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Góngora et les querelles littéraires de la Renaissance
Góngora et les querelles littéraires de la Renaissance
De la Gerusalemme liberata de Torquato Tasso aux Soledades de Luis de Góngora
Mercedes Blanco
Sorbonne Université-CLEA
- pour l’œuvre de Góngora
- la polémique
- Les notes marginales disposées par les auteurs eux-mêmes, le plus souvent pour expliciter les références érudites auxquelles ils font appel, sont présentées en marge (par skeuomorphisme cf. Sara PEZZINI et Hector RUIZ, « Editar a Góngora con instrumentos digitales : bases metodológicas y perspectivas teóricas para un hipertexto de la polémica gongorina », Revista de Humanidades Digitales, 1, 2017 ) dans le version html (<note> @place="margin" @resp="author").
- Il s’agit d’éditions critiques car le texte est établi à partir de tous les témoignages manuscrits et imprimés disponibles. Dans bien des cas, ces textes étaient encore inédits. Les notes d’apparat critique (<note> @type="app" @rend="I">, en bas de pages et signalées les chiffres romains) consignent les variantes textuelles, selon les choix éditoriaux signalés par l’éditeur dans la neuvième section de l’introduction.
- L’annotation de l’éditeur et la présentation du texte dans l’introduction suivent des normes précises : abondantes notes explicatives, traduction systématique des très nombreuses citations latines, schéma préétabli pour l’introduction, qui en fait une véritable monographie et permet de comparer les textes édités terme à terme. Les éditeurs ont souvent localisé, pour les nombreuses références à la littérature classique et humaniste, la source exacte maniée : par exemple, telle version de la Poétique d’Aristote, telle traduction latine de l’œuvre de Lucien, telle édition de telle traduction italienne de rhétoriques grecques ou byzantines. Cela nous permet d’établir, avec une bonne approximation, la bibliothèque dont disposaient les lettrés qui ont voulu expliquer Góngora, et lui donner sa place de classique ou au contraire le rejeter. À terme, on en tirera une bibliothèque de la polémique gongorine.
- Enfin, les éditeurs ont travaillé à partir d’une feuille de style .docx élaborée par le projet, pour identifier quelques-uns des éléments mobilisés par le discours polémique. Sont ainsi identifiés, en particulier : les autorités nommées (<persName> assortis de @type="authority" et d’un @key), les polémistes mentionnés (<persName>, @type="polemist", @key) et les passages de Góngora cités par les polémistes. Dans ce dernier cas, le renvoi est signalé sous la forme d’un lien hypertextuel qui permet au lecteur de consulter le passage correspondant dans l’édition des œuvres de Góngora (<ref>, @target renvoyant à un vers de Góngora). En retour, les œuvres de Góngora ont elles aussi été enrichies pour signaler quels textes commentent tel ou tel passage de l’œuvre (<ref>, @target renvoyant à un passage de la polémique, sous forme de notes marginales).
Góngora et les querelles littéraires de la Renaissance
Victoria Aranda Arribas
Université de Cordoue (financement FPU), Espagne
Muriel Elvira
Docteur
Professeur en classe préparatoire au lycée des Eaux-Claires et au lycée Champollion de Grenoble
Rattachée à l’ILCEA de l’université de Grenoble.
