1707

Mercure galant, juillet 1707 [tome 7].

2017
Source : Mercure galant, juillet 1707 [tome 7].
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Mercure galant, juillet 1707 [tome 7]. §

[Mort de Pierre le Grand, chantre et greffier de la Collégiale de Gerberoy]* §

Mercure galant, juillet 1707 [tome 7], p. 87-88.

Pierre le Grand, natif de la Paroisse de Menerval, Diocese de Rouen, Chantre & Greffier de l’Eglise Collegiale de S. Pierre de Gerbroy en Beauvaisis, est mort âgé de 104. ans. Il estoit Chantre de cette Eglise depuis prés de 80 ans. Mr le Cardinal de Janson en qualité d’Evêque de Beauvais, est Vidame de Gerbroy.

[Sacre de Mr l’Evéque d’Amiens] §

Mercure galant, juillet 1707 [tome 7], p. 98-102.

Le Dimanche 15e. May Mr l’Abbé Sabatier, Docteur de Sorbonne, fut sacré Evêque d’Amiens par Mr l’Archevêque de Reims, Premier Pair de France, son Metropolitain, assisté de Mr l’ancien Evêque de Condom, & de Mr l’Evêque de Tarbes, dans la Chapelle du Seminaire de S. Sulpice, en presence de Mr le Cardinal d’Estrées, de Mrs les Archevêques d’Aix & de Bordeaux, de Mrs les Evêques de Tulles l’ancien, de ceux de S. Malo, d’Aire & de Rosalie, de Mr l’Abbé de Ploëuc nommé Evesque de Quimper, de Mrs les Abbez de Monlevrier & de Poudenx Agens Generaux du Clergé de France & de plusieurs autres Abbez de distinction, ainsi que du General des Peres de la Mission, autrement dits de S. Lazare, de plusieurs Chanoines de la Cathedrale d’Amiens & d’Abbez de consideration du Diocese ; de Mrs les Ducs de Chevreuse Vidame d’Amiens, de Bethune Lieutenant de Roy de Picardie, de Mr le Duc de Charost son fils, de Mr le Marquis de Montperoux, Mestre de Camp general de la Cavalerie legere de France & de plusieurs autres personnes de qualité, de consideration & de merite.

Cette ceremonie fut faite avec beaucoup de devotion, de dignité, & de silence. La Musique fut trouvée fort belle. Les Amphiteatres qui étoient au dessous du Jubé, & les bancs qui étoient autour de la Chapelle, étoient remplis des Ecclesiastiques du Seminaire en surplis. Mr l’Abbé de saint Aignan, qui étoit du nombre, s’estoit chargé de presenter l’Eau benite aux Prelats & au Clergé en entrant & en sortant de la Chapelle.

La ceremonie estant achevée, Mr l’Archevêque de Reims invita non-seulement le Consacré & les Evêques Assistans ; mais aussi Mr le Cardinal d’Estrées, les Prelats & les Ducs à un magnifique dîné qu’il donna dans son Hostel, pendant que Mr d’Amiens défraya toute la Communauté du Seminaire de Saint Sulpice, composée de prés de deux cens Ecclesiastiques, outre dix-huit couverts qu’il avoit reservez dans le même Refectoire, pour des Abbez de consideration, des Chanoines de la Cathedrale d’Amiens, & de quelques-uns de ses parens & de ses amis, qui s’estoient trouvez à Paris ; il y en auroit eu beaucoup davantage si le lieu eut esté plus grand.

Lettre de S.A.R. Monseigneur le Duc de Lorraine, à Mr l’Evêque de Toul, sur la Naissance d’un Prince dont Madame la Duchesse de Lorraine est accouchée §

Mercure galant, juillet 1707 [tome 7], p. 132-142.

Quoy que l’article que vous allez lire ne soit pas nouveau je dois neanmoins l’ajouter icy quand ce ne seroit que parce qu’il ne doit pas manquer à mes Lettres & ce que j’y joindray d’ailleurs poura vous faire plaisir.

LETTRE DE S.A.R. MONSEIGNEUR LE DUC DE LORRAINE,
À Mr l’Evêque de Toul,
Sur la Naissance d’un Prince dont Madame la Duchesse de Lorraine est accouchée.

