1708

Mercure galant, octobre 1708 [tome 11].

2017
Source : Mercure galant, octobre 1708 [tome 11].
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Mercure galant, octobre 1708 [tome 11]. §

Stances à Saint Loüis §

Mercure galant, octobre 1708 [tome 11], p. 5-7.

 

Les Vers qui suivent sont adressez à Saint Louis, & ont esté presentez au Roy le jour de la Feste de ce Saint, Sa Majesté estant à Fontainebleau.

STANCES
à Saint Loüis.

Grand Roy, grand Guerrier & grand Saint,
Qui de ces paisibles retraittes,
Le cœur d’un pur amour atteint,
Fîtes vos delices secrettes ;
Voyez-y vostre auguste sang,
Sous vostre nom, dans vostre rang,
Pour même usage les élire,
Jettez vos regards les plus doux
Sur l’heritier de vostre Empire,
De vos vertus & de vos goûts.
***
Brûlé du même amour que vous
Il a fait voir le même zéle ;
Vous combatîtes l’infidele,
L’Héretique a senti ses coups.
Favorisez ses justes armes ;
Troublez de mortelles alarmes,
Quiconque attaque son repos ;
Et pour rendre la terre heureuse,
Comblez d’une paix glorieuse
Les jours de ce parfait Heros.

Ces Vers sont de Mr de Messange, qui reüssit parfaitement en toute sorte de genre d’écrire, & dont l’érudition est connuë.

[Ouvrages de Mr de la Fevrerie, touchant une nouvelle Academiæ de beaux esprits] §

Mercure galant, octobre 1708 [tome 11], p. 53-73.

 

Je crois devoir faire succeder à la lecture d’un ouvrage qui a dû attirer toute vostre attention, des ouvrages qui doivent vous divertir puis qu’ils sont de Mr de la Fevrerie qui donne un tour aisé & galant à tout ce qui part de sa plume, & qui badine en Prose & en Vers plus agreablement qu’homme du monde, ce qui n’est pas aisé sans tomber dans la bassesse. Je commence par une lettre dont il n’est pas necessaire de vous expliquer le sujet, cet Auteur faisant parfaitement bien entendre ses pensées, & donnant de l’esprit aux moindres bagatelles.

EPITRE.
À L’AUTEUR DU MERCURE GALANT.

Vous m’oubliez Seigneur Mercure,
Le tems est passé je le vois,
En vain je compte par mes doigts
Et fais une exacte lecture
De vostre Livre tous les mois,
Je n’y suis point triste avanture.
Ce sera pour une autre fois,
Me dis-je un peu de patience ;
De mes Vers il va faire choix,
Et les mettra sans que j’y pense,
Joignons-y les autres emplois
Que les affaires de la guerre,
Luy donnent sur mer & sur terre,
Et qui l’accablent de leur poids,
Malgré la bonté de ses aîles :
À cette excuse je me rens,
Non sans doute il n’a pas le tems
De songer à nos bagatelles ;
Elles viendront plus à propos,
Quand la paix à nos vœux renduë
Icy-bas sera descenduë,
Et qu’elle aura mis nos Heros
Dans le calme & dans le repos,
Fait cesser tambours & trompetes.
Il poura dans ce doux loisir,
Entendre avec plus de plaisir,
Nos chalumeaux, & nos musetes,
Nos tendres vers, nos chansonnettes.
Jadis je raisonnois ainsi,
Quand je regardois sans soucy,
Devant moy vingt ou trente années,
Qui maintenant sont écoulées,
Ausquelles sans trop me flater,
Je n’oserois en ajouter
Que tres peu de mal fortunées.
Aujourd’huy donc qu’à tout moment,
Je m’aproche du monument,
Et qu’à grand pas la mort s’avance
Je raisonne tout autrement.
 Mercure faite diligence,
Je vous en suplie humblement,
Vous en voyez la consequence,
Que me servira-t-il alors,
Que je seray parmy les morts,
Qu’on lise mes petits ouvrages
Dans quelques-unes de vos pages ?
Rien du tout, aprés le trepas,
Ces choses là ne touchent pas,
Et mesme en mourant par avance,
On n’a plus pour tous leurs apas
Qu’une fort grande indifference.
À vous dire la verité,
Je borne au present mon envie,
Et ne me suis jamais flatté
De la vaine immortalité
Dont nostre memoire est suivie ;
Car j’aime mieux plein de santé,
Un grain d’encens bien apresté,
Que tout celuy de l’Arabie,
Quand je ne seray plus en vie.
Voila quel est mon sentiment
Que je vous dis naïvement,
Pour éviter sur toute chose
Le compliment qui nous expose
À de ridicules travers ;
Et j’ay cru qu’une Lettre en Vers,
Valoit mieux qu’une Lettre en Prose
Ecrit bien avant dans la nuit,
Le trente Aoust mil sept cent huit.