Patricia Festini
Docteur et chercheur
Université de Buenos Aires. Institut de Philologie et Littératures Hispaniques « Dr. Amado Alonso » (Argentine)
Jaime Galbarro García
Chercheur post-doctoral
Marie Curie Research Fellow Queen’s University of Belfast
María Ángela Garrido Berlanga
Doctorante
Aude Plagnard
Doctorant
Paris IV
École des Hautes Études Hispaniques et Ibériques, CLEA 3 (Paris-Sorbonne)
Melchora Romanos
Professeur émérite
Directrine de l’Institut de Philologie et Littératures Hispaniques « Dr. Amado Alonso » (Argentine)
Góngora et les querelles littéraires de la Renaissance
Rapport ANR 2015
I. Constitution de l'équipe (justification des rattachements)
Comme nous nous proposons un corpus d’éditions digitales, critiques et annotées des pièces de la querelle sur Góngora et des commentaires de l’œuvre de ce poète, chaque pièce de la querelle a été confiée à un éditeur scientifique différent, même si certains d’entre eux ont pris en charge plusieurs textes. Ces éditeurs participent non seulement à la publication digitale de ces éditions, mais aussi aux autres publications issues de la recherche sur ce corpus, et qui seront de type philologique et érudit, d’histoire littéraire et aussi de réfléxion théorique.
Le noyau de ce groupe (baptisé Groupe Pólemos) appartient à l’équipe d’accueil CLEA (EA 4083), Civilisations et Littératures d’Espagne et d’Amérique du Moyen Âge aux Lumières, équipe de l’Université Paris-Sorbonne, actuellement dirigée par Mercedes Blanco. Cependant il a aussi fallu chercher des volontaires ailleurs qu’au seul sein de notre université, en France et hors de France.
Voici la composition présente du groupe (janvier 2015) :
Equipe CLEA (EA 4083)
- Roland Béhar (École Normale Supérieure de Paris)
- Mercedes Blanco (Prof., Université Paris-Sorbonne, IUF)
- Florence d’Artois (MCF, Université Paris-Sorbonne)
- Aude Plagnard (Doctorante, EHEHI)
- Héctor Ruiz (Agrégé, École Normale Supérieure de Lyon)
- Maria Zerari (MCF, Université Paris-Sorbonne)
Autres institutions et équipes en France
- Muriel Elvira (Agrégée, Docteur en Études Hispaniques)
- Samuel Fasquel (MCF, Université d’Orléans)
- Nadine Ly (Prof. Emérite, Université de Bordeaux)
Grupo PASO (HUM, 241, Université de Séville, Espagne)
- Begoña López-Bueno (Professeur, Universidad de Sevilla, Espagne — Responsable scientifique du Grupo PASO)
- Juan Manuel Daza (Doctorant, Universidad de Sevilla, Espagne)
- Francisco Javier Escobar (MCF, Universidad de Sevilla, Espagne)
- Jaime Galbarro (Docteur, Universidad de Sevilla, Espagne)
-
Ignacio García Aguilar (Docteur, Universidad de Córdoba)
- María Ángela Garrido (Doctorante, Universidad de Sevilla, Espagne)
- Almudena Marín Cobos (Doctorante, Columbia University, USA)
- Valentín Nuñez (MCF, Universidad de Huelva, Espagne)
- María José Osuna(Docteur, Universidad de Sevilla, Espagne)
- Inmaculada Osuna(Docteur, Universidad Complutense de Madrid, Espagne)
- José Manuel Rico (MCF, Universidad de Huelva, Espagne)
Autres institutions et équipes étrangères
- Antonio Azaustre (Prof., Universidad de Santiago de Compostela, Espagne)
- Rafael Bonilla (MCF, Universidad de Córdoba, Espagne)
- Jonathan Bradbury (Lecturer, University of Exeter, UK)
-
Andrea Bresadola (MCF, Università di Udine, Italie)
-
Juan Matas Caballero (Prof., Universidad de León, Espagne)
- Begoña Capllonch (Docteur, Universitat Pompeu Fabra, Barcelone, Espagne)
- Daria Castaldo (Docteur, Università Federico Secondo, Naples, Italie)
- Pedro Conde Parrado (Prof., Universidad de Valladolid, Espagne)
-
Francesca Dalle Pezze (MCF Università di Verona, Italie)
- Patrizia Festini (MCF, Universidad de Buenos Aires, Argentine)
