Les archives sonores de la poésie
Production, conservation, utilisation
Recording in Progress
Producing, Preserving and Using Recorded Poetry
Colloque international organisé par l’université Paris-Diderot (LARCA—UMR 8225) et l’université Paris-Sorbonne (CELLF—UMR 8599 et Labex OBVIL), avec le concours de l’école doctorale III de Paris-Sorbonne, du réseau Usage des Patrimoines Numérisés (UDPN), de l’Institut Universitaire de France (IUF), et l’Institut des Amériques, (IdA), et en partenariat avec l’Institut National d’Audiovisuel (INA) et Double Change. Organisation: Abigail Lang (Paris-Diderot), Michel Murat (Paris-Sorbonne), Céline Pardo (Paris-Sorbonne).
jeudi 24 et vendredi 25 novembre 2016
Maison de la Recherche de Paris-Sorbonne
28 rue Serpente, Paris VI, salle 35
Programme | Schedule
JEUDI 24 NOVEMBRE
Préserver et valoriser les archives
Preserving and developing collections
9h : accueil | welcome
9h15-9h30 : Michel Murat (Paris-Sorbonne) : Le patrimoine sonore de la poésie
9h30-10h : Céline Pardo (Paris-Sorbonne) et Abigail Lang (Paris-Diderot) : Introduction
I. Conférence plénière | Keynote presentation (modératrice : Abigail Lang)
10h-10h45 : Charles Bernstein (Donald T. Regan Professor of English and Comparative Literature, University of Pennsylvania ; co-fondateur de Pennsound)
« Radio Free Poetry: PennSound@13 »
10h45h-11h30 : discussion et pause
II. Nouveaux outils d’analyses des grands corpus | New technologies for the analysis of unprocessed archives (modérateur : Yann Rucar)
11h30-12h : Tanya Clement (University of Texas at Austin)
« High Performance Sound Technologies for Search and Analysis »
12h-12h15 : Jean Carrive (responsable adjoint à la recherche et l’innovation à l’Institut National d’Audiovisuel)
« Traitement automatique de la parole pour l’analyse d’émissions de poésie télévisées »
12h15 : discussion
12h45 : buffet sur place
III. Préserver et valoriser les archives| Preserving and developing collections
(modérateur : Michel Murat)
14h-14h30 : Reinhart Meyer-Kalkus (Universität Potsdam)
« Les traces acoustiques des poètes germanophones 1899-1932 »
14h30-15h : Patrick Beurard-Valdoye (poète ; ENSBA de Lyon)
« Une légère désinvolture française à l'égard de l'oralisation des arts poétiques et de leur archive sonore, au XX°siècle. Dits, médits, mégarde. Contre-exempla »
15h-15h30 : discussion et pause
15h30-16h : Vincent Broqua (Université de Paris 8 Vincennes Saint-Denis)
« Préserver l’archive / générer l’archive : Anne Waldman et la Jack Kerouac School of Disembodied Poetics »
16h-16h30 : Gaëlle Théval (Université Paris III-Sorbonne Nouvelle)
« L’œuvre et la trace : quel statut pour l’archive dans la poésie action de Bernard Heidsieck ? »
16h30-17h : discussion
19h30 : Lecture bilingue organisée par Double Change, avec Charles Bernstein, Patrick Beurard-Valdoye, Jennifer Moxley à l’Atelier Michael Woolworth, 2 rue de la Roquette, cour Février, M° Bastille.
