1706

Mercure galant, janvier 1706 [tome 1].

2017
Source : Mercure galant, janvier 1706 [tome 1].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, janvier 1706 [tome 1]. §

[Mort de François Destiene]* §

Mercure galant, janvier 1706 [tome 1], p. 43-44.

Mre François Destiene, Seigneur de Barlemont, est mort en Provence. C’estoit un Gentilhomme de beaucoup d’esprit, qui faisoit de tres-beaux Vers, & qui, à l’imitation de Voiture, avoit tâché à ressusciter le vieux langage. Il a fait un Poëme de la Chasse de la Perdrix, en quatre Chants, qui a esté traduit en Latin ; il a fait aussi plusieurs Sonnets & Madrigaux Italiens & François, & quelques Lettres dans le stile Gaulois, qui luy estoit fort familier. C’estoit un veritable Troubadour, & le Parnasse de Provence perd en luy un de ses principaux ornemens. Il est mort âgé de 72. ans, & sa memoire merite d’estre conservée dans la Republique des Lettres. Il estoit oncle de Mr l’Abbé Gibert, qui demeure au College de Bayeux, & qui est un des plus habiles Canonistes de France. Il estoit aussi proche parent de Mr Gibert, Professeur de Rethorique au College des Quatres-Nations.

[Edition des Plus belles Lettres Françoises sur toutes sortes de sujets par P. Richelet]* §

Mercure galant, janvier 1706 [tome 1], 1706, p. 137-140.

On debite depuis peu une troisiéme édition du livre intitulé : Les plus belles Lettres Françoises sur toutes sortes de sujets ; Tirées des meilleures Autheurs avec des Notes. Par P. Richelet. Troisiéme édition, revûë & corrigée & augmentée considerablement.

Ce livre se vend chez Michel Brunet, grande Salle du Palais, au Mercure galant.

Rien ne fait mieux connoître la bonté d’un livre, que le nombre des éditions. À peine a-t-on vendu les premiers exemplaires d’un livre, qui n’a pas le bonheur de plaire, que le public est informé du sort que ce livre nouveau doit avoir ; de maniere que le Libraire est condamné aux dépens, ne pouvant vendre que quelques exemplaires d’un mauvais livre, & si ce peu de debit fait connoître le peu qu’il vaut, le nombre d’éditions d’un livre fait toûjours connoistre combien il est estimé, & sa réputation s’augmente & se répand dans les lieux éloignez à mesure qu’il se r’imprime. Il y a lieu de croire que les Lettres de Mr  Richelet vivront long-temps, puisque les autres ouvrages de cet Autheur luy ont acquis une réputation qui doit estre immortelle. D’ailleurs les Lettres de cet Autheur ont donné lieu à des Remarques, & à des Annotations si curieuses & si utiles au Public, qu’il n’y a pas lieu de douter de la durée d’un ouvrage, d’où l’utile se trouve joint à l’agréable.

[Remarques sur la nouvelle Edition de Morery] §

Mercure galant, janvier 1706 [tome 1], p. 140-143.

Il paroist un livre nouveau chez Raymond Mazieres, ruë S. Jacques, à la Providence, intitulé Remarques critiques sur la nouvelle édition du Dictionaire Historique de Morery, donnée en 1704. Ces Remarques sont de deux sortes, les unes regardent les fautes qu’on pretend qui ont échapées, tant à Mr Morery qu’à ceux qui l’ont continué ; les autres sont plutôt des additions à quelques articles de ce Dictionaire qu’une veritable critique. Je n’ay rien à dire des premieres, remarques ; personne n’ignore que dans un Ouvrage d’un travail aussi immense que l’est un pareil Dictionaire, il est bien difficile qu’il ne se glisse quelques fautes, & en ce cas là il est bien plus facile de les remarquer, que de les éviter. À l’égard des remarques de la seconde espece, j’avoüe qu’elles sont belles & remplies d’une grande & profonde érudition. Entre celles-là, il y en a plusieurs qui feront beaucoup de plaisir au lecteur ; du nombre desquelles sont les articles des Adamites, des Adrichomites, de Barthius, de Priscillien, de Strozzy, d’Urceus & de Xenophanes. Ces deux derniers sur tout sont écrits d’une maniere, tres-agréable. Dans celuy d’Urceus on trouve des circonstances tres-interessantes, par exemple, la retraite de cet Auteur dans le fond des forests aprés l’incendie de sa Bibliotheque, & la priere qu’il fit à Dieu à l’heure de la mort, & qui est une preuve qu’il n’est point de pécheur, du Salut duquel on doive desesperer.