- Flavia Gherardi (MCF, Università Federico Secondo, Naples, Italie)
- Giulia Giorgi (Docteur, Università di Ferrara, Italie)
-
Adrián Izquierdo (Doctorant, New York University)
- Miguel Marañón (Docteur, Instituto Cervantes, Espagne)
-
Margherita Mulas (Doctorant, Universidad de Córdoba, Espagne)
- Sara Pezzini (Docteur, Università di Pisa, Italie)
- Jesús Ponce Cárdenas (MCF, Universidad Complutense, Madrid, Espagne)
-
Melchora Romanos( Prof., Universidad de Buenos Aires, Argentine)
-
Luis Sánchez Laílla (Prof., Universidad de Zaragoza, Espagne)
- Lía Schwartz (Prof., Graduate Center, New York University, USA)
- José Solís de los Santos (Prof., Universidad de Sevilla, Espagne)
- Paolo Tanganelli (MCF, Università di Ferrara, Italie)
La liste des membres de l’équipe, avec des fiches individuelles, se trouve dans la page d’OBVIL (mais non mise à jour sur cette page). Ce groupe est informel : il s’agit de spécialistes de littérature espagnole classique, (ou de littérature latine et néo-latine) qui ont accepté de collaborer avec nous. Certains font autorité sur Góngora ou sur d’autres questions ; d’autres sont de jeunes ou très jeunes chercheurs. Les membres de l’équipe « PASO » (Poésie andalouse du Siècle d’Or), de l’université de Séville, ont rejoint le groupe individuellement, encouragés par leur directrice, le professeur López-Bueno.
Leur collaboration, avec un degré d’implication variable, se traduit par les engagements suivants :
- édition d’au moins un texte du corpus des textes critiques et polémiques sur Góngora ;
- participation à la mise en place et à l’expérimentation d’outils tels que la feuille de style, et aux documents de cadrage (normes de l’édition, conception des notes, schéma commun aux introductions et aux notices).
- mise en commun de compétences de critique textuelle
- mise en commun de matériaux telles que des copies digitalisées de manuscrits ou d’autres sources, articles scannés, travaux personnels ;
- participation à un «comité scientifique et technique», constitué dernièrement, dont le rôle est de relire et corriger les éditions ;
- participation à des réunions préparatoires à l’édition, et aux publications qui réuniront des analyses et des études.
Nous avons mis en place, pour faciliter la réussite de cette collaboration d’une équipe géographiquement très dispersée, les moyens suivants :
- une « mailing list », qui fonctionne depuis octobre 2014 et qui permet à tous les membres du groupe de communiquer questions, problèmes et réponses ;
- une plateforme G-Drive, qui réunit un grand nombre de matériaux de travail (voir infra).
II. Définition progressive des axes de recherches
III. 1. Projet d’édition digitale
Les écrits sur Góngora au XVIIe siècle ont été partiellement répertoriés. Dans le très sérieux catalogue de Robert Jammes, publié en appendice à son édition des Soledades (1994), figurent soixante-quatre documents qui portent directement et exclusivement sur l’œuvre, que ce soit pour l’attaquer, pour la défendre ou pour la commenter (dont une dizaine dont on connaît l’existence mais dont il ne reste pas de témoignage). Or, même à s’en tenir aux textes répertoriés dans ce catalogue, leur étude systématique se heurte au fait qu’ils ne sont disponibles que de manière très partielle et dispersée. D’où l’intérêt du projet d’édition digitale dans le cadre du labex OBVIL, qui se propose de mener l’étude renouvelée de la littérature présente et passée, en développant les techniques numériques et notamment en menant à bien la numérisation de vastes corpus critiques, comme terrain d’expérimentation de nouvelles hypothèses herméneutiques et historiques.