Monsieur, ayant plû à Dieu de benir les couches de Madame, ma tres-chere & bien-aimée Epouse, par la naissance d’un Prince, dont elle vient d’estre heureusement délivrée ; mon premier soin a esté de luy en faire rendre graces, par des Prieres publiques, & j’ay crû devoir vous en avertir, & vous inviter d’y concourir de vôtre part, en ordonnant à tous les Ecclesiastiques de mes Etats qui sont sous vôtre Jurisdiction de seconder par leurs vœux mes justes & pieuses intentions. Je suis, Monsieur, vostre affectionné à vous servir,Leopold.

À Luneville ce 25. Avril.

À peine Mr l’Evêque de Toul eut-il reçu cette Lettre qu’il fit le Mandement suivant.

François, par la grace de Dieu & de l’autorité du S. Siege Apostolique, Evêque Comte de Toul, Prince du S. Empire &c. Au Clergé seculier & regulier, & aux peuples de la partie de nôtre Diocese qui est en Lorraine & Barois : Salut & Benediction en nôtre Seigneur J.C.

Quoy qu’il n’y ait rien de plus naturel à tous les peuples que de prendre part aux graces que Dieu répand sur les Souverains que sa divine Providence leur a donné pour les gouverner ; cependant l’Eglise Catholique ne peut se dispenser de témoigner une joye encore plus particuliere, quand il plaist à Dieu combler de nouvelles benedictions l’auguste Maison de Lorraine, dont elle a reçû dans tous les temps de si grands services. C’est une consolation pour elle d’y voir naître de nouveaux Princes, qui doivent estre un jour l’appuy & le soûtien de la Religion. Ce sont les vœux que nous devons faire pour celuy dont S.A.R. Madame la Duchesse de Lorraine vient heureusement d’acoucher, qui est un nouveau gage de l’union des Maisons de France & de Lorraine, & qui doit faire le bonheur des peuples qui leur sont soûmis. Marquons à Dieu par des remercimens religieux & publics, la reconnoissance qui luy en est duë ; & demandons-luy que cet Enfant soit le digne Fils de son Auguste Pere, qui fait la joye & les delices de ses Sujets, & qu’il ait la consolation de voir une longue posterité formée par ses soins & par ses exemples, excitée par son zele & par sa pieté & pour satisfaire à ce devoir & à nostre inclination, nous avons ordonné que le Te Deum sera chanté solemnellement à Luneville & à Nancy, au jour qui sera marqué par l’ordre de Monseigneur le Duc de Lorraine, que tous les Corps seculiers & reguliers desdites Villes y assistent, & que l’on fera la même ceremonie dans toutes les Eglises aussi-tost qu’on aura reçu mon present Mandement. Et dans les Prieres que vous ferez à Dieu à cette occasion, vous le supplierez de combler de nouvelles graces Monseigneur le Duc de Lorraine, S.A.R. Madame, & qu’il rende l’Enfant qui vient de naître, un digne heritier de la pieté des Princes de sa Maison. Donné à Toul dans nostre Palais Episcopal le 26. Avril 1707. François, Evêque, Comte de Toul.

Le Diocese de Toul est un des plus grands du Royaume. Il est composé de prés de 2000. Paroisses, & comprend toute la Lorraine Françoise & Allemande, c’est à dire qu’outre ce qui est des trois Evêchez, & qui fut soûmis au Roy Henry II. par le Traité de 1551. qui l’a esté ensuite à Loüis le Grand, par le 44. Article du Traité de Paix de Munster ; ce Diocese comprend aussi tous les Etats de Monsieur le Duc de Lorraine. C’est dans la partie de ce Diocese, qui est soûmise à ce Prince, qu’on celebra un Concile en 870. composé des Evêques de quatorze Provinces des Gaules. Le lieu où il fut celebré est connu sous le nom de Tousi, en Latin Tusiacum. Le relâchement de la discipline Ecclesiastique y donna lieu ; & les Peres de Tousi firent plusieurs beaux Canons, pour la rétablir.

Charles le Chauve Roy de France & Empereur d’Occident en avoit fait celebrer un une année auparavant à Savonnieres, qui est regardé comme un Faux-bourg de Toul. Ce pieux Monarque le fit assembler contre Ganelon Archevêque de Sens ; il y avoit plusieurs sujets de plainte des Evêques des Gaules contre luy.

