Université d’été | Bi-licence "Lettres – Informatique" | Ateliers
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Storytelling
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Ce programme de recherche se rattache à l’Axe 1 « Observation de la valeur et de la vie littéraires » de l’OBVIL et à l’Axe 3 « Partage et confrontation des usages et des représentations » du programme quinquennal (2013-2018) du CRLC.
Le « storytelling management » a été bien étudié ces dernières années dans les départements universitaires de communication ou de narratologie, mais sans attention particulière aux enjeux politiques et philosophiques d’une telle pratique. Ces enjeux sont pourtant relevés sur un mode très critique par nombre d’artistes, écrivains ou cinéastes, qui revendiquent la valeur de lutte démocratique qu’ils attachent à leur pratique de la fiction littéraire, dans un contexte d’oppression (idéologique, sinon politique).
Par ailleurs, le lien entre la « fiction littéraire » et l’ethos démocratique a été étudié dernièrement (par G. Deleuze, J. Derrida, J. Rancière, J.-L. Nancy…). Mais l’exploration méthodique de cette confrontation formelle et axiologique entre « communication narrative » (à visée commerciale, politique, gestionnaire…) et usages littéraires de la fiction reste à faire.
La réflexion réunira des chercheurs dans les diverses branches des sciences humaines, de 2014 à 2016, autour d’un séminaire de recherches enrichi de rencontres avec des écrivains, de journées d’études et de deux colloques internationaux. Cette recherche interdisciplinaire permettra d’expliciter certains critères de définition et de valorisation de la « fiction littéraire » face aux nouveaux usages stratégiques du récit.
Equipe du projet
- Membres titulaires du CRLC: Danielle PERROT-CORPET (porteur du projet), Judith SARFATI-LANTER
- Membre de l’OBVIL: Alexandre GEFEN (Paris-Sorbonne/CNRS)
- Doctorants et docteurs du CRLC: Simona CARRETTA, Chloé CHAUDET, Marion LABOUREY, Aurore PEYROLES
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Membres extérieurs à Paris-Sorbonne:
France: Rémi ASTRUC (Cergy-Pontoise), Alice BÉJA (Revue Esprit), Emmanuel BOUJU (Rennes 2/Harvard), Neli DOBREVA (FMSH), Marielle MACÉ (CNRS-EHESS), Vincent MESSAGE (Paris 8), Clélie MILLNER (ICP), Christian SALMON, (CNRS/EHESS), Gisèle SAPIRO (CNRS/EHESS), Marie-Jeanne ZENETTI (Lyon 2)
Etranger: Wolfgang ASHOLT (Osnabrück), Audrey CAMUS (Ottawa), Monika FLÜDERNIK (Freiburg), Sonya FLOREY (HEP de Vaud, Lausanne), Erika FÜLÖP (Hambourg), Joseph JURT (Freiburg)
Séminaire
Vidéos des séances du séminaire « Fiction littéraire contre Storytelling : formes, valeurs, pouvoirs de la littérature aujourd'hui ».
En partenariat avec l'ESCoM-AAR/ FMSH, qui diffuse les vidéos des séances sur le site des Archives Audiovisuelles de la Recherche.
à consulter également
- Programme cycle des conférences 2014-2015(pdf 1.38 Mo)
- Programme cycle des conférences 2013-2014(pdf 1.36 Mo)
- Présentation détaillée du projet(pdf 118.91 Ko)
Storytelling
Danielle Perrot-Corpet
Maître de Conférences en littérature comparée
Université de Paris-Sorbonne
Centre de Recherche en Littérature Comparée (CRLC) : EA 4510
Storytelling
Rapport ANR 2015
L’ensemble des manifestations liées au projet Storytelling fait l’objet de captations vidéo réalisées et produites en partenariat avec le programme « Archives Audiovisuelles de la Recherche » mené par l’Equipe Sémiotique Cognitive et Nouveaux Médias (ESCoM-AAR) de la Fondation Maison des Sciences de l’Homme (site internet : www.archivesaudiovisuelles.fr ). Les vidéos sont mises en ligne conjointement sur le site de l’OBVIL et sur le site des Archives Audiovisuelles de la Recherche.