Le cadre du labex est donc des plus opportuns pour produire un ensemble cohérent, consultable en ligne, d’éditions critiques numériques des pièces du corpus sur Góngora, pourvues d’assez nombreuses notes, nécessaires pour faciliter la lecture de ces textes toujours érudits, parfois humoristiques et allusifs, truffés de citations latines, italiennes ou en d’autres langues. Les notices détaillées qui accompagneront chacune des pièces seraient la base sur laquelle viendra s’appuyer l’histoire de « l’effet Góngora ».
Ce mode d’édition permettra de les soumettre à une consultation rapide et sélective. En indexant les auteurs mentionnés, les extraits cités, on pourra retrouver de manière immédiate l’ensemble des occurrences ; réunir facilement les passages où sont commentés, attaqués ou défendus telle expression, tel vers, tel passage ; ou encore mener une recherche thématique par clés lexicales ou conceptuelles.
L’édition digitale permettra de corriger et de compléter les différents éléments pour tenir compte des remarques émanant de la communauté scientifique ou d’avancées de la recherche.
Nous nous proposons de réaliser cette tâche en cinq ans, parce que le nombre des textes n’est pas exorbitant et qu’à l’exception de dix commentaires partiels ou complets actuellement répertoriés, la plupart sont de longueur faible ou moyenne. Beaucoup de ces textes requièrent pour les éditions des méthodes de critique textuelle, car ayant circulé sous forme manuscrite, ils nous sont parvenus à travers plusieurs témoignages. Le repérage des sources des citations grecques, latines, italiennes, portugaises et espagnoles, le déchiffrement des allusions et l’analyse de l’argumentation demandent beaucoup de patience et de compétence. Quand les auteurs sont très connus, comme il arrive pour Lope de Vega, Francisco de Quevedo ou Juan de Jáuregui, le texte critique ou polémique doit être situé sur l’arrière-plan d’une œuvre vaste et complexe. Quand ils sont moins célèbres, mettre au point leur biographie et dessiner leur profil social, littéraire et intellectuel, demande un effort de recherche, y compris en archives, même si pour certains de ces personnages on peut trouver un point de départ dans le récent Diccionario biográfico español en cinquante volumes, publié par l’Academia de la Historia. Cette recherche indispensable pour reconstruire l’histoire de la polémique entraînera le bénéfice secondaire de livrer à travers une série de portraits un échantillonnage représentatif du milieu des lettrés espagnols du XVIIe siècle.
Les pièces polémiques et les commentaires seront naturellement édités en espagnol. Nous souhaitons en outre, pour favoriser l’interaction avec d’autres champs disciplinaires et avec les spécialistes d’autres littératures, traduire en français (et peut-être en anglais) un choix de textes. Ce projet, auquel nous tenons, n’est pas dans nos priorités immédiates.
Cette édition sera logée sur un espace numérique en ligne propre à Sorbonne-Universités, avec l’appui logistique du labex OBVIL.
III. 2. Constitution du corpus
À l’instigation des ingénieurs d’OBVIL, Frédéric Glorieux et Vincent Jolivet, nous avons mis en place depuis les premières phases du projet, un tableau EXCEL composé d’autant de lignes qu’il y a de textes dans le corpus et des colonnes suivantes :
- Nom de code du texte qui l’identifie sans ambiguïtés et qui doit figurer dans l’en-tête de chaque fichier (correspondant à une pièce éditée de la polémique)
- Titre abrégé
- Titre complet
- Auteur
- Auteur secondaire
- Destinataire / dédicataire
- Nature de la source principale : Ms./ lieu et atelier d’impression
- Date (données chronologiques explicites dans le document)
- Datation (date établie ou conjecturale à partir de données externes)
- Brève description générique et pragmatique (Ex : lettre, discours, traité, commentaire, épigramme, censure, défense, etc)
de k à s) Sources (max: 9)
de t à w) Éditions modernes papier (max : 4)
y) Digitalisations des sources (d’origine externe)