Enfin l’Auteur de ces remarques a écrit d’une maniere tres-honneste. Sa critique n’est ny amere ny mordante, il donne même de grandes loüanges à Mr Vaultier qui en merite aussi beaucoup & son stile est beau & fleuri.

[Pension donnée par le Roy à Mme de Scudery, belle-sœur de Mlle de Scudery]* §

Mercure galant, janvier 1706 [tome 1], p. 146-148.

Le Roy a gratifié d’une pension Me de Scudery. Cette Dame est belle-sœur de la celebre Mle de Scudery, morte il y a 4 ans, & dont les Ouvrages rendront sa memoire precieuse à la posterité. Cette famille estoit toute consacrée à l’amour des belles Lettres : Feu Mr de Scudery, Gouverneur de Nôtre-Dame de la Garde, époux de la Dame que le Roy vient de gratifier d’une pension, a fait plusieurs Ouvrages avec sa sœur, & d’autres sans son secours, qui luy ont fait beaucoup d’honneur dans le monde : Me de Scudery qui donne lieu à cet article a fait voir dés sa jeunesse un goût naturel pour les sciences ; & l’âge n’a fait que fortifier cette inclination. La famille de Scudery est noble & ancienne : Elle est originaire de Provence, & elle doit tenir un rang considerable dans l’Histoire des Poëtes Provençaux, qui doit bien-tôt paroître. Elle estoit déja fort connuë dans cette Province dans le quinziéme & le seiziéme siecle, si on s’en rapporte à l’ancienne tradition de Provence, sous les anciens Comtes qui ont long-temps gouverné cette Province en toute Souveraineté. Le Roy qui accompagne toûjours les graces qu’il accorde d’une maniere tres-obligeante, ce qui est une espece de second bienfait, parla tres-avantageusement de Me de Scudery, en luy donnant la pension dont je vous viens de parler ; & cette Dame eut autant de lieu d’estre satisfaite des termes obligeans qui accompagnerent le don, que du don même.

[Réjouissance fait à Cherez par Mr le Marquis de Castel-dos-Rius le jour de la naissance de S.M.C.] §

Mercure galant, janvier 1706 [tome 1], p. 194-200.

Je ne vous ay pas parlé souvent de Mr le Marquis de Castel-dos-Rius, depuis son départ. J’attendois d’un mois à l’autre, son embarquement, pour sa Viceroyauté du Perou ; mais des contre-temps continuels ont fait differer son départ. Il est toûjours dans la Ville de Cherez en Andalousie, à cinq lieuës de Cadix, où il attend toûjours des ordres pour s’embarquer. Son interest particulier, quelque grand qu’il soit, n’a pas tant de part à l’impatience où il est de remplir cet important employ, que le zele, que le monde luy connoist, pour le service du Roy son Maistre. Il vient de faire briller avec éclat ce même zele, dans la Ville de Cherez, à l’occasion de la Feste du Roy Catholique. On n’a pas moins admiré en France son goust que son esprit, ses manieres, & ses grandes qualitez. Il n’est pas necessaire qu’il se trouve dans l’abondance pour estre magnifique, & au milieu des Arts pour donner de la pompe, & de l’éclat à tout ce qu’il veut produire. On n’avoit pas encore vû dans l’Andalousie une Feste de la magnificence & du goust de celle que Son Excellence a imaginée & fait executer, pour ce celebre jour de la naissance de Philippe V. qui se trouve le 20. du mois de Decembre. Cette Feste commença dés le soir du 19e. par de grandes illuminations, & par des feux d’artifices d’une nouveauté singuliere. Tout l’Hostel de Son Excellence parut brillant de lumieres, & le feu d’artifice qui se tira devant son Hostel, fut admirée par la varieté, l’abondance, & la beauté de l’artifice, qui surprirent également. Le nombre des spectateurs, y fut tres-grand, & tout les fideles habitans de Cherez donnerent avec empressement des témoignages publics de leur amour & de leur zele pour leur legitime Souverain, par des cris de joye redoublez qu’ils faisoient succeder au bruit des Trompettes. Les acclamations du peuple répondoient aux fanfares, & en faisoient comme l’écho ; & même ce grand spectacle estant fini, le peuple sembla redoubler ses cris de joye, en criant d’une maniere qui marquoit son amour & son zele, Victor Phelipe Quinto. Ce grand spectacle fut suivi d’une belle Musique & d’un magnifique repas que donna Son Excellence à un grand nombre de personnes de distinction de la Ville & des environs. Le lendemain S.E. fit chanter une grande Messe dans l’Eglise des Peres Carmes par une nombreuse & excellente Musique meslée de tres-belles voix & de quantité d’excellens instrumens. Le concours de la Noblesse y fut tres-grand ; & un des plus habiles Predicateurs y prononça à la gloire de Philippe V. un discours des plus beaux & des plus éloquens en langue Castillane. Cette Ceremonie fut encore suivie d’un grand repas, & plusieurs divertissemens differens se succederent les uns aux autres. Son Excellence ne pût contenir sa joye pendant le reste de la journée, en voyant celle de ce fidelle peuple, qui ne se lassoit pas de témoigner son affection & son respect pour Philippe V. & qui recommençoit à tous momens ses acclamations & ses éloges. Je ne puis vous rien dire qui vous surprenne, en vous parlant avantageusement de S.E. l’idée qu’il a donnée icy pendant tout le temps d’une longue & fameuse Ambassade, parle toûjours en sa faveur. Le temps ny son éloignement ne la peuvent ny effacer ny affoiblir ; & le nom de Castel-dos-Rius sera toûjours en veneration dans toute la France.