Séminaire-cycle de rencontres : « Fiction littéraire contre storytelling : formes, valeurs, pouvoirs de la littérature aujourd’hui »
En partenariat avec la Maison de la Poésie (157 rue Saint-Martin 75003 Paris).
Lieu : Maison de la Poésie.
Année 2013-2014
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Séance 1, mardi 28 janvier 2014 à 19h
Conférence de Christian SALMON, chercheur et écrivain : « Politique de la littérature » -
Séance 2, jeudi 27 mars 2014 à 19h
Vincent MESSAGE (Université Paris 8) s’entretient avec Eric REINHARDT, écrivain -
Séance 3, jeudi 10 avril 2014 à 19h
Gisèle SAPIRO (CESSP/CNRS/EHESS) s’entretient avec Olivier CADIOT, écrivain -
Séance 4, mardi 03 juin 2014 à 19h
Emmanuel BOUJU (Université Rennes 2/CELLAM : Groupe φ) s’entretient avec Nicole CALIGARIS, Noémi LEFEBVRE et Alban LEFRANC, écrivains. -
Séance 5, jeudi 12 juin 2014 à 19h
Christian SALMON s’entretient avec Hugues JALLON, éditeur et écrivain, et Antoine VOLODINE, écrivain -
Séance 6, jeudi 04 décembre 2014 à 19h 30
Alexandre GEFEN (Université de Paris-Sorbonne/CNRS) s’entretient avec Maylis de KERANGAL et Arno BERTINA. Séance réalisée en partenariat avec l’ANR « Pouvoir des Arts ». -
Séance 7, jeudi 05 février 2015 à 20h 30
Gisèle SAPIRO (CNRS/EHESS) s’entretient avec Alona KIMHI. -
Séance 8, mardi 17 mars 2015 à 19h
Yves CITTON (Université de Grenoble 3) s’entretient avec Jean-Charles MASSERA. -
Séance 9, jeudi 09 avril 2015 à 19h
Alice BÉJA (Revue Esprit) s’entretient avec Dalibor FRIOUX et VINCENT MESSAGE. -
Séance 10, mercredi 13 mai à 19h
Tiphaine SAMOYAULT (Université de Paris 3) s’entretient avec Yannick HAENEL. -
Séance 11 [Sous réserve], lundi 1er juin à 19h
Gisèle SAPIRO (CNRS/EHESS) s’entretient avec Yael NEEMAN.
Journées d’études
16 mai 2014 : « Face au Storytelling : selon quels critères définir la fiction littéraire ? »
Lieu : Maison de la Recherche de l’université Paris-Sorbonne, salle D-035
Coordination : Danielle Perrot-Corpet
Un événement CRLC/Labex OBVIL en partenariat avec l’ANR « Pouvoir des Arts » et avec le soutien de l’Ecole Doctorale III.
PROGRAMME
« Fiction littéraire contre storytelling » ? Position du problème : Présidente de séance : Judith SARFATI-LANTER (U. de Paris-Sorbonne, CRLC/Labex OBVIL)
• 10h : Jacques MIGOZZI (U. de Limoges, EHIC) : « “Fiction littéraire contre storytelling” ? Les pièges d'un vieux duel et d'un faux débat »
Résumé
« Fiction littéraire » contre Storytelling : un nouveau critère de définition et de valorisation de la littérature ? » : en spectacularisant d’emblée un face à face entre deux arts de la parole postulés comme irréductiblement différents, l’intitulé même de la journée d’études fait trop de concessions, de mon point de vue de chercheur scrutant de longue date les fictions de grande consommation et leurs usages complexes au cœur de la culture médiatique moderne et contemporaine, à des attendus canoniques et à des créances symboliques qui piégent la réflexion en la prédéterminant.