z) Digitalisations des sources (assurées par nous)
aa) Bibliographie
ab) Éditeur scientifique assigné par le projet
ac) Date de remise du texte (à laquelle s’est engagé l’éditeur scientifique)
Il s’agit d’un document interne appelé à évoluer, car les limites et la nature de ce corpus sont par elles-mêmes un objet de recherche. En effet la querelle de Góngora est inséparable des commentaires de ses œuvres. Érudits et abondants, ces textes imprimés ou manuscrits prennent pour modèle le commentaire humaniste des poètes anciens et de quelques modernes entrés très tôt dans le canon des grands poètes de leurs langues respectives : Pétrarque, Ronsard ; en Espagne, Garcilaso de la Vega. Il est à noter que l’un des commentateurs les plus importants de Virgile dans l’Europe moderne, le Père La Cerda, est contemporain de Góngora et fréquenta les mêmes milieux que les auteurs qui intervinrent dans la querelle, au sein de laquelle il est souvent cité. Les commentateurs dépendent, en un certain sens, de l’existence même de la polémique, puisqu’ils entendent démontrer l’excellence du poète et dissiper ou justifier son obscurité. D’autre part, il est peu d’écrits produits dans l’Espagne du XVIIe siècle sur des questions littéraires (rhétoriques, poétiques, critiques) qui n’abordent pas, peu ou prou, la question de la valeur de Góngora. En outre cette querelle croise celles où sont pris d’autres écrivains importants comme Lope de Vega et Francisco de Quevedo. Elle se ramifie en d’autres querelles qui concernent les intervenants dans la polémique principale, comme l’antagoniste le plus acharné, Juan de Jáuregui, ou certains disciples ou amis, tels le prédicateur Hortensio Félix Paravicino ou le comte de Villamediana, poète et auteur de satires. En fait, la querelle agit comme une sorte de principe dynamique animant tout le champ littéraire. D’où la nécessité de se limiter, si l’on veut parvenir à un résultat en un délai raisonnable, mais aussi de ne pas trop se limiter, donc de déterminer les bons critères de choix.
III. 3. Axes de l’étude de l’ensemble du corpus polémique et critique
Les mobiles personnels et sociaux de la querelle
Il s’agira de connaître les acteurs de la polémique, les cercles auxquels ils appartiennent, les raisons alléguées ou inavouées de leur intervention. On fera apparaître les circonstances dans lesquelles la querelle éclate ou ressurgit. Les intérêts qui s’y investissent recoupent d’autres intérêts en jeu dans le champ littéraire : la rivalité de Góngora avec d’autres candidats à une position hégémonique dans les lettres espagnoles – contemporains comme Lope de Vega, Quevedo, ou prélevés dans le passé proche, comme Garcilaso de la Vega, Herrera, Camões – ; la définition des genres poétiques, dont on voit qu’ils répondent aux attentes de différents groupes sociaux ; les conflits qui divisent ces groupes. Il est frappant, par exemple, que quelques aristocrates pourvus de hautes charges administratives, militaires ou diplomatiques, se lancent sur les traces de Góngora : par exemple le marquis de San Felices, les comtes de Villamediana et de Rebolledo. D’autres, en revanche, expriment nettement leur désaccord, comme le comte de Salinas ou le prince d’Esquilache. Or ces positions pourraient se rattacher, de manière non mécaniquement déterministe, à des appartenances à des clans de cour et à des affinités de parti. J’emploie ce terme parce qu’il existe nettement à cette époque des programmes différents pour gérer l’héritage de la monarchie hispanique, énorme et fléchissant sous son propre poids.
Enjeux critiques et esthétiques
Sur les marges de la querelle pour ou contre Góngora, se développe une bataille plus sourde parmi ceux qui le défendent : la lutte de chaque commentateur qui défend sa priorité, allant jusqu’à l’accusation de plagiat contre ses pairs et, ce qui est plus intéressant, tentant d’imposer sa lecture contre d’autres. L’édition de ce corpus permettra de développer un répertoire des passages difficiles, et d’observer le conflit des interprétations.