VENDREDI 25 NOVEMBRE
Réceptions et usages des archives sonores et audiovisuelles
Using Recorded Poetry
IV. Comment entendre aujourd’hui ces archives ? | Listening to the past
(modérateur : Reinhart Meyer-Kalkus)
9h30-10h : Jean-François Puff (Université Saint-Etienne)
« Un feu vocal et capital ». Circonstances de diction et d’audition du poème « Liberté »
10h-10h30 : Will Montgomery (Royal Holloway, London)
« Self and Presence in Audio Recordings of the Poetic Avant-garde »
10h30-11h : Daniel Kane (University of Sussex)
« Paul Blackburn's Wollensak or how to reconstruct a poetic community from recordings and oral histories »
11h-11h30: discussion et pause
V. Usages pédagogiques et grand public | Encountering the general public
(modérateur : Vincent Broqua)
11h30 : Olivier Brossard (Université de Marne-la-Vallée, Institut Universitaire de France)
« USA: Poetry (1966). Richard O. Moore's poésie-vérité TV poetry documentaries »
12h : Anne-Christine Royère (Université de Reims Champagne-Ardenne)
« Le recours aux archives sonores et audio-visuelles dans la médiation expositionnelle de la poésie sonore »
12h30 : discussion
12h45 : buffet sur place
VI. Nouvelles approches critiques | New critical approaches
(modérateur : Jean-François Puff)
14h : Michel Murat (Paris-Sorbonne)
« Enseignement, transmission, archive : une re-matérialisation de la poésie »
14h30 : Steve Evans (University of Maine)
« The Poetics of Phonotextuality: Timbre, Text, and Technology in Recorded Poetry »
15h-15h45 : discussion et pause
VII. Chantiers | Projects
15h45-17h30 : Table ronde animée par Céline Pardo avec William Chamay (Centre Georges Pompidou), Pascal Cordereix (Bibliothèque Nationale), Eric Giraud (centre international poésie Marseille), Emmanuelle Leroyer (Printemps des poètes) et Claude Mussou (INA).
« Pour un accès public aux archives sonores de poésie ? Projets en cours, chantiers possibles, obstacles et solutions… »
17h30 : Camille Bloomfield (Université Paris III-Sorbonne Nouvelle; Usages Des Patrimoines Numérisés)
« À nous ! Créer l’archive sonore en direct ? »
20h : dîner | dinner
Appel à communications
Si la poésie n’a jamais cessé d’être dite, la possibilité d’enregistrer et de réentendre les lectures et récitations de poèmes, en particulier celles des auteurs, de fixer et de transmettre l’éphémère de leur voix vive, constitue une mutation médiatique majeure pour le genre poétique : les poètes découvrent d’abord l’étrangeté de leur propre voix, travaillent pour certains à des poèmes conçus pour ces nouveaux supports ; on entend avec stupeur et émotion la voix d’un poète, on découvre le poème autrement que sur la page ; se développent de nouveaux modes d’édition de la poésie (on l’écoute plus qu’on ne la lit, un marché se constitue, etc.). La vogue des lectures publiques et plus récemment la révolution numérique n’ont fait que renforcer ces tendances, tout en faisant aujourd’hui du poème oralisé (et du poème sonore) un objet souvent transmédiatique.
Le corpus dont nous disposons aujourd’hui, depuis plus de cent ans que les enregistrements existent, est donc gigantesque et très hétérogène, que ce soit en termes de supports (mécaniques, magnétiques, optiques, numériques) ou de sources (émissions de radio ou de télévision, enregistrements phonographiques, lectures scéniques, lectures privées, etc.). Or il ne fait encore l’objet, même partiellement, que de rares études, du moins en France. Qui répondra aux appels des poètes et hommes de radio Jean Tardieu ou Claude Royet-Journoud, qui invitaient les chercheurs, l’un à analyser les « lignes de la voix » des écrivains, l’autre à réaliser « des études sur la façon dont lisent les écrivains » ? Par ailleurs, en quoi les enregistrement sonores changent-ils notre conception de ce qu’est un poème ? De même que la critique génétique a rappelé qu’il existait de multiples états d’un texte (brouillons, publication en revue, éditions aux formats variés), les archives sonores offrent une autre réalisation (et parfois plusieurs) d’un « même » poème, et mettent les chercheurs au défi d’inventer l’approche et l’outillage critiques adéquats pour les commenter.
Aux États-Unis, où la renaissance de la lecture publique a eu lieu dès 1955, la création d’archives de poésie en ligne (avec Pennsound et UbuWeb notamment) a changé les habitudes de recherche, d’enseignement et la façon dont la poésie est abordée. Fondé en 2003 au sein de University of Pennsylvania, Pennsound propose ainsi plus de 40000 fichiers audio et 1000 fichiers vidéo à consulter ou à télécharger gratuitement, et comptabilise plus de 6 millions de téléchargements annuels. Créé par (et pour) des poètes, des chercheurs et des enseignants, le site fournit également l’information nécessaire à la contextualisation et à la compréhension de ces archives. Né de l’initiative d’un collectionneur passionné, le site UbuWeb rassemble quant à lui un ensemble impressionnant d’archives sonores, cinématographiques et écrites des avant-gardes du XXe siècle ; sous l’effet de la numérisation, la poésie s’y trouve d’emblée en dialogue avec les autres disciplines artistiques.