D’où le titre même de ma communication, par lequel je cherche à dire la perplexité d’un vaste réseau international de chercheurs en littératures populaires et culture médiatique lorsque nous voyons ressurgir en France, sous de nouveaux oripeaux terminologiques mis à la mode par le succès quasi pamphlétaire de l’essai de Christian Salmon Storytelling. La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, un cadre conceptuel binaire qui, depuis l’avénement de l’ère médiatique dans les années 1830 /1840 en Europe de l’Ouest, a été régulièrement mobilisé pour stigmatiser les fictions appréciées par le grand public et à construire du même mouvement la Littérature en vecteur de distinction (au sens pleinement bourdieusien du terme) sociale et culturelle, conformément à des hiérarchies et des clivages forgés au sein du pôle de production restreinte du champ littéraire.
Je montrerai tout d’abord que l’antagonisme actuellement construit entre « littérature » et « storytelling », dans le jeu des créances manichéennes qui le fondent et des « postures littéraires » – au sens théorisé par Jérôme Meizoz – adoptées par les acteurs du débat, réactive une scénographie fondatrice, celle de la « Querelle du roman-feuilleton » – pour emprunter le titre judicieux de l’anthologie rassemblée par Lise Dumasy –, qui vit dès la fin des années 1830 la « littérature industrielle » dénoncée par les élites comme dangereuse et avilissante, préludant ainsi à un siècle et demi de flétrissures symboliques et d’anathèmes. Je montrerai ensuite à quel point la discussion française actuelle sur le storytelling peine à se dégager, sur les plans de la théorie et de la terminologie, de l’ombre portée de ces raccourcis et amalgames qui ont longtemps prévalu en matière de fabrication de la « valeur littéraire », au point de sembler étrangement ignorante de certaines avancées contemporaines de la recherche sur les « médiacultures », sur la nécessité anthropologique des récits pour notre « espèce fabulatrice « (Nancy Huston) ou sur les usages de la fiction en régime multimédiatique.
• 10h30 : Marc MARTI (U. de Nice-Sophia Antipolis, LIRCES) : « Littérature et Histoire : antidotes au storytelling ? L’exemple de la crise immobilière espagnole »
Résumé
Ce qui ressort principalement de l’ouvrage de Christian Salmon (Salmon 2007), c’est la considération du storytelling comme une « machine à formater les esprits » en fabriquant des histoires. Marc Lits, (Lits, 2012) propose de revenir sur cette conception. Selon lui, le terme anglo-saxon ne serait qu’une nouvelle façon de nommer une pratique déjà perçue comme « autoritaire » depuis la naissance des médias. Dès 1957, les Mythologies de Roland Barthes dénonçaient la dimension aliénante que pouvaient avoir les récits médiatiques. On pourrait remonter plus en avant, à la naissance des sociétés médiatiques, quand les Ministères de la Propagande étaient ouvertement nommés comme tels. Finalement, le propos du storytelling (ou plus archaïquement de la propagande narrative), ce n’est pas d’explorer des mondes possibles, comme le fait la fiction littéraire, ni de rendre compte scrupuleusement du passé comme le fait l’Histoire. Le storytelling mettrait en forme et en ordre le monde. Cependant, l’analyse de ses fonctions sociales a eu tendance à minimiser le questionnement sur sa dimension ontologique. La nature du storytelling, foncièrement narrative, doit être prise en compte pour comprendre son usage et sa subversion possible par la Littérature et par l’Histoire. C’est ce que nous proposerons de faire dans le cadre de notre contribution qui examinera la mise en récit de la crise immobilière en Espagne dans les années 2011 et 2012.