La Lettre qui suit m’est encore adressée, & elle peut servir de Prelude aux Maximes qui la suivent, faites par le même Mr de la Fevrerie, pour établir une Academie de beaux Esprits.

À L’AUTEUR DU MERCURE GALANT.

Vous sçavez, Monsieur, que je suis Academicien par inclination, si je ne le suis pas par merite, & sans estre d’aucune Societé, je pourrois vous dire que je suis Academicien né dans tous les lieux où je trouve des gens qui aiment les belles Lettres, & les gens d’esprit. Je vous ay déja parlé de quelques-unes de ces Assemblées où j’ay l’honneur d’être appellé, & ce que je vous en ay dit vous a paru digne d’être sçû du public. La Compagnie dont j’ay à vous parler maintenant est composée de personnes sçavantes & choisies, & qui pouvoient prétendre d’avoir place à l’Academie de Caën, si son Protecteur luy avoit donné du moins l’étenduë de la Generalité dont cette Ville est la Capitale. Vous jugez bien, Monsieur, que cette Compagnie est dans le voisinage de Caën ; je vous en diray davantage lorsqu’elle sera formée, & qu’elle aura mis en pratique les Maximes que je vous envoye. Quoi que ces Reglemens soient en Vers, ils n’en sont pas moins solides, & peuvent estre de quelque utilité aux Societez Provinciales qui s’attachent à cultiver les Sciences & les belles Lettres.

Voicy ces Maximes, dont on peut dire que si les Rimes n’y sont pas riches en quelques endroits, la raison s’y trouve par tout.

MAXIMES
Pour établir une Academie de Beaux Esprits.

I.

 Pour trouver dans la Conference,
 Le plaisir & l’utilité ;
 Il faut beaucoup de complaisance,
 De douceur, & d’honnesteté.
 Autrement toute la science,
 L’esprit, & la vivacité,
 Ne sont qu’orguëil, que suffisance,
Que contestations, qu’opiniâtreté.

II.

 C’est le défaut qui se rencontre
 Entre la pluspart des Sçavans.
 Ils cessent d’estre honnestes gens,
 Dés que l’occasion se montre
 De pousser leurs raisonnemens ;
Ils ne comptent pour rien toutes les bien-séances,
Vaincre dans la dispute est leur unique but ;
 Que Dieu garde vos Conferences
De ces Docteurs fâcheux si jamais il en fut.

III.

Mais lorsque l’amitié forme une Academie,
Dont elle unit les cœurs avecque les esprits,
On voit une maniere agreable & polie,
 Dans les mœurs, & dans les écrits.

IV.

Pleins d’égars les uns pour les autres,
 Joignez l’estime à l’amitié ;
Les talens d’autruy sont les vôtres,
 Icy chacun est de moitié.
 Vous avez connu le merite
De ceux dont vous avez fait choix,
Pourquoy mépriser dans la suite
Et leurs suffrages & leurs voix ?

V.

Mais vos sçavantes Assemblées
Ne seront jamais bien reglées,
À moins qu’un sage Directeur
Sous les ordres d’un Protecteur,
Ne donne à cette Academie,
La forme, l’esprit, & la vie.