En 2010, la Bibliothèque du Congrès et le Council on Library and Information Resources ont publié un rapport contenant les conclusions d’une très vaste enquête consacrée aux archives sonores. Intitulé « Conservation des enregistrements sonores aux États-Unis : un héritage national en danger à l’ère du numérique », ce rapport met en lumière un cercle vicieux qui retarde gravement la préservation des archives : moins les collections sont recensées et accessibles, moins les chercheurs s’y aventurent ; moins les collections sont consultées, moins les conservateurs sont susceptibles d’obtenir des subventions pour les préserver et les mettre à disposition. En 2015, après une enquête destinée à inventorier les fonds d’archives sonores menacés en Grande-Bretagne (UK Sound Directory), la British Library a lancé le programme Save our Sounds pour préserver ces fonds et les mettre à disposition en ligne. Lancé en 2014, le programme Europeana Sounds vise à rendre un million de documents sonores accessibles d’ici 2017 sur Europeana, la bibliothèque numérique européenne.
L’une des ambitions de ce colloque est de précipiter une prise de conscience de la part des institutions françaises quant à la nécessité de préserver et de valoriser ce patrimoine oral de poésie, et d’encourager à un travail d’identification et de recension des collections, de dépouillement et de numérisation. Le colloque voudrait aussi être l’occasion de réfléchir de façon pratique à ce chantier. Car nous sommes convaincus que les archives sonores et audio-visuelles ont beaucoup à apporter à la connaissance et à la transmission de la poésie.
Nous invitons donc les participants à s’interroger sur les modes de production, de conservation ainsi que sur les différentes utilisations des archives sonores et audio-visuelles de poésie, à travers des études de cas pris dans la poésie francophone et anglophone. Ces études de cas pourront porter sur des poètes, mais également sur des collections : archives de la Parole, archives de la Phonothèque nationale, archives de la radio-télévision publique, archives privées, archives émanant d’autres institutions comme les musées, théâtres, associations, etc.
Quelques pistes de réflexion supplémentaires :
- Qu’est-ce qu’une archive de poésie ? Comment passe-t-on de la trace sonore/filmique à l’archive (question de la patrimonialisation) ?
- Quelle place donner aux archives ? Comment juger si elles relèvent de l’œuvre ou du document ? Toutes les archives se valent-elles ? Y a-t-il lieu d’opérer un tri, une hiérarchisation des traces à archiver ?
- Quelle place les poètes eux-mêmes accordent-ils à l'archive sonore ou audiovisuelle ? Quels sont les effets rétroactifs des enregistrements sur les poètes ? Sur leur façon de lire en public ou de composer ?
- Quelle différence y a-t-il entre une archive radiophonique et l’enregistrement d’une lecture publique ?
- Quelle différence y a-t-il entre une archive sonore et une archive audiovisuelle ?
- Quel usage faire des archives sonores dans la recherche ? Que nous apprend l’écoute du poète lisant son poème ? Comment décrire une voix, analyser une diction ? Comment comparer divers enregistrements d’un même poème ? Que peuvent nous apprendre des logiciels de reconnaissance sonore (cf. le projet High Performance Sound Technologies for Access and Scholarship (HiPSTA)) ?
- Quels sont les usages pédagogiques (possibles, effectifs…) des archives sonores et audio-visuelles ?
- Quels sont les usages créatifs des archives sonores et audio-visuelles de poésie ? (art du recyclage, montage radiophonique, reprise (cover), sampling…) Et ceux-ci posent-t-ils des questions de droit ?
- Quelle est la place de l'archive sonore dans l'édition de poésie (disques, livres-disques ; livres augmentés...) ?
- Quelles sont les conséquences de la mise en ligne d’archives sonores de poésie pour le livre et l’édition en général ? L’accès gratuit à des ressources sonores en ligne se fait-il au détriment du livre ou reconduit-il l’internaute au livre ?
Call for papers
While poetry has always been recited, the possibility of recording and listening to poets read and perform, of preserving the transience of their voices, constitutes a major evolution in how we understand the mediums of poetry. Poets encounter the strangeness of their own voice; some venture to create poems for these new recording devices; readers are stunned or moved to discover the voice of a familiar poet. The new medium of recorded poetry becomes the occasion for a renewed encounter with the poem; new modes of publication, new habits, new markets develop: in addition to being read, poetry can be listened to, viewed online. The revival of the poetry reading and the advent of the digital era both contributed to multiplying the mediums in which the poem is encountered.