Engagements littéraires : Présidente de séance : Gisèle SAPIRO (U. Paris 1/CNRS/EHESS)
• 11h15 : Aurore PEYROLES (CRLC) : « “Mentir-vrai“ contre “mentir faux” : le combat avant-gardiste du roman engagé des années 1930, ou de la pertinence réciproque de l’anachronisme critique »
Résumé
Représentant la lutte des classes, lui-même plongé dans une urgente lutte politique, le roman engagé des années 1930 a dessiné les contours d’une autre bataille qu’il était le seul à pouvoir mener : la lutte des récits. Ce roman, envisagé ici à travers Le Monde réel d’Aragon et USA de Dos Passos, ne cesse en effet de mettre en scène l’arsenal narratif déployé par le camp antagoniste : scénarios mensongers massivement diffusés, contes féeriques ou horrifiques, soap opera ou thriller, au formidable pouvoir de « scénarisation » des conduites. Le roman engagé affronte ainsi le possible détournement de ses propres pouvoirs, ceux de la narration, érigée dès lors en enjeu essentiel de l’affrontement politique. Dénonçant sans relâche ce qu’il faut bien appeler un storytelling envahissant et pernicieux, le roman engagé entend élaborer une « contre-scénarisation », pour reprendre le terme d’Yves Citton, s’opposant politiquement et littérairement aux fictions forgées par les puissants. Le recours à un corpus précédant l’élaboration des outils critiques permettant aujourd’hui de saisir le storytelling dans toute sa dimension n’est pas seulement l’occasion de constater l’étonnante (?) permanence des ficelles narratives des récits dominants, inébranlablement fondés sur l’antagonisme nous vs eux, ni d’en étudier les éventuels déplacements, en termes de contenu, de forme ou de diffusion. Poussé par l’urgence, le roman engagé des années 1930 a en effet accepté sans détour de plonger dans un combat qui lui appartenait de mener sur son propre terrain. Dans la mesure où il réfléchit sans cesse à ses propres pouvoirs, mais aussi à ses responsabilités, il n’est pas impossible que ce roman daté, si intimement lié à son contexte, ait quelque chose à nous apprendre de la dimension intrinsèquement politique de la littérature.
• 11h45 : Chloé CHAUDET (U. de Paris-Sorbonne, CRLC/Université de la Sarre) : « De la mince frontière entre best-seller humanitariste et roman (vraiment) engagé : l’exemple de Desert flower (1998) de Waris Dirie »
Résumé
La frontière peut être particulièrement mince, voire poreuse, entre une narration à valeur commerciale sûre et une contre-narration s’opposant à une forme d’aliénation. Tel est le cas intéressant de Desert Flower, roman autobiographique co-rédigé par l’ancienne top-model Waris Dirie et la journaliste Cathleen Miller (Virago 1998). Ce best-seller, adapté au cinéma en 2008, contient un certain nombre d’éléments permettant de le rattacher à un « humanitarisme » vendeur : une écriture de l’intime, une idéalisation, à première vue manichéenne, d’un ailleurs somalien, et le parcours exemplaire, « à l’américaine », d’une enfant nomade jusqu’aux sommets de la gloire médiatique. Pourtant, le texte peut aussi être considéré comme engagé en raison de la dénonciation d’un inacceptable (l’excision féminine) et de la revendication d’actions concrètes qui le parcourent. Il s’agit cependant de repenser l’engagement littéraire de manière élargie, dans un sens plus éthique que politique au sens strict. À cette condition, des formes de storytelling à portée véritablement éthique et à visée émancipatrice sont envisageables.
Récits de soi à l’ère du storytelling : Président de séance : Emmanuel BOUJU (U. Rennes 2, CELLAM-Groupe φ)
• 14h30 : Vincent MESSAGE (U. Paris 8, « Littérature, histoires, esthétique ») « Du récit de soi à l'âge du capitalisme narratif »
Résumé
Il faut relativiser les droits de propriété de la littérature sur la fiction narrative : la tradition orale, les industries culturelles l’ont concurrencée dans ce domaine bien avant que les acteurs du monde économique et politique inspirés par les principes du storytelling management ne s’y attellent à leur tour. Savoir raconter et se raconter est une compétence primordiale, en particulier quand on aspire à changer de place au sein de nos sociétés de carrières. En s’appuyant entre autres sur les romans de Tom Wolfe et d’Éric Reinhardt, il s’agit de voir quels types de récits de soi le capitalisme narratif nous incite à produire, pour nous-mêmes ou pour les autres, et de quelles manières la littérature met en scène la fabrication et la circulation de ces récits. À ceux qui n’arrivent plus à se raconter, et que cette perte de la compétence narrative pousse vers la chute, s’opposent des narrateurs compétents, mais dont les usages du récit varient de l’opportunisme à l’opposition radicale, en passant par l’honnêteté pragmatique et le choix d’une forme de piraterie.