[Mrs Boivin et Fraguier remplacent Mr Pouchard]* §

Mercure galant, janvier 1706 [tome 1], p. 227-228.

Mr Boivin, Sous-Bibliothecaire de la Bibliotheque du Roy, qui a donné une traduction Latine de Gregorias, a esté pourvû de la Chaire de Professeur, qu’avoit feu Mr Pouchard, & Mr l’Abbé Fraguier de l’Academie des Sciences, travaille au Journal des Sçavans, à la place du deffunt.

[Bals donnez à Marly] §

Mercure galant, janvier 1706 [tome 1], p. 250-252.

Le lendemain qui estoit le jour des Rois, leurs Majestez Britanniques & Madame la Princesse d’Angleterre, souperent à Marly, où la Cour se trouvoit alors. Il y eut trois tables servies en même temps, & il y eut Bal le même jour. Voicy les noms des Danseurs, vous trouverez à la suite de chacun les noms des Dames qui furent menées par ces Danseurs.

Le Roy d’Angleterre, Madame la Duchesse de Bourgogne.

Monseigneur le Duc de Berry, la Princesse d’Angleterre.

Monsieur le Duc d’Orleans, Mademoiselle de Charollois.

Monsieur le Duc d’Anguien, Mademoiselle de Sens.

Monsieur le Comte de Toulouse, Mademoiselle de Conty.

Mr le Comte de Brionne, Mlle d’Armagnac.

Mr le Prince Charles, Me de Villeroy.

Mr le Duc de S. Simon, Me de Lauzun.

Mr de Montbazon, Me de S. Simon.

Mr de Seignelay, Me de la Vrilliere.

Mr de Nangis, Mlle de Mailly.

Mr de Livry le fils, Me de Rupelmonde.

Mr de Sezanne, Me de Souvré.

Je ne vous dis point que Sa Majesté Britanique & la Princesse sa sœur brillerent dans ce bal ; vous sçavez que les graces les accompagnent toûjours. Le Vendredy suivant le Roy d’Angleterre alla encore souper à Marly, & il y eut encore bal ce jour-là.

[Magnifique repas donné à Meudon par Monseigneur au Roy d’Angleterre, ensuite de quoy S.M.B. vient à Paris à l’Opera, où ce Prince n’avoit jamais esté] §

Mercure galant, janvier 1706 [tome 1], p. 252-255.

