1709

Mercure galant, août 1709 [tome 8].

2017
Source : Mercure galant, août 1709 [tome 8].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, août 1709 [tome 8]. §

[Sacre de sept Religieuses en même temps] §

Mercure galant, août 1709 [tome 8], p. 124-129.

Il y a quelque temps que Mr l’Archevêque de Lyon se transporta à Salettes en Dauphiné, Monastere de Filles, de l’Ordre des Chartreux, & situé dans la partie de son Diocese qui est en Dauphiné, pour y sacrer sept Religieuses. C’est une ceremonie particuliere aux Religieuses de cet Ordre, & qu’on ne pratique à leur égard qu’aprés sept ou huit années de Profession. Cette Ceremonie est fort belle & doit toûjours estre faite par un Evêque ; & on attend pour la faire qu’il y ait plusieurs Religieuses qui soient dans le cas requis. Il y en a eu en dernier lieu sept sacrées, parmi lesquelles s’est trouvée Me de Mailla, fille de Mr le Comte de Mailla Chef de l’illustre Maison de Moyria, dont Mr le Chevalier de Châtillon Brigadier des Armées du Roy & Colonel des Carabiniers, est aussi ; & Me Brossart de la Ville de Bourg en Bresse. Au milieu de la Ceremonie il faut faire un Discours auquel ce Prelat ne s’attendoit, parce que l’on ne l’avoit pas averti, & qu’à un endroit du Ceremonial on luy fit remarquer qu’il estoit porté que l’Evêque Officiant devoit faire un Discours aux Religieuses qui donnoient lieu à la Ceremonie, Mr l’Archevêque de Lyon le fit sur le champ avec beaucoup de dignité & d’onction. On met donc aux Filles que l’on sacre le Manipule, & on leur donne le droit de chanter l’Epitre à la Messe ; on leur met des Couronnes sur la teste, & l’on fait d’autres Ceremonies toutes tres-édifiantes, & qui portent avec elles de prétieux vestiges d’antiquité, & des preuves que ces Religieuses répondent aux Diaconistes des premiers siecles, & établies par les Apostres, & qui au commencement ne faisoient Profession qu’à l’âge de soixante ans, en recevant avec le Voile la benediction de l’Evêque par l’imposition des mains qui n’étoit pourtant à leur égard qu’une ceremonie & non un ordre. Le Concile de Calcedoine fixa leur âge à quarante ans. Elles estoient principalement établies pour rendre service aux personnes de leur sexe. On les presentoit de même que les Religieuses dont il est question en cet Article à l’Evêque devant le Sanctuaire, ayant un petit manteau qui couvre le col & les épaules qu’on nomme Masorium, & aprés la Priere qui commence par ces mots, la grace de Dieu. La nouvelle consacrée fait une inclination de teste sans fléchir les genoux. L’Evêque luy impose ensuite les mains & fait la Priere ordinaire. Cet Office se fait encore aujourd’huy dans l’Eglise de Milan, où il y a des Matrones, qu’on nomme Vetulones, qui portent du pain & du vin pour le Sacrifice à l’Offertoire de la Messe, qu’on chante selon le Rite Ambrosien.

Epigramme §

Mercure galant, août 1709 [tome 8], p. 141-144.

Ce que vous venez de lire des effets de la Puissance de Dieu, doit vous faire trouver l’Epigrame qui suit, & qui a esté faite contre les Athées, encore meilleure. Elle est de Mr l’Abbé Jacquelot.

EPIGRAMME.
Sur l’aveuglement & l’extravagance des Hommes ; à Mr l’Abbé ****

Cher Lisandre au temps où nous sommes,
Chose étrange ! il n’est point de lieu
Où nous ne voyons quelques hommes
Nier l’existence de Dieu.
Mais du vaste Univers la machine admirable,
Est-elle sans principe & sans commencement.
Si tout est composé, dépendant, périssable,
Ils osent sans raison porter ce jugement.
Par elle-même enfin d’un cahos effroyable
Dans ce pompeux éclat, ce juste arrangement,
A-t-elle pû sortir, rouler, demeurer stable,
Non, Puisque l’Eternel exclud le changement
Leur matiere éternelle estoit toute immuable.
Cette machine est donc un sensible Argument,
Qui d’une force inébranlable
Renverse leur raisonnement.

Air nouveau §

Mercure galant, août 1709 [tome 8], p. 264-265.

Pendant que ces nouveaux époux jouïssent des douceurs d’un Mariage si bien assorty, la calamité publique a fait faire la Chanson suivante ; mais comme on ne sent pas vivement les mal heurs dont on ne parle qu’en chantant, & que les Chansons sont toujours bien placées à la suite des Mariages, je vous en envoye une toute nouvelle.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par Tout languit, doit regarder la page 265.
Tout languit, tout gemit, Bacchus sous ton Empire,
On y doute aujourd’huy de ton pouvoir divin ;
Eh comment pourroit on y rire
Puisque l’on y manque de vin ?
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[Mort de Messire Chrestien de Lamoignon]* §

Mercure galant, août 1709 [tome 8], p. 273-276.