On en avoit celebré un à Toul en 550. au sujet de Saint Nizier Archevêque de Treves. Ce saint Prelat avoit excommunié quelques Seigneurs débauchez. La severité de cette conduite fit murmurer quelques Prelats & donna lieu à la convocation de ce Concile.

Hugues des Hazards & André du Saussay, Evêques de Toul, firent dans le penultiéme siecle de tres-belles Ordonnances Synodales.

[Relation, contenant un détail de la Pompe Funebre, & des prieres faites à Madrid pour le repos des ames de ceux qui ont esté tuez à la bataille d’Almanza] §

Mercure galant, juillet 1707 [tome 7], p. 142-160.

L’article qui suit est tiré d’une Relation Espagnole beaucoup plus étenduë, & que j’ay cru devoir resserrer dans des bornes proportionnées à mes Lettres. Vous y trouverez une réponse faite sur le champ par le Roy d’Espagne, qui merite d’estre remarquée, & admirée dans tous les siecles, & qui doit donner une idée bien avantageuse de l’esprit de ce Monarque, ainsi que de sa sagesse, de sa pieté, & de sa Religion. On voit par cette réponse qui est assez étenduë, & remplie de sentimens dignes d’un heros Chrestien, que ce Prince sans avoir eu le temps de penser, répond ce que d’autres plus avancez en âge, & regardez comme de grands hommes & de saints personnages, n’auroient peut-estre pû dire qu’aprés y avoir pensé long-temps. Je vous avois promis ce détail dés le mois passé. Vous y verrez les honneurs funebres par lequel Sa Majesté Catholique a voulu qu’on éternisât la memoire des Officiers & des Soldats qui ont esté tuez dans la fameuse Bataille d’Almanza. On n’avoit pas encore vû en Espagne une Pompe funebre aussi magnifique.

Le Roy d’Espagne qui n’a pas moins de pieté & de Religion que de valeur & de sagesse, ordonna qu’on celebrât avec le plus de pompe qu’il seroit possible, les Obseques de tous ceux qui ont esté tuez dans cette memorable Journée en combattant pour sa gloire. L’Eglise Imperiale des Jesuites fut choisie pour cet effet ; ce Temple étant tres-propre pour de pareilles ceremonies à cause de l’étenduë de la Nef, de la disposition de ses Chapelles & de ses Tribunes, & de la magnificence de sa structure. S.M. ne borna pas sa pieté à ces marques exterieures de sa Religion & de sa reconnoissance. Elle ordonna en même temps qu’on dit cinquante mille Messes pour le repos des ames de ces Illustres défunts. Et elle assigna en même temps les fonds necessaires pour l’execution de tous ses ordres.

Cette resolution ne fut pas plutost prise qu’elle devint publique ; personne n’en fut surpris, & tout le monde en fut charmé, & pour imiter l’exemple & la pieté de ce Monarque, chacun s’empressa à faire dire des Messes, & l’on en dit dans toutes les Eglises de Madrid. S.M.C. voyant avec quel pieux empressement ses Sujets répondoient à ses intentions, ce que son amour pour ses Sujets luy avoit fait ordonner ; il en fit presser l’execution. Les Jesuites qui avoient eu besoin de temps pour preparer tout ce qui devoit servir à cette Pompe funebre, reglerent qu’elle se feroit le cinq de Juin. Ils auroient eu besoin d’un peu plus de temps pour donner toute l’étenduë & toute la perfection dont ils sont si capables aux Eloges & aux Inscriptions dont ils devoient orner & enrichir le superbe Mausolée qu’ils faisoient élever au milieu de leur Eglise, & pour défendre par leurs plumes ce que tant d’illustres morts venoient de défendre. Leur zele, à répondre aux intentions d’un Prince aussi sage & aussi pieux, suppléa à ce qui leur auroit manqué de temps pour l’execution d’un dessein où tant de choses devoient concourir ensemble. Ils en confierent la conduite à un des principaux d’entre eux, & comme ils crurent que la grande quantité d’Etendards & de Drapeaux gagnez à la Bataille qui donnoit occasion à cette Pompe funebre, y seroit d’un grand ornement, ils resolurent de les demander au Roy.