• 15h : Neli DOBREVA (U. Paris 1/FMSH) « Le devenir « mutant » de la littérature vs le Storytelling des événements du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis »
Résumé
Cette communication explore une certaine cartographie littéraire marquant l’avant et l’après des événements du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis : à partir du lancement du projet participatif de récits de Paul Auster à la veille des attentats, jusqu’à l’épanouissement d’une littérature d’autofiction relatant l’après des événements. La notion de « devenir mutant » se réfère ici à la courte nouvelle de Oates « The Mutants » et l’émergence du récit littéraire chez des auteurs principalement nord-américains (USA et Canada, mais aussi anglais et français).
Ce type de récit est pour moi l’expression de ce que j’appelle la « subjectivité radicale » : notion qui doit rendre compte d’une expérience subjective de l’auteur (témoin des événements, ou bien réfléchissant sur leur sens global à travers sa propre expérience). Le sens que j’attribue à la notion de « subjectivité radicale » puise son sens dans la « subjectivité idiosyncrasique » de Rainer Rochlitz qui affirme que l’expérience artistique, esthétique et littéraire ne peut pas être totalement communicable à l’extérieur de la subjectivité de l’auteur qui en est l’objet. En ce sens, le récit littéraire se positionne comme discours non-dominant quant aux événements (qui sont très spécifiques puisque mis en récit d’abord par l’image), et constitue une sorte d’« archive » (d’une part au sens de Derrida comme « commandement et ordonnance », mais surtout au sens de Deleuze: l’archive est « audiovisuelle », constituée de l’énoncé et du visuel, lesquels produisent un discours).
En parallèle à ce dispositif littéraire agit le storytelling politique comme discours dominant et comme agent qui réalise ce que Christian Salmon appelle le « vol de l’irrationnel ». La question qui se pose alors est celle de savoir comment, et où, situer la limite entre la « vérité fictionnelle » (fictional truth au sens de Gregory Currie) du récit littéraire, et la « machine à manipuler les consciences » du storytelling, tel qu’il est entendu par Salmon.
Ce travail est illustré par des références à l’émission « All Things Considered » à la Radio Publique Nationale (NPR) de Paul Auster et au recueil collectif I Thought My Father Was God qu’il dirige et publie dans la continuité de cette émission ; « The Mutants » de Joyce Carol Oates ; The Good Life de Jay McInerney ; Compter jusqu’à cent de Mélanie Gélinas ; Saturday de Ian McEwan ; 11 septembre mon amour de Luc Lang etc.
Quant au storytelling, je présenterai le projet « StoryCorps » lequel, bien que préexistant aux attentats du 11 septembre 2001, s’en empare et s’installe sur le site du World Trade Center dans un kiosque où tout le monde était invité à raconter son histoire (expérience) des événements. En contrepartie, il recevait un DVD avec son témoignage, et il contribuait de la sorte à la mémorialisation et à la mise en récit des événements.