Quelques jours aprés, Monseigneur donna un magnifique disné à Meudon à Sa Majesté Britanique, Madame la Duchesse de Bourgogne, Monseigneur le Duc de Berry, & Madame la Princesse de Conty Douairiere estoient de ce repas, à l’issuë duquel cette auguste Compagnie, vint voir à Paris l’Opera de Bellerophon, dont les vers, sont de Mr de Corneille le jeune & la Musique, de feu Mr de Lully. Comme le bruit s’estoit répandu à Paris, que le Roy d’Angleterre devoit venir ce jour-là, à la representation de cet Opera, & que ce Prince y est plus connu par le bruit que ces belles qualitez y font, que par sa personne, à cause qu’il y vient rarement, & qu’il n’y sejourne jamais, il y eut un si grand empressement de le voir, qu’avant une heure aprés midy, la Salle de l’Opera estoit presque remplie. Ce jeune Monarque qui n’avoit jamais vû aucun spectacle, de cette nature se l’estoit si bien representé, sur les Portraits qu’il avoit entendu faire des Opera, qu’il ne parut pas plus surpris que s’il avoit souvent vû de pareils spectacles, & il écouta toute la piece avec une attention si sage ; que tous ceux des spectateurs qui n’avoient point encor vû ce Monarque, dirent hautement que sa presence leur avoit confirmé tout ce que la renommée leur en avoit apris. Tout Paris se promet de voir un jour, la Princesse d’Angleterre dans le mesme lieu ; persuadé que sa presence répondra aussi, à ce que la voix publique en aprend tous les jours.

À la jeune Iris, le jour de sa Feste, au mois de Janvier §

Mercure galant, janvier 1706 [tome 1], p. 257-262.

Les Vers que vous allez lire sont de Mr Moreau de Mautour, Auteur de la Rencontre Ingenieuse, & qui regarde le Mariage de Mr le President de Nicolaï avec Mlle de Lamoignon.

À LA JEUNE IRIS,
le jour de sa Feste, au mois de Janvier.

Je vous dois, belle Iris, des fleurs pour vostre Feste,
Le temps s’accorde mal avec que mon devoir ;
Et quoy qu’à les offrir, ma main soit toujours preste,
Flore aussi-bien que moy, voit borner son pouvoir.
***
Faites-vous à vous mesme une vive peinture,
De l’état languissant qu’éprouve la nature,
Vous verrez dans son changement,
Les Campagnes sans agrémens,
Les Arbres sans feüillage, & les Prez sans verdure,
Le plus rigoureux des Hyvers,
Par tout n’offre à nos yeux qu’une triste surface,
Et l’on voit nos jardins, nos parterres couverts,
De frimats, de neige & de glace.
***
Comment donc celebrer ce jour !
Où mon tendre cœur se propose,
De vous marquer son zele & son amour,
Si le Lys, & l’Oeillet, le Jasmin, & la Rose,
Sont bannis à présent de leurs plus beaux sejours.
***
Suivant le doux penchant que ma Muse m’inspire,
Suffira-t’il, belle Iris, de vous dire,
Pour réparer les injures du temps,
Que cet éclat qui brille avec tant d’avantage,
Et dans vos yeux, & sur vostre visage,
Surpasse encore en vous l’éclat des jeunes ans,
Qu’au milieu des rigueurs d’une saison cruelle,
Ils sçavent conserver, pour vous rendre plus belle
  Les attraits du Primtemps.
***
Dirai-je que sans flatterie,
Rien ne peut égaler vostre beauté fleurie,
Que la blancheur du Lys, jointe avec le vermeil,
De la Reine des Fleurs cet aimable appareil,
Vous rend plus brillante que Flore,
Et qu’à voir vostre tein, tout l’éclat de l’Aurore,
À nos yeux n’a rien de pareil.
***
Dirai-je enfin que tous vos charmes,
Font en secret soupirer mille cœurs,
Et causent de tendres allarmes,
Iris, je sçay bien que des fleurs,
Vous satisferoient mieux que toutes ces douceurs.
***
Les plus vives, les plus parfaites,
N’auroient auprés de vous que de foibles couleurs,
N’exigez point de moy de bouquet ni de fleurs,
Contentez-vous de mes fleurettes.

[Translation d’une Relique de S. Hilaire] §

Mercure galant, janvier 1706 [tome 1], p. 273-280.