D’autre part, le débat sur la légitimité de l’œuvre et sur sa valeur de modèle enveloppe des questions théoriques sur la poésie : la nature du plaisir qu’elle procure, ses genres et ses modèles, ses rapports avec l’éloquence, avec le destin de la langue, celle-ci étant conçue comme un être vivant, qui croît ou décroît, mûrit ou se corrompt, avec la doctrine et la sagesse. Il est à noter que l’ensemble des arguments et des autorités mobilisés implique la reprise consciente du débat antique autour de l’obscurité en poésie, qui porte de préférence sur certains poètes extravagants tels que Lycophron et Perse, mais qui put même envelopper des classiques comme Pindare ou Virgile. Dans le choix du terme de « nouvelle poésie » que feront ses adversaires pour désigner la manière de Góngora et de ceux qui le prennent pour modèle et pour guide, il faut voir un écho des novi poetae, auxquels s’en était pris Cicéron (Orator 161). Ses défenseurs s’efforceront symétriquement de montrer que l’étrangeté de sa langue n’était pas différente de celle qui avait perturbé jadis les premiers lecteurs de Virgile, car la pratique virgilienne de l’hypallage, de l’ellipse et de l’hyperbate écartait audacieusement son expression de l’usage latin (G. Conte). Jusqu’à un certain point il est légitime de superposer les deux problématiques auxquelles donne lieu l’hellénisation de la culture romaine et l’italianisation de la littérature espagnole, dont la poésie de Góngora me paraît marquer la maturité et une tentative de dépassement.
La passion investie dans la querelle suggère que la poésie est déjà (ou encore) une pratique valorisée et surveillée. Quelle responsabilité à l’égard de la langue et de ceux qui la parlent, à l’égard de la pratique d’une sagesse, mondaine ou non, est donnée aux poètes ? reproche-t-on à Góngora une prétendue impuissance à plaire, à persuader ou à émouvoir ? ou, au contraire, une efficacité mise au service de buts indignes, ou dangereux ?
Querelles et historicité de la littérature
Nous souhaitons situer la polémique sur Góngora dans l’ensemble des querelles qui ont traversé la littérature à l’époque moderne, en suivant un système de cercles concentriques. En Espagne, elle prolonge et renouvelle celle que provoquent les annotations par Herrera de Garcilaso environ trente ans plus tôt ; elle coïncide dans le temps avec des polémiques sur le théâtre, sur la prédication, sur la personne et l’œuvre d’autres écrivains, notamment Lope de Vega, Hortensio Félix Paravicino, Juan de Jáuregui et Francisco de Quevedo ; ces différentes controverses ont de multiples liens, ne serait-ce que l’identité des personnages qui y interviennent. Elle est liée par sa chronologie, par certains de ses thèmes et de ses méthodes, aux batailles italiennes autour du Tasse, de peu antérieures, et de Marino, contemporaines. Sans s’y rattacher de manière directe, elle présente des points de similitude et de recoupement avec des épisodes polémiques qui interviennent dans les mêmes années en France (autour de Ronsard, de Malherbe ou de Guez de Balzac) ou avec d’autres qui traversent le XVIIe siècle, comme la querelle des Anciens et des Modernes.
Toutes ces querelles sont des signes et des opérateurs par excellence du changement historique qui affecte la littérature et auquel elle contribue.
III. 4. Questions liées à la numérisation
Les problèmes liés au numérique que nous pouvons rencontrer dans la réalisation de ce projet ne sont certainement pas d’une haute technicité. Il s’agit de mettre en ligne des éditions philologiques annotées et de trouver des moyens d’interroger ce corpus de manière simple et pratique. Et cependant rien n’est trivial dans ce domaine. Ce qui paraît simple à première vue s’avère plus compliqué qu’il n’y paraît, demande une dextérité dont les littéraires que nous sommes sont le plus souvent dépourvus, ce qui nous freine et nous intimide. Cependant, la myriade de petites difficultés techniques nous ramène parfois à des questions qui concernent la structure et le sens des textes. C’est en cela que le projet paraît fécond non pas seulement en ces résultats escomptés mais dans le processus de sa réalisation. On peut le voir par deux exemples.
