nôtre-Dame. Il a donné aussi quatre mille livres à la Fabrique de l’Eglise de saint Martial dont il a esté autre-fois Curé, & il a donné encore à cette Eglise, sa belle Etolle qui a coûté six cens liv. & il y a fondé quatre services ; un pour luy ; le second pour le Curé auquel il avoit succedé ; & deux autres pour Mrs de la grande Confrairie de l’Eglise de Nôtre-Dame, qui doivent y faire chanter deux grandes Messes, aux jours qu’il a marquez dans son Testament. Il estoit frere de Mr Petitpied Avocat au Parlement de Paris, qui s’est rendu celebre par ses Plaidoyez, & par la connoissance qu’il avoit de la Jurisprudence. Cet Avocat a laissé plusieurs enfans, sçavoir Mr Petitpied, l’aîné, qui ne s’est point marié, Mr de Vaubreüil, Auditeur des Comptes ; & Mr Petitpied Docteur de Sorbonne, & cy-devant Professeur en Theologie ; & quelques filles. Mr Petitpied a fait ses neveux legataires universels.

Mr l’Abbé de Dreux, Conseiller au grand Conseil, Chanoine honoraire de l’Eglise de Paris, frere de Mr de Dreux, Conseiller à la grand’Chambre & oncle Mr le Marquis de Dreux, de Grand Maître des Ceremonies de France, a succedé à la Dignité de Soûchantre.

Mre N... Lizot, ancien Curé de S. Severin, est mort, âgé de prés de quatre-vingt ans ; il est peu de Pasteurs qui ayent fait plus de bien que luy dans leurs Paroisses. Il estoit vigilant, & entroit par luy-même dans tous les besoins de ses Paroissiens. Il estoit sur tout le pere des pauvres ; il leur a fait des charitez qui excedoient souvent ses forces, on en rapporte des circonstances étonnantes. Voicy entr’autres un trait de son désinteressement. Un de ses Vicaires qui laissoit une succession assez considerable, le fit à la mort son legataire universel ; dés qu’il eut les yeux fermez, Mr Lizot envoya chercher les heritiers naturels du deffunt, ausquels il partagea la succession de leur parent, à l’exception des contrats & billets sous seing privé, qu’il rendit aux debiteurs qu’il avoit fait avertir. Il avoit resigné sa Cure depuis environ une année, à Mr Pinelle son Vicaire. Mr Lizot estoit frere de feu Mr Lizot, premier Medecin de feuë S.A.R. Monsieur ; ils estoient de la Ville de Caën, & d’une tres-bonne famille. Ce Curé avoit un talent particulier pour faire les Prosnes ; il ne se servoit que de l’Homelie du jour, mais il l’expliquoit d’une maniere solide, & qui estoit à la portée de tous ses auditeurs. Mr Lizot avoit succedé dans la Cure de S. Severin à Mr le Tellier, aujourd’huy Evêque de Digne ; feuë S.A.R. Mademoiselle, dont Mr Lizot estoit Confesseur, voulant l’attacher auprés d’elle, luy fit avoir cette Cure, en faisant donner un Evêché à Mr le Tellier. Mr Lizot avoit esté long-temps Vicaire de cette Paroisse, & il l’avoit esté auparavant de celle de Saint Cosme, dont il disputa même la Cure qui luy avoit esté resignée, contre feu Mr Deffita, dernier Titulaire, & frere de feu Mr le Lieutenant Criminel ; mais comme elle dépend de l’Université, elle fut declarée de Patronage laïque, & on jugea par consequent qu’on ne pouvoit la resigner.

Enigme §

Mercure galant, juillet 1705 [tome 7], p. 353-356.