• 15h30 : Marie-Jeanne ZENETTI (U. Lyon 2, « Passages XX-XXI ») : « La stratégie du grain de sable : quelques techniques de contre-narration »
Résumé
Selon quels critères un récit peut-il ouvrir la voie d’une contre-narration ? La question se pose de manière encore plus aiguë dans le cadre des récits factuels, catégorie qui regroupe aussi bien les produits du storytelling le plus caricatural que des œuvres littéraires qui en récusent les recettes et les manipulations. La mise en récit de soi et du monde ne risque-t-elle pas à tout moment de basculer dans la logique de cette « machine à raconter des histoires et à formater les esprits » que dénonce Ch. Salmon, en dépit de toutes les bonnes intentions dont elle se pare ? Cette communication s’intéresse plus particulièrement au projet initié par Pierre Rosanvallon sous la forme d’un site internet participatif et d’une collection d’ouvrages tous deux intitulés « Raconter la vie », et qui invitent tout un chacun à produire des témoignages, de façon à écrire « le roman vrai de la société d’aujourd’hui ». L’entreprise, défendue comme l’inauguration d’un « Parlement des invisibles », a été vigoureusement critiquée, entre autres, par Ch. Salmon, qui y voit un « projet de storytelling intégré », une « injonction à se raconter » assimilée à la vague de mise en récit de soi démocratisée par la blogosphère. Sans chercher à entrer dans la polémique, dont la vivacité semble avant tout le signe d’une actualité de ces questions, on propose ici d’examiner concrètement certains des discours présentés sur le site en les mettant en regard du texte publié par Annie Ernaux dans la collection, Regarde les lumières mon amour. Ceci afin d’interroger les limites entre témoignage, littérature et storytelling, mais aussi de déterminer selon quelles modalité une « contre-narration » peut s’articuler à un tel dispositif discursif, le questionner et le complexifier.
Fictions contre fictions à l’ère du storytelling : où est la littérature ? Modératrice : Danielle PERROT-CORPET (U. de Paris-Sorbonne, CRLC/Labex OBVIL)
• 16h15 : DÉBAT entre Françoise LAVOCAT (U. Paris 3-Sorbonne-Nouvelle/Institut Universitaire de France) et Yves CITTON (U. Stendhal-Grenoble 3/UMR LIRE) à partir notamment de leurs textes :
Françoise Lavocat, « Du récit au “storytelling” : enjeux pour la fiction », Lendemains, n° 149, 2013, p. 14-28.
Yves Citton, « Contre-fictions en médiocratie », Fixxions, n° 6, 2013.
• 17h15 : Discussion générale
Valorisation et publication :
- La captation vidéo de la journée sera mise en ligne prochainement sur les sites de l’OBVIL et des Archives Audiovisuelles de la Recherche.
- Les textes des communications feront l’objet d’une publication conjointe avec ceux de la demi-journée du 14 novembre (voir ci-dessous svp) dans un numéro spécial de la revue du CRLC Comparatismes en Sorbonne (revue numérique à comité de lecture international), courant 2015.
14 novembre 2014 : « Entre littérature et storytelling : jeux et enjeux de l’expérience de lecture »
Lieu : Sorbonne, salle des Actes
Coordination : Danielle Perrot-Corpet
Un événement CRLC/Labex OBVIL, avec le soutien de l’Ecole Doctorale III.
• 14 :00 : Ouverture par Danielle PERROT-CORPET (Université de Paris-Sorbonne, CRLC)
• 14 :15 : Marielle MACÉ (Paris, CRAL, CNRS-EHESS) : « Agences de storytelling, bureaux de style : sur la confiscation des formes »
Résumé
Je souhaite accompagner la juste colère avec laquelle Christian Salmon a mis en lumière les forces de coercition des dispositifs de storytelling, en m’interrogeant sur des espaces proches de ceux qu’il a observés. Il existe aujourd’hui des « bureaux de style », auxquels les marques font appel à la fois pour consolider leur « signature » et pour savoir ce que seront les tendances à venir (vêtements, couleurs, « lifestyles », sont en effet prescrits à échéance « de 18 à 24 mois »), dans un dispositif qui facilite à la fois un désir de singularisation et un mouvement de normativité. Je crois que ces bureaux sont à la question du style ce que les agences de storytelling sont à celle du récit : un risque de confiscation des formes, de confiscation de la question du « comment », de confiscation de la quête de modes d’être qui anime nos vies. Je ne dis pas formatage, ou unification, ou médiocrité, car il y a souvent ici beaucoup de sophistication et de valeur esthétique ; mais, plus en amont : confiscation de la tâche même de penser les formes que peuvent prendre les vies, et des valeurs qu’elles y engagent.