VI.

En attendant d’autres lumieres,
Voicy, si j’ose m’expliquer,
Les choses les plus necessaires
Que vous devez tous pratiquer.

VII.

 Ecoutez ce qu’on dit avec attention,
N’interrompez jamais par indiscretion,
 Par mépris, par prévention ;
 Que sçavez-vous ce qu’on veut dire ?
 Quelquefois une question
 Qui semble estre faite pour rire,
Est pleine de bon sens, & d’érudition.

VIII.

 Mais vous estes d’avis contraire,
 Vous parlerez à vostre tour,
 Sans estre trop long, ny trop court,
D’un air modeste & doux, sans fierté, sans colere.
Quand on traite les gens avec tant de hauteur,
On rebute l’esprit, on revolte le cœur.

IX.

 Examinez la question,
Non pour la consulter, mais plutost pour la suivre ;
 Un honneste homme qui sçait vivre,
N’est jamais entesté de son opinion.

X.

Mais sans prendre trop de licence,
Sans aigreur, sans emportement,
Il établit son sentiment,
Et prouve tout ce qu’il avance.
Car il sçait d’un autre costé,
Que c’est foiblesse & lâcheté,
D’abandonner par complaisance
Le bon sens & la verité.

XI.

Celuy qui cede tout, celuy qui veut combatre,
 Le complaisant, l’opiniâtre,
 Ont également leur defaut,
 Au Cercle, & dans l’Academie ;
 Pour tenir le milieu qu’il faut,
 Ne suivez pas vostre genie,
S’il est trop vif, vous serez turbulent,
S’il est trop mou, vous serez indolent.

XII.

Des ouvrages d’autruy judicieux Critique
 Vous en jugerez sainement ;
 Et joindrez dans le jugement
 La theorie & la pratique.
Car ce n’est pas assez pour estre bon Censeur,
D’avoir l’esprit subtil, delicat, satirique,
 Il faut estre bon Connoisseur.

XIII.

 Sur nos ouvrages plus severe,
 Ne vous laissez rien échaper
Dans les regles de l’Art traitez vostre matiere,
Et sur le choix des mots gardez de vous tromper,
 Mais selon vostre caractere,
Il ne faut pas toûjours corriger, effacer,
Il est un certain point qu’on ne sçauroit passer.

XIV.

 Pour soûtenir vos Conferences,
Avec plus de profit & de solidité,
Mêlez-y quelquefois les beaux Arts, les Sciences,
 Selon vostre capacité,
Car le langage seul au fond d’une Province,
Est, ce me semble une étude bien mince
 Pour arriver à l’immortalité.

XV.

 Exact, scrupuleux sur les mots,
Parlez toûjours correct, dans vostre Academie,
 Mais n’allez pas à tout propos,
 Quand vous serez en compagnie,
Chicanner tout le monde, & troubler l’entretien,
 Pour faire le puriste Academicien.

XVI.

 Si quelquefois on vous propose
Des doutes sur la langue, ou d’autres questions ;
Avant que de répondre examinez la chose,
 Et prenez vos précautions.
 Car à la risée on s’expose,
En se précipitant dans ses decisions.

XVII.

 Pesez tout, ne rejettez rien,
 D’une Societé nouvelle
 Souvent la moindre bagatelle
Peut estre relevée & servir d’entretien.

XVIII.

Des faux plaisans on doit attendre
Quelque trait piquant & malin,
Ne songez pas à vous deffendre,
Et d’en marquer vostre chagrin.
Laissez tomber la raillerie,
C’est le parti le plus certain
Pour vous & pour l’Academie.

XIX.

 C’est encore une autre imprudence
De conter ce qu’on dit à chaque Conference ;
 Gardez pour tous les curieux
 Et le secret & le silence.
Il vaut mieux en ce cas estre misterieux
 Que de sçavoir ce qu’on en pense.

XX.