• Nous avons mis en place une « feuille de style » en Word qui a été communiquée à tous les éditeurs scientifiques. Son but est de codifier un certain nombre de marques permettant ensuite aux membres du groupe directement impliqués dans le projet (ceux de l’équipe CLEA) et aux ingénieurs d’OBVIL de faire passer des textes difficiles (de plus en langue à plusieurs égards étrangère, car espagnole, érudite et ancienne) d’un format Word à un langage XTLM-TEI, propre à l’édition digitale, langage qui les rend aptes à entrer dans des bases de données et à être soumis à des protocoles de recherche. Cette feuille très simple comporte le style « citation », le style « autorité » et le style « titre ». Les textes polémiques et critiques, qui font appel à l’autorité de nombreux écrivains, souvent grecs et latins, sont par conséquent truffés de citations. Avec les styles « autorité » et « titre » nous souhaitons marquer les noms des auteurs cités et des titres des œuvres citées, pour pouvoir les indexer plus facilement, retrouver leurs occurrences et en déduire un panorama de la culture lettrée dans le monde hispanique au XVIIe siècle. Avec le style « citation » nous voulons marquer l’ensemble des séquences textuelles qui relèvent de la citation pour simplifier la codification en langage XML.-TEI tant des textes édités que de leur paratexte formé d’introduction, notes et notices. Nous nous apercevons progressivement du caractère flou et même équivoque de certaines de ces notions. Ainsi par exemple, un certain nombre de séquences textuelles – les proverbes, les exemples inventés, les paraphrases, les objections mises dans la bouche d’un interlocuteur imaginaire, les citations en langue étrangère traduites par l’auteur du texte, parfois librement, les citations altérées dans des buts expérimentaux ou polémiques – sont identifiées comme citations par certains et non par d’autres. Au fond, il s’agit d’un problème connu des linguistes et la difficulté technique qu’elle pose est facilement surmontable, mais cela nous oblige à une réflexion sur la consistance conceptuelle, et la portée pragmatique des notions que nous manions sans toujours y penser.
• Nous avons imaginé un système permettant des recherches qui à partir d’un vers ou d’un passage de Góngora, permettraient de retrouver la totalité des commentaires, critiques et éloges de ce vers ou passage dans notre corpus. Le fait de marquer dans un texte critique la séquence qui concerne un passage poétique donné n’a manifestement rien d’évident et, là encore, oblige à démêler des phénomènes qui dans le traitement intuitif de ces problèmes, sont allègrement confondus ou amalgamés.
IV. Historique des activités
IV. 1. Documents de cadrage et matériaux du travail collectif
L’activité la plus prenante et la plus essentielle (depuis le début 2013 jusqu’à aujourd’hui, janvier 2015), même si ses résultats restent confidentiels, a consisté à constituer l’équipe internationale et à mettre en place une série d’outils d’usage commun, de normes et de documents de cadrage. Tous ces documents sont logés dans une plateforme Gdrive, accessible par une clé d’accès aux membres du groupe. Ils sont groupés dans les dossiers suivants :
1. Présentation du projet et de l’équipe (quatre documents).
2. Outils pour l’édition (cinq documents) : feuille de style vide, manuel d’utilisation de la feuille de style, critères philologiques d’édition, structure et critères des introductions et des notices, glossaire pour les concepts de la polémique.
