À l’heure où « l’art de raconter des histoires » devient aussi, et à grande échelle, le moyen par excellence de vendre ou de gouverner, la question de la spécificité de la fiction littéraire doit être posée à nouveaux frais : dans le « bain narratif » qui semble devenu la condition la plus générale de notre expérience quotidienne du monde, peut-on distinguer un récit/une fiction qui soit spécifiquement littéraire ? Si oui, la littérarité d’un récit/d’une fiction tient-elle à des traits formels ou seulement à l’usage (« littéraire » ou stratégique) qui en est fait ?
Qu’est-ce que le storytelling, dans son sens restreint de « stratégie de communication narrative », emprunte exactement à cet « art de conter » (« storytelling » dans l’acception traditionnelle du terme anglais) dont relève peu ou prou (fût-ce pour s’en défendre) la fiction littéraire ? Que reste-t-il en propre, à la fiction littéraire, d’irréductiblement autre et irrécupérable par cette « machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits » qui donne son sous-titre au best- seller de Christian Salmon Storytelling (La Découverte, 2007) ?
La charge passionnelle qui entoure le débat lancé en France par le livre de Salmon ne doit pas être éludée ici par l’effort de la réflexion théorique, mais au contraire prise en compte comme l’indice d’une portée éthique et politique de la « littérature », notion qui, dans sa nature même de construction historique et d’instrument axiologique, se trouve mise en demeure de définition, par la force des frictions en tout genre qui l’accolent et l’opposent aux entreprises du storytelling.
Cette première journée d’études du projet « Fiction littéraire contre storytelling : un nouveau critère de définition et de valorisation de la littérature ? » (coordonné par Danielle Perrot-Corpet dans le cadre du CRLC et du Labex « OBVIL ») accompagne le séminaire-cycle de rencontres « Fiction littéraire contre storytelling : formes, valeurs, pouvoirs de la littérature aujourd’hui » (Maison de la Poésie, janvier-juin 2014) et sera suivie d’autres manifestations jusqu’en 2016.
Maison de la Recherche de Paris-Sorbonne
28, rue Serpente – 75006 Paris
Salle de conférences D 035
Coordination : Danielle Perrot-Corpet, Université Paris-Sorbonne, CRLC/Labex « OBVIL »