Le Reverend Pere Confesseur en fit la proposition à ce Monarque. Sa Majesté luy fit une réponse digne d’estre admirée, & de servir d’exemple en de pareilles occasions : Mon Pere, luy dit ce grand Monarque, je suis fort content du zele & de l’affection des Peres de la Compagnie, je les louë de leur intention ; mais il n’est pas à propos de mêler des marques éclatantes de joye à la pompe d’un vray deüil, ny des trophées de gloire à des fonctions de pieté. Sa Majesté ajoûta, que ce n’estoit là qu’une recompense Chrestienne de la fidelité & du zele des dignes Sujets qui s’estoient sacrifiez pour leur patrie, pour leur Religion & pour leur Roy ; & que dans une chose aussi sainte, il ne faloit pas tirer vanité d’une Victoire où la Providence Divine avoit paru si visiblement. Cette réponse obligea les Peres Jesuites de changer leurs projets, & ils demanderent qu’il leur fust du moins permis de choisir dans l’Arsenal de Madrid des dépoüilles militaires & des armures qui servoient aux gens de guerre ; ils l’obtinrent, & ils declarerent que tout seroit prest pour le jour qu’ils avoient marqué. Ce choix fut d’autant plus approuvé, que cette pompe se devoit faire un premier Dimanche du mois ; parce qu’ils ont le premier Dimanche de chaque mois le Jubilé dans leur Eglise, ce qui en augmenta d’autant plus la devotion que la pieté des Fidelles pour répondre à celle de Sa Majesté, appliquerent cette Indulgence Pleniere aux ames des Soldats trépassez.

Le Roy fut supplié d’ordonner aux Conseils Suprêmes d’Estat & de Guerre de nommer deux personnes de leurs Corps pour se charger du soin d’inviter à cette Ceremonie tous les Seigneurs de la Cour. Ce choix tomba dans le Conseil d’Estat sur son Excellence Monsieur le Duc de Juvenazo, & dans le Conseil de Guerre sur son Excellence Monsieur le Comte de Amaranté. Ils se chargerent avec plaisir de cette Commission. L’Illustrissime Seigneur Don Carlos de Borja, Archevêque de Trebisonde. fut choisi pour Officier. Cet Employ le regardoit, comme Grand Aumônier & Vicaire General dans toutes les Armées de Sa Majesté Catholique. Ce Prelat s’offroit volontiers à y officier Pontificalement. Pendant que l’on distribuoit les Billets, pour inviter les Seigneurs de la Cour, on travailloit à élever au milieu de cette magnifique Eglise le plus beau & le plus somptueux Tombeau qui ait esté veu à Madrid. L’Art y a répondu au dessein, & l’execution à l’idée. On éleva au milieu de cette vaste Nef, sur un plan proportionné, une Citadelle reguliere, C’estoit un Pentagone dans toutes les proportions de l’Art ; il avoit vingt-sept pieds de haut, & tout le reste estoit conforme à cet exaucement. On pratiqua cinq Autels aux cinq Courtines, & on y celebra la Messe sans interruption, depuis le point du jour jusques à environ une heure aprés midy. Chaque Bastion avoit sa sentinelle, tenant un Drapeau noir à la main, & diverses pieces d’artillerie estoient répanduës le long des flancs. Du milieu de la place d’Armes, jonchée de differens morceaux de trophées, s’élevoit un Cavalier de vingt pieds de haut ; c’étoit encore un Pentagone parallele aux Courtines. Cette masse étoit terminée par une Tombe couverte d’un riche Drap mortuaire de velours noir, avec des Triomphes militaires en broderie d’or. Les Armes du Roy y estoient brodées dans le sein des Aigles de l’Empire : au lieu de Chandeliers autour de cette Tombe, on avoit pratiqué des groupes de trophées d’armes, d’où partoient une infinité de gros Cierges, qui formoient une Couronne de Lauriers qui terminoit le tout. Au travers de tout ce feu on démêloit deux squelettes, qui representoient parfaitement bien les horreurs de la mort. Toute cette machine avoit pour baze un marche pied, haut, long & large, dans toutes les proportions de l’Art, avec une balustrade à l’entour, qui representoit le chemin des Rondes. On voyoit aux deux angles qui faisoient face à la porte de l’Eglise, six petites pieces d’Artillerie de bronze, qui surprenoient d’abord. On avoit distribué avec beaucoup d’Art dans toute cette masse plus de quatre cens flambeaux, avec une infinité de petits boucliers argentez, dont les uns estoient remplis de Devises, de Jeroglyphes & d’Inscriptions, & les autres servoient à donner plus de saillie au Crespe dont toute cette Machine estoit couverte, sans rien cacher des proportions, ny des ornemens.