 Enfin aimez vos exercices,
 L’étude qui fait vos delices,
 Vous donnera d’heureux momens ;
Ne vous rebutez point de ces commencemens
 Qui paroissent peu favorables ;
 Il faut creuser, approfondir,
Vos ouvrages par là seront recommandables
 Et vous les verrez applaudir.

Je crois que vous jugerez favorablement de cette nouvelle Academie, si tous les Academiciens ressemblent à Mr de la Fevrerie.

[Premier Article des Morts] §

Mercure galant, octobre 1708 [tome 11], p. 82-94.

 

Il n’est pas extraordinaire de parler de Morts aprés avoir parlé de Mariages, & ce sont deux choses qui se suivent assez ordinairement.

Mr Jean Ernest Gerhard, Docteur & Professeur en Theologie dans l’Université de Giessen dans la haute Hesse, mourut il y a déja quelques mois. Il avoit esté Recteur de cette Université, & il se démit de cette dignité dans les premiers mois de l’année 1706. Il est mort dans le temps qu’on se preparoit dans cette Université à celebrer avec solemnité l’année seculaire de sa fondation, par des Jeux & par d’autres marques de réjoüissance. Il avoit esté associé à l’Academie des Sçavans de Jene sa patrie, & il estoit lorsqu’il est mort de celle des Journalistes de Leipsick, à qui l’on doit les beaux Journaux Latins qu’elle donne depuis l’an 1682. Enfin il estoit devenu un des plus sçavans hommes d’Allemagne, dont il avoit voulu voir toutes les Academies, ayant esté à celles des Villes de Saxe ; de la Marck ; du Cercle de Westphalie ; de Pomeranie ; de Meckelbourg ; d’Holsace ; de Lunebourg, & du Duché de Brunswick. Il estoit aimé de tous les Princes d’Allemagne, & il a esté regretté de tous les Sçavans. Il estoit solide & profond Theologien, grand Philosophe, exact Historien, & judicieux Critique. Il ne luy manquoit rien que d’estre né dans la vraye Religion. Il a laissé quantité d’ouvrages que ses heritiers donneront sans doute au public. Il estoit bon & fidelle ami, & il en a donné des preuves à plusieurs sçavans Compatriotes. Il estoit en relation avec feu Mr l’Evêque de Meaux, & il n’a pas tenu à ce Prelat qu’il ne l’ait tiré de l’erreur & des préjugez de l’éducation.

Mr Jean-George Grævius, est mort depuis peu en Hollande, avec la réputation d’un des plus sçavans hommes du dernier siecle. Il estoit né à Naumbourg sur l’Issel le 29. du mois de Janvier de l’an 1632. Il fut Professeur en 1656. à Duisbourg, & ce fut dans cette Ville où il épousa Jeanne-Adelie de Camp, dont il a laissé quatre filles. Il succeda à Mr Gronovius, dans la Chaire de Professeur en Histoire à Deventer, & trois ans aprés, il fut choisi pour exercer à Utrecht la même profession, & il s’en est acquitté pendant plus de quarante ans avec une grande reputation. Les occupations dont il a esté chargé ne l’ont pas empêché de donner au public un grand nombre de Commentaires sur les Auteurs anciens & modernes, & des seules Prefaces de ces ouvrages Mr Albert Fabricius a formé un excellent Recüeil qui vient d’estre publié. Mr Pierre Burman Membre du College d’Utrecht, prononça aprés la mort de Mr Grævius une Oraison funebre qui receut de tres-grands applaudissemens. On y trouve un détail fort curieux des ouvrages de Mr Grævius. Ce sont les œuvres d’Hesiode, publiées à Amsterdam, en 1667. des Notes sur Lucien ; les Epitres d’Isaac Casaubon ; les Epitres familieres de Ciceron ; celles du même Auteur à Atticus ; son Traité des Offices, & ses Oraisons ; Florus qui a conduit son Histoire jusqu’au commencement du regne d’Auguste ; les œuvres de Justin, qui donne une idée fort précise de l’Histoire universelle, avec des Notes ; les œuvres posthumes de Meursius de l’Isle de Chypre, & de celles de Rhodes & de Crete ; la Themis attique du même Auteur, de même que son Thesée & ses Champs attiques ; Albert Ruben de la maniere de s’habiller des Anciens, & une Dissertation du même sur la vie de Mallius Theodore ; le Traité de la Peinture des Anciens de Junius ; les Hymnes de Callimachus ; les œuvres de Lucien ; celles de Suetone ; les Commentaires de Jules Cesar ; le Glossaire d’Isidore, Catulle, Tibulle & Properce ; un Recüeil de diverses Dissertations tres-rares ; un Traité des Rites des Sermons des Anciens de Bernardin Ferrarius Milanois ; les quatre Livres de la Vie de Cour de l’Hermite Daniel ; les Poëmes Grecs & Latins de Pierre-Daniel Huet ; le Tresor des Antiquitez Romaines ; les Epitres adressées à Gudius, & un Discours sur l’Academie de Hall & sur sa formation.