Le mot de l’Enigme du mois dernier est la Main. Ceux qui l’ont trouvé sont Mrs Bertier, Curé de Parly, prés d’Auxerre : Daniel le Chin, Procureur Fiscal d’Eglegny ; & son amy le sieur Trébuchet, Lieutenant dudit lieu : Medard Labitte, & R. Mottet de l’homme, P.D. M : Fleury, Marchand à la Rochelle, & son Procureur le sieur Prévost : Deslandes-Blaizot, de S. Brieuc : Besse, Languedocien pour la vie : Jordy le Cadet, & son fidele amy : le Solitaire Desangloux, & son gros amy Alliot : l’Agreable dans les Compagnies : le Heros du Canada : le troisiéme Roy de Pologne : Canelle de la ruë d’Enfer : l’amy content de Versailles : l’Echo fidele : l’Amant constant & malheureux : le Rival heureux, de la ruë Guisarde, & la Charmante Javotte : Mlles de la Marre : Martin, & d’Avimare : la petite Manon Benjamine, du faubourg S. Germain : Catin Toffier, de la ruë S. Martin : la Timide & spirituelle Me Lucas, de la Butte S. Roch : sa bonne Maman, & sa chere sœur Marie-Anne : la sœur aînée : l’Amante de Marly.

Je vous envoye une Enigme nouvelle.

ENIGME.

Bien que je sois commun dans toutes les Provinces,
Que l’on me foule aux pieds mesme dans mon terroir,
On me voit fort souvent à la table des Princes ;
Plusieurs dans leurs repas sont ravis de m’avoir :
Je ne suis pourtant pas aimé de tout le monde,
Ma couleur est ardente ou blonde ;
Et toutes les vertus qui m’ont fait adorer,
Me font souvent perdre la vie,
Mais mon trépas a souvent fait pleurer,
Ceux qui me l’ont ravie.

Air nouveau §

Mercure galant, juillet 1705 [tome 7], p. 357.

L’Air que je vous envoie, est de Mr de Montaillis.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’air qui commence par Le Soleil trop ardent fait languir la nature, doit regarder la page 357.
Le Soleil trop ardent fait languir la nature
Nos bois, nos prez & nos Côteaux
Perdent l’éclat de leur verdure
  Et nos ruisseaux,
  Leur doux murmure ;
L’ardeur de ses rayons brûlans
Détruit les dons de Cerés & de Flore :
Mais ses feux ne sont point encor si violens,
Que ceux dont l’amour me dévore.
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[Lettre sur la surprise des lignes]* §

Mercure galant, juillet 1705 [tome 7], p. 374-382.

Voicy une Lettre qui vous apprendra ce qui se passa depuis la surprise des lignes jusques au 22. de ce mois.

Du 22. Juillet.