La beauté de tout cet assemblage faisoit tant de bruit dans Madrid, que dés le Samedy il falut ouvrir les portes, pour satisfaire l’empressement & la curiosité du public, & le Dimanche le concours fut si grand, qu’on s’apperceut pour la premiere fois que la Nef de ce Temple somptueux n’estoit pas assez vaste pour contenir tout le peuple que la devotion pouvoit y attirer. Les Seigneurs de la Cour y vinrent en si grand nombre, que l’on fut obligé de faire mettre des bancs jusqu’à la porte de l’Eglise, tous ceux qui avoient quelque rang s’y estant trouvez. À l’heure marquée pour commencer la Grand’Messe, Monsieur l’Archevêque de Trebisonde parut habillé Pontificalement, & accompagné d’un grand nombre d’Assistans avec des Ornemens magnifiques. La Musique de la Chapelle du Roy chanta d’abord un Nocturne, & continua de chanter pendant la Messe. Toute cette Ceremonie finit par un beau Sermon convenable au sujet de cette pompe, & par des Répons, où assisterent tous les Peres Jesuites de ce College Imperial. On fut obligé de laisser l’Eglise ouverte pendant le reste du jour, & tout le lendemain.

Je ne vous envoye point de Traduction des Inscriptions en plusieurs Langues, qui estoient dans ce Mausolée, parce qu’elles estoient en trop grand nombre ; & je vous diray seulement qu’elles estoient remplies d’esprit, de bon goust, de pieté & d’érudition.

Stances irrégulières §

Mercure galant, juillet 1707 [tome 7], p. 160-164.

La bataille d’Almanza ayant attiré des loüanges de toute l’Europe à Monsieur le Maréchal Duc de Berwick, les Ennemis même n’en ayant pû refuser à sa valeur & à sa conduite ; Monsieur Trotebois, Avocat-Secretaire de la Ville de Toulon, a fait les Vers suivans à la gloire de ce Maréchal.

STANCES IRREGULIERES.

Jaloux du bonheur de l’Espagne,
Assez & trop long-tems, le Démon des Combats,
Avoit à sa fureur, immolé nos Soldats,
Et fait à nos dépens, triompher l’Allemagne.
***
Des peuples ennemis des Rois,
Excitoient des mutins, le superbe courage ;
Et sans respect des plus saints droits,
Portoient jusqu’aux Autels, leur infernale rage.
***
Mais un Prince cheri des Cieux,
Traînant aprés luy, la Victoire,
Par des Exploits d’éternelle memoire,
Vange dans un seul jour, & les Rois & les Dieux.
***
Barwick, ce Heros invincible,
Porte en tous lieux, la mort, l’épouvante & l’horreur.
Qui pourroit resister à sa juste fureur ?
La pieté l’anime, & luy rend tout possible.
***
Anglois & Portugais, Bataves & Germains,
Vous estes massacrez, abattus, mis en fuite.
Mais rien n’échape à sa poursuite :
Digues, Remparts, tout cede à l’effort de ses mains.
***
Tel & plus fort qu’Hercule, il a purgé l’Espagne,
De monstres affamez, & de cruels Tyrans.
Car sans borner sa course au pied d’une Montagne,
Il entreprend encor des travaux bien plus grands.
***
Il va chercher plus loin, des Conquestes nouvelles,
Il va la foudre en main, par des faits inouïs,
Apprendre aux Etrangers, comme aux sujets rebelles,
À redouter par tout, & PHILIPE & LOUIS.

Air nouveau §

Mercure galant, juillet 1707 [tome 7], p. 176.

L’Amant dont il est parlé dans la chanson suivante, n’a pas lieu d’estre si content que ceux dont je viens de vous apprendre le mariage.

AIR NOUVEAU.

L’Air Quoy, tu veux, page 176.
Quoy, tu veux belle inhumaine
Que je t’aime sans retour :
Tu te plaist à voir ma peine,
Tu l’augmentes chaque jour ;
Ah ! faut-il que tant de haine
Soit le prix de tant d’amour.
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[Mort du cardinal Henry Antoine de la Grange d’Arquyen]* §

Mercure galant, juillet 1707 [tome 7], p. 213-220.