Mr Wolfang Adam Lauterbach, President en la Chambre qu’on nomme Ecclesiastique du Duché de Wirtemberg, & Conseiller au Conseil Secret du Prince, est mort depuis quelque temps. Il estoit né dans le territoire de Plawe. Dés l’année 1649. il eut une Chaire de Professeur en Droit à Tubinge. Son merite luy attira les bonnes graces du Prince Evrard 3. Duc de Wirtemberg, qui luy accorda la Charge de Conseiller qu’avoit Thomas Langius, dont ce Professeur avoit épousé la fille. Le Prince Guillaume-Louis à qui le feu Empereur avoit donné l’administration du Duché de Wirtemberg aprés la mort d’Evrard 3. le voulut avoir auprés de luy & pour l’y attacher il luy donna une place dans son Conseil Secret, & la Charge de President de la Chambre Ecclesiastique. Il a fait plusieurs Traitez sur le droit des Contrats en general ; de fide jussore indemnitatis, de arra, de nuntio, de epistola, de honor. societ. conjugal. disputationes juridicæ : de jure antiereseos : de voluntate, in 4°. on attendoit impatiemment ses Commentaires sur le Digeste ; ceux qui avoient pris ses cahiers dans l’Ecole de Droit avoient fait connoître que cet ouvrage seroit fort utile, & qu’on y trouveroit ce qui manque dans Wesembec, Struve, & autres Jurisconsultes qui ont écrit sur le Droit Saxon. Mais ses grandes occupations l’empêchant d’y mettre la derniere main, Jean-Jacques Schuz fut chargé d’y travailler & de donner son Droit Civil, ce qui fut executé. Il esperoit de revoir luy-même ses Commentaires sur le Digeste, mais ce soin estoit reservé à Mr Lauterbach son fils Conseiller-Assesseur de la Chambre Imperiale ; il a eu ce digne fils de N.… Langius son épouse dont j’ay déja parlé. Les deux tomes des Commentaires sur les Pandectes n’en contiennent que les trente-huit premiers chapitres. La perte de Mr de Lauterbach a esté tres-sensible à Mr le Duc de Wirtemberg ; mais sur tout à tous les gens de Lettres d’Allemagne qui le regardoient comme un des premiers Jurisconsultes de l’Empire, & un de ceux qui entendoient le mieux la Jurisprudence Germanique.

[Mort de Jean-Louis Mario, Comte de Fiesque]* §

Mercure galant, octobre 1708 [tome 11], p. 136-137.

 

Jean Louis Mario Comte de Fiesque, Prince & Vicaire du saint Empire, Souverain de Lavagne, Prince du Val de Tarre, de Masseran & de Pontremoly, est mort sans Alliance âgé de 61. ans. Je ne vous dis rien de la Maison de Fiesqui dont je vous ay parlé à fond il y a quelques mois, à l’occasion d’un Nonce de ce nom. La Mere du Comte qui vient de mourir étoit de la Maison d’Harcourt Beuveron qui tire son origine d’un puisné des anciens Comtes d’Harcourt ; c’étoit une Dame d’un grand merite & de beaucoup d’esprit. Le Comte son fils dont je vous apprens la mort étoit fort répandu parmy le beau monde, & fort estimé des personnes du premier rang, avec qui il étoit souvent. Il aimoit les beaux Arts, & particulierement, la Musique, dont il avoit une parfaite connoissance.