• 15 :15 : Sonya FLOREY (Lausanne, HEP Vaud): « Lorsque la littérature raconte l’économie néolibérale : le cas de Jean-Charles Massera »
Résumé
United problems of coût de la main-d’œuvre (2002) et A cauchemar is born (2007) sont deux textes littéraires emblématiques de l’œuvre de Jean-Charles Massera : « travaillés » par une composante économique, ils mettent tous deux en scène un monde où le néolibéralisme conditionne les situations professionnelles, les individus, l’existence. Autrement dit, ils sont traversés par ce que le philosophe Dany-Robert Dufour nomme le « récit de la faillite des métarécits », par un récit néolibéral qui occuperait la place laissée vacante par les métarécits définis par Jean-François Lyotard.
En 2013, à l’issue d’un colloque consacré au discours de l’économie (Colloque interdisciplinaire, « Discours du management, du travail, de l’économie : représentation/fiction », Université de Strasbourg, 5-6-7 juin 2013), Massera annonce qu’il n’est plus sûr d’écrire encore des livres. Pourtant, il n’envisage pas de cesser tout projet littéraire. Qu’est-ce à dire ? Pour comprendre cette affirmation au-delà du coup médiatique d’un « auteur bientôt sans livre » ou de l’expression d’une forme de lassitude, il faut la replacer dans la perspective d’une production artistique au sens large, constituée chez Massera de pièces radiophoniques, de vidéos, d’images-textes ou d’affichages dans l’espace public. Le récit néolibéral présente ici un mimétisme plus achevé encore, conjuguant des éléments de contenu, de forme et d’espace. Nous analyserons ce jeu d’homologie entre le texte littéraire et un certain discours social à l’aide de la notion de storytelling, l’art de raconter des histoires et de formater les esprits, selon Christian Salmon.
• 16 :30 : Raphaël BARONI (Université de Lausanne) : « Qui a peur du grand méchant loup ? Storytelling littéraire et journalistique, les enjeux éthiques d’une différence »
Résumé
Je partirai du constat que les usages récents de l’art de raconter des histoires dans la sphère sociale engendrent une peur résumée par la formule de Christian Salmon : le storytelling serait « une machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits ». En me basant sur des approches narratologiques récentes, nous verrons que la plupart des arguments qui sous-tendent ces critiques peuvent être réfutés, alors que peuvent être formulés d’autres critères éthiques plus pertinents, notamment au niveau de la circulation des discours dans les sociétés démocratiques contemporaines. Pour illustrer mon propos, je m’appuierai sur l’analyse de différents genres de textes, en me penchant notamment sur les problèmes éthiques inhérents au journalisme narratif.
• 17 :30 : Guiomar HAUTCŒUR (Université Paris-Diderot) : « Le storytelling et les dangers de l'"immersion" »
Résumé
Nous commencerons par envisager l'hostilité suscitée par le storytelling en interrogeant l'expérience "immersive" qu'il a pour but de susciter. Nous essaierons ensuite de voir comment un certain type de littérature ancrée dans le storytelling (fictions fondées sur des faits divers médiatisés) joue de et se joue de l'expérience immersive pour en questionner les enjeux.
Valorisation et publication :
- La captation vidéo de l’après-midi sera mise en ligne prochainement sur les sites de l’OBVIL et des Archives Audiovisuelles de la Recherche.
- Les textes des conférences feront l’objet d’une publication conjointe avec ceux de la journée du 16 mai 2014 (voir ci-dessus svp) dans un numéro spécial de la revue du CRLC Comparatismes en Sorbonne (revue numérique à comité de lecture international), courant 2015.