3. Base de données (deux documents) : tableau Excel du corpus, nom de code des acteurs de la querelle).
4. Sources digitalisées des textes de la polémique (divisé en trois dossiers, manuscrits, imprimés anciens, éditions papier modernes)
5. Bibliographie et bibliothèque. Ce dossier contient un sous-dossier incluant plusieurs bibliographies ; un second dossier avec des éditions de Góngora digitalisées (anciennes et modernes) ; un troisième avec des livres et articles sur la querelle Góngora et des sujets proches ; un quatrième avec des livres et articles sur des sujets plus larges (Góngora, les intervenants dans la querelle, d’autres querelles analogues dans l’Europe de la Renaissance).
6. Matériaux pédagogiques d’un séminaire d’introduction à la critique textuelle, organisé à Paris au printemps 2014.
IV. 2. Journées d’études
Pour élaborer ces documents de cadrage et pour donner une visibilité au groupe, nous avons tenu deux réunions de travail (environ vingt-cinq invités chacune).
A. Sur les traces d’une révolution littéraire. Pour une édition digitale de la querelle gongorine du XVIIesiècle ( Paris, 14-15 juin 2013).
B. L’effet Góngora. Idées et contextes de la querelle (Sanlúcar de Barrameda, Espagne, 18-20 juin 2014).
IV.4. Séminaire
Le séminaire doctoral de Mercedes Blanco (doctorants, étudiants de master, une dizaine d’autres assistants réguliers) au cours des deux dernières années, fait une large place au projet Góngora.
En 2013-2014, dans un séminaire dont le programme était « Rome vue d’Espagne. Littérature et humanisme dans l’Espagne des XVIe et XVIIe siècles » nous avons invité des membres du groupe de Barcelone (Université Pompeu Fabra) qui s’occupe de l’édition digitale de l’œuvre du poète. Au printemps 2014, un cours d’introduction à la critique textuelle, assuré par Rafael Bonilla (Cordoue) et Paolo Tanganelli (Ferrare) a été organisé dans ce cadre. Il a été suivi par quinze personnes (doctorants, élèves de master, membres du groupe).
Le sujet du séminaire en 2014-2015 La poésie dans l’Espagne des XVIe et XVIIe siècles (pratiques, doctrines, affrontement) permet de traiter une série de questions connexes par rapport au projet. On y entend des membres de CLEA et des doctorants, mais aussi des invités venant cette année de Barcelone, Cambridge, Gand, Naples, Pise.
V. Attractivité (post-doc, contrats doctoraux, sujets de master, vacataires, stagiaires, etc.)
Au titre de ce projet nous avons obtenu deux post-doc :
Jaime Galbarro, docteur de l’université de Séville a obtenu une Bourse «Fernand Braudel IFER incoming» de la Fondation Maison des Sciences de l'Homme et le Laboratoire OBVIL (Sorbonne-Universités) sur le sujet : « Outils numériques pour l'analyse d'une polémique littéraire des Siècles d'Or. Etude et édition de l'échange épistolaire entre Luis Góngora et Lope de Vega ». Il a eu un rôle important dans la coordination et les activités du groupe pendant les neuf mois de sa bourse (mars-décembre 2014)
-Sara Pezzini, docteur de l’université de Pise, a obtenu une bourse « Research in Paris », dans le cadre du programme d’accueil de chercheurs étrangers de la ville de Paris. Cette bourse d’un an, a pris effet au mois d’octobre 2014 et porte sur “Édition critique d’un texte défendant l’obscurité de Góngora : le commentaire de Salazar Mardones à la Fábula de Píramo y Tysbe”.
D’autre part, Hector Ruiz, élève de l’ENS Lyon, agrégé d’Espagnol, a consacré son mémoire de master 2, soutenu en septembre 2014, à l’un des textes de la polémique, l’Apologético d’Espinosa Medrano, dont il achèvera l’édition au printemps 2014.
Mercedes Blanco est lauréate à l’IUF pour la campagne de 2014, ce qui lui donne des conditions très favorables pour la recherche pour une période de cinq ans (septembre 2014-septembre 2019). Son projet de recherche inclut le projet OBVIL.