[Article touchant le nom de la Fare donné à l’Abbé qui a preché cette année le Panegyrique de Saint Louis, devant Messieurs de l’Academie Françoise] §

Mercure galant, octobre 1708 [tome 11], p. 195-199.

 

J’estois persuadé que vous seriez aussi satisfaite que vous l’avez esté de ce que vous avez vû dans ma derniere Lettre, du Panegyrique de S. Louis, prononcé le jour de la Feste de ce Saint dans la Chapelle du Louvre en presence de Mrs de l’Academie Françoise ; mais je dois vous dire que l’Abbé qui s’est acquis tant de gloire par ce Panegyrique, est vulgairement appellé Lopés ou Lopis, la Fare n’estant que le nom d’une Terre qui même n’est actuellement que dans la branche cadette de celle dont est issu cet Abbé. Les Lopés sont originaires d’Espagne ; ils ont possedé la Souveraineté de Biscaye depuis l’an 800. jusques à l’an 1000. & c’est pourquoy ils portent encore les anciennes armes de Biscaye ; ils furent longtemps aprés Connestables de Castille. Le dernier Connestable de ce nom fut disgracié environ l’an 1424. sous le regne de Jean II. qui luy fit succeder Dom Alvaro de Luna son Favori, quelques années aprés cette disgrace, Dom Garcias Lopés de Villanova quitta la Castille & alla s’établir à Avignon, avec Eleonor de Perez sa femme ; ce fut vers l’an 1445. Voila en general ce qu’on trouve de plus remarquable dans l’Histoire d’Espagne, concernant la famille dont descend Mr l’Abbé de la Fare, ou plutost Mr l’Abbé de Lopis. On sçait que cette famille s’est soûtenuë avec honneur & distinction tant dans les Emplois qu’elle a eus dans les Armées, que dans ses alliances, depuis qu’elle s’est transplantée dans le Comtat d’Avignon. Quelques gens ont crû que Mr l’Abbé de Lopis, appellé par plusieurs Abbé de la Fare, qui a fait le beau Panegyrique de S. Louis, dont je vous ay déja parlé, estoit de la même maison que Mr le Marquis de la Fare, Capitaine des Gardes de Son Altesse Royale Monsieur le Duc d’Orleans, & il y avoit en effet lieu de le croire en n’en jugeant que par la joye & par la vivacité avec laquelle ce Marquis fit les honneurs du Sermon de S. Louis, & en reçut les felicitations. L’Abbé qui le prêcha avec tant de succés, est à la verité son proche parent ; mais ce n’est que par Me sa mere.

Air nouveau §

Mercure galant, octobre 1708 [tome 11], p. 287-288.

De même que les couleurs opposées font un merveilleux effet dans un Tableau, & que les clairs & les bruns frapent agreablement la vûë, je crois que dans un recüeil de matieres differentes, l’opposition de ces matieres réveille l’attention du Lecteur ; & c’est pourquoy je crois pouvoir placer une Chanson aprés des Articles de morts.

AIR NOUVEAU.

Gardez-vous d’estre Inhumaines,
Usez mieux de vos beaux ans.
Si vos Amans dans leurs chaînes
Trouvent leurs maux trop cuisans,
Pour leur faire aimer leurs peines,
Rendez leurs fers moins pesans :
Gardez-vous d’estre Inhumaines,
Usez mieux de vos beaux ans.
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[Article concernant la prise de Lille, rempli d’un grand nombre de faits curieux] §

Mercure galant, octobre 1708 [tome 11], p. 305-317.

 

Il est temps de vous parler de la prise de la Ville de Lille, & cet article doit estre remply de tant de circonstances & de faits qui meritent attention, que j’ay crû que vous en jugeriez mieux si je vous rafraîchissois la memoire de ce qui s’est passé en Flandre depuis l’ouverture de la Campagne, ce que je vais faire en peu de paroles.

