Cycle de conférences organisé par Bernard Franco, CRLC/ Labex Obvil,
2017
La création littéraire est œuvre d’imagination, l’activité critique est un produit de la raison. C’est contre ce cliché que Friedrich Schlegel, affirmant l’unité des facultés de l’homme et, derrière celle-ci, de ses productions, a défini le Wilhelm Meister de Goethe, par le discours critique contenu dans le roman, comme « poésie de la poésie ». A la même époque, Blake voyait dans l’imagination le socle de toute critique, et créait une symétrie entre un « Grand Code de l’Art » et un « Grand Code de la Critique ». Après eux, en 1846, Baudelaire considérait que « la critique doit être partiale, passionnée », et que « le meilleur compte rendu d’un tableau pourra être un sonnet ou une élégie ». A la fin du siècle, décadents et symbolistes estimaient que, le discours critique prenant pour objet une œuvre, et non le monde, il s’engageait plus avant dans le processus de déréférentialisation qu’ils appelaient de leurs vœux. C’est dans cette perspective qu’Oscar Wilde, par exemple, considérait « le critique comme artiste ».
Il ne s’agit là que de quelques partis pris, illustrant un phénomène dont la littérature offre de multiples formes. Ainsi, de la Critique de l’Ecole des femmes à Six personnages en quête d’auteur en passant par Le Chat botté de Tieck, de Don Quichotte à Si par une nuit d’hiver un voyageur, en passant par Tristram Shandy ou Jacques le Fataliste, la création littéraire s’est réclamée de la critique. La remise en question de la frontière entre critique et création a pu concerner la définition même de genres littéraires : l’essai ne constitue-t-il pas une forme intermédiaire ? La traduction ne vise-t-elle pas à la fois à un commentaire et à une recréation de l’œuvre ?
L’analyse de la présence du discours critique dans la fiction soulève la question de la définition et des frontières de la littérature, mais aussi de la nature du discours critique. La littérature exprime-t-elle par là un besoin de réfléchir sur elle-même et sous une forme qui lui serait propre ? Pour quelle raison le discours critique se développe-t-il dans des œuvres de création ? Y a-t-il une part du sens qui ne trouverait à s’exprimer que dans la littérature, et qui échapperait au concept ?
C’est à ces questions, et à plusieurs autres, que répondront les travaux organisés au cours de ce cycle. Ils aborderont les littératures de différentes époques, de différents domaines et de différents genres, ainsi que les relations que la littérature entretient avec les arts. Ils prendront la forme de conférences d’une durée d’une heure environ, suivies d’une trentaine de minutes de questions. Les textes, d’environ 40.000 signes (notes et espaces comprises) seront rassemblés et publiés dans un numéro spécial de la Revue de Littérature Comparée, à paraître en 2018.