On fit le 12e Janvier la Translation d’une Relique de Saint Hilaire, Evesque de Poitiers, avec autant de magnificence que de pieté. L’honneur que ce saint Docteur a fait à la France, & les grands services qu’il a rendu à toute l’Eglise, ont fait garder ses Reliques avec un respect particulier. Elles furent honorées à Poitiers dans son Tombeau, incontinent aprés sa mort, qui arriva vers l’an 364. On les leva de terre quelque temps aprés, & cette Translation fut accompagnée de plusieurs prodiges. L’Eglise de Poitiers conserva ce precieux Tresor jusqu’en l’an 900. (auquel temps, pour dérober ces Saintes Reliques à la fureur des Normands qui ravageoient le Poitou) on les transporta dans l’Eglise de Saint Georges, au Puy, en Vellay, dont l’Evêque estoit frere du Comte de Poitou. On fit l’ouverture du Tombeau, dans lequel on avoit placé ces saintes Reliques l’an 1162. & il paroist par le procés verbal que l’on dressa, qu’elles furent trouvées entieres avec un Marbre sur lequel estoient ces mots, Hic requiescunt membra Sancti ac Gloriosissimi Hilarii, Pictaviensis Episcopi. Elles furent tirées de ce Tombeau en 1655. & mises dans une Chasse que l’on plaça derriere le grand Autel. Les Chanoines de saint Hilaire de Poitiers, députerent au Puy, & obtinrent quelques Reliques de leur saint Patron, qu’ils apporterent avec beaucoup de solemnité. Ils font la Feste de leur Susception au mois de Décembre.

Monsieur de la Chetardie, Curé de saint Sulpice, cy-devant nommé par le Roy à l’Evêché de Poitiers, en ayant demandé pour sa dévotion particuliere à Messieurs du Puy, & en ayant obtenu une portion considerable en 1705. a bien voulu en faire present à l’Eglise Paroissiale de S. Hilaire du Mont de Paris. C’est une petite Eglise qui a besoin des réparations que l’on y fait depuis long-temps.

Monsieur Jollain, Docteur en Theologie de la Faculté de Paris, Curé de cette Eglise, se rendit processionellement à S. Sulpice, à la tête de deux cent Ecclesiastiques tous en Chappe & en Tunique, & il fut reçu par le Clergé de S. Sulpice, encore plus nombreux, & qui estoit presque tout en Chappes & en Tuniques. Les deux Processions se joignirent, & marcherent sur deux lignes, chacune ayant sa Croix. La Relique marcha au milieu de la Procession, portée sous un riche Dais, par des Prêtres de distinction de la Paroisse de S. Sulpice, vêtus d’Ornemens magnifiques, & environné de Flambeaux & d’Encensoirs.

Monsieur l’Abbé Pirot, Chanoine & Chancelier de l’Eglise de Paris, & Vicaire general de Monsieur l’Archevêque, accompagna cette Relique jusque dans l’Eglise de S. Hilaire, où elle fut déposée pour y estre conservée.

L’ordre & la modestie du Clergé, inspira au peuple une dévotion extraordinaire, que la foule ne fut pas capable de troubler.

Cette Relique a esté exposée à la veneration des Fideles pendant l’Octave, qui fut terminée le 20. de Janvier 1706. par un Salut en musique.

Toutes ces Ceremonies se sont faites avec la permission de son Eminence, qu’il n’a accordée qu’aprés avoir vû les Autentiques & les procés verbaux necessaires.

Cette Relique a esté envoyée à Mr le Curé de S. Sulpice, par Mr l’Evesque du Puy, qui a esté élevé dans le Seminaire de cette Paroisse, & par Mrs du Chapitre de S. George du Puy. C’est l’os du coude de S. Hilaire.

Mr l’Abbé Thavenet, Predicateur ordinaire du Roy, prescha le Dimanche de l’Octave dans l’Eglise de S. Hilaire, & son discours fut fort aplaudi.

[Extrait d’une Lettre de Madrid]* §

Mercure galant, janvier 1706 [tome 1], p. 351-352.

Ce que vous allez lire est tiré d’une autre Lettre de Madrid, & peut servir de suite à la Lettre precedente.

Le Roy d’Espagne a fait la revûë de toutes ses Troupes au dehors de Madrid ; à mesure qu’elles passoient, mais l’on a fait une distinction au Regiment de Parabere, que l’on n’a pas fait à d’autres ; car quoy que jamais Troupes étrangeres, n’ayent mis le pied dans Madrid, le Roy & la Reine ont voulu passer ce Regiment en revûë dans la Place de Madrid ; si bien que ce Regiment est entré Timballes & Trompettes sonnantes, jusque devant le Palais, où le Roy, en presence de la Reine & de toute la Cour, l’a passé en revûë ; ce qui n’estoit encore arrivé à aucunes Troupes, & ensuite il est sorty de Madrid pour aller en Arragon.