On peut dire que depuis la mi May, jusqu’au 4. Juillet, l’Armée de France & celle des Alliez ont esté fort peu éloignées l’une de l’autre ; mais que pendant tout ce temps la superiorité de l’Armée de France a paru en toutes choses. Elle n’a fait aucun mouvement qui n’ait inquieté celle des Ennemis, qui n’a eu d’attention qu’à se garentir de surprise, & qu’à couvrir quelques-unes des Places que l’on croyoit pouvoir estre attaquées, & qu’enfin pendant tout ce temps l’Armée de France a toûjours reglé tous les mouvemens de celle des Alliez qui a souvent pris le change, dés que Monseigneur le Duc de Bourgogne a fait quelques marches, ou quelques mouvemens comme pour marcher, ce qui a fait faire des marches aux Alliez dans lesquelles ils ont perdu quantité de monde, ayant beaucoup souffert. On doit aussi remarquer que pendant tout le temps dont je viens de parler, les Partis François ont remporté de continuels avantages sur ceux des Alliez qui ont si souvent manqué de courage, que l’on peut dire que presque toute leur Cavalerie avoit péri avant que la Campagne fust avancée, au lieu que l’Armée de France fourageoit par tout où il luy plaisoit en Armée triomphante, ayant autant de liberté d’agir que si elle n’avoit esté observée par aucune Armée Ennemie. Je sçay que je ne devrois pas estre crû sur ma parole, si je ne vous avois chaque mois envoyé un Journal de ce que je viens de vous marquer, & si je ne vous avois donné des preuves de tout ce que j’ay avancé, qui d’ailleurs estoit si public & si veritable, qu’il n’estoit pas même contesté des Ennemis.

Cette manœuvre ayant duré pendant prés de deux mois, & ayant fort fatigué & affoibly l’Armée Ennemie, elle apprit que Monseigneur le Duc de Bourgogne avoit fait entrer des Troupes dans Gand & dans Bruges, ce qui peut donner lieu de dire qu’elle avoit esté prise pour dupe, s’il m’est permis de parler ainsi. Les Alliez aprehendant alors pour toutes leurs Places, plus qu’ils n’avoient encore fait, redoublerent tous leurs soins & toute leur attention pour empêcher que l’on en surprit d’autres. Ils sçavoient jusqu’à quel point ils étoient hays de tous les peuples de Flandre, de quoy ils ne pouvoient s’empêcher de convenir eux-mêmes : en voicy les raisons.