Mr le Cardinal Henry Antoine de la Grange d’Arquyen pere de la Reine de Pologne, est mort âgé de plus de cent ans. Il estoit petit fils d’Antoine de la Grange sieur d’Arquien, Gouverneur de Metz & de Calais, & qui fit la branche d’Arquyen. Cet Antoine de la Grange estoit fils puîné de Charles de la Grange sieur de Montigny, d’Arquyen, &c. Chevalier de Saint Michel & Gouverneur de la Charité & de Loüise de Roche-choüart, fille de Guillaume sieur de Jars, sa premiere femme. François II. du nom Maréchal de France, étoit fils aîné de Charles dont je viens de parler, & par consequent grand oncle de Mr le Cardinal d’Arquien : de Gabrielle de Crevant son épouse, & fille de Claude Sieur de Beauvais en Touraine, & de Marguerite d’Halluin, ce Maréchal laissa Henry Antoine de la Grange, Sieur de Montigny & Gouverneur de Verdun, qui de Marie le Cirier, Dame de Neufchelles eut Gabrielle, premiere femme de Louis Chalon Dublé, Marquis d’Uxelles, & morte sans enfans. Mr le Maréchal de la Grange Montigny, laissa aussi Jacqueline, heritiere de sa Maison, & femme d’Honorat de Beauvillier, Comte de Saint Aignan, Mestre de Camp de la Cavalerie Legere de France, & Lieutenant General pour le Roy en Berry. Honorat de Beauvillier est le Grand-pere de Mrs les Ducs de Beauvillier & de Saint Aignan ; ainsi ces Ducs sont parens au 4e degré de la Reine de Pologne. La Maison de la Grange est originaire de Berry, où elle a produit de grands hommes. Jean, Sieur de la Grange y vivoit en 1440. Il eut d’Helene de la Riviere Geofroy de la Grange, sieur de Montigny & d’Arquien, Bisayeul d’Antoine, grand-pere de Mr le Cardinal d’Arquien.

Le Cardinal d’Arquien avoit esté Mestre de Camp du Regiment de Cavalerie de Philippes de France, Duc d’Orleans, & Capitaine des Gardes Suisses de ce Prince. Il a laissé des enfans de Françoise de la Chastre, fille de Jean Baptiste de la Chastre, Seigneur de Brillebaut, & de Gabrielle Lamy ; Outre la Reine de Pologne qui avoit épousé en premieres nôces le Prince Zamoiski, grand Chancelier de Pologne ; il a laissé Mr le Marquis de Maligny, & Me la Marquise de Bethune, dont le fils aîné a épousé une Dame Polonoise, tres riche & tres-qualifiée. Mr le Marquis de Bethune, beaufrere de la Reine de Pologne, a esté Ambassadeur Extraordinaire de la Cour de France à celle de Pologne. La Maison d’Arquien avoit déja pris une alliance dans celle de la Chatre, par le mariage de Louise de la Chatre, fille de Claude, Maréchal de France, avec Antoine de la Grange, ayeul du Cardinal. Celui-ci étoit fils d’Antoine de la Grange, & d’Anne d’Ancienville, fille de Loüis d’Ancienville, sieur de Villiers aux Corneilles, Baron de Reveillon, &c. Du premier mariage d’Antoine de la Grange, avec Marie de Cambray, Vicomtesse de Soulangy, sortit Marie de la Grange, femme d’Arnaud de Lange, Baron de Villemenaud dans le Lyonnois, & tante de la Reine de Pologne. Mr le Cardinal d’Arquien a toûjours eu beaucoup d’inclination pour la France, & sur tout pour la Personne du Roy. Il faisoit dire un Motet en Musique tous les Samedis dans son Hôtel pour Sa Majesté. Les funerailles de Monsieur le Cardinal d’Arquien, ont esté faites dans l’Eglise de Saint Loüis, & son corps a esté enterré dans l’Eglise de Nôtre-Dame de la Victoire à Termini.

[Traité des vrais Malheurs de l’homme] §

Mercure galant, juillet 1707 [tome 7], p. 230-233.