Sound-recording technologies have existed for over a century and the material accumulated is enormous and extremely heterogeneous, both in terms of carriers (mechanical, magnetic, optical, digital) and sources (phonographic collections, radio and television broadcasts, reading series, private collections…). But too little has been made, at least in France, of these vast resources. Will scholars respond to Jean Tardieu’s and Claude Royet-Journoud’s instigations? These two poets who also worked for the French radio urged researchers, one to analyze “the lines of the voice” and the other to study “how writers read”. More broadly, how do sound recordings modify our conception of what a poem is? Just as genetic criticism reminded us that there are multiple states of a text (drafts, magazine publication, various editions and reprints), sound archives offer another (and sometimes many) versions of the “same” poem, challenging scholars to invent the adequate approach and critical tools to comment upon them.
In the United States, where the revival of the poetry reading dates back to the mid-1950s, the creation of online archives of poetry (chiefly with Pennsound and UbuWeb) is changing how poetry is researched, taught and encountered. Founded in 2003 within the University of Pennsylvania, and now holding over 40.000 audio files and 1000 video files, the Pennsound website has over 6 million downloads each year. Created by and for poets, scholars and teachers, the website also aims to provide the necessary information to contextualize and make sense of these documents. Started by a enthusiastic collector, UbuWeb documents twentieth century avant-garde movements with an impressive gathering of sound, film and text archives, with digitization helping to set poetry in dialogue with other artistic fields.
In 2010, the Library of Congress and the Council on Library and Information Resources published a report entitled The State of Recorded Sound Preservation in the United States: A National Legacy at Risk in the Digital Age which pointed to a vicious circle endangering the preservation of sound archives: “If cataloguing and collection descriptions do not exist, potential users cannot become aware of materials of research value and will not make use of the collections. Low use statistics may argue against obligation of resources to the collections by library and archives administrators, and so on.” In 2015, after a national audit of sound archives around the country to identify threatened collections (UK Sound Directory), the British Library is launching an ambitious 15-year Save our Sounds program to preserve Britain’s sounds and make them available online. Launched in 2014, the Europeana Sounds program is aiming to make one million audio recordings available on Europeana, the European digital library, by 2017.
One of the aims of this conference is to promote an awareness on the part of French institutions of the need to preserve and make available this oral heritage of poetry, to engage in the identification and inventory of collections, their analysis and digitization. The conference hopes to bring together scholars, library and archives administrators (and possibly owners of private collections) to discuss this project in very practical ways: the scholars’ needs, the archives’ financial, legal or human constraints.
We invite speakers to reflect on the production, preservation and uses of audiovisual archives of poetry through case studies of francophone or anglophone poetry. These case-studies may concern poets or collections: archives de la Parole, archives de la Phonothèque nationale, broadcasting archives, private or public collections, Naropa Poetics Audio Archive, the Poetry Project’s Archive, British Library, Poetry Archive, Archive of the Now, etc.
Additional questions to consider might include:
- How does a recording take on archival status? How does it become heritage?
- What status should be given to sound-recordings? Are they works in their own rights or documentation? Is the value of all recordings the same? Should one prioritize which recordings to preserve?
- How important are audio/video recordings to poets? Do these recordings have feedback effects on how a poet reads, performs or composes?
- What is the difference between the recording of a live reading and the recording of a radio program?
- What is the difference between an audio recording and a video recording?
- What uses can poetry scholars make of audio/video archives? What does listening to a poet tell us? How can a voice be described, a delivery analyzed? How does one compare various recordings of the same poem? How can new technologies facilitate accessing and analyzing spoken word recordings (see High Performance Sound Technologies for Search and Analysis (HiPSTAS)):
- What pedagogical uses can teachers make of audio/video recordings of poetry?
- What creative uses can be made of audiovisual recordings of poetry? (editing, sampling, recycling, covers)? Do these uses pose specific rights issues?
- What is the place of sound recordings in poetry publishing (records, books+CDs)?
- What are the consequences of the growing online availability of audio/video archives of poetry for the book and publishing in general? Do internet users with free access to online resources turn away from books or come back to books?