La France vient de perdre un de ses ornemens dans la personne de Mre Chrestien de Lamoignon, ancien President à Mortier du Parlement, & honoraire de l’Academie Royale des Medailles & Inscriptions. Il estoit fils de Guillaume de Lamoignon, premier President du Parlement, & de Madeleine Potier, fille de Nicolas Potier Sieur d’Ocquerre, Secretaire d’Etat. Sa naissance, son érudition, & les grands Emplois par lesquels il a passé, fournissent une vaste carriere pour un bel Eloge ; mais comme selon l’usage de cette Academie le Secretaire doit publiquement prononcer un Eloge de ceux qui meurent dans ce Corps, je remets à vous en parler lorsqu’il aura prononcé cet Eloge, ainsi que de sa Maison. Je vous diray cependant que c’est à juste titre que cette Academie l’avoit choisi pour paroistre à sa teste, puisqu’il est peu d’hommes qui ayent eu une plus parfaite connoissance des Medailles antiques, & qu’il avoit conservé du Cabinet de Mr le Premier President son pere, une suite tres belle de Medailles Romaines de grand Bronze. Voicy des Vers qui ont esté faits au sujet de cette mort par Mr Moreau de Mautour de la même Academie.

Lamoignon ne vit plus. Ce nom seul dans mon cœur,
Comprend tout son éloge & toute ma douleur.
Pourroit-on exprimer ces nobles caracteres,
De grandeur, d’équité, de vertu, de douceur.
Qui dans ce Magistrat furent hereditaires.
Les Muses & Themis viennent de perdre en luy
Leur ornement & leur appuy.
Toy, dont il a subi l’Arrest irrevocable,
Déesse aveugle, impitoyable,
Tu n’as point ménagé ses jours si prétieux,
Mais si nous n’avons fait que d’inutiles vœux,
Sa memoire du moins, & son nom respectable,
Malgré toy, passeront à nos derniers Neveux.

[Saint-Louis célébrée à l’Académie]* §

Mercure galant, août 1709 [tome 8], p. 337-340.

Le 25e de ce mois, la feste de saint Loüis fut celebrée de la maniere qu’il a esté ordonné depuis quelques années. C’est à dire, de même que les festes solemnelles pendant lesquelles on ne peut rien vendre ny mesme rien crier dans les ruës.

Dés le matin du même jour Messieurs de l’Academie Françoise s’assemblerent dans la Chapelle du Louvre pour entendre la Messe qui fut celebrée par Mr l’Abbé Fleury l’un des Membres de ce Corps, pendant laquelle on chanta un Motet en Musique, & le Domine salvum fac Regem. La Musique estoit de la composition de Mr du Bousset.

La Messe étant finie, Mr l’Abbé Fournier fit le Panegyrique de saint Loüis, & fit un parallele de plusieurs circonstances de la vie du Roy, dont il fit voir beaucoup de conformité avec les vertus, les actions & beaucoup de choses par lesquelles Dieu a éprouvé la constance du Roy, comme il avoit fait celle de S. Loüis. Je ne vous en dis pas davantage, parce que le mois est trop avancé, & que je vous en parleray le mois prochain suivant ma coûtume, ainsi que de ce qui se passa l’aprés-dînée à la distribution des Prix qui se donnent tous les deux ans.

L’Academie Royale des Medailles, & Inscriptions, fit chanter le même jour, dans l’Eglise des Prestres de l’Oratoire une Messe en Musique ; la Musique estoit du même Maistre.

Le Panegyrique de Saint Loüis fut prononcé devant toute l’Academie, par Mr l’Abbé Anselme dont la grande réputation est connuë. Il fit aussi voir le rapport qui se trouvoit entre plusieurs choses qui ont signalé la pieté de S. Loüis, & celle du Roy, dont je vous parleray le mois prochain.

Enigme §

Mercure galant, août 1709 [tome 8], p. 342-346.

Le mot de l’Enigme du mois dernier estoit la Lumiere. Ceux qui l’ont trouvé sont ; Mrs l’Abbé Guitton ; Gourdin, de S. Cloud ; André Sommereau ; de la Tannerie ; des Ormeaux ; Gelac ; le Chevalier & son frere Mr du B… du Cloistre S. ***. Tamiriste ; I.D.P. Lyonnois, de la ruë de la Truandrie, ou le juste mécontent de luy-même ; le Solitaire Desangloux, & son Amy Darius ; l’Indolent, de la ruë S. Martin, & le Resident à Paris, pour les Belles de Rouen. Mlles Charlotte Pichery, de Salins ; Fanchon de Melise ; Cardot ; de Leriac ; la jeune Muse renaissante G.O ; la plus jeune des belles Dames de la ruë des Bernardins ; les deux charmantes belles sœurs de Tonnerre ; la Belle aux deux noms, de la ruë neuve *** ; la charmante niéce de Mr Gourdin de S. Cloud, & le Moulin à paroles du même lieu.

Je vous envoye une Enigme nouvelle que vous ne trouverez pas hors de saison.

ENIGME.

Je n’ay ni mains, ni pieds, ni teste ;
Je ne suis Volatille, Arbre, Poisson, ni Fleur,
Et cependant j’ay de l’odeur,
De l’humeur, de la chair, aussi bien qu’une beste ;
De l’écorce & de la couleur.
Je suis du nombre des Reptiles,
Et bien souvent j’impose aux yeux des plus habiles.
On n’a pas lieu de craindre mon venin ;
On me voit dans mon temps des premiers au festin ;
Mais aprés tout, mon malheur est extrême,
Croiroit-on que celuy qui m’aime
Ne fait point de difficulté
Pour contenter sa volupté
De mettre contre moy par un sensible outrage
Le fer & l’acier en usage.

Air nouveau §

Mercure galant, août 1709 [tome 8], p. 346.

Je vous envoye une Chanson nouvelle dont voicy les paroles.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : [l’Air] qui commence par Bacchus, doit regarder la page 346.
Bacchus n’estant plus à la mode
Croit-on que Venus
Quoy que Déesse fort commode
Ait le dessus ?
  Abus :
Sine Baccho, friget Venus.
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