Il paroist depuis peu un Livre intitulé Traité des vrais malheurs de l’Homme, & quoy que cet ouvrage ne soit pas d’une grande étenduë, il doit estre d’une grande utilité, & les hommes ne peuvent trop reflechir sur ce qu’il contient. Ceux qui composent de gros Livres ont beaucoup moins de peine, & leur travail est beaucoup moins grand que celuy de ceux qui disent beaucoup en peu de paroles, ce qui est cause que l’on entreprend plus volontiers la lecture de leurs ouvrages, & que retenant ce qu’ils contiennent, on en tire un plus grand profit, les pensées de ces sortes d’ouvrages estant ordinairement vives & serrées, & frappant fortement l’imagination des Lecteurs. Tout cela se trouve dans le petit Livre dont je vous parle. Il est dedié à Monseigneur le Duc de Bourgogne & l’Epître est si belle que ceux qui commenceront la lecture de ce Livre par celle de cette Epître concevront d’abord une bonne opinion de tout l’ouvrage. Il est de Me de Pringy, qui a donné beaucoup d’ouvrages de Morale au public, & dont le grand débit prouve le merite & la beauté. Ce dernier se vend chez Jacques Edoüard, dans le Parvis de Nôtre-Dame, prés de l’Hostel-Dieu.

[Traduction de l’Ane d’or d’Apulée] §

Mercure galant, juillet 1707 [tome 7], p. 233-236.

Les plus anciens Livres peuvent passer pour nouveaux, lorsqu’ils n’ont esté vûs que de peu de personnes. Nous en avons peu qui ayent fait plus de bruit que le Livre intitulé Les Metamorphoses, ou l’Asne d’or d’Apulée, Philosophe Platonicien. Il y a plus d’un siecle que ce Livre fut traduit en François, & comme la Langue Françoise a presqu’entierement changé depuis ce temps là, on peut dire que la lecture de cette ancienne Traduction ne devoit estre agreable au Lecteur que par les choses divertissantes & curieuses qu’elle renferme, & non par le langage dont le Lecteur devoit estre rebuté, & qui répandoit une obscurité sur tout l’ouvrage, qui l’empêchoit d’en connoistre la delicatesse & la beauté. Joignez à cela que le temps avoit rendu fort rare un Livre dont la Traduction estoit trop ancienne pour bien divertir le Lecteur ; de maniere que ce Livre ayant esté peu lû depuis un grand nombre d’années, il n’estoit presque plus connu que par la grande réputation qu’il a conservée depuis plusieurs siecles. On doit juger aprés cela combien la nouvelle Traduction de cet ouvrage qui vient de paroître, & qui a esté souhaitée pendant un grand nombre d’années, doit faire plaisir au public, & ce qui doit encore augmenter ce plaisir, est que la Traduction qui vient de paroistre a esté faite par un tres-habile homme, qui entend parfaitement nostre langue, & que le Libraire n’a rien oublié de tout ce qui peut rendre cet ouvrage agreable aux yeux du costé de l’impression & des Estampes dont ce Livre est remply & pour lesquelles il a employé les meilleurs Graveurs. L’Auteur a fait des remarques à la fin de chaque livre, & il a joint à sa traduction celle du Démon de Socrate. On trouve aussi la vie d’Apulée dans ce Livre. Cet ouvrage est en deux volumes, & se vend chez Michel Brunet, dans la Salle du Palais, à l’enseigne du Mercure galant.

[Madrigaux à la gloire du Roy de Suede] §

Mercure galant, juillet 1707 [tome 7], p. 349-352.

Cependant, je crois que vous lirez avec plaisir le Madrigal qui suit. Il est à la gloire d’un Monarque qui a commencé d’entrer dans la carriere de la gloire par des actions dignes des plus grands Heros. Je crois que vous devinez bien que c’est du Roy de Suede dont je veux parler.

Les Portraits du Roy de Suede étant fort à la mode, je vous en envoye deux.

MADRIGAL.

À la Table des Dieux Mercure loüoit fort
Le jeune Monarque du Nort,
Et parlant des Heros qui regnent sur la Terre,
Mars, sur tout, vantoit ses Lauriers
Admirant ses exploits de Guerre,
Et Jupiter fut des premiers
À faire remarquer sa bonté, sa clemence,
Sa pieté, sa temperance,
Si rares parmy les Guerriers,
Minerve applaudissoit sans cesse
À sa prudence, à sa sagesse.
Ce Roy là, dit Momus, ne sera pas un sot,
Enfin tous ces Dieux là raisonnant sur sa gloire
Le plaçoient par avance au Temple de Memoire ;
Mais Bachus ny Venus n’en dirent pas un mot.