Les ennemis envoyerent un Trompette le 19. de ce mois, Dimanche dernier, jour qu’ils sont arrivez devant Louvain, au Bourguemestre de la Ville, pour luy dire de leur en faire ouvrir les portes, afin qu’ils pussent poursuivre les François, ou de leur donner cinq tonnes d’or ; & que pour se resoudre, ils ne luy donnoient que deux heures, ou qu’autrement ils les brûleroient. Ce Magistrat leur répondit sur le champ, qu’ils estoient maîtres de faire ce qu’il leur plairoit. Les ennemis veulent à ce que l’on dit, bombarder la Ville, & ils dressent même une batterie sur la riviere ; pour cet effet ils ont fait venir six vingts-quatre pieces de gros canon, qui sont à Tirlemont d’avant-hier, & qui n’ont pû arriver à leur Camp, à cause qu’il pleut depuis deux fois vingt quatre heures. Louvain apprehende sur tout les Anglois, qui commettent des impietez abominables, par tout où ils passent ; ils ont tué dans un Village le Curé & une femme grosse, & ont pris le saint Ciboire dans lequel ils ont bû, aprés avoir jetté les Hosties, & les avoir foulées aux pieds. Cela irrite les Flamands contre eux. Les ennemis manquent de pain dans leur Camp ; la livre vaut chez eux trois escalins, c’est à dire, monnoye de France vingt-six sols & un liard. Le Mylord Duc de Marlboroug dit qu’il veut faire cuire du pain dans Louvain, & qu’il ne veut pour en faire ouvrir les portes, qu’un canon : mais il y a un peu de fanfaronnade, car on ne prend pas si facilement une Ville, quand il y a une grande Armée campée derriere. De la maniere que nous sommes campez, nous mettons à couvert, Louvain, Malines, Bruxelles, Liere, & Anvers nous avons la Ville de Louvain vis-à-vis de nostre droite, & la riviere de Dyle qui passe au travers, est à nostre gauche ; l’Infanterie borde cette riviere, & nous avons fait sur les bords un retranchement tout du long. Les ennemis témoignent qu’ils veulent absolument la passer, nous voulons les en empêcher, & nous prenons serieusement toutes les mesures pour cela. Ils voulurent avant-hier établir un Pont ; mais nous les obligeâmes de se retirer, & nous jettâmes leurs pieces de bois dans l’eau. Comme ils ont les mêmes postes que nous sur la riviere, c’est-à-dire, les uns d’un costé, les autres de l’autre, il y a souvent des escarmouches ; & quand on croit que l’un ou l’autre party est le plus foible, l’on fait monter le piquet à cheval de part & d’autre : & c’est ce qui arriva hier, lorsqu’ils voulurent faire une tentative pour sonder la riviere. Nos grandes Gardes & les leurs se battent à tous momens. Tout cecy pourroit nous engager à une affaire ; au moins nous y attendons-nous, car leur grand dessein est de prendre Louvain. Ils ne peuvent le faire qu’en l’investissant ; & pour cela il faut passer la riviere & nous faire décamper : ce qui ne leur sera pas facile. Il est vray qu’à la faveur de leur canon ils peuvent jetter des Ponts ; car lors que nous voulûmes secourir Namur que le Prince d’Orange assiegeoit, le même cas arriva pour nous qu’il est à present pour eux, & nous jettâmes des Ponts sur la riviere devant presque autant de Regimens qu’il y en avoit dans l’Armée ennemie, à la faveur de nostre canon. Car pendant que l’on tire on les jette fort bien dans les intervalles ; mais aprés cela il faut passer, & c’est ce que nous empêcherons. Hier cinq cent maistres de la Maison du Roy & de la Gendarmerie accompagnerent Mr le Maréchal qui alla reconnoistre un Camp à deux lieuës d’ici, afin de suivre les ennemis, en cas qu’ils aillent à Namur. Comme ils ont un Pont sur la riviere, qui est à Herarle, à un demi quart de lieuë de Louvain, les Bourgeois de cette Ville l’ont rompu, & ont lâché leurs écluses ; de sorte que de ce costé-là la plaine est inondée, & que l’on y a de l’eau jusques à la ceinture. Nous avons des Troupes depuis nostre Camp jusqu’à Anvers, par la jonction de Mr de la Mothe. Mylord Marlboroug a envoyé un Trompette avec un Passeport pour avertir tout ce Pays-cy de contribuer ; mais on l’a renvoyé en luy declarant que s’il revenoit, ou que s’il en renvoyoit un autre pour le même sujet, on le jetteroit dans la riviere. Nous croyons le siege de Namur comme impossible, vû que les ennemis n’ont ny provisions ny magasins.

Madrigal §

Mercure galant, juillet 1705 [tome 7], p. 387-389.

Monsieur le Comte de Toulouse partit le 29. Juillet pour se rendre à Toulon. Mr Moreau de Mautour envoya à ce Prince les Vers suivans, la veille de son départ.

MADRIGAL.

Pars, grand Prince, & soûtiens la gloire de LOUIS ;
Poursuis, en l’imitant, tes Exploits inoüis ;
Les borde de l’Iberie & le rivage Môre
De tes hauts faits seront témoins encore.
Les Vents fiers de conduire un si noble Vainqueur,
Tel qu’autrefois Cesar & sa fortune,
  Par tout l’Empire de Neptune
Seconderont tes vœux & ta valeur.
Nos ennemis flattez d’une vaine esperance,
  Ont beau s’armer contre la France ;
Ils ont déja senti la force de ton bras ;
De ton départ leur Flotte est allarmée ;
Attentifs & jaloux ils observent tes pas ;
Ta présence contre eux, qui vaut seule une armée,
Va porter dans les cœurs de nos vaillants Soldats,
L’espoir de la Victoire, & l’ardeur des Combats.