Les Irreverences des Anglois & des Allemans Protestans & Lutheriens ont toujours esté jusqu’à l’excés contre les Mysteres de la Religion dans toutes les Villes Catholiques où ils ont esté. Les Imperiaux n’ont songé qu’à piller & à exiger des sommes exorbitantes, l’Empereur ayant toujours esté fort peu en état de payer ses propres Troupes, & les revenus de ses Pays hereditaires estant si modiques que beaucoup de petits Souverains de l’Europe ont d’aussi gros revenus. Quant aux Hollandois, ils ont toujours paru agir avec plus d’honnesteté & plus de retenuë ; mais ils n’en ont pas moins fait souffrir les Villes où ils ont eu quelque pouvoir, & l’on peut dire même qu’ils les ruinoient entierement, puisqu’ils en transportoient tout le commerce dans leurs Provinces, & que la Banque ne s’y faisoit que par des gens de leur Nation. Voila l’état où ont esté les Villes conquises par les Alliez, & où sont aujourd’huy celles qui sont encore sous leur domination. On ne doit pas s’étonner aprés cela si les Alliez avoient lieu de croire que toutes les Villes dont les Armées de France pourroient aprocher, leur ouvriroient leurs Portes, si elles se trouvoient en état de le faire. C’est pourquoy aprés avoir perdu Gand & Bruges, ils mirent toute leur attention à empêcher que les Troupes de France ne continuassent leurs progrés, & jugeant que leur dessein pouvoit estre sur Oudenarde, ils les devancerent de quelques heures, ce qui fut cause que le combat fut engagé dans un Poste qui leur étoit fort avantageux. Je ne vous repeteray point icy ce que je vous ay déja dit de ce combat, vous en ayant envoyé un volume entier, non seulement remply des Relations des Commandans François qui avoient eu part à cette action, mais aussi de Relations des Ennemis mêmes, & de Lettres de Bruxelles & de la Haye qui doivent vous avoir fait déveloper la verité. Il est à remarquer que dés qu’il se passe une action heureuse ou malheureuse parmy les Troupes des Alliez, la Politique veut qu’ils envoyent des Couriers par toute l’Europe, avec de fausses Relations des grands avantages qu’ils ont remportez, sans quoy ils ne pourroient engager leurs sujets à continuer la guerre, & à contribuer aux frais necessaires pour la soûtenir. Leurs Relations imprimées avoient marqué que l’on avoit envoyé en Angleterre plusieurs Etendards & plusieurs Drapeaux ; cependant l’on y a chanté le Te Deum sans avoir fait voir au peuple ces Etendards & ces Drapeaux, comme l’on a fait aprés d’autres actions dans lesquelles on en avoit veritablement remporté ; & comme il n’en a paru ni à la Haye, ni à Bruxelles, & qu’on ne sçait ce qu’est devenu le grand nombre des prisonniers que les Alliez se vantoient d’avoir faits, il n’y a pas lieu de douter que ce qu’ils ont raporté de ce combat doit estre regardé comme autant de fables. Je finis ce qui regarde ce combat par un fait qui doit décider de tout, & faire connoistre la verité. On a imprimé qu’on avoit fait prisonniers 9000. hommes dans une seule Aile de nostre Armée, & il a esté averé depuis que l’Aile dont il estoit question, n’avoit point combattu. Cet article seul suffit pour faire connoistre le caractere des Alliez, & que leurs Peuples sont bien dupes s’ils ajoûtent foy à tout ce qu’on veut leur faire croire.

[Article des Enigmes] §

Mercure galant, octobre 1708 [tome 11], p. 360-362.

 

Le mot de l’Enigme du mois passé estoit l’Ombre. Ceux qui l’ont trouvé sont Mrs du Breüil ; Gallois ; Ferrandin ; Lordelon ; de la Picardiere ; le nouveau Docteur ; l’Abbé Macarie ; Paumier, Avocat de Maubuisson, & son Beau-Pere ; Thomas Maistre de Pension ; le Procureur du Roy de Gueret ; Tamiriste ; les quatre bons amis ; & le Mechanicien de Cour Cheverny en Sologne ; Mlles Thomassin & de la Brianville de la ruë Saint Antoine ; le Févre ; la Guillotiere ; de la Saussaye, du quartier du Marais ; la jeune Muse renaissante G.O. la Solitaire de la ruë aux Féves ; la belle Joüeuse de clavecin, de la ruë Saint Denis ; la Muse guerriere, & la fille nouveliste, du Quartier Saint Honoré.

Je vous envoye une Enigme nouvelle. Elle est de la composition de Mr de Souvenel, de Rennes eu Bretagne.

ENIGME.

Je sçay faire sans mains, sans couleurs, sans pinceau,
Des portraits d’aprés la Nature
Et ce qui doit en moy paroître encore plus beau,
D’un seul trait je commence & finis ma peinture.
Je fais un chat un chat, un vieillard un vieillard ;
Aux gens de belle humeur je donne un air gaillard ;
Je donne des apas aux belles :
Enfin sans peur de m’estre trop vanté,
Je me puis bien nommer, avec les plus fidelles,
L’image de la verité.

Air nouveau §

Mercure galant, octobre 1708 [tome 11], p. 362.

AIR NOUVEAU,

Les Vignes ont manqué, chacun s’en inquiette ;
Mais je compte pour rien,
Et consens de bon cœur que Bachus me maltraite
Pourvû qu’Amour me traite bien.
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