Mr de la Ferrerie, Auteur de ce Madrigal, n’y a rien oublié de tout ce qui peut servir à la gloire du Roy de Suede, puis qu’il a trouvé le moyen d’y faire contribuer Bachus & Venus, par leur silence.

Vous trouverez encore un Portrait du Roy de Suede dans les Vers suivans. Ils sont du même Mr de la Ferrerie.

MADRIGAL.

Que ce Heros du Nort, me disoit une Dame,
A de valeur, de grandeur d’ame,
Ah ! c’est un Monarque parfait,
S’il est vray que la Renommée
L’a peint comme il est en effet ;
Je vous l’avoue, il m’a charmée
Depuis que j’ay vû son Portrait.
Je n’en suis pas surpris, luy dis-je,
Ce jeune Prince est un prodige ;
On en convient tout d’une voix.
Du grand Gustave il suit la trace,
Et ses vertus & ses Exploits
L’ont mis au rang des plus grands Rois ;
Je n’en sçais qu’un qui le surpasse.

Enigme. §

Mercure galant, juillet 1707 [tome 7], p. 354-358.

Le mot de l’Enigme du mois passé étoit l’Echo ; ceux qui l’ont deviné sont, Mrs de Laistre de Dienville ; le Marquis de la Forcade ; G.B. Aleron, de Lyon ; du Bourg, de l’Hostel de Marsan ; Carterot, ruë des Billettes ; le Baron de S. Brie, & le grand Joüeur de Dames, son Maître ; Ed N.M. de S. Florentin ; Dodinet ; Tegor, de la ruë de la Cerizaye ; l’Aîné & le Cadet J.B ; les trois jeunes Freres Gentils-hommes Champenois, nouvellement arrivez à l’Aigle noire ; l’Infant Colin de Bezançon ; le Seigneur Geronimo, & son Caro mio bene, de Bezançon ; le jeune Maître-d’Hôtel de la Cour, ruë Pavée, Quay des Augustins ; le frere de l’aimable Michon, de Medoc, ruë saint Honoré ; Tamiriste ; le Solitaire Que-mine, & son Amy Darius ; les deux Separez ; le Creancier du Misantrope d’Orleans ; le Trompé ; l’Anti de Vaulx ; l’Oncle & la Niéce de la ruë du Plastre, Me la Presidente de l’Election de Chaumont ; Mlle Hureau, & Mr le Brun, tous deux de Melun ; Mlles Pruniez ; Anne Moreau de la Riviere ; la Déesse du plus beau séjour du Monde ; la Princesse de la Felicité, de la ruë de Seine ; la Princesse de la Coch… de Bezançon ; Loüison aux gros tetons ; les deux Noms incompatibles, ruë de la Vannerie ; la Solitaire de la ruë aux Féves ; l’aimable Gogo, de la ruë des Anglois ; la belle Brune & son aimable Sœur, & l’adorable Canchon.

L’Enigme qui suit, est de Mr Moucheron, du Pont l’Abbé en Basse Bretagne.

ENIGME.

Nous sommes deux Enfans du Temps,
Tous deux aussi vieux que le Monde,
Rien n’a pû cependant troubler la paix profonde
Qui regne parmy nous depuis tant de Printemps.
***
Nôtre Pere équitable & sage,
À chacun en naissant fixa son heritage ;
Nous vivons contens d’iceluy,
Sans empieter sur l’autruy.
***
Depuis plus de cinq mille années
Nous sommes en possession,
Chacun de nôtre portion :
Sans que les fieres destinées,
Et que l’impitoyable mort,
De nôtre Pere ayent pû finir le sort.

Air nouveau §

Mercure galant, juillet 1707 [tome 7], p. 358.

Je vous envoye une Chanson nouvelle.

AIR NOUVEAU.

L’Air La vengeance, page 358.
La vengeance que je desire
Pour punir l’infidelle Iris :
C’est qu’elle connoisse le prix
Du cœur dont elle perd l’empire.
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