[Article des Enigmes] §

Mercure galant, janvier 1706 [tome 1], p. 428-432.

Le mot de l’Enigme du mois passé, étoit la Main ; ceux qui l’ont deviné, sont, Mrs le Maire d’Orbais, & son amy Mr Trapaux : Boudin de l’Hostel d’Hocquincourt : l’Avocat de la Salle : Mit & son amy David : Canelle, ruë d’Enfer : Audiot de chez Mr le Maistre, ruë S. Martin : Loyau : Parrot : Lambert de la ruë de Guenegaud : Gamard de la Lane : La petite Manon : Perrin de la ruë de la Harpe : la Presidente de l’Election de Chaumont & Magny : Babet Beultancourt, de la ruë S. André : la petite Manon Benjamine : Mlle Fortin : Anne Candide de Lauge : Catin Toffier : Babet Perrin : Marie-Madelaine, de la ruë des Tapissiers de Reims : Cato Caillet de la mesme Ville, & son amant inconnu : Tatan Mavoisin : l’Amant secret des Pilliers d’or : de la ruë saint Jacques : l’Amant Procureur de la ruë de la Harpe : l’Amant transi, de Jouy : l’Amant Soyer de la ruë S. Louis, au Marais : le bel Esprit : Tamiriste : le Borroque de la Lame, & son Compere Nicolas : l’immortelle cruelle : Felice de Fonquillere, de la ruë du Loup : l’Agreable dans les Compagnies : le troisiéme Roy de Pologne couronné : le Clerc du Procureur : le Compere des Champs : le Mestre de la Gailliarde du Champ de l’Alouette : le frere du Docteur Maindaxte : les trois Bequijots de S. Jacques : le Chevalier du Soleil le chaste Joseph, fidel associé la charmante Javotte des Marais du Pont au choux : la blonde Catin de chez Mr Bretancourt, ruë S. Martin : la Commere & épouse Anne Chabas : la charmante Lindabride : la commune amie : Mlle Javotte de la ruë G.

Je vous envoye une Enigme nouvelle.

ENIGME.

On trouve peu d’honnestes gens,
S’ils ne sont accablez sous le poids de leurs ans,
À qui je ne rende service :
Je ne sçay par quelle raison,
Ils ont cependant l’injustice,
De me faire souffrir une étroite prison :
Quoyque mon corps soit foible & mince,
Je suis utile au plus grand Prince,
Soir & matin de son Palais,
Je nettoye les avenuës,
Que mille choses superfluës,
Pourroient faire sentir mauvais ;
Lorsque fait pour un double usage,
Mes deux bouts ont chacun leur different employ,
J’ay souvent l’oreille du Roy,
Sans que ses Favoris en prennent de l’ombrage.

[Derniers Divertissemens de Marly] §

Mercure galant, janvier 1706 [tome 1], p. 432-433.

Il y eut encore Bal à Marly le Mercredy 27. Janvier. Voicy les noms de ceux qui ont dansé à ce Bal, & à celuy du Vendredy suivant.


Danseurs. Danseuses.
Le Roy d’Angleterre. Madame la Duchesse de Bourgogne.
Mr le D. de Berry. Me la Prin. d’Ang.
Mr le D. d’Orleans. Mlle de Charolois.
Mr le D. d’Enguien. Mlle de Sens.
Mr le Comte de Toulouse. Mademoiselle de Conty.
Le Prince Charles. Mlle d’Armagnac.
Mr le D. de S. Simon Me de Lauzun.
Mr de Montbazon. Me de S. Simon.
Mr de Seignelay. Me de la Vrilliere.
Mr de Nangis. Me de Listenay.
Mr de Livry le fils. Me de Souvré.
Mr de Rupelmonde. Me de Rupelmonde.
Mr de Listenay.

Le Roy & Me la Princesse d’Angleterre ne vinrent point le Vendredy à Marly. Il y eut ce soir là plusieurs Mascarades outre le Bal, & les divertissemens durerent jusqu’à quatre